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Les féministes et la sphère privée

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Partie III Avant-propos 321

P ARTIE III

Les féministes et la sphère privée

« Les principes féministes de l’égalité absolue des deux sexes devant le travail salarié et du droit absolu de la femme à tout travail salarié accompli par l’homme sont faux

parce qu’ils sont contraires à la nature de la femme, à la constitution de la famille et à l’ordre social »

( La Femme belge, juillet 1921, p. 165 ).

« Celle que les poètes appellent l’ange du foyer n’est trop souvent qu’une servante qui

n’aurait ni sortie, ni congé et de qui ses maîtres ne s’occuperaient guère. Le bourgeois est

servi par ses domestiques, l’ouvrier par sa femme »

(I. Blume, La vie ouvrière, septembre 1930 ).

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Partie III Avant-propos 322

Avant-propos

Si le néo-féminisme, dans la droite lignée de Beauvoir, voit dans la maternité une des raisons majeures de l’aliénation des femmes et de leur relégation dans la sphère privée, la plupart des féministes de l’entre-deux-guerres s’en emparent au contraire pour justifier leurs revendications à plus de droits et d’égalité. Seule une minorité, notamment celle qui conçoit le droit au travail comme point de départ de l’édifice égalitaire, tient un discours moins lénifiant à l’égard de la maternité.

Ces discours présentent, le plus souvent, une certaine ambiguïté qui prend racine dans l’incapacité des féministes, à l’instar de leurs contemporains, d’envisager les femmes indépendamment de leur fécondité, de dissocier maternité, éducation et élevage des enfants.

Ces devoirs envers la société interfèrent dès lors dans toutes les activités féminines qui ne sont pas strictement incluses dans les tâches maternelles ; ils servent à justifier l’exclusion des femmes de la sphère publique et leur maintien dans le privé.

La glorification de la maternité s’accompagne aussi d’une glorification de la fécondité.

Instrumentalisées par des politiques natalistes et familialistes, les féministes modérées acceptent l’idée de la grande famille. La maîtrise de la fécondité n’est d’ailleurs pas perçue comme un combat prioritaire dans aucun groupe. Il faut attendre les années 1950-1960 pour voir poindre les premières préoccupations, sous l’influence des milieux socialistes, laïques et maçonniques et un mouvement de réappropriation du corps, permettant aux femmes de gérer elles-mêmes leur fécondité et de la soustraire à la domination masculine et étatique.

Nombreuses sont les féministes qui dès les années 1920, ont perçu la dimension politique de la natalité, et l’enjeu que représentait le contrôle des mères pour les partis politiques.

Certaines tentent de le retourner à leur avantage et revendiquent des droits au nom de la

‘glorieuse ‘ maternité. Mais à de nombreux égards les générations actuelles sont encore tributaires de cette assimilation entre féminité et maternité.

Si le discours sur la maternité est redondant, celui sur la sexualité se limite strictement au

domaine d’un moralisme austère qui s’organise autour de la lutte contre la « double

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Partie III Avant-propos 323

morale »

1

, élargie au plan sanitaire dans le mouvement abolitionniste et la lutte contre les maladies vénériennes. Si de prime abord, ces associations semblent périphériques au féminisme, leurs liens constants obligent à les intégrer dans son étude, sous peine de ne pas comprendre certaines de ses positions.

C’est d’ailleurs au nom de la fonction maternelle que se justifie l’assujettissement des femmes dans la famille. Les féministes se sont très tôt heurtées à la conception de la famille qui, comme plus petite unité du corps social, reproduit en condensé l’ensemble des inégalités sexuées qui traversent la société.

Les revendications en matière d’égalité civile dont beaucoup ont trait aux droits de la femme mariée, sont à la base du mouvement féministe belge. Comme nous l’avons souligné dans la deuxième partie, la Ligue belge du droit des femmes (1892) réclame dans un premier temps des réformes civiles et économiques auxquelles sont subordonnées l’égalité politique.

Selon Louis Frank, les revendications formulées par les féministes « ont un triple objet : abolir la puissance maritale et fonder le droit de la famille sur le principe de l’égalité entre les époux ; concéder aux femmes le droit de faire un honnête usage de leurs facultés et rendre accessible à tous, sans distinction de sexe, les métiers, les emplois, les professions, les carrières industrielles et autres ; enfin reconnaître aux femmes une part d’intervention dans la gestion et le règlement des intérêts publics »

2

. L’originalité de ce premier féminisme belge réside dans l’articulation de revendications axées sur le plan civil et économique. Les positions des féministes sur la question de maternité se trouvent à l’intersection des luttes pour l’égalité civile, économique mais aussi politique.

Sur le plan civil, la liste des requêtes est longue et porte à terme sur la remise en question de l’autorité maritale dont découle l’incapacité de la femme mariée. Les féministes n’obtiennent avant 1914 que quelques aménagements : le droit d’être témoin dans des actes d’état civil (loi du 7 janvier 1908) et celui d’ester en justice (loi du 12 août 1911).

La campagne féministe menée pour abolir l’interdiction de la recherche en paternité est emblématique de la manière dont les féministes perçoivent l’oppression sexuelle des femmes. Après une très longue mobilisation et plusieurs propositions de lois, la loi abolissant l’interdiction de la recherche en paternité est voté en 1908 mais assortie de telles restrictions que les effets en sont très fortement atténués. L’une des dernières victoires engrangées avant la première guerre est le vote d’une loi en mai 1914 (à l’étude depuis 1889) qui réprime toute provocation à la débauche et à la prostitution des mineurs et des femmes majeures non consentantes.

1

Expression visant la morale sexuelle différente suivant le sexe, laxiste pour les hommes, rigoriste pour les femmes.

2

BOËL, M. et DUCHENE, C., Le féminisme Belgique 1892-1914, CNFB, Bruxelles, 1955, p. 42.

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