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Cohésion sociale

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Texte intégral

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604 du 16 juin 2004 - US MAGAZINE - 17

DOSSIER École et cohésion sociale

Dossier coordonné par Daniel Rallet et Frédérique Rolet et réalisé par Marylène Cahouet, Élizabeth Labaye, Jean-Louis Maillard, Bruno Mer, Frédéric Négrel, Michèle Olivain, Denis Paget, Daniel Rallet, Daniel Robin et Frédérique Rolet.

Cohésion sociale

Que peut l’école ?

©THIERRY NECTOUX©NICOLE JOYE

©CLÉMENT MARTIN©THIERRY NECTOUX©DANIEL MAUNOURY

Répondant en écho au thème de la fracture sociale développé dans le contexte électoral par le candidat Chirac, la notion de cohésion sociale occupe aujourd’hui une place centrale

dans le vocabulaire des ministres.

Le gouvernement Raffarin III est censé panser des plaies depuis longtemps ouvertes, mises à vif par les mesures prises depuis deux ans.

L ’acharnement mis à diminuer la place et le rôle des services publics, la réforme du régime d’assurance chômage, la dé- gradation de l’emploi ont largement contribué à aggraver les phénomènes d’exclusion et d’inégalités, le signe en étant le nombre croissant d’allocataires de minima sociaux, 1,03 mil- lion d’allocataires du RMI en métropole en mars 2004.

Aussi Jean-Louis Borloo, nommé ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale a-t-il été chargé de donner corps à un vaste plan de cohésion sociale touchant à l’emploi, au logement et à l’égalité des chances qui devrait être présenté le 30 juin en conseil des ministres.

Le Premier ministre en a dévoilé une partie lors de son allocution télé- visée le 16 juin, en annonçant que « sur cinq ans, 800000 contrats pour les jeunes » seraient proposés, « contrats d’intégration, contrats d’ap- prentissage, contrats en entreprise ». Pour traiter du problème central de l’emploi, le gouvernement a, semble-t-il, circonscrit le public des jeunes de moins de 26 ans éloignés de l’emploi, ceux sortis sans qua- lification du système scolaire mais aussi ceux au chômage EEE

©CLÉMENT MARTIN ©THIERRY NECTOUX

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École et cohésion sociale

depuis plus d’un an ou sortis d’emplois aidés. Orientés vers les secteurs actuellement en pénurie de main-d’œuvre, ces jeunes devraient bénéficier d’un parcours individua- lisé et de mesures d’accompagnement.

On sait en effet qu’une des conditions pour obtenir une insertion durable, réside dans la qualification ; or, dans la conception actuelle du plan, il n’est pas question de garantir l’ac- cès aux qualifications ; l’objectif est bien l’emploi et la crédibilité d’une politique peu lisible depuis deux ans en dépit des assertions du président de la République puisque le changement de cap piloté par François Fillon, privilégiant notamment le secteur marchand et réduisant le volume de contrats aidés dans le secteur non marchand, a eu pour impact l’augmentation du chômage, notam- ment des jeunes.

La nouvelle orientation peut laisser craindre une énième variante de politique d’assis- tance visant à éviter l’explosion, corriger à la marge les méfaits des inégalités sociales et économiques.

On ne peut traiter de la politique de l’emploi sans lecture globale de la question de l’exclusion.

Parler de cohésion sociale devrait renvoyer à la question lourde des inégalités et des dis- criminations qui fait que des populations entières ne sont plus membres d’un ensemble mais répertoriées, isolées, stigmatisées, ne participant pas du projet commun.

Donner son sens plein à la notion de cohésion sociale implique d’offrir des perspectives à chacun, de créer, à partir de valeurs partagées, un lien entre des citoyens à qui seraient garantis des droits fondamentaux, de renfor- cer l’égalité entre les territoires, de redyna- miser les services publics, particulièrement nécessaires quand croissent les inégalités.

Cela implique de réactiver la réflexion sur les principes de solidarité comme participant de la construction de l’égalité, pleinement au cœur des débats sur la décentralisation comme sur l’assurance maladie.

Parmi les services publics, l’école est un de ces lieux de l’intégration, non le seul bien sûr, mais jouant un rôle fondamental, par ses missions, ses valeurs, le caractère national des objectifs, la déli- vrance de qualifications évitant la marginalisa- tion. Elle n’est pas exempte cependant de logiques ségrégatives et reproduit trop souvent les divisions à l’œuvre dans la société.

Encore faut-il ne pas renoncer à l’améliorer et lui donner les moyens de remplir ses mis- sions comme l’illustrent plusieurs aspects développés dans ce dossier. ■

D O S S IE R

Cohésion sociale

Un souci légitime mais bien

J ean-Louis Borloo et son ministère, Chirac et ses discours, le sommet de L’Union européenne à Lisbonne qui prétend récon- cilier croissance économique et cohésion sociale: tout le monde s’y met.

Depuis une dizaine d’années, une abondante lit- térature s’est développée aux États-Unis autour du concept de « capital social » (Putman, Coleman, Fukuyama…), que l’OCDE a repris pour donner un « petit frère » au capital humain, en redécouvrant que les relations sociales, les normes et les valeurs partagées, la confiance, l’engagement civique et social sont un facteur de performance économique et de bien-être social.

En vérité, la question n’est pas nouvelle. Elle émerge dès le XVIII

e

siècle: dans une société où l’individu s’émancipe des croyances divines et de la loi du groupe, où il se sent libre de faire ce qu’il veut, comment « faire société »?

Un siècle plus tard la sociologie se constitue à partir de la critique de la fable d’Adam Smith selon laquelle l’économie de marché, fondée sur la recherche par chacun de son intérêt person- nel, serait source de la cohésion sociale. En effet, la société démocratique ne peut tolérer que l’accroissement des inégalités conduise les individus à vivre dans des mondes différents, où

les conditions sociales ne seraient plus com- parables, et la société marchande menacée par l’anomie (la perte de sens et des valeurs col- lectives).

Il n’est donc guère étonnant que la cohésion sociale redevienne dans les années 90 une pré- occupation dans une société américaine mar- quée par une polarisation sociale, avec des riches qui se barricadent dans « des gated cities » et des pauvres ghettoisés; des coupes budgétaires massives, 82 millions de personnes sans assurance maladie...

En France également, la question du lien social revient, surtout après 1995, quand il apparaît que le projet ultra-libéral de société n’est pas poli- tiquement viable et qu’il y a un espace pour les partisans de la « troisième voie » et du « social libéralisme ».

Comment faire « tenir » la société au moindre coût et sans remettre en cause les fondamentaux du libéralisme (pas d’augmentation des prélè- vements)?

D’abord par l’imposition d’une morale qui pose comme idéal une « société de croissance et de bien-être », harmonieuse, où tous les indi- vidus seraient dotés d’un capital social (avoir des relations sociales, des ressources cultu- relles, de l’éducation, une vie de famille, par-

Un plan pour la cohésion sociale

Un programme limité, des mesures qui ne pouvaient plus attendre

Le plan Borloo de cohésion sociale, étalé sur cinq ans, qui a pour ambition de s’attaquer de manière transversale aux problèmes de l’emploi, du logement et de l’exclusion sociale, marque un tournant avec la remise en cause du tout libé- ral du gouvernement précédent : abandon du contrat de projet prôné par le rapport Virville, retour des contrats aidés dans le secteur non marchand (de type CES), réaménagement du RMA en y attachant des droits sociaux (forma- tion, protection sociale)… Le premier ministre a annoncé 800 000 contrats sur cinq ans pour les jeunes. Les annonces ne coûtent rien : en novembre 2003, Raffarin avait déjà promis « un million de contrats de travail pour les jeunes ».

Sur les 500 000 embauches promises pour 2004 au titre du chèque emploi-entreprise, 1 350 avaient été réalisées fin avril ! Le plan prévoit une revalorisation de l’apprentissage, un accompagnement plus poussé des chômeurs, qui seraient suivis par un «référent unique»

dans des «maisons des ressources humaines», de même que la création d’un nouveau contrat aidé, proposé aux Rmistes, le «contrat d’acti-

vité» dans les collectivités locales et les asso- ciations (rémunéré au SMIC horaire sur la base de 26 heures).

Le volet logement comporte un objectif de dou- blement des constructions de HLM sur les cinq années à venir, soit une moyenne de 100 000 logements sociaux par an. Des mesures desti- nées à lutter contre la progression des expul- sions sont prévues, de même que la création à terme d’un fonds de garantie du risque locatif.

En réservant des logements sociaux pour les plus défavorisés, l’État s’attaquerait à une aberration dénoncée de longue date par les associations : des familles expulsées sont relogées à l’hôtel, ce qui coûte cher à l’État (un demi-million d’eu- ros par jour !) avec des conditions de logement précaires et totalement inadaptées.

Ce plan risque de souffrir des contraintes impo- sées par Bercy : 10 milliards d’euros sur 5 ans, mais seulement 1,5 milliard pour 2005 ! Et sur- tout, la question de fond, la sécurisation des par- cours sociaux précaires, à travers notamment une réforme du droit du travail, reste soigneu- sement contournée.

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604 du 16 juin 2004 - US MAGAZINE - 19

n instrumentalisé

ticiper à la vie sociale et politique...) source de performance et de bonheur.

Mais derrière le consensus sur la nécessaire qualité sociale de la croissance, il y a une concep- tion de la société très particulière, une société vue d’en haut par ceux qui disposent du capital social (les pauvres n’étant définis que par leurs manques), une société sans conflits d’intérêts et de pouvoirs, où le social serait un « donné d’avance » par des normes morales (le bon citoyen-travailleur s’éduque, a une vie de famille, des relations sociales, et vote aux élections).

Le social n’est pas un construit fondé sur les luttes collectives et l’acquisition de droits sociaux c’est une « aide » qu’il faut donner à des

« victimes ».

Les ressorts profonds (le marché, machine à produire des inégalités, la réduction des dépenses collectives solidaires, les attaques contre les services publics...) qui portent atteinte à la cohésion sociale sont ignorés au profit d’un discours ou de mesures sans ambition ou visant à limiter les dégâts (CMU, innombrables politiques d’insertion dans l’emploi...). Il n’est pas rare de voir un gouvernement pérorer sur la réduction des inégalités hommes/femmes (un

« must » de la cohésion sociale) et faire une réforme des retraites qui les accroît, un ministre de la Santé faire de la pub contre la médecine à deux vitesses et l’organiser avec la réforme de l’assurance maladie.

La cohésion sociale est pourtant un véritable objectif: aller vers deux mondes séparés, un

Comment faire « tenir » la société au moindre coût.

monde des riches, protégé, en osmose avec le pouvoir politique, un monde des pauvres pré- carisés, incapables de se projeter dans l’avenir et désinvestis de la participation sociale et poli- tique, serait extrêmement dangereux pour le progrès social et la démocratie.

Mais pour combattre ce scénario, il faut autre chose qu’une morale bien-pensante. ■

L’exemple du Haut-Var

E n milieu rural, plus qu’ailleurs, les ser- vices publics sont les liens qui unissent les populations à l’ensemble de la nation.

L’éloignement géographique des centres urbains rend ces liens essentiels. La santé, l’éducation, les communications, l’énergie sont des domaines pour lesquels l’intervention publique est seule à même d’assurer l’indispensable continuité ter- ritoriale dans des zones faiblement peuplées.

Afin de « rentabiliser » ces services publics pour des raisons budgétaires ou pour les soumettre à la concurrence du « marché », les politiques actuelles cherchent des marges économiques et les trouvent tout naturellement en milieu rural, là où les usagers sont les moins nombreux.

Le Haut-Var, comme bien d’autres zones rurales, voit ainsi ses services publics se res- treindre peu à peu. En février 2004, la direction régionale de La Poste a ainsi décidé unilatéra- lement la fermeture de 11 bureaux. Sept conseils municipaux, directement concernés ou soli- daires, ont décidé de ne pas se laisser faire. Les habitants de ces villages se sont groupés en comités locaux afin de soutenir leurs élus. Il y a aujourd’hui dans le Var une vingtaine de comi- tés, rassemblant plus de 3000 personnes. Une coordination départementale regroupe ces comi- tés, les élus et cinq organisations syndicales, dont la FSU.

Immédiatement, les comités locaux ont voulu exprimer leurs exigences de service public au-delà de La Poste. Les nombreuses réunions publiques ont fait ressortir une oppo- sition face à la privatisation d’EDF, une inquiétude face aux projets de mise en réseau des écoles primaires, la faiblesse de l’offre de formation au collège (dans une académie où le taux d’encadrement est le plus faible de France métropolitaine), un rejet du transfert de personnels de l’Équipement et de l’Édu- cation nationale vers le conseil général, du regroupement de brigades de gendarmerie, d’absence de service médical d’urgence la nuit et le dimanche, de l’abandon des mis- sions de service public par l’Office national des forêts...

Au printemps 2003, les luttes de l’Éduca- tion nationale et de l’Équipement avaient facilement convergé dans notre région.

Aujourd’hui, le rassemblement est bien plus large. Initié par des élus, relayé par des citoyens, il regroupe aujourd’hui non seule- ment des agents de l’État et des salariés des entreprises publiques mais aussi, en majorité, des usagers, tant particuliers que commer- çants et artisans qui voient dans le service public l’outil indispensable au développe- ment de leur activité. ■

Yohann : emploi-jeune

Une expérience positive

A près plusieurs années d’expérience d’animation (centres aérés, colos) pour une municipalité, je souhaitais après le lycée, me former dans l’animation profes- sionnelle, j’ai donc suivi le cursus de for- mation BEATEP (brevet d’État d’animateur technicien de l’éducation populaire) et j’ai été engagé sur un contrat emploi-jeune par le relais « accueil gens de voyage », comme mé- diateur social. Je voulais poursuivre ma for- mation, mais cela ne correspondait pas aux besoins de mon employeur, j’ai donc dû dé- missionner, et je suis entré en formation DE- FA avec une bourse du conseil régional. En cours de formation, j’ai répondu à une an- nonce des Francas et j’ai été engagé alors comme agent de développement en contrat emploi-jeune, mon parcours correspondant au profil souhaité. Mais j’ai exigé de signer un CDI, ce que mon employeur a accepté, il a pris le relais du conseil régional pour le fi- nancement de la formation commencée. Dans mon emploi, je me suis occupé notamment des sessions de formations BAFA et BAFD, de l’animation et coordination de l’équipe ré-

gionale de formateurs, pour un salaire d’en- viron 1 140 euros net.

Au cours des trois ans passés, j’ai pu faire

évoluer mon secteur d’activité et je suis

maintenant responsable de la formation pro-

fessionnelle et continue : je prépare et en-

cadre des formations BEATEP, je suis en

relation avec les collectivités ou associations

pour repérer les besoins. Ce nouveau poste est

mieux rémunéré (1 450 euros), mais mon

contrat emploi-jeune se termine à la fin du

mois. La pérennisation du poste est possible,

(au moins pour les deux ou trois années à ve-

nir) grâce à l’excédent dégagé dans ce cadre

d’activité qui permet une prise en charge du

coût du personnel, et à la bonne santé finan-

cière de l’association. L’emploi-jeune m’a

permis de mener à bien mon projet initial

en terme de formation, d’acquérir de nou-

velles compétences et de prendre des res-

ponsabilités. Ma crainte est évidemment que

l’association ne puisse continuer à financer

mon emploi, mais ayant maintenant des di-

plômes et de l’expérience, je reste optimis-

te pour l’avenir. ■

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École et cohésion sociale

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D O S S IE R

Deux questions à Étiennette Montanant, secrétaire nationale, EPA/FSU

Politiques de la ville

L’US : D’où vient ce concept de cohésion sociale ?

Étiennette Montanant : La cohésion sociale est censée être une réponse à l’exclusion.

Pour la politique de la ville c’est la réponse à la relégation de populations dans les « zones urbaine sensibles » à l’habitat dégradé: popu- lations en majorité au chômage, immigrées, exclues d’un certain nombre de droits citoyens. De ce fait, ces quartiers sont fré- quemment le théâtre de violences urbaines et très stigmatisés. « Cohésion sociale » donc en réponse à la « fracture sociale ».

Depuis les années quatre-vingt, la paupérisa- tion de ces quartiers s’est aggravée. Pour remédier à ces difficultés, on a mis en place différents plans DSQ (développement social des quartiers) basés sur la réhabilitation urbaine et l’accompagnement social. Mais ce travail microterritorial n’est pas opéra- tionnel. On va multiplier les formes d’inter- vention, pour passer du contrat de ville au contrat d’agglomération. Ces diverses mesures engagées depuis 1982 ne parviendront pas à inverser le phénomène de l’exclusion.

L’US : Quelles appréciations portes-tu sur cette question ?

E. M. : On ne peut travailler sur la cohésion sociale sans considérer que les personnes concernées puissent avoir un discours poli- tique sur leur situation. Cela suppose donc un

travail préliminaire avec elles. Il ne suffit pas de parler de la mixité sociale. La notion est même pernicieuse, c’est accepter l’idée que la pauvreté est supportable dès lors

qu’elle est « diluée »: les exclus au milieu des classes moyennes. On est dans une attitude d’assistance. Les politiques publiques ont tendance à faire des catégories de population et on intervient à partir du handicap de ces populations en ne proposant qu’une offre sociale désormais bien tronquée. La cohésion sociale ne peut se faire dès lors qu’on consi- dère qu’on a affaire à des sous-populations dont on pense qu’elles peuvent se contenter de peu. On sait que le premier problème est l’accès à l’emploi, aggravé souvent par les comportements de racisme face à ces popu- lations. Or, on peut, dans ce contexte, s’émouvoir de l’avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance qui demanderait aux travailleurs sociaux et aux personnels d’éducation de signaler au maire toute per- sonne en difficulté sociale et éducative. De fait on renforce ici la stigmatisation et le contrôle social au lieu de combattre les inéga- lités sociales et économiques. On ne recherche plus tant l’intégration de ces popu- lations que la paix sociale. Il faut donc un pro- jet, une volonté politique qui mettent au centre les conditions de l’emploi pour tous, le partage des richesses et la reconnaissance des exclus comme des citoyens à part entière.

Faute de cela on est dans le leurre. À cela s’ajoute bien sûr la nécessité d’articuler démocratie participative et démocratie repré- sentative au nom de l’intérêt général. ■

Politiques régionales

Un exemple : Rhône-Alpes

L a Mission régionale d’information sur l’exclusion constituée en 1992 soutient la lutte contre la pauvreté et l’exclusion en Rhône-Alpes.

Deux exemples: l’accompagnement vers l’em- ploi et l’accès aux soins.

Pour nombre de personnes, l’accès à l’em- ploi ne passe plus par des processus spontanés ou individuels mais requiert l’intervention de tiers : elles sont accompagnées. Il existe dif- férents niveaux de suivi selon la situation des personnes : le libre-service, l’appui indivi- dualisé, l’accompagnement renforcé, l’ac- compagnement social.

Mais les enquêtes montrent que le passage dans l’un ou l’autre des dispositifs ne garan- tit pas systématiquement l’accès à l’emploi (un bénéficiaire sur deux). C’est la nature de l’ac- compagnement qui est en débat et l’équilibre

est difficile à trouver entre les objectifs d’in- sertion sociale et d’insertion professionnelle.

Plus encore il s’avère que l’accompagne- ment doit se poursuivre dans l’emploi pour pallier les difficultés d’insertion profession- nelle durable (multiplication des emplois temporaires...)

Enfin s’affirme le principe de réalité : celui de la sélectivité du marché du travail. Il n’y a pas

« une » figure de l’exclu, mais des situations différentes qui obligent à combiner forma- tion professionnelle, mobilisation du monde économique en matière de recrutement et d’in- tégration, accompagnement psychosocial et au plan du logement et de l’aide à la création d’activité pour les personnes marginalisées.

Faute de quoi, l’accompagnement ne sera qu’un palliatif et la lutte contre l’exclusion un leurre.

Sur le logement la baisse importante des cré- dits dépensés en matière de logement social depuis 95 traduit un manque de volonté poli- tique en ce domaine (construction annuelle de 4 000 logements sociaux en 1999, 9 000 en 93 dans la région). Les réalisations ont flé- chi sans discontinuer et sont loin de répondre aux besoins estimés.

Dernier exemple: l’accès aux soins. La CMU constitue une réelle avancée, mais beaucoup de personnes se sentent mal informées de leurs droits, voire stigmatisées. Il reste une parole à entendre et à mieux prendre en compte les conditions de vie des personnes, notamment les difficultés de logement qui pèsent souvent sur la santé, d’où l’intérêt du projet d’une « cou- verture logement universelle ».

En conclusion, beaucoup reste à faire et sur- tout la volonté politique ! ■

On renforce ici la stigmatisation

et le contrôle social au lieu

de combattre les inégalités

sociales et économiques.

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604 du 16 juin 2004 - US MAGAZINE - 21

Carte de recrutement des collèges

L e projet de loi de décentralisation prévoit de transférer à chaque conseil général la responsabilité de définir les zones de recrutements de chaque collège du départe- ment. Ainsi ce sont les élus du conseil géné- ral qui décideront du collège dans lequel seront scolarisés les élèves de tel quartier, de tel lotissement, de tel village. Cette respon- sabilité est assurée aujourd’hui par l’inspec- teur d’académie.

Ce transfert est préoccupant. En effet, même dans la situation actuelle, certains collèges concentrent les élèves rencontrant les diffi- cultés sociales et scolaires les plus impor- tantes. Les parents de niveau socioculturel plus favorisé, et qui sont le plus souvent les plus préoccupés par les conditions de scola-

rité de leurs enfants, tentent de détourner cette carte de recrutement: utilisation des dérogations, recours à l’enseignement privé.

Si on peut comprendre cette démarche, on ne peut pas rentrer dans une logique condui- sant à la ghettoïsation de certains établisse- ments. L’indépendance théorique de l’ins- pecteur d’académie lui donne les moyens de résister à des pressions locales.

Le pilotage par les élus départementaux risque de changer la donne. Sous la pression de leurs électeurs, à laquelle pour des raisons évidentes il leur sera plus difficile de résister, ils pourront être tentés de mieux répondre à la demande de certains parents et de modifier les secteurs de recrutement dans un sens qui aggraverait la ghettoïsation sociale de certains quartiers.

On a beaucoup parlé lors du texte sur la laïcité de la nécessité, pour tous, du brassage des élèves de différentes origines, ethnies ou reli- gions. Il en est de même au niveau social. Le projet contenu dans la loi de décentralisation fragilise davantage encore cet objectif.

Même si l’attribution des dérogations à cette carte des affectations des élèves relève tou- jours de l’inspecteur d’académie, on voit bien qu’il est possible de mettre en place une nouvelle carte qui rende inutile le recours au procédé des dérogations pour contourner le zonage actuel.

Enfin n’oublions pas que la carte des col- lèges prédétermine les zones de recrutement des lycées, ces dernières étant toujours consti- tuées d’un ensemble de collèges. ■

Soutien scolaire

Auberge espagnole ?

L a réussite scolaire s’appuie sur la nécessité d’un travail personnel de l’élève, mais aussi sur un accès à différents aspects de la culture. Si l’élève trouve en lui-même et dans son environnement des ressources suffi- santes, pas de problème. Mais quand ce soutien manque, vers qui se tourner?

Le système éducatif a ébauché une prise en charge de l’aide aux élèves par les professeurs, à travers en particulier de l’aide au travail (Sixième-Cinquième), et en lycée grâce aux modules. Certains établissements disposant de quelques moyens ajoutent des études. Mais le soutien scolaire relève le plus souvent du domaine associatif et se réalise en dehors de l’établissement scolaire.

Le soutien scolaire peut pallier l’absence ou l’impossibilité de soutien familial, la difficulté de trouver un lieu et un climat propices au tra- vail. Mais son fonctionnement peut susciter

des interrogations et présenter des risques (dérives sectaires, prosélytisme religieux, com- pétences mal adaptées...).

La charte de l’accompagnement scolaire (octobre 1992) signée par l’Éducation nationale permet d’offrir quelques garanties. La mise en place des contrats éducatifs locaux (CEL) insiste sur la nécessaire concertation et mise en cohé- rence des projets éducatifs entre les différents ministères et services, les collectivités territo- riales, les associations. Mais la diversité des situations, des actions, des intervenants rend dif- ficile une évaluation globale de leur efficacité.

Par ailleurs, des familles plus aisées se tournent de plus en plus fréquemment vers le marché des cours particuliers, investi par des entreprises comme Akadomia (en bénéficiant d’avantages fiscaux), sessions de rattrapage, aide en ligne sur Internet, etc. Ce recours au «payant» accentue les inégalités et marchandise un peu plus le

Fonds sociaux

Engagements, désengagement...

L es fonds sociaux collégien, lycéen, ceux pour la cantine, sont des fonds d’État, mis en place pour compenser de manière ponc- tuelle, et sur demande des intéressés, les dé- penses annexes induites par la scolarité.

Si le SNES et la FSU n’étaient pas favo- rables à la démarche qu’imposaient ces fonds (nécessité de remplir un dossier, choix par une commission de l’établissement... inéga- lités selon les situations), et souhaitaient une

augmentation des bourses et des aides sociales sur la base des revenus, ces fonds apportaient dans les établissements sensibles, ZEP ou à majorité d’élèves défavorisés une aide non négligeable pour des jeunes en situation atypique ou pour une prise en charge d’une partie des coûts induits par la scolarité (pension ou demi-pension, achat de fournitures et de matériels, livres, sor- ties ou voyages...).

Or, ces fonds sont en constante diminution, non seulement pour les établissements qui les avaient thésaurisés, mais pour ceux dont les besoins perdurent et s’accroissent.

La limitation des crédits, les incertitudes sur leur attribution année après année réduisent leur impact sans réévaluation des autres aides.

En catimini, une disparition des aides qui répondent pourtant à un besoin identifié... ■ rapport à l’éducation. Avec le risque de voir s’organiser « une seconde école », facteur obligé de la réussite dans la « première école », comme au Japon.

Repenser le rôle du soutien scolaire doit nous conduire à réfléchir sur la nécessité d’organiser une aide individuelle et collective dans le sys- tème public. ■

Le risque de voir s’organiser

« une seconde école »

comme au Japon.

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D O S S IE R

École et cohésion sociale

Primo-arrivants

L’accueil des élèves étrangers

Discriminations à l’école

Discriminations ethniques

ou sélection sociale

D ’après une enquête du ministère des Affaires sociales et de la direction de la population et des migrations, la popu- lation scolaire étrangère fréquentant les éta- blissements (publics et privés) relevant de l’Éducation nationale représente 7,9 % des ef- fectifs scolaires. On évalue à environ 32 000 les primo-arrivants non francophones venus en France au cours de l’année 2002.

L’Éducation nationale doit assurer à tous ces jeunes une formation. Comment ?

Aujourd’hui l’enseignement de français langue seconde (FLS) destiné aux élèves étrangers non francophones se fait dans le cadre de structures ou classes d’accueil : CLIN (classes d’initiation pour le premier degré), CLA (classe d’accueil dans le second degré) pour les dispositifs les plus importants.

Mais ces structures sont en nombre insuffisant.

Et beaucoup de jeunes se retrouvent dans des classes « ordinaires » avec éventuellement un regroupement géographique hebdomadaire pour une ou deux heures.

Même quand ces classes existent, les pro- blèmes demeurent : ces élèves demandent un effort de tous pour les accueillir dans la communauté scolaire, les intégrer après leur passage en classe d’accueil. Autres pro- blèmes : quel français enseigner ? Quels pro- grammes, quelles démarches pédagogiques ? Force est de constater que les réponses offi- cielles ne répondent pas aux besoins : le nombre des élèves souvent peu élevé à la rentrée augmente fortement en cours d’année notamment en fonction de la résolution des problèmes administratifs. Il faut donc pour

l’enseignant une excellente formation didac- tique qui lui permette de gérer des entrées tout au long de l’année, des entrées mais aussi des sorties car l’objectif est d’obtenir l’intégration de ces élèves dans le cursus normal. L’accueil de ces publics impose aussi la prise en compte du jeune, de son environnement, des liens avec les partenaires éducatifs sociaux, des contacts avec les familles.

L’investissement énorme des personnels ne compense pas la faiblesse de la formation, ni le manque de temps nécessaire.

Les enseignants n’ont aucune reconnaissance statutaire, institutionnelle et exercent leur métier dans des conditions très difficiles.

Il devient urgent pour notre système éducatif d’accorder ses pratiques et ses moyens aux idéaux d’humanisme dont il se réclame. ■

S urreprésentés en ZEP, dans les filières d’ensei- gnement professionnel, sorties sans diplôme plus fré- quentes, les élèves étrangers ou issus de l’immigration

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seraient-ils victimes de discri- minations au sein de l’école ? La question est d’importance:

la fonction d’intégration de l’école républicaine est en jeu.

Il est impossible d’accréditer la thèse d’une construction délibérée d’une discrimina- tion « ethnique ». En effet, à situation sociale identique, les enfants étrangers ou d’origine étrangère ne réussissent pas

moins bien que les autres élèves de la même condition sociale. L’échec scolaire des enfants

« étrangers » est d’abord celui des enfants des milieux populaires : derrière l’immigration, il y a la question sociale qui est posée à l’école.

Pour autant, peut-on négliger la possibilité de facteurs particuliers ?

La ségrégation urbaine est un obstacle au brassage culturel et crée le risque de filières ou d’établissements à caractère ethnique. Si l’école est une institution enracinée dans l’universalisme et l’antiracisme, elle n’est pas à l’abri des préjugés, ni surtout de com- portements d’étiquetage.

Le plus problématique est l’émergence de

situations où une partie de ces jeunes, victimes par ailleurs de discriminations dans l’emploi, le logement, les loisirs, la rue, se sentent vic- times d’injustices et d’un rejet par le système scolaire, car pour eux l’idéal de l’école est hors de portée. Ils n’en comprennent plus la loi.

Dès lors, dans un processus classique décrit de longue date par la sociologie, ils vont se construire une identité (dite « ethnique ») qui s’appuie sur l’étiquetage dont ils sont l’objet et qui prétend y répondre.

Le rôle de l’école est d’enrayer ce processus avant qu’il se développe. Il faut bien sûr trai- ter l’échec scolaire comme une question

sociale (on ne gagnera rien à céder à la ten- tation de faire disparaître le social dans l’eth- nique), mais aussi se battre sur des valeurs, l’école doit faire une place à la lutte contre les injustices dont ces jeunes sont victimes dans le corps social, et parfois en relation avec leur parcours scolaire, comme leurs difficul- tés inadmissibles à trouver des stages en entre- prises, ce qui doit mobiliser toute la commu- nauté scolaire. ■

(1) « Étrangers » au sens d’« étranges étrangers » : on sait que les jeunes français des DOM-TOM ou d’origine maghrébine sont bien plus stigmatisés qu’un jeune étranger de l’Union européenne.

L’échec scolaire des enfants

« étrangers »

est d’abord celui

des enfants des

milieux populaires.

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Supplément au n

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604 du 16 juin 2004 - US MAGAZINE - 23

Un bilan contrasté mais un effet opératoire

L e lancement des ZEP en 1981 marque un tournant dans la politique éducative en France. S’inspirant des « Educational Priority Areas » mises en place en Grande- Bretagne, Alain Savary impose le concept de

« discrimination positive » qui vise à substituer au principe d’égalité stricte le principe d’équité pour favoriser l’égalité des chances. Des terri- toires sont pour la première fois définis selon deux types de critères, la situation scolaire des élèves et la structuration socio-économique de la zone. Des moyens spécifiques doivent per- mettre d’y mobiliser l’ensemble des acteurs autour de projets communs. Dans le même temps, la politique de la ville connaît ses pre- miers balbutiements, avec notamment un plan intérimaire de deux ans.

Plus de vingt ans après, il existe curieusement peu de bilans de la politique des ZEP. Sans doute parce que, comme le note Jean-Yves Rochex, il est « malaisé à faire ». Les études sta- tistiques de la DEP indiquent que l’écart entre les élèves scolarisés en ZEP et ceux qui sont sco- larisés hors ZEP diminue peu. Mais le rapport de C. Moisan et J. Simon

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, publié en 1997, ana- lyse la valeur ajoutée des ZEP étudiées en com- parant les résultats obtenus aux résultats atten- dus et démontre qu’il y a des réussites à certaines conditions. Enfin, la Synthèse des bilans des contrats de réussite 1999-2002 de 24 académies publiée en juin 2003 fait le même constat.

L’ensemble des recherches s’accordent à consi- dérer que la taille des ZEP joue un rôle pré- pondérant dans leur réussite. La seconde relance de 1999 a ainsi créé des réseaux d’éducation prioritaire organisant les écoles du premier degré autour d’un collège. Mais le statut de REP est particulièrement ambigu, certains éta- blissements étant à la fois ZEP et REP, d’autres, nouvellement classés, n’étant que REP.

D’ailleurs, c’est maintenant l’expression « Édu- cation prioritaire » qui est imposée. Mais cette relance, qui a conduit à ce que plus de 20 % des collégiens relèvent maintenant de l’éducation prioritaire, a été réalisée à moyens constants. La Synthèse indique que les établissements rece- vaient en 2002 10 % de dotation supplémentaire en moyenne. Avec les restrictions budgétaires actuelles, les IA ont souvent fait le choix de ponctionner sur ces moyens.

Cela a pu conduire certains à préconiser la concentration de ces moyens sur les terri- toires les plus en difficulté et les établisse- ments les plus défavorisés. C’est oublier que, comme l’indique la Synthèse, « dans un contexte où d’évidence tous les indicateurs d’environnement social se sont détériorés, (…) l’effet éducation prioritaire est opéra- toire. » De plus, avec la réduction de leur taille, les établissements en ZEP ont vu leur secteur de recrutement resserré sur un quar- tier de plus en plus restreint. Si bien que, souvent, cette ghettoïsation a réduit encore une mixité sociale déjà fort limitée en raison à la fois des stratégies d’évitement des familles non captives que note Agnès Van Zanten et d’une politique de la ville nettement insuffisante.

On ne pourra pas faire l’économie d’une autre politique économique et sociale, d’une poli- tique de la ville et d’une politique éducative qui visent à réduire les inégalités. De ce point de vue, il faut simplifier les multiples classe- ments (sensible, ZEP, REP, violence, PEP 1 et 4). Les établissements relevant de l’édu- cation prioritaire, y compris ceux qui réus- sissent, doivent bénéficier des moyens néces- saires. Le premier facteur de réussite des ZEP, reconnu par toutes les recherches, est la centration sur les apprentissages et le travail dans la classe. Il faut donc permettre tout à la fois de réduire les effectifs par classe autour de 20, mettre en place de véritables possibi- lités de travail en équipe sur le temps de ser- vice et des dispositifs d’aide cohérents et effi- caces, développer la formation initiale et continue des personnels. ■

(1) Les déterminants de la réussite scolaire en zone d’éducation prioritaire, INRP, 1997.

Santé des jeunes

L’école doit faire plus

L ’école est en première ligne pour mener des actions de dépistage, de prévention, d’éducation à la santé.

Or, les insuffisances en nombre de personnels (médecins scolaires, infirmières, secrétaires médicales, assistants sociaux), rendent impos- sible ou fragmentaire un suivi réel des élèves, dont la scolarité peut être handicapée par des problèmes de santé. Il n’existe que 2 200 médecins scolaires (soit un pour 5800 élèves) et si, à Lyon, un « bilan de santé » est réalisé à 6 ans pour 90 % des enfants, ils ne sont que 50 % dans le Val-de-Marne !

Or, les différences sociales ont une incidence

sur la santé des jeunes : régime alimentaire déficient, moindre suivi médical, conditions de logement (insalubrité, exiguïté...).

Ainsi, l’état de santé bucco-dentaire révèle des disparités importantes : par exemple, les deux tiers des enfants de ZEP ayant des dents cariées n’ont pas recours au dentiste pour les soigner. Mais dans les départements où a été mis en place un suivi gratuit, l’ensemble des enfants bénéficient d’un état bucco-dentaire satisfaisant. Quant à l’obésité, elle croît rapi- dement et touche les enfants de manière inégale. Plusieurs enquêtes l’on montré: l’une montre que le surpoids des enfants de 6 ans

(14 % sont en surcharge pondérale) est par- ticulièrement important chez les enfants sco- larisés en ZEP, résultats confirmés par le suivi en CM2; l’enquête qui a suivi les élèves de Troisième marque nettement la différence entre jeunes de milieux défavorisés et enfants de cadres.

L’anorexie, quant à elle, touche davantage les jeunes filles que les garçons (une fille sur 100), entraînant leur décès dans 10 % des cas ; les infirmières-conseillères de santé qui reçoivent « la plainte somatique des élèves » disent à quel point le mal-être des jeunes est prégnant et le besoin d’écoute EEE

Le premier facteur de réussite des ZEP, reconnu par toutes les recherches, est la centration sur les apprentissages

et le travail dans la classe.

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École et cohésion sociale

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D O S S IE R

La fonction de l’école

Cohésion et culture

important. Ce malaise, ou mal-être, pouvant aller jusqu’à des comportements à risques, se retrouve, sous des formes différentes, aussi bien parmi les élèves de LP que des classes prépas. Le suicide des jeunes est d’ailleurs préoccupant, même si la France n’est pas le pays d’Europe le plus touché. Le tabagisme et la consommation d’alcool touchent les jeunes de plus en plus précocement...

La santé à l’école est donc aussi affaire d’éducation. Le rapport récent du ministère de l’Éducation nationale et du ministère des Affaires sociales de janvier 2004 pointe les insuffisances de cette politique (pilotage inefficace, actions souvent inadaptées, instances peu uti- lisées, formation globalement peu adaptée, faiblesse des interven- tions...). Le manque de personnels, le manque de temps, la multi- plicité des sollicitations sont un frein à un rôle plus efficace de l’école dans la prévention, même si des campagnes de sensibilisa- tion sont menées (notamment sur le tabac) et si dans certaines dis- ciplines, comme les SVT, le programme fait une place à ces ques- tions. En réalité, il n’existe pas de véritable volonté de faire vivre l’éducation à la santé, en raison d’une prise de conscience insuffi- sante de l’institution et des personnels de l’importance de cette mis- sion. Il faut donc rappeler que le droit à la santé n’est pas qu’une question d’accès aux soins ; la prévention et l’éducation à la santé peuvent jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la santé et la résorption des inégalités sociales, ce que le SNES et la FSU n’ont cessé de répéter dans le cadre des propositions alternatives pour la réforme du système de santé. ■

L ’histoire des sociétés humaines bruit des conflits et des tensions qui n’ont cessé de les secouer tout au long de la constitution des États-Nations. Conflits religieux, politiques, sociaux se sont terminés par l’écrasement, la guerre civile et la répression pendant des siècles.

L’histoire nationale et européenne reste à cet égard un objet permanent de méditation.

L’invention de la République a fait prendre conscience que le dépassement des crises ne pouvait reposer que sur un travail d’éducation façonnant des liens idéologiques et culturels pro- ducteurs d’identité et de conscience citoyenne.

Bien qu’elle n’hésitât pas à cultiver aussi l’es- prit belliqueux et revanchard, la III

e

République s’est donné des moyens de dépasser les idio- tismes régionaux et locaux d’une incroyable efficacité - au prix d’un écrasement des langues et particularismes régionaux dont beaucoup se demandent encore aujourd’hui s’il n’a pas été d’une violence excessive. Cohésion nationale toujours à la limite du nationalisme, cohésion sociale aussi par la pratique de la méritocratie scolaire camouflent pendant un demi-siècle la reproduction sociale à l’école.

Les cataclysmes du XX

e

siècle, la mondialisa- tion des conflits et des crises et les avatars du colonialisme ont profondément secoué l’idéo- logie scolaire. La bipartition entre culture pri- maire et culture secondaire, entre culture géné- rale et culture professionnelle, sans s’effacer totalement, a été mise en question.

La massification des études a fait reculer et a,

sinon supprimé, du moins délégitimé l’accès de certains à la culture critique pendant que les autres se contentaient de savoirs strictement pratiques. L’accès de nouvelles couches sociales aux études a bousculé l’univers serein des élites qui n’ont pas manqué de réagir en traçant les frontières invisibles des beaux quartiers et des bons établissements. La langue nationale elle- même, longtemps figée et stable jusque dans les détails de ses aberrations orthographiques, subit des évolutions considérables sous l’effet de la mondialisation des échanges culturels, du déve- loppement médiatique et des revendications des nouvelles couches scolarisées de jeunes issus de l’immigration francophone.

Ces évolutions considérables dans lesquelles nous sommes immergés travaillent la société

française et son école. Elles expliquent l’ex- trême difficulté à trouver un accord sur les savoirs communs. Cohésion et identité natio- nale s’y trouvent secouées au même titre que la cohésion sociale. L’une ne va pas sans l’autre. Le corpus des valeurs, des langages et des œuvres susceptibles d’être partagés par tous les futurs citoyens à l’école s’est tellement étendu que toute sélection devient vite arbi- traire. Il était plus simple de figer le corpus des auteurs autour des « moralistes » de l’âge classique que de sélectionner aujourd’hui des œuvres représentatives des grands courants de pensée européens et francophones. À l’autre bout de la chaîne, les références des métiers étaient plus tangibles que les concepts qui informent aujourd’hui la plupart des techno- logies. Il ne va plus longtemps être possible de tenir en état d’infériorisation culturelle les cultures du Maghreb ou d’Afrique noire et les langues qui s’y parlent.

Pour autant, le modèle intégrateur au fonde- ment de l’Éducation nationale ne peut être abandonné au profit d’un multiculturalisme dont s’accommodent facilement beaucoup de nos voisins européens. Alors, même si l’en- treprise de refondation culturelle de l’École est particulièrement difficile pour toutes ces rai- sons, elle ne saurait cependant être retardée, sauf à accroître le décalage entre ses ambitions et ses pratiques. Pourquoi le mouvement syn- dical n’aiderait-il pas au dépassement des dif- ficultés de l’entreprise ? ■

Le manque de personnels, le manque de temps, la multiplicité des sollicitations

sont un frein à un rôle plus efficace de l’école dans la prévention.

EEE

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l’inspection générale

Le SNES a rencontré l’I.G. Jean- Pierre Sarmant chargé, au sein du groupe Bach de relecture des programmes, du pôle sciences (maths, physique-chimie, SVT, RPS) de notre discipline.

Menée avec un souci de continuité entre primaire et collège, cette relecture débouche finalement, dans le même cadre horaire, sur un nouveau programme qui sera mis en œuvre, par niveaux successifs, dès la rentrée 2005. Auparavant, il est prévu une consultation des collègues, ce que vient de confirmer le ministère.

On peut considérer que, sur les points suivants, l’IG, par ailleurs d’accord avec la nécessité de groupes à effectifs réduits en TP, a apporté des réponses intéressantes et apaisantes face aux inquiétudes des collègues.

1. Pluridisciplinarité

Il n’est pas question d’un professeur de sciences, obligé d’enseigner par exemple physique-chimie et SVT. En revanche, les professeurs de plusieurs disciplines, dont les deux ci-dessus, pourraient être amenés à coordonner leurs enseignements pour le rendre plus efficace, notamment à l’occasion des thèmes de convergence. Ces thèmes font partie intégrante des contenus et ont été mis en place pour favoriser une telle démarche.

2. Démarche d’investigation.

S’il est intéressant de commencer, à chaque fois que c’est possible, par un questionnement des élèves (ne serait-ce que pour apprécier l’état de leurs connaissances !), il n’est ni obligatoire ni souhaitable de recourir, en toutes circonstances, à

« la » méthode d’investigation, d’ailleurs plutôt mise en avant dans l’introduction du pôle sciences que dans la partie physique-chimie.

3. Energie

Cette nouvelle partie du programme doit donner lieu à une formation des collègues. Certes le CNP (Conseil national des programmes) ne souhaite pas le développement d’exigences de formalisation, mais cette première approche doit permettre de mettre en place un vocabulaire et des notions, qui faciliteront la compréhension des notions et concepts qui seront étudiés ultérieurement.

G. Hatab, S. Nony

Supplément au n

o

604 du 16 juin 2004 - US MAGAZINE - 25

Inégalités et discriminations à l’école

U ne des originalités du bacca- lauréat STT est la présence d’une « épreuve pratique » orale et terminale dont le support est un dossier réalisé par les can- didats durant leurs années de Pre- mière et Terminale.

La pertinence de cette épreuve repose sur l’importance et la diver- sité du champ d’évaluation qu’elle permet de couvrir.

Le caractère oral de cette épreuve, combiné à un déroulement de l’épreuve judicieux ayant pour sup- port un dossier d’activités, permet à l’examinateur de mesurer une multiplicité d’aptitudes et de connaissances chez le candidat.

On évalue ainsi la rigueur et la capacité du candidat à structurer sa pensée pour restituer, le plus clairement possible dans l’exposé préliminaire en temps limité de 10 minutes, la nature et les enjeux de l’activité réalisée et pour pré- senter les documents associés. Il ne s’agit pas d’un simple exercice de répétition d’un texte appris « par cœur » pour la circonstance, il est le levier sur lequel va s’appuyer

le jury pour questionner le candidat.

La phase « questionnement » montre bien que l’activité n’est qu’un support à partir duquel le can- didat doit expliciter sa démarche.

Cette phase de l’épreuve est essen- tielle, elle permet d’évaluer:

• La capacité du candidat à dégager la problématique liée à l’activité en dégageant son objectif général.

• La compréhension qu’il a du choix des tâches effectuées pour atteindre l’objectif, l’ordre dans lequel elles ont été effectuées, et le degré de pertinence de ces choix.

• Les connaissances mobilisées et réinvesties dans le cadre de cette démarche. Celles qui sont néces- saires à l’argumentation en rapport direct ou indirect avec l’activité selon la problématique précédem- ment posée.

• Le degré de compréhension du candidat de la démarche globale adoptée et de sa cohérence par rap- port aux tâches intermédiaires effectuées. Pour cela il doit être capable d’interpréter et analyser la tâche elle-même, les documents associés.

La dernière étape de l’épreuve sur matériel informatique enrichit de façon importante cette évaluation:

• Elle est l’occasion de mesurer la capacité du candidat à manipuler l’outil, à maîtriser l’utilisation de logiciels mais elle est bien plus que cela.

• Le candidat doit pouvoir explici- ter sa démarche à partir des tech- niques utilisées.

• Le jury mesure la compréhen- sion qu’il en a en lui demandant de modifier des données, en lui pro- posant y compris de faire face à des situations nouvelles.

Cette étape de l’évaluation permet de mesurer la capacité du candidat à faire face à des situations inatten- dues, ce qui est très novateur dans nos systèmes d’évaluation.

L’épreuve pratique est bien une épreuve de qualité, pertinente et exigeante. Dans le cadre de la réno- vation de la série, ses atouts doivent être valorisés et ses points faibles corrigés. Ce n’est que dans le main- tien d’une épreuve terminale natio- nale que cela pourra être fait. ■ Sylvie Obrero

L e dernier rapport du CERC sur la pauvreté des enfants interpelle un syndicat comme le SNES. L’école ne peut pas tout résoudre mais elle doit prendre en compte les diffi- cultés réelles que rencontrent cer- tains jeunes.

La question de la réduction des inégalités doit être au centre de toute loi d’orientation sur l’école. En effet, si celles-ci ont régressé, en termes globaux d’accès au bac, aux études longues, et en ce qui concerne l’allongement de la durée des études des filles, elles demeurent très vives si l’on considère l’origine sociale, le lieu d’habitat, le niveau de revenus, le genre ou l’origine ethnique.

Construire une école qui fasse réussir tous les élèves serait-il devenu une utopie à laquelle nous aurions renoncé collectivement ? Il nous faut mieux comprendre les

processus à l’œuvre tant dans la société, que dans nos établisse- ments, nos classes, et comment la somme de microdécisions (choix des contenus enseignés, évaluation, pratiques pédagogiques, travail de l’élève, pratiques d’orientation) sans rapport a priori les uns avec les autres contribue à les dynamiser.

Comment éviter le cumul de

l’échec des élèves les plus dému- nis ? Comment éviter ainsi d’abou- tir à des voies de relégation ? A partir du constat des inégalités et de quelques pistes débattues le matin avec J.-P. Terrail, nous ana- lyserons deux types d’inégalités H/F et ethniques et tenterons d’en mesurer tous les enjeux, de voir les pistes de réponses syndicales. ■

DÉROULEMENT

• Jeudi 1

er

juillet : Trois débats pour trouver des voies à la réussite scolaire.

Co-organisation Observatoires du SNES et Institut de la FSU. Lieu : FSU, 3, rue de Metz, 75010 Paris.

• 9 h-12 h : Quelles voies possibles de l’égalité scolaire ? Avec Jean-Pierre Terrail, sociologue, auteur de l’Ecole, l’enjeu démocratique.

• 14 h-16 h: Inégalités-discrimination : construire des propositions sur les inéga- lités filles/garçons, notamment sur la question des contenus d’enseignement et des filières, sur la discrimination ethnique. Avec Françoise Lorcerie, chercheur.

A partir de l’analyse de la situation en France nous essayerons de voir quelles réponses syndicales et quelle formation des enseignants apporter.

• 16 h-18 h 30 : Discrimination positive et réussite des élèves. A partir de l’histoire du concept, de son utilisation en France. Avec Eric Keslassy auteur d’un ouvrage sur la discrimination positive paru chez Bréal en 2004 et des enseignants de ZEP collège et lycée.

Nous nous interrogerons sur le bilan actuel et s’il est nécessaire d’introduire dans les classes, dans les établissements, dans nos pratiques certaines formes de discrimination « positive ».

Pour vous inscrire à ce stage : 01 40 63 29 13 ou pedago@snes.edu

ÉPREUVE PRATIQUE AU BAC STT

Valoriser l’épreuve

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