Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 139—144
D i s p o n i b l e e n l i g n e s u r w w w . s c i e n c e d i r e c t . c o m
LETTRES À LA RÉDACTION
Les émollients préviennent-ils
les poussées de dermatite atopique ?
Do emollients prevent active episodes of atopic dermatitis?
Les malades atteints de dermatite atopique ont une altération de la fonction de la barrière cutanée qui s’exprime cliniquement par la xérose. Les anomalies de la fonction barrière sont responsables de l’augmentation de la perméabilité cutanée aux allergènes et de la colonisation bactérienne [1]. Les émollients sont, pour cette raison, fréquemment utilisés en association avec les dermocorticoïdes ou comme traitement adjuvant au cours de la dermatite atopique [2]. Les effets bénéfiques des émollients au cours de la dermatite atopique (DA) sont connus de tous, mais peu d’études se sont intéressées au rôle des émollients dans la prévention des poussées de DA.
Nous rapportons dans cette étude notre expérience sur ce sujet.
Malades et méthodes
Une étude rétrospective a été menée entre janvier 2002 et décembre 2005 dans le service de dermatologie du CHU Ibn Rochd de Casablanca, incluant tous les cas de DA colligés durant cette période. Le diagnostic de DA a été retenu selon les critères de Hanifin et Rajka, 1979. Le diagnostic de rechute a été retenu devant la récidive des lésions au même endroit. Nous avons comparé, respectivement, le nombre moyen des poussées durant les années 2002—2004 par rapport à celui de 2005, année durant laquelle tous les malades ont rec ¸u gratuitement et régulièrement des émollients (émulsion eau dans huile).
Résultats
Cent quatre-vingt-treize enfants atteints de DA ont été colligés, 89 filles et 104 garc ¸ons, l’âge moyen était de 3,5 ans avec des extrêmes allant de deux mois à 15 ans.
Le SCORAD moyen était de 32,5 avec des extrêmes de 19 à 43,5. Tous les malades ont rec ¸u des émollients à raison de deux applications par jour, le niveau et la durée des dermocorticoïdes ont été choisis en fonction de la clinique.
Le taux de rechutes observé durant l’année 2002 était de 25 %, en 2003 de 20,3 %, en 2004 de 18,3 et de 6,6 % en 2005
(année durant laquelle les enfants ont rec ¸u gratuitement les émollients expliquant leur usage plus régulier), la différence n’était statistiquement pas significative (p = 0,07).
Discussion
Le caractère rétrospectif de notre étude est à l’origine de nombreux biais :
• la taille différente des échantillons ;
• les facteurs de recrutement ;
• les périodes de consultation. . .
De plus, la baisse observée en 2005 pourrait également être due à des modifications de prise en charge intervenues en même temps que la distribution gratuite d’émollients.
Cependant, il nous semble que l’usage en continu des émollients sur les peaux atopiques diminue la fréquence des poussées.
La DA est caractérisée par des poussées prurigineuses d’eczéma aigu sur un fond de xérose cutanée permanente.
Pour corriger la fonction barrière et limiter le passage des irritants et allergènes, l’usage des émollients devrait être régulier. Cependant, le coût de ces produits est souvent un obstacle à l’observance du traitement : en effet, les quantités appliquées doivent être importantes pour un effet adjuvant dans le traitement de fond de la DA. Dans notre série, nous avons noté une diminution de l’incidence des poussées durant la période où les émollients ont été délivrés gratuitement et régulièrement aux malades, cette différence n’étant, cependant, pas statistiquement significative.
Aucune étude n’a évalué l’efficacité des émollients dans la prévention primaire de la DA, cependant, chez le prématuré, Nopper et al. ont rapporté que l’utilisation biquotidienne améliorait la fonction barrière cutanée appréciée grâce à la mesure de la perte en eau transépidermique qui était sensiblement inférieure par rapport au groupe témoin [3].
Si l’utilisation des émollients associés aux dermo- corticoïdes modifie l’évolution de la maladie et permet de réduire la quantité des dermocorticoïdes nécessaire et donc a un rôle d’épargne cortisonique [4,5], il est également admis que les émollients ont un rôle important dans la prévention des poussées de dermatite atopique [6]. Mais à notre connaissance, aucune étude n’a confirmé cette affirmation.
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140 Lettres à la rédaction Il nous semble que l’usage en continu des émollients sur
les peaux atopiques diminue la fréquence des poussées, mais d’autres études prospectives, comparatives et randomisées s’avèrent indispensables.
Références
[1] Stalder JF. Hydratation cutanée et atopie. Ann Dermatol Venereol 2002;129:147—51.
[2] Chiaverini C. Quels sont les moyens de prévention des poussées et les mesures adjuvantes de la dermatite atopique de l’enfant ? Conférence de consensus. Ann Dermatol Venereol 2005;132:1s243—66.
[3] Nopper AJ, Horii KA, Sookdeo-Drost S, Wang TH, Mancini AJ, Lane AT. Topical ointment therapy benefits premature infants.
J Pediatr 1996;128:660—9.
[4] Hanifin JM, Hebert AA. Effects of a low-potency corticosteroid lotion plus moisturizing regimen in the treatment of atopic dermatitis. Curr Ther Res 1998;59:227—33.
[5] Lucky AW, Leach AD, Laskarzewski P, Wenck H. Use of emollient as steroid sparing agent in the treatment of mild to moderate atopic dermatitis in children. Pediatr Dermatol 1997;14:
321—4.
[6] Simpson EL. Atopic dermatitis prevention. Dermatol Ther 2006;19:108—17.
K. Khadir, L. El Moutaoui
∗, H. Benchikhi, S. Habibeddine, H. Lakhdar Service de dermatologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
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