A NNALES MATHÉMATIQUES B LAISE P ASCAL
B RUNO D ESCHAMPS
À propos d’un théorème de Frobenius
Annales mathématiques Blaise Pascal, tome 8, n
o2 (2001), p. 61-66
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A propos d’un théorème de Frobenius
Bruno Deschamps
Résumé
In this
article,
we describe all noncommutative fields of finite di- mension over agiven algebraically
closed field. As anapplication,
wegive
anexample
of field of finite dimension over R which is not iso-morphic
toR,
C or H. This resultcompletes
the Frobenius’s theoremon the
subject.
Dans cet
article,
nous décrivons les corpsgauches
de dimension finie sur un corpsalgébriquement
clos donné. Enapplication,
nousdonnons un
exemple
de corps de dimension finie sur Rqui
n’est pasisomorphe
àR,
C ou H. Ceci vientcompléter
le théorème de Frobeniussur le
sujet.
1 Introduction
En
1878,
Frobeniuspublie
le théorème suivant:Théorème 1.1 Soit K un corps de dimension
finie
sur ~$ et contenant Rdans son centre
(une R-algèbre
de dimensionfinie).
Le corps K estisomorphe
à
R, C
où H(corps
desquaternions d’Hamilton).
On pourra trouver dans
[2]
une preuve élémentaire(i.e.
ne faisant pas inter-venir
d’arguments cohomologiques)
de ce théorème.Aujourd’hui,
ce résultats’interprète
de manièrecohomologique.
Les corpsgauches
de dimension finiesur
R,
contenant R dans leurcentre, correspondent
aux éléments des groupesde Brauer des extensions finies de
IR,
c’est-à-dire aux éléments deBr(R)
et deBr(C).
Lecorps C
étanta.lgébriquement clos,
estcohomologiquement
trivial.on a donc
Br(C) =1,
cet élémentcorrespondant
au corps C. Pour cequi
estde
Br(R),
il estisomorphe
àZ/2,
ses élémentscorrespondant
aux corps R et H.62
Ce théorème de Frobenius
pourrait
laisser penser que l’on aréglé
le pro- blème de la détermination des corps de dimension finie sur C en affirmantqu’il n’y
aqu’un
seul corps de dimension finie au dessus de C : le corps desquaternions
d’Hamilton H. Pourtant il n’en estrien,
carl’hypothèse
decentralité est fondamentale dans ce théorème.
L’objet
de cet article est demontrer le résultat suivant:
Théorème
principal Soit
K un corpscommutatif
etalgébriquement
clos.Soit F un surcorps de k non
commutatif
tel que la dimension(droite
ougauche)
de F sur K soitfinie.
Il existe un sous-corps réel clos r de K tel que M soitisomorphe
au corpsHr
desquaternions
àcoefficients
dans r.et d’étendre ce résultat au cas des corps réels clos
(par exemple
au cas deR),
ce
qui permet
de donner uneparfaite description (corollaire 2.4)
des corpsgauches
de dimension finie sur ces corps. Dans le cas deR,
nous donnons(corollaire 2.3)
unexemple
de corpsgauche
de dimension finie sur Rqui
n’est pas
isomorphe
à ~I.On
rappelle qu’un corps
est dit réel clos s’il est ordonné et s’il nepossède
aucune
extension algébrique
ordonnable stricte.Quand
onparle de
sous-corpsréel clos r de
k,
on entend par là un sous-corps réel clos tel que soit finie.La théorie d’Artin-Schreier montre que ces sous-corps
correspondent
exacte-ment aux corps r tel que
[K : r]
= 2(pour
toutes les références concernant la théoried’Artin-Schreier,
mentionnées dans cettearticle,
nous renvoyons le lecteur à[3]).
Onrappelle
aussi que le corps desquaternions
à coefficients dans r est le r-espace vectoriel de dimension4.
muni d’une base~1, i,j, k~
etdu
produit
défini par la table(On
a alors2
Preuve du théorème principal
etconséquences
Nous allons commencer par établir le lemme
préliminaire
suivant :Lemme 2.1 Soit K un corps, F =
Z(K)
son centre et D un sous-corpscommutatif
de K. SidimD
K +~(dimension
droite ougauche),
alorsdimF
K +~.PREUVE: Pour montrer le
lemme,
onpeut
supposer que D est un sous-corps commutatifmaximal,
cequi
assure alors que F C D(puisque
F.D est alorsun sous-corps commutatif de K contenant
D).
On considère h’ comme D- espace vectorielgauche (la
démonstrations’adaptant
au cas de la structuredroite
d’elle-même).
Considérons leD-espace
vectoriel(gauche)
K 0FD,
laloi de
composition
externe étant définie par03B1.(k ~ d)
=k ~ 03B1d
pour tout a E D et
k ® d
~F D. Il est clair quedimF K
=dimD puisque,
pour toute F-base deK,
la famille(e; ~ 1)i
consitue une D-base de K ~F D. Les
F-algèbres
K et D sontsimples
et comme F =Z(K),
on sait que la
F-algèbre
K 0F D estsimple (voir,
parexemple,
le théorèmeII.3. de
[1]).
Soit maintenantE(K)
leD-espace
vectoriel(gauche)
des D-endomorphismes
de K. PosonsKd =
~K, Tk ~}
Dg
={La/aED, La : x ~ ax}
Clairement,
tous les éléments deIid
etDg
sont dansE(h’).
Considérons alorsl’application
0 : K ~F D -~--~ définie par : eL.J ~i
~at
=Puisque
tout élément deIid
commute avec tout élément deDg, l’application
4 est visiblement un
morphisme
non nul deF-algèbres.
Comme h’ 0F Dest
simple,
0 est doncinjectif.
Parailleurs,
0 est aussi unmorphisme
deD-espace
vectoriel. On en déduit donc quedimD K
0F DdimD E(h’) = (dimD Ii )2 et,
parsuite,
quedimF K
estfinie.
Preuve du théorème
principal :
Soit K = K un corps commutatifalgébri- quement
clos etL/Ii
une extension de dimension finie avec L non commuta- tif.D’après
le lemmeprécédent,
si Fdésigne
le centre deL, dimf
L +00.Comme 1~ est
algébriquement clos,
c’est un sous-corps commutatif maximal de L et donc F C h. Comme[A’ :
:F]
+00, la théorie d’Artin-Schreier64
assure alors que F = K ou que F est un sous-corps réel clos de K. Le cas
F = K est à exclure car le groupe de Brauer d’un corps
algébriquement
closétant
nul,
il n’existe aucun corpsgauche
de centre un corpsalgébriquement
clos et de dimension finie sur son centre. Le corps F est donc un sous-corps réel clos de K et le groupe de
Brauer
deF,
vautBr(F)
=Z/2.
Eneffet,
lathéorie d’Artin-Schreier assure que F =
F(B/~T)
et queh’/F
estgaloisienne
de groupe
Z/2.
La suite exacte1 2014~
H2(K/F)
--~Br(F)
---~Br(K)
montre
(compte-tenu
du faitqu’ici Br(K)
=1)
queBr(F)
=H2(K/F).
Par
ailleurs,
,F* F*2 + F*2 (Voir [4]). Les corps réels clos étant
pythagoriciens (i.e. F2
= F2 +F2)
et vérifiant K =F2
U-F2,
on a alorsBr(F) ~ F* F*2 ~ Z/2
Le corps L
correspond
donc à l’élement non trivial deBr(F)
=Z/2 qui, lui, correspond
au corpsHF. Réciproquement
pour tout sous-corps réel clos r deK, Hr
est bien un corpsgauche
de dimension finie sur K. Ceci achève lapreuve du théorème. -
Corollaire
2.1 Si K est un corpscommutatif
decaractéristique
p >0,
alorsk ne
possède
aucun surcorps non trivial.PREUVE: C’est une
application
immédiate du théorèmeprincipal
en remar-quant qu’un
corps réel clos est nécessairement decaractéristique
0. m Corollaire 2.2 Si K est un corps decaractéristique
0 alors il y aune bijec-
tion entre les classes
d’isomorphismes
de s’Urcorpsnon
triviaux de h’ et les classesd’isomorphismes
de sous-corps réels clos de h’. Enparticulier,
iln’y
a
qu’un
seul surcorpsgauche (à isomorphisme près~
non trivial de~,
PREUVE: On sait
que
les surcorps non triviaux deK
sont les avec r corps réels clos de Ii . Si r etr’
sont deux corps réels closisomorphes,
alors par
construction, Hr
et sontisomorphes. Réciproquement,
siHr
et~.~
sontisomorphes
alors toutisomorphisme
entre ces deux corps induit unisomorphisme
entre leurs centresrespectifs,
donc r etr’
sontisomorphes.
Pour le cas
Q,
il faut donc montrerqu’il n’y
aqu’une
seule classed’isomorphisme
de corps réels clos. Un théorème de la théorie d’Artin-Schreierassure que si
Ri
etR2
sont deux corps réelsclos,
extensionsalgébriques
ordon-nées d’un même corps ordonné
(K, ) (i.e.
les ordres surRi
etR2
étendent)
alors il existe unK-isomorphisme (unique)
deRi
surR2.
On remarque alors quecomme Q
nepossède qu’un
seul ordrecompatible,
tout sous-corps réel closde Q
est uneextension algébrique
ordonnéede Q
pour cet ordre.Tout les corps réels clos
de Q
sont doncisomorphes.
Remarque:
Dans le cas de4~,
il y a donc une seule classed’isomorphisme
de corps réel clos. Ce n’est pas le cas de
C,
comme le montre la construction suivante :Considérons un corps
(I~, ) ordonné, K[X]
son anneau depolynômes
et
K(X)
son corps de fractions rationnelles. Pour P E.I~~X~,
on notew(P)
le coefficient dominant de P
(on
convient quew(0)
=0).
SoientRi
etR2
deux éléments de
K(X)
que l’on écritRl
=P1/Q1
etR2
=P2/Q2
avecPl, P2, Q1, Q2
E etQ1, Q2
unitaires. On pose: "Ri o R2
~w(P2Q1
-P1Q2)
> 0On
vérifie,
sansmal,
queo
est un ordre totalqui
confère àK(X)
la structurede corps ordonné. Considérons maintenant une extension transcen- dante pure maximale
de Q
dans R(notons qu’alors jt/
=2~Q ).
Fixons unio OE I quelconque
et considérons le corps K =qui
étant inclus dans Rreçoit
de ce dernier un ordrecompatible
que nous noterons . Mu- nissons alors L = = de l’ordreo
décritprécédement.
Lestun corps ordonné dont C est la clôture
algébrique,
parhypothèse
de maxi-malité de l’extension transcendante pure. Considérons alors R une extension
algébrique
ordonnée maximale de L dans C. Le corps R est alors réelclos,
la théorie d’Artin-Schreier affirme alors que R
possède
ununique
ordre com-patible.
Le corps R n’est alors pasisomorphe
à R. Eneffet,
s’il existait unisomorphisme
u de R surR,
comme ces deux corps admettent chacun ununique
ordrecompatible,
cr transférerait l’ordre de R sur celui de R. Or dansR,
il existe un élément(par exemple Xi0 ) qui
estplus grand
que tout ration-nel,
cequi
n’est le cas d’aucun élément deR,
d’oùl’impossibilité.
Enfait,
Rest un corps archimédien alors que R ne l’est pas.
Corollaire 2.3 Il existe des corps H de dimension
finie
sur Rqui
ne sontisomorphes
ni àl~,
ni àcC,
ni à ~f.66
PREUVE: C’est une
conséquence
immédiate de la remarqueprécédente.
o Corollaire 2.4 Soit R un corps réel clos et H un corps noncommutatif
dedimension
finie
sur R. Alors H estisomorphe
à un corps dequaternions
àcoefficients
dans un corps réel closR’
de R. Enparticulier,
les extensions de R sont dedegré 1, 2
ou 4.PREUVE: Soit F le centre de H. Si
F ~ R,
alorsR/F
est finie donc F = R et par suite H ^~~,
Si ce n’est pas le cas, alors K = R.F est un sous-corps commutatif de H
qui
contient R sans lui êtreégal.
C’est donc uneextension algébrique
stricte de R cequi
montre,puisque
R est réelclos,
que It = K =R
=R(~_).
Le théorèmeprincipal
assure alorsqu’il
existeR’
sous-corps réel clos de R tel que H ci
~fR’ .
0Références
[1]
A. Blanchard. Les corps noncommutatifs. P.U.F., Paris, 1972.
[2]
B.Deschamps.
Problèmesd’arithmétique
des corps et de théorie Galois.Hermann, Paris, 1998.
[3]
P. Ribenboim.L’arithmétique
des corps.Hermann, Paris, 1970.
[4]
J.P. Serre.Corps
locaux.Hermann, Paris, 1968.
BRUNO DESCHAMPS
FACCULTÉ DES SCIENCES ET TECH- NIQUES, UNIVERSITÉ JEAN MONNET L.AR.AL
23 RUE De DOCTEUR PAUL MICHELON 42023 SAINT-ETIENNE CEDEX 2 FRANCE
Bruno.Deschamps@univ-st-etienne.fr