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La chapelle St-Antoine de l'Ochsenboden

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Academic year: 2022

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LA CHAPELLE ST-ANTOINE DE L'OCHSENBODEN

par Ella Studer, Chippis

Le petit plateau accroché à 1068 m. d'altitude aux flancs nord du Gorbetschgrat, l'Ocnsenboden, a un nom significatif : Sol ou Plateau des 'bœufs ! Non loin du rocher où croulent les derniers vestiges du château de Beauregard à l'entrée du Val d'Anniviers, il domine les premières collines du Bois de Finges et le village industriel de Chippis.

Aujourd'hui, ce plateau est presque entièrement boisé de sapins et de jeunes mélèzes, de bouleaux et de quelques pins. Les bourgeois de Sierre et de Salquenen y montaient autrefois leur gros bétail par l'an- cien chemin passant à Niouc, tandis que les chèvres et 'les moutons pouvaient y accéder par un étroit sentier partant du chemin du Val d'Anniviers dans le Bois de Finges et gravissant en lacets la pente abrupte et rocheuse.

'Sur cette piste, à 20 minutes environ du plateau, se trouvait au 18e siècle déjà, un naïf oratoire fixé contre un arbre, avec une Piétà et un St-Antoine l'Ermite (protecteur des animaux) que les usagers du sentier et les bergers du plateau invoquaient pieusement. Au milieu du siècle dernier, vers 1880, le Conseil Bourgeoisial die Sierre fit élever à cet endroit un oratoire en bois plus important, avec une statuette de St-Antoine et une jolie Piétà en bois peint (toutes deux recueillies par M. Eue Zwissig, ancien président de tSienre). Le lieu était devenu un pèlerinage fréquenté particulièrement par la population de la partie allemande de la région (Salquenm-Tourtemagne). M.

EMe Zwissig se souvient fort bien que sa grand'inère de Tourtesmagne y montait chaque 17 janvier (fête de St-Antoine l'Ermite), et cela malgré son âge, l'éloignement et les difficultés du chemin à cette saison.

La partie française de la contrée se rendait plus volontiers en pèlerinage à Notre Dame des Neiges à Grétel/Randogne ou à Longeborgne près de Bramois. M. Antoine WaMier de Olarey se voua le siècle dernier,

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à l ' e n t r e t i e n de cet o r a t o i r e e n bois, faisant les quêtes, l ' i l l u m i n a n t le 17 j a n v i e r , à l a Toussaint et à Nouvel-An.

Le 6 j u i l l e t 1921, les ouvriers d'une e n t r e p r i s e de Granges, occu- pés à des t r a v a u x s u r l a r o u t e d u Val d'Anniviers, p r o v o q u è r e n t pair i n a d v e r t a n c e u n i m p o r t a n t i n c e n d i e q u i é p a r g n a l ' o r a t o i r e en bois, m a i s q u i d é t e r m i n a la Bourgeoisie de faire édifier u n o r a t o i r e e n p i e r r e , d o n t l a ioonstruction fut confiée à M . Michel A n t i l l e à Sierre, et q u i fut b é n i l e 13 s e p t e m b r e 1925 p a r M. le C u r é Laïc P o n t (actuelle- m e n t c h a n o i n e de l a c a t h é d r a l e de S i o n ) . A l a m ê m e é p o q u e fut fait, le long d u sentier, le C h e m i n de Croix. Les pèlerins é t a i e n t n o m b r e u x , d é p o s a n t l e u r offrande : cierges, r a m e a u x , fleurs, mais parfois aussi m o r c e a u x d e fromage ou de viande séchée, a u b a i n e sans d o u t e fort a p p r é c i é e p a r les a n i m a u x d e la forêt ! M. M i c h e l A n t i l l e s'étant r e n d u u n j o u r à l'oratoire y t r o u v a u n s u p e r b e m o r c e a u de v i a n d e séchée q u ' i l s'empressa de descendre au curé de Sierre.

11 y a 25 ans M. A d r i e n Galoz, m e n u i s i e r à Sierre, préconisa avec e n t h o u s i a s m e la construction d'une chapelle s u r les l i e u x d u p è l e r i n a g e ; il fit a p p e l dans son e n t o u r a g e à t o u t e s les bonnes volontés : a p p o r t d ' u n p e t i t c a p i t a l , de m a t é r i a u x , de t r a v a u x b é n é v o l e m e n t accomplis p o u r la Vierge e t l e Saint. Son a p p e l fut e n t e n d u . A u p r i n t e m p s 1938 la c h a p e l l e actuelle était achevée e t les 14 stations d u 'Chemin d e Croix rafraîchies et telles q u e nous les voyons a u j o u r d ' h u i : e n p i e r r e s n a t u - relles, s u r m o n t é e s d ' u n e p e t i t e croix e n fer forgé. Dans l a P a t r i e valaisanne du 31 niai 1938, u n p a r t i c i p a n t décrit l a cérémonie d'inau- g u r a t i o n , q u i a v a i t e u l i e u l e d i m a n c h e p r é c é d e n t p a r « u n t e m p s doux e t couvert » précise l e n a r r a t e u r . T o u t comme p o u r l ' o r a t o i r e e n 1925, c'est M. le C u r é Luc P o n t q u i p r o c é d a ce jour-là à la b é n é d i c t i o n de la n o u v e l l e chapelle.

L'événement p e u t s e m b l e r b a n a l à l'indifférent ou au distrait, mais il n e l'est p o i n t p o u r celui qui considère c o m b i e n de d é v o u e m e n t a été nécessaire p o u r ériger ce m o d e s t e s a n c t u a i r e e n p l e i n e m o n t a g n e , sur cette p e n t e r a i de exposée a u x vents et à l a chaleur, l o i n d e t o u t che- m i n carrossable, dans u n e région sans eau. C h a q u e outil, c h a q u e siac de ciment, c h a q u e litre d'eau, a d û ê t r e m o n t é d u c h e m i n d u Val d'Anniviers à dos d ' h o m m e ou de m u l e t , p é n i b l e m e n t , d u r a n t près d ' u n e h e u r e de m a r c h e , ou descendu (l'eau n o t a m m e n t ) de l'Ochsen- b o d e n .

•Il nest p a s possible de citer tous ceux q u i p a r l e u r d o n o u l e u r t r a v a i l (souvent l ' u n e t l ' a u t r e !) o n t c o n t r i b u é à l a construction de la c h a p e l l e St-Antoine :

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AI. Adrien Galoz a non seulement été l'un des 'animateurs les plus actifs de cette réalisation, mais il y participa par différents travaux de menuiserie, dont la croix en bois placée au-dessus de la porte de la chapelle.

M. Michel Antille et son fils René y ont collaboré en fournissant du ciment et 10 jours de travail bénévol.

M. Joseph Delpretti, gypsier-peinifcre, s'est occupé de la peinture.

MM. d é n i e n t Révilloud et Louis Walther, ouvriers d'usine, Robert Masserey et Adolphe Zabloz, maçons, Gaspard de Courten, Jean Schmidt et Célestin Pont, agriculteurs, la famille Edouard Bonvin et bien d'autres encore, tous de la région, se sont consacrés d'une façon ou d'une autre à l'achèvement de la pieuse entreprise.

Les bancs du sanctuaire, datés pour la plupart de 1937, et portant les initiales des donateurs, nous parlent aussi de ce dévouement.

M. Louis Tonossi, négociant, et Mme Antoinette Tabin ont été parrain et marraine de la cloche, sur laquelle est peint le nom du Saint.

Le Dr Erasme Zufferey, vicaire à Vissoie, relate au début de ce siècle dans des manuscrits traitant de l'histoire du Val d'Anniviers, qu'elle avait été, à l'origine, une cloche de gare que le préfet Roua de GrAmentz avait acquise pour la petite chapelle privée (bâtie en 1887) de son mayen de Sempellet près de Fang ; cela n'est pas impossible, des cloches ayant effectivement été utilisées avant 1880 sur la ligne Bou- veret-Sierre pour annoncer le départ des trains. A l'époque de la con- struction du sanctuaire sous l'Ochsenboden, cette cloche, descendue de Sempellet, se trouvait à titre provisoire à Ste-Thérèse de Noës, d'où elle fut enlevée, puis transportée à St-Antoine par MM. Michel Antille et Célestin Pont. Sa voix claire porte au loin dans la vallée.

M. Adrien Galoz s'occupa de « sa » chapelle aussi longtemps que cela lui fuit possible, puis il laissa ce soin à de plus jeunes. Actuelle- ment c'est M. Roger Produit, caporal de la Police Municipale de Sierre, qui, en souvenir de son grand-père Adrien Galoz, s'acquitte avec beau- coup de zèle et de cœur de ce pieux devoir. Il ne manque pas une occasion de restaurer ou d'embellir la chapelle : au-dessus de l'autel en bois un St-Antoine surmonté d'une croix (décoration murale en catélles du céramiste valaisan Alfred Wicky), deux candélabres en fer forgé fixés au mur recouvert d'un badigeon vert pâle, des statuettes du Christ et de la Vierge, une croix en bois avec le Crucifié, quelques fleurs 'artificielles, enlèvent à la chapelle, malgré son éloignement de toute habitation, cette atmosphère de délaissement, d'abandon, que dégagent si souvent, hélas, ces sanctuaires isolés.

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Depuis la mise en service en 1955 du chemin du château d'eau en-dessus de Niouc, chemin permettant un accès facile et .commode à rOchsenhoden, la Bourgeoisie de Sierre n'a plus intérêt à entretenir le sentier malaisé menant du Bois de Finges au plateau. C'est donc M.

Produit, avec l'aide de quelques amis, qui, chaque printemps, s'occupe de cette réfection, déblayant, élargissant, consolidant. Les pèlerins et les promeneurs non motorisés (qui malheureusement se font de plus en plus rares !) pourront donc continuer à gravir sans difficulté ce ravis- sant Chemin de Croix où les 14 stations s'étagent, espacées dans le bas, plus proches vers la chapelle, et le long duquel le botaniste avisé iremar- quera parmi les bouleaux, les sorbiers, les viornes, les frênes, les chênes, des tilleuls en buissons et d'autres essences.

Aujourd'hui l'usage de certains pèlerinages se perd peu à peu, du fait d'un indéniable scepticisme en face de différentes croyances que l'on juge surpassées, mais aussi en raison de la répugnance crois- sante de la jeunesse pour l'effort de la marche. Le pèlerinage de St- Antoine n'échappe pas à cette tendance. Toutefois, nombreux encore sont ceux qui vont implorer le Saint, et la messe qui y est dite une ou deux fois l'an y attire en général une centaine de personnes venant de Sierre, Miège et Salquenen.

La chapeMe St-Antoine, comme tout lieu sacré, a ses mystères . . . L'on raconte que vers la fin du siècle dernier quelques membres des Bourgeoisies de Sierre et de Salquenen se rendirent un jour à rOchsenboden pour un contrôle de limites entre les deux communes.

L'un d'eux se moqua de ses compagnons qui s'arrêtaient devant l'ora- toire et se recueillaient. Au retour il trébucha sur une racine, tomba, et se fractura une jambe sur le lieu même de son blasphème ! Cet événe- ment fit naturellement grande impression à l'époque !

M. Clément Révilloud, ancien ouvrier d'usine, fut parmi ceux qui transportèrent sur place les matériaux nécessaires à la construction de la chapelle actuelle. Il y a 63 ans aujourd'hui ; sa mémoire est encore excellente et c'est avec plaisir qu'il évoque le passé déjà lointain où, enfant, il gravissait avec son père le petit sentier passant devant l'oratoire en bois où, à cette époque-là, une messe était dite par un curé des environs au moment de la coupe des bois en général. H conte un souvenir personnel qu'il n'a pu chasser de son esprit, malgré tant d'années écoulées depuis :

C'était un 17 janvier aux environs de 1920 ; sortie de l'usine de Chippis au début de l'après-midi, M. Clément Révilloud, son cousin Antoine Révilloud et un certain Jean Schmidt décidèrent, vu la fête

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d u 'Saint, e t le t e m p s a g r é a b l e , d e m o n t e r p r i e r à l ' o r a t o i r e . La p l a i n e était sans neige, ainsi q u e le bas d u sentier. A um m o m e n t d o n n é M.

Clément Révilloud r e m a r q u a au-dessus d ' e u x , s u r les lacets d u p e t i t c h e m i n , u n h o m m e v ê t u d e d r a p o u « T r i l c h » TOUX (« T r i l c h », tissu grossièrement tissé, i n u s a b l e , b r u n - r o u x à Savièse e t Evolène, n o i r d a n s le Val d'Anniviens) m a r c h a n t l e n t e m e n t e t l o u r d e m e n t c o m m e l e ferait u n h o m m e âgé. M . Révilloud se d e m a n d a i t avec curiosité q u i p o u v a i t ê t r e ce p è l e r i n solitaire, e t le m o n t r a à J e a n S c h m i d t q u i l ' a p e r ç u t aussi, tandis q u e le cousin R é v i l l o u d p r é t e n d a i t n e pas voir l'homime e n question. Ge d e r n i e r d i s p a r u t d'ailleurs u n i n s t a n t p l u s t a r d . Arrivés à l ' e n d r o i t où il avaient n e t t e m e n t vu l ' h o m m e s u r 'le sentier, enneigé à cette a l t i t u d e , MM. C l é m e n t Révilloud et J e a n S c h m i d t constatèrent avec istupéf action q u ' a u c u n e trace de p a s n ' é t a i t visible d a n s l a neige, n i sur l e sentier, n i e n d e h o r s de celui-ci, et j u s q u ' à l ' o r a t o i r e r i e n n e l e u r révéla l e passage r e c e n t d ' u n ê t r e h u m a i n , m a l g r é l e u r s r e c h e r c h e s . Lui et J e a n S c h m i d t ne t r o u v è r e n t jamais u n e e x p l i c a t i o n à ce fait mys- t é r i e u x et M. Clément R é v i l l o u d a conclu son récit en d i s a n t pensive- m e n t : « J e ne crois p a s a u x revenants . . . mais à cette histoire j ' y pense e n c o r e ! ».

Les t r a d i t i o n s se p e r d e n t m a l h e u r e u s e m e n t de p l u s e n plus, m ê m e au fond d e s vallées. I l est d ' a u t a n t p l u s réjouissant de voir les descen- danls d ' A d r i e n Caloz, avec d ' a u t r e s croyants de la région, {maintenir avec fidélité l ' é m o u v a n t e c o u t u m e d ' i l l u m i n e r c e r t a i n s soirs l a c h a p e l l e St-Antoine e t les 14 stations au m o y e n d ' i n n o m b r a b l e s cierges et bougies d o n t l a p o p u l a t i o n de l a contrée l e u r fait d o n à cet usage.

Le 24 d é c e m b r e , veillée de Noël, ou si le t e m p s est n e t t e m e n t défavorable (grands vents, p l u i e ou b o u r r a s q u e d e neige) l e j o u r d e Noël o u l e j o u r des Rois, a i n s i q u e le 17 j a n v i e r , fête d u Saint, t o u t e la N o b l e Contrée, de Sierre-Glarey à M o n t a n a , voit l e flanc s o m b r e d u Corbetschgrat, a r i d e , t r i s t e , s ' i l l u m i n e r e t r e s p l e n d i r dans la n u i t , témoi- g n a n t q u e la foi e t l'esprit de d é v o u e m e n t sont t o u j o u r s vivants. C a r ce n'est n u l l e m e n t dans u n b u t de p r o p a g a n d e t o u r i s t i q u e q u e M. R o g e r P r o d u i t e t ses c o m p a g n o n s a f f r o n t e n t les 15 l a c e t s d u r u d e s e n t i e r q u i , à cette saison, est parfois h a u t e m e n t couvert d e neige ou b i e n dange- r e u s e m e n t verglacé, m a i s u n i q u e m e n t p a r p i é t é e t p a r respect d ' u n e vieille t r a d i t i o n . A c t u e l l e m e n t c'est donc M. R o g e r P r o d u i t avec, e n général, MM. M a x T h é i e r et O t h m a r Pfyffer, bourgeois de Sierre, q u i remplissent cette t â c h e m é r i t o i r e , t a n d i s que l e 17 j a n v i e r c'est M.

O t h m a r Pfyffer q u i s'en charge.

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L e 24 d é c e m b r e 1958, vers 14 h . y2 environ, M M . Ragea- P r o d u i t , M a x T h é i e r e t le j e u n e Victor G u n t e r n (M. Q t h m a r Pfyffer n ' é t a n t p a s d i s p o n i b l e ce jour-là) franchissent le p o n t d u R h ô n e à l a sortie de Gla- rey, e n t r e n t dans le Bois de Finges sur la r o u t e c a n t o n a l e , q u i t t e n t celle-oi après 700 m. p o u r « c o u p e r » à travers u n p r é sec et p i e r r e u x e t a t t e i n d r e la r o u t e d u Val d'Aimiviers . . . le sentier d e la c h a p e l l e est là, à gauche, i l n ' y a p l u s q u ' à le suivre !

E n v ê t e m e n t de t r a v a i l , solidement chaussés, chargés de 250 bougies, de longs cierges d o n t quelques-uns p r o v i e n n e n t d ' u n p è l e r i n a g e à L o u r d e s , et de torches résineuses q u i é c l a i r e r o n t l e u r descente d a n s la n u i t , ils s'engagent dans le sentier d ' u n e longue foulée c a l m e e t régu- lière, t r a h i s s a n t l e u r h a b i t u d e des pistes m o n t a g n a r d e s . Les conditions sont favorables : l e sentier semble ê t r e l i b r e d e neige j u s q u ' à la c h a p e l l e , p a s de verglas," p e u ou p r e s q u e pas de vent ; l e ciel est couvert, d ' u n gris de p l o m b , mais M a x T h é i e r assure q u e la neige qu'il « sent » d a n s l'air n e sera q u e p o u r le l e n d e m a i n !

E n cette j o u r n é e d ' h i v e r sans soleil e t sans neige r i e n ne vient adoucir l ' â p r e t é d'une région p a r e i l l e à celle q u e p a r c o u r e n t les trois h o m m e s . Toutefois le vert s o m b r e d u r a i s i n d'ours t a p i s s a n t la p e n t e sur de vastes é t e n d u e s , les fruits b r u n s t o m b é s d ' u n pins, l a s i l h o u e t t e gracieuse d'un b o u l e a u , l a p y r a m i d e d ' u n genévrier, u n e grosse p i e r r e q u i , telle u n siège, invite à u n e courte h a l t e , e t le r e g a r d q u i plonge de si h a u t sur l ' i m p r e s s i o n n a n t chaos de l a vallée e n t r e La Souste et Sierre, ainsi que s u r le r u b a n gris d u R h ô n e assagi e n aval de C h i p p i s , d o n n e n t , m a l g r é la m a u v a i s e saison, u n c h a r m e p r e n a n t à ce pays, e t le font a i m e r . D'ailleurs, n'est-ce-pas leur pays !

Les p r e m i è r e s stations sont dépassées depuis l o n g t e m p s . A u p r è s de c h a c u n e d'elle, sur l a p i e r r e devant l e grillage, M . P r o d u i t fixe 4 bougies, avec l ' h a b i l e t é et le savoir-faire q u e d o n n e l ' h a b i t u d e . O n n e les a l l u m e r a q u ' e n r e d e s c e n d a n t . M. T h é i e r a p r i s de l'avance ; i l a d é j à a t t e i n t le b u t p u i s q u e l'on e n t e n d l a cloche l a n c e r son a p p e l d a n s la p l a i n e . Les lacets d u sentier se resserrent, les stations sont d e p l u s en p l u s r a p p r o c h é e s T u n e de l ' a u t r e e t . . . voici l a c h a p e l l e ! E l l e est l à , en p i e r r e s grises de l a région, adossée à la m o n t a g n e , avec sa cloche d'où p e n d u n cable e n acier, son t o i t e n tôle cuivrée q u i l a préserve u n p e u des i n t e m p é r i e s ; des p i n s et u n e g r a n d e croix fixée s u r l e r o c la domi- n e n t ; e n r e t r a i t l'ancien o r a t o i r e e n m a ç o n n e r i e se serre c o n t r e elle comme s'il désirait se cacher ; au-dessus de l a p o r t e e t d u grillage la croix en bois d ' A d r i e n Galoz avec le millésime 1938.

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II est 16 h. Il ne fait pas froid pour la saison, mais un bon feu serait tout de même le bienvenu ! Le bois mort n'est pas rare dans les alentours et bientôt, sur la plate-forme devant la chapelle, la flamme pétille et redonne de la vie aux doigts quelque peu engourdis. Un éori- teau « Attention, évitez de faire du feu » incite à la prudence. Mais avec M. Produit l'on peut être tranquille, il connaît tout le danger que repré- sente une étincelle dans une contrée aussi sèche ; il ne cessera de veil- ler pendant la flambée et ne quittera les lieux qu'après avoir contrôlé les cendres.

Maintenant il est temps de se mettre à l'ouvrage : placer environ 200 bougies et cierges dans, devant, et à proximité de la chapelle ! Les grandis cierges ont leur place toute indiquée à l'intérieur du sanctuaire, derrière le grillage. A côté de la chapelle le roc se creuse et offre un emplacement idéal, à l'abri de tout vent, pour un grand nombre de bougies. (Les autres sont mises dans les porte-bougies en fer forgé de l'ancien oratoire et tout autour de la chapelle, fixées dans la neige ou dans la terre, contre le roc.

L'ombre envahit la plaine. 17 h. Y^. L'instant est venu de donner vie à toutes ces bougies prêtes à illuminer la nuit. Chacun s'occupe de son

« secteur » ! Un faible vent s'est levé, désignant sans tarder toutes les bougies mal placées, trop exposées à son souffle. Il faut les déplacer, voir comment elles se comportent ailleurs, les déplacer une fois encore...

en mettre davantage à l'intérieur de la chapelle. Enfin toutes les flammes brillent, droites et calmes ! Un souffle de vent plus fort remet tout en question : les flammes vacillent, luttent avec désespoir, ne forment plus qu'un minuscule point lumineux . . . vont-elles mourir et faudra-t-il renoncer à l'illumination ? Non, le vent se calme, les flammes se redressent et b r i l l e n t . . . victorieuses ! Elles sont fortes main- tenant et, à moins d'un vent violent, ne s'éteindront plus.

La nuit est là. Dans la plaine les lampes sont allumées et chacun se prépare pour la fête de Noël. Les mamans de Glarey montrent à leurs petits la chapelle illuminée et leur disent que l'Enfant Jésus vient d'allumer les bougies à St-Antoine et que dans un instant ils LE verront descendre de la montagne, par le sentier, pour récompenser les enfants sages. Comme chaque Noël, la dame solitaire de Montana est sans doute à sa fenêtre ; elle aura vu la chapelle s'éclairer et elle va suivre des yeux la descente en zig-zag des torches. Elle écrivit un jour à M.

Produit pour le remercier et lui dire combien elle éprouvait de joie et de réconfort de cette belle coutume, à laquelle elle ne manquait jamais d^assister de loin.

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Le feu est bien mort, la chapelle refermée, toutes les bougies brûlent... Enfin l'on peut redescendre dans la vallée où chacun est attendu dans sa famille pour fêter Noël. Le jeune Victor Guntern en- flamme sa torche et dévale rapidement le sentier ; il allumera les bougies des 14 stations et attendra ses compagnons au bas. M. Produit et M. Théier le suivent un instant plus tard, contrôlant en passant si tou- tes îles bougies sont bien placées et brûlent normalement.

Toutes les personnes de la région peuvent suivre des yeux cette descente à la torche, mais savent-elles en imaginer le charme un peu irréel, envoûtant ? Ce moyen d'éclairage d'un temps révolu projette une lumière largement suffisante pour assurer une marche sans incident sur le sentier, mais cette clarté est instable, capricieuse, faisant surgir subitement un tronc par ici, une roche par là, et les rejettanit tout aussi rapidement dans la nuit, prêtant des formes bizarres aux arbres et aux pierres, et laissant dans l'ombre tant d'inconnu !

Vers le pont du Rhône, comme le faisait autrefois Adrien Galoz alors que l'âge le retenait en plaine, son petit-fils et ses amis s'arrêtent et contemplent avec émotion l'immense tache de lumière situant la chapelle, et 'les lumières plus faibles du Chemin de Croix s'étageant SUIT la pente de la montagne noire, telles une procession de pèlerins, cierge à la main. H y a 14 stations, mais seuls onze foyers éclairés sont visibles : la conformation du terrain ou des buissons cachent-ils les trois autres, ou bien les bougies étaient^elles trop exposées au vent et se sont-elles déjà éteintes ?

MM. Roger Produit et Max Théier, ainsi que leur jeune compagnon, sont satisfaits et heureux : une fois encore, en cette nuit de Noël, les gens de la région, en regardant la montagne, verront que St-Antsoine veille sur eux !

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