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| La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 346 - juillet-août-septembre 2016CAS CLINIQUE
Épreuve calorique : Côté stimulé
température
40 °C 20 °C
Réflectivité Nl : 30-120
droit gauche
Hypovalence relative : Og-Od/Og + Od (Nl : < 15-20 %) Prépondérance directionnelle : Ng-Nd/Ng + Nd (Nl : < 15-20 %)
OD
OD 60 40 20 0 20 40 60
OG
OG 60 40 20 0 20 40 60 Nystagmus droit
Nystagmus gauche
▼ Figure 2. Électrorétinogramme des bâtonnets (responsables de la vision
scotopique) : réponses très diminuées en amplitude avec latences augmen- tées, montrant un dysfonctionnement des bâtonnets.
▲ Figure 1. Arefléxie bilatérale à l’examen calorique : le stimulus chaud, de l’eau à 44 °C pendant 30 s, et le stimulus froid, de l’eau à 20 °C chez ce patient pendant 30 s, n’ont provoqué aucun nystagmus.
ERG des bâtonnets : fl. bleu 0 mn 46 s Val = 8 Rej = 0
100 uV 1
2 OD
100 uV OG
N° ms uV %OD 1 23,0 22,6 27 2 32,8 4,6 27 3 40,7 17,9 20 4 45,2 – 0,8 22 5 53,1 17,1 22 6 60,2 20,2 15 7 113 – 5,5 20 8 128 – 25,8 20 N° ms uV %OG 1 41,6 – 44,5 17 2 52,2 – 60,2 17 3 54,9 – 53,9 23 4 70,8 – 71,9 23 5 85,0 – 58,6 15 6 89,4 – 73,4 15 7 123 – 66,4 29 8 166 – 21,9 29
1 3 5 8
3 5 6 7
2 4 6 7
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Syndrome de Usher : rétinopathie et surdité
Usher syndrome: retinopathy and deafness
D. Cela*, A. Marhic*
O b s e r v a t i o n
Il s’agit d’un petit garçon qui n’a pas d’antécédents particuliers hormis plusieurs cas de surdité dans sa famille, tant du côté maternel que paternel. Il est né à terme et pesait 3 750 g à la naissance. Des doutes maternels concernant son audition ont motivé une consultation ORL à l’âge de 15 mois. À l’audio- gramme réalisé en champ libre, l’enfant n’avait aucune réponse à 80 dB. Les potentiels évoqués auditifs (PEA) précoces ont objectivé un seuil de l’onde V à 90 décibels pour l’oreille droite et l’absence de réponse à 100 décibels pour l’oreille gauche, confirmant le diagnostic de surdité de perception profonde bilatérale.
Le bilan étiologique de cette surdité a comporté :
➤
une imagerie, avec scanner et IRM des rochers, qui n’a pas révélé de malformation des oreilles internes ;
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un examen vestibulaire (figure 1), qui a retrouvé un déficit vesti bulaire complet bilatéral, en accord avec ses retards d’acqui sition pour la tenue de tête et la station assise ;
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un bilan ophtalmologique. Le fond d’œil a montré la présence de dépôts pigmentaires au niveau de la rétine péri phérique. Les potentiels évoqués visuels étaient anormaux.
L’électro rétinogramme
(figure 2) a décelé un dysfonction-nement du système visuel prédominant sur le système scotopique, lequel permet la vision nocturne et implique les bâtonnets.
L’association surdité profonde bilatérale, aréflexie vestibulaire et rétinopathie pigmentaire évoque un syndrome de Usher de type 1, qui fut confirmé quelques mois plus tard par l’examen génétique.
Une prise en charge pluridisciplinaire a été organisée, impliquant ORL, orthophoniste, psychomotricien et psychologue. Un appareillage par des prothèses auditives bilatérales a été mis en place, sans gain fonctionnel signifi-
* Service ORL, hôpital Robert-Debré, Paris.
Mots-clés
Syndrome de Usher – Surdité de perception – Rétinopathie – Implant cochléaire
Keywords
Usher syndrome – Perceptive deafness – Retinopathy – Cochlear implant
0016_LOR 16 06/07/2016 09:55:52
La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 346 - juillet-août-septembre 2016 |
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CAS CLINIQUE
1. Seeliger MW, Fischer MD, Pfister M. Usher syndrome:
clinical features, diagnostic options, and therapeutic prospects. Ophthalmologe 2009;106(6):505-11.
2. Flores-Guevara R, Renault F, Loundon N et al.
Usher syndrome type 1: early detection of electro- retinographic changes. Eur J Paediatr Neurol 2009;
13(6):505-7.
3. Young NM, Mets MB, Hain TC. Early diagnosis of Usher syndrome in infants and children. Am J Otol 1996;17(1):30-4.
4. Haute Autorité de santé. Du bon usage des techno- logies médicales : le traitement de la surdité par implants cochléaires et du tronc cérébral. http://www.
has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/
fiche_bon_usage_implants_cochleaires. pdf
5. Hang AX, Kim GG, Zdanski CJ. Cochlear implantation in unique pediatric populations. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg 2012;20(6):507-17.
6. Pennings RJ, Damen GW, Snik AF, Hoefsloot L, Cremers CW, Mylanus EA. Audiologic performance and benefit of cochlear implantation in Usher syndrome type I. Laryn- goscope 2006;116(5):717-22.
Références bibliographiques
catif. Une première implantation cochléaire gauche a été réalisée 6 mois plus tard, accompagnée de bons résultats fonctionnels et d’une bonne évolution du langage.
Du fait des troubles visuels, une deuxième implantation cochléaire, à droite, a été réalisée à l’âge de 4 ans.
Depuis, l’évolution sur le plan auditif est bonne, avec un bon investis sement des 2 implants. Cependant, l’atteinte visuelle est importante et s’accentue d’année en année, et les potentiels évoqués visuels s’altèrent.
D i s c u s s i o n
Le syndrome de Usher est une maladie génétique autosomique récessive associant une surdité neurosensorielle généralement congénitale et bilatérale, une rétinite pigmentaire et, dans certains cas, des troubles vestibulaires.
La rétinite pigmentaire se manifeste d’abord par une gêne visuelle dans l’obscurité ou la pénombre, une photophobie, puis par une perte progressive du champ visuel aboutissant à une cécité totale en quelques dizaines d’années.
On en distingue 3 formes cliniques différentes.
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Le type 1 est caractérisé par une surdité congénitale, stable, sévère à profonde, des troubles visuels aboutissant à une cécité vers 30-40 ans, et une aréflexie vestibulaire accompagnée d’un retard des acquisitions (tenue de tête, station assise et marche). Le type 2 se traduit par une surdité prélinguale lentement progressive, moyenne à sévère, une cécité apparaissant vers 10-15 ans, et une fonction vesti bulaire normale. Le type 3 associe une surdité rapidement évolutive, des troubles visuels de début variable et, dans la moitié des cas, un déficit vestibulaire (1).
Ainsi, devant toute surdité congénitale bilatérale, un examen ophtalmo logique doit être réalisé afin de rechercher une asso- ciation à des troubles visuels susceptibles d’entraver l’appren- tissage de la lecture labiale, indispensable à un enfant sourd pour compenser ce handicap. Dans le cadre de ce syndrome, il repose sur la mesure de l’acuité visuelle et la réalisation d’un fond d’œil, à la recherche de dépôts pigmentaires rétiniens. Néanmoins, ces
examens sont souvent non concluants ou impossibles à effectuer chez le jeune enfant, d’où l’intérêt de réaliser un électrorétino- gramme qui montre des anomalies avant même l’apparition des signes de dégradation rétinienne au fond d’œil et des signes cliniques visuels, qui sont tardifs (2, 3). Cet examen dure une dizaine de minutes et se pratique chez un enfant éveillé, après dilatation pupillaire, avec des électrodes cornéennes posées sous anesthésie locale. Il enregistre l’activité électrique de la rétine en réponse à une stimulation lumineuse qui se fait au moyen de lumières d’intensité et de couleurs différentes, distinguant ainsi l’activité des photo- récepteurs. Les cônes sont stimulés par de fortes intensités et sont responsables de la vision diurne ou photo pique, tandis que les bâtonnets répondent aux faibles intensités et permettent la vision nocturne ou scotopique. L’atteinte prédominante de ces derniers est caractéristique de la rétino pathie pigmentaire. Dans le cadre du syndrome de Usher, l’électro rétinogramme est hypovolté ou plat.
C o n c l u s i o n
La prise en charge d’un enfant atteint d’un syndrome de Usher est pluridisciplinaire. On peut proposer un appareillage auditif pour les surdités moyennes et sévères. En cas de surdité neuro- sensorielle sévère à profonde, une implantation cochléaire, en général bilatérale, est le plus souvent indis pensable et indiquée si le gain prothétique ne permet pas une amélioration de l’intelligibilité supérieure à 50 % à 60 dB lors d’un test d’audiométrie vocale (4).
Une implantation précoce a pour avantage d’apporter des résultats meilleurs et plus rapides sur le plan de la compréhension et de la production du langage qu’une implantation tardive (5, 6).
Pour la rétinopathie, on peut proposer une vitamino thérapie ainsi que des verres filtrants adaptés pour lutter contre l’éblouissement et améliorer la vision des contrastes. Actuel lement, les recherches s’orientent vers la thérapie génique, la neuroprotection, les systèmes de vision artificielle et les greffes de cellules rétiniennes.
■D. Cela déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
A. Marhic n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.
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