par Michel BLAY
Commençons par une ritournelle : la science repose à la fois sur les faits, reconnus et constatés par l'observation, et sur l'induction qui consiste à remonter des faits aux lois et aux théories.
Ritournelle bien sûr, puisque l'inspecteur général de l'Instruction publique Lucien Poincaré écrit déjà dans une conférence de 1904 relative à la réforme de l'enseignement de 1902 : « On peut dire [...] que l'on a rencontré au début des faits complexes, ceux que nos sens imparfaits nous présentaient le plus facilement sous des apparences d'ailleurs peu conformes à la réalité objective ; ces faits semblaient tout d'abord isolés les uns des autres, puis à force de patientes investigations, de laborieuses recherches suivies d'inductions hardies, l'on est parvenu à les réunir dans une de ces grandes coordination qui dominent aujourd'hui nos connaissances [...] ». Et que, presqu'un siècle plus tard, en 1989, on lit encore dans le « Rapport de la mission sur l'enseignement de la physique, effectué à la demande de Monsieur Lionel Jospin, Ministre de l'Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports », appelé aussi « Rapport Bergé » du nom du président de la commission : « […] la Physique, science expérimentale par excellence, doit voir son enseignement s'appuyer sans cesse sur l'observation de faits et de phénomènes avant de les modéliser et de les mathématiser : on doit privilégier la méthode inductive et le recours systématique à l'expérience [...] ».
D'un texte officiel à l'autre, il apparaît donc que les faits constituent comme une base, un fondement, comme ce qui est de l'ordre du donné et du certain ; de ce, à partir de quoi, il devient possible par induction — sorte d'opération magique — de construire la théorie ou, plus modestement, sans trop de rigueur, de modéliser. Après un siècle, donc, de recherches historiques, d'analyses épistémologiques et philosophiques, les mêmes thèses sont énoncées sans le moindre souci critique et avec la même indigence conceptuelle ; c'est à désespérer ou à se croire entouré de perroquets.
Dans ces deux textes en effet, on assiste à une extrême simplification, pour ne pas dire plus, de ce qu'il faut comprendre par méthode scientifique : d'un côté donc les faits, le concret, de l'autre la modélisation mathématique ; les concepts, ce qui précisément permet la mathématisation (implicitement toujours détestée) de la physique sont comme absents. Qu'est- ce qu'un fait scientifique et comment se constitue une physique mathématique ?
Deux exemples, l'un présenté assez rapidement et l'autre développé plus longuement
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