Mirages de supraconductivité

(1)

HAL Id: jpa-00235748

https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00235748

Submitted on 1 Jan 1958

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Mirages de supraconductivité

L. Brillouin

To cite this version:

L. Brillouin. Mirages de supraconductivité. J. Phys. Radium, 1958, 19 (1), pp.112-112.

�10.1051/jphysrad:01958001901011200�. �jpa-00235748�

(2)

112 MIRAGES DE SUPRACONDUCTIVITÉ

Par L. BRILLOUIN

Depuis cinquante âns ^la supraconductivité ^reste ûne énigme pour les théoriciens. Beaucoup s’y ^sont âtta- qués, êt les résultats ont été décevants. La dernière tentative est celle de Bardeen, Cooper, Schrieffer [Phys.

Rev., 1957, 108, 1175] ânnoncée ^à grand ^{fracas de} publicité âvec ^des ârticles flamboyants ^{dans la} grande

presse. Cet essai ^se présente ^{comme un} rapiéçage ^de

théories disparates, ûn ^bloc ênfariné. Ûne ^discussion

détaillée nous entraînerait trop loin, essayons plutôt

de trouver le point névralgique ^et ^de ^montrer ^que ^cette

théorie ne semble _pas capable d’expliquer ^les supra- courants permanents.

^,

Frôhlich avait discuté les interactions entre élec- trons et phonons, et avait isolé un groupe de ^termes

qu’il jugeait responsables ^{de la} supraconductivité. Ên fait, îl n’y â pas, aujourd’hui encore, de preuve précise

de cette relation, qui pourtant ^semble ^bien probable.

Bardeen repart ^de ^cette ^{étude de} Frôhlich, ^{dont le}

groupe de ^termes indique ^une attraction entre certains

électrons, voisins de la limite de Fermi. Mais ^ces termes et ces attractions doivent exister dans tous les métaux

sans exceptions. ^Comment expliquer ^le ^fait que seuls,

certains métaux deviennent supraconducteurs ?

Bardeen reprend âlors ûne âutre tentative, précé- demment présentée par lui-même et Pines, êt d’après laquelle les forces de Coulomb entre électrons (forces corrigées par effet d’écran) procureraient ^l’effet ânta- goniste, capable d’empêcher ^la supraconductivité, ^pour

les métaux usuels. Si les attractions de Frôhlich sont

plus fortes que les répulsions ^de Pines, ^on ^aurait ^la supraconductivité. ^{Si les} attractions sont moindres _que les répulsions, ^ce ^serait ^la conductivité normale.

Que penser de ^cette suggestion ? ^Les attractions de

Frôhlich, ^où interviennent les phonons, peuvent ^très bien être une des causes de supraconductivité. ^Mais ^les répulsions de Coulomb (corrigées ^ou non) ^ne peuvent,

à mon avis, jouer ^aucun ^rôle ni pour ni ^contre la supra- conductivité. Les principes fondamentaux de la méca-

niqùe s’opposent ^{à cette} hypothèse hasardeuse.

Dans un nuage de particules ên mouvement, ^les forces d’interaction entre particules ^ne peuvent modifier le mouvement du centre de gravité. ^Si ^ces particules ^sont les électrons d’un supracourant per- manent, îl êst impossible ^d’arrêter ^ce supracourant ên augmentant les interactions entre électrons ; or c’est là

l’hypothèse essentielle de Bardeen-Pines. On ne peut arrêter un projectile par ^aucun système ^de ^forces ^inté-

rieures !

Nous aimerions, d’ailleurs, ^obtenir ^une explication

claire des supracourants permanents, ^mais ^les ^auteurs gardent ^{sur ce} point ^un ^silence prudent.

Pines a publié ^récemment [Phys Rev., 1958, 109, 280]

une discussion du critérium de supraconductivité. ^Ses prédictions manquent ^de précision.

Je crois, ^en conclusion, ^devoir ^maintenir ^le point ^de

vue que j’avais présenté ^l’an ^dernier [J. Physique ^Rad., 1957,18, 331]. ^Les couplages ^entre ^électrons ^et phonons

doivent jouer ûn rôle dans la supraconductivité, ^mais il manque ^{encore un} âutre ^mécanisme êssentiel.

Lettre reçue le ³⁰ janvier ^1958.

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01958001901011200

Mirages de supraconductivité

HAL Id: jpa-00235748

https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00235748

Submitted on 1 Jan 1958

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Mirages de supraconductivité

L. Brillouin

To cite this version:

L. Brillouin. Mirages de supraconductivité. J. Phys. Radium, 1958, 19 (1), pp.112-112.

�10.1051/jphysrad:01958001901011200�. �jpa-00235748�

112

MIRAGES DE SUPRACONDUCTIVITÉ

Par L. BRILLOUIN

Depuis cinquante ans la supraconductivité reste une énigme pour les théoriciens. Beaucoup s’y sont atta- qués, et les résultats ont été décevants. La dernière tentative est celle de Bardeen, Cooper, Schrieffer [Phys.

Rev., 1957, 108, 1175] annoncée à grand fracas de publicité avec des articles flamboyants dans la grande

presse. Cet essai se présente comme un rapiéçage de

théories disparates, un bloc enfariné. Une discussion

détaillée nous entraînerait trop loin, essayons plutôt

de trouver le point névralgique et de montrer que cette

théorie ne semble pas capable d’expliquer les supra- courants permanents.

Frôhlich avait discuté les interactions entre élec- trons et phonons, et avait isolé un groupe de termes

qu’il jugeait responsables de la supraconductivité. En fait, il n’y a pas, aujourd’hui encore, de preuve précise

de cette relation, qui pourtant semble bien probable.

Bardeen repart de cette étude de Frôhlich, dont le

groupe de termes indique une attraction entre certains

électrons, voisins de la limite de Fermi. Mais ces termes et ces attractions doivent exister dans tous les métaux

sans exceptions. Comment expliquer le fait que seuls,

certains métaux deviennent supraconducteurs ?

Bardeen reprend alors une autre tentative, précé- demment présentée par lui-même et Pines, et d’après laquelle les forces de Coulomb entre électrons (forces corrigées par effet d’écran) procureraient l’effet anta- goniste, capable d’empêcher la supraconductivité, pour

les métaux usuels. Si les attractions de Frôhlich sont

plus fortes que les répulsions de Pines, on aurait la supraconductivité. Si les attractions sont moindres que les répulsions, ce serait la conductivité normale.

Que penser de cette suggestion ? Les attractions de

Frôhlich, où interviennent les phonons, peuvent très bien être une des causes de supraconductivité. Mais les répulsions de Coulomb (corrigées ou non) ne peuvent,

à mon avis, jouer aucun rôle ni pour ni contre la supra- conductivité. Les principes fondamentaux de la méca-

niqùe s’opposent à cette hypothèse hasardeuse.

l’hypothèse essentielle de Bardeen-Pines. On ne peut arrêter un projectile par aucun système de forces inté-

rieures !

Nous aimerions, d’ailleurs, obtenir une explication

claire des supracourants permanents, mais les auteurs gardent sur ce point un silence prudent.

Pines a publié récemment [Phys Rev., 1958, 109, 280]

une discussion du critérium de supraconductivité. Ses prédictions manquent de précision.

Je crois, en conclusion, devoir maintenir le point de

vue que j’avais présenté l’an dernier [J. Physique Rad., 1957,18, 331]. Les couplages entre électrons et phonons

doivent jouer un rôle dans la supraconductivité, mais il manque encore un autre mécanisme essentiel.

Lettre reçue le 30 janvier 1958.

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:01958001901011200

Depuis cinquante âns ^la supraconductivité ^reste ûne énigme pour les théoriciens. Beaucoup s’y ^sont âtta- qués, êt les résultats ont été décevants. La dernière tentative est celle de Bardeen, Cooper, Schrieffer [Phys.

Rev., 1957, 108, 1175] ânnoncée ^à grand ^{fracas de} publicité âvec ^des ârticles flamboyants ^{dans la} grande

presse. Cet essai ^se présente ^{comme un} rapiéçage ^de

théories disparates, ûn ^bloc ênfariné. Ûne ^discussion

de trouver le point névralgique ^et ^de ^montrer ^que ^cette

théorie ne semble _pas capable d’expliquer ^les supra- courants permanents.

Frôhlich avait discuté les interactions entre élec- trons et phonons, et avait isolé un groupe de ^termes

qu’il jugeait responsables ^{de la} supraconductivité. Ên fait, îl n’y â pas, aujourd’hui encore, de preuve précise

de cette relation, qui pourtant ^semble ^bien probable.

Bardeen repart ^de ^cette ^{étude de} Frôhlich, ^{dont le}

groupe de ^termes indique ^une attraction entre certains

électrons, voisins de la limite de Fermi. Mais ^ces termes et ces attractions doivent exister dans tous les métaux

sans exceptions. ^Comment expliquer ^le ^fait que seuls,

Bardeen reprend âlors ûne âutre tentative, précé- demment présentée par lui-même et Pines, êt d’après laquelle les forces de Coulomb entre électrons (forces corrigées par effet d’écran) procureraient ^l’effet ânta- goniste, capable d’empêcher ^la supraconductivité, ^pour

plus fortes que les répulsions ^de Pines, ^on ^aurait ^la supraconductivité. ^{Si les} attractions sont moindres _que les répulsions, ^ce ^serait ^la conductivité normale.

Que penser de ^cette suggestion ? ^Les attractions de

Frôhlich, ^où interviennent les phonons, peuvent ^très bien être une des causes de supraconductivité. ^Mais ^les répulsions de Coulomb (corrigées ^ou non) ^ne peuvent,

à mon avis, jouer ^aucun ^rôle ni pour ni ^contre la supra- conductivité. Les principes fondamentaux de la méca-

niqùe s’opposent ^{à cette} hypothèse hasardeuse.

l’hypothèse essentielle de Bardeen-Pines. On ne peut arrêter un projectile par ^aucun système ^de ^forces ^inté-

Nous aimerions, d’ailleurs, ^obtenir ^une explication

claire des supracourants permanents, ^mais ^les ^auteurs gardent ^{sur ce} point ^un ^silence prudent.

Pines a publié ^récemment [Phys Rev., 1958, 109, 280]

une discussion du critérium de supraconductivité. ^Ses prédictions manquent ^de précision.

Je crois, ^en conclusion, ^devoir ^maintenir ^le point ^de

vue que j’avais présenté ^l’an ^dernier [J. Physique ^Rad., 1957,18, 331]. ^Les couplages ^entre ^électrons ^et phonons

doivent jouer ûn rôle dans la supraconductivité, ^mais il manque ^{encore un} âutre ^mécanisme êssentiel.

Lettre reçue le ³⁰ janvier ^1958.