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Inégalités de traitement des étudiants suivant les filières en France
Olivier Berné, François Métivier
To cite this version:
Olivier Berné, François Métivier. Inégalités de traitement des étudiants suivant les filières en France.
[Research Report] Sciences en Marche. 2015. �hal-01520905�
In´egalit´es de traitement des ´etudiants suivant les fili`eres en France
Sciences en Marche
∗16 Octobre 2015
1 Les in´ egalit´ es de financement par l’´ Etat des ´ etudes sup´ erieures en France
Pré-élémentaire Élémentaire Collège Lycée
Supérieur 5
10 15 20
Dépense par élève et par an (millier d' )
Universités Classes préparatoires
aux grandes écoles
Écoles d'ingénieurs
Figure 1 – D´ epenses de l’ ´ Etat par ´ el` eve et par an dans les diff´ erents cycles d’´ etudes en 2012.
Source : Rep` eres et R´ ef´ erences statistiques, Minist` ere de l’´ education nationale, 2015. La valeur des d´ epenses pour les lyc´ ees est une moyenne pond´ er´ ee des d´ epenses pour les lyc´ ees g´ en´ eraux et technologiques et des d´ epenses pour les lyc´ ees professionnels. Les d´ epenses par ´ etudiant attribu´ ees au universit´ es par le minist` ere (10850 e /´ etudiant/an) incluent des d´ epenses externes
`
a l’universit´ e, tel un volet d’aide social tr` es important. Pour les ´ ecoles d’ing´ enieurs la d´ epense correspond au budget par ´ etudiant non ` a la DIE sensu stricto.
La Strat´ egie Nationale de l’Enseignement Sup´ erieur souhaite favoriser la poursuite d’´ etudes et l’obtention de la licence par le plus grand nombre possible d’´ etudiants. Un des objectifs phares de cette strat´ egie, repris par le pr´ esident de la r´ epublique, serait d’amener 60% d’une classe d’ˆ age jusqu’` a un diplˆ ome du sup´ erieur (Licence ou Master).
∗
Rapport r´ edig´ e par Olivier Bern´ e (IRAP, Toulouse) et Fran¸ cois M´ etivier (Univ. Paris Diderot & IPGP).
1.1 Licences et classes pr´ eparatoires
Cette volont´ e se heurte ` a un ´ ecueil de taille : le taux d’´ echec en premi` ere ann´ ee de licence
`
a l’universit´ e. Les effectifs de L2 correspondent en effet ` a la moiti´ e seulement de ceux de L1 et le taux de r´ eussite ` a la Licence en trois ans est de l’ordre de 30%. Dans le mˆ eme temps les ´ el` eves de classes pr´ eparatoires aux
grandes
´ ecoles (CPGE) b´ en´ eficient d’une formation et d’un entraˆınement pouss´ es et leur taux de succ` es (entr´ ee en ´ ecole d’ing´ enieur ou obtention d’une licence) d´ epasse les 80% aujourd’hui. Si la s´ election en amont des CPGE leur conf` ere pro- bablement de meilleures chances de r´ eussite, on peut s’interroger sur l’existence et l’importance d’´ eventuelles diff´ erences d’investissement de l’ ´ Etat dans ces deux formations de premier cycle.
Or il apparaˆıt que le coˆ ut annuel pour l’´ etat d’un ´ el` eve de CPGE est de 14850e
1contre un budget de 10850 e pour un ´ etudiant de l’universit´ e
2. La diff´ erence est de 4000 e . Les ´ el` eves de CPGE b´ en´ eficient donc d’un budget de 40 % plus ´ elev´ e que les ´ etudiants des premiers cycles universitaires.
La figure 1 montre, en outre, la r´ epartition des d´ epenses int´ erieures d’´ education moyennes de l’´ etat par ´ el` eve en fonction du niveau d’enseignement. On voit que les d´ epenses de l’´ etat pour les ´ etudiants de l’universit´ e sont moins importantes que pour les lyc´ eens (bourses et aides financi` eres aux ´ etudiants incluses) l` a o` u les CPGE s’inscrivent dans une tendance ` a l’accroisse- ment progressif du coˆ ut des ´ etudes depuis l’´ ecole ´ el´ ementaire.
1.2 Universit´ es et ´ ecoles d’ing´ enieurs
10 20 30 40 50 60 70 80 90 Budget par étudiant et par an (milliers d' ) 0
10 20 30 40 50
Nombre d'établissements
Universités 8313
Écoles 16344
Figure 2 – Budget ex´ ecut´ e par ´ etudiant des ´ etablissements d’enseignement sup´ erieur en France.
En bleu les universit´ es, en vert les ´ ecoles d’ing´ enieurs. Les valeurs indiqu´ ees correspondent aux budgets moyens par ´ etudiant et par an.
Comparaison g´ en´ erale La figure 2 montre deux histogrammes. En bleu on a repr´ esent´ e l’histogramme du budget consolid´ e par ´ etudiant dont disposent les universit´ es, en vert celui des ´ ecoles d’ing´ enieurs publiques. L’histogramme des universit´ es est assez resserr´ e autour d’une
1. Donn´ ees 2013 issues de l’ ´ Etat de l’Enseignement Sup´ erieur et de la Recherche en France, ´ edition 2015.
2. Ce chiffre correspond ` a la d´ epense int´ erieure d’´ education (DIE). Il est largement sup´ erieur au budget r´ eel
ex´ ecut´ e par les universit´ es par ´ etudiant et par an. Voir les d´ efinitions en fin d’analyse
valeur moyenne de 8300 e par ´ etudiant et par an
3. Les ´ ecoles d’ing´ enieurs pr´ esentent un histo- gramme beaucoup plus ´ etendu. Certaines ´ ecoles ne disposent que de quelques milliers d’euros par ´ etudiant alors que d’autres disposent de plusieurs dizaines de milliers d’euros. En moyenne cependant on voit que les ´ ecoles d’ing´ enieurs disposent d’un budget par ´ etudiant de plus de 16000 e soit pr` es de 2 fois celui des universit´ es. L’´ ecart constat´ e entre ´ etudiants de premier cycle universitaires et ´ el` eves de classes pr´ eparatoires perdure donc durant leurs ´ etudes
4Comparaison g´ eographique L’analyse pr´ ec´ edente d´ emontre l’existence d’une in´ egalit´ e de financement globale entre ´ ecoles d’ing´ enieurs et universit´ es qui se retrouve au niveau r´ egional (Figs. 3 et 4). Il est int´ eressant de noter que l’´ ecart est encore plus important si on consid` ere les grandes ´ ecoles parisiennes les plus ”prestigieuses”, dont celles qui donnent acc` es aux grands corps de l’ ´ Etat, qui ont un budget par ´ etudiant d´ epassant les 50 000 e par an et par ´ etudiant (Fig. 5) !
Univ. Toulouse III ISAE (SupAero) Univ. Nantes Mines Nantes
Univ. Claude Bernard Centrale Lyon
Univ. Montpellier 2 ENSCM
Univ. Aix Marseille Centrale Marseille Univ. Rennes I
Insa Rennes
28
14 38*
13
23
10 Univ. Bretagne Occidentale
Telecom Bretagne
21 11 39
10
Univ. Bordeaux IPB
9
11 17 10
Univ. Lorraine Mines Nancy
61
11
* Budget 2012, source enscm.fr
Univ. Lille 1 Centrale Lille 1417
Univ. Paris VI Mines Paris
72
14
Budget par étudiant (k€)
arrondi au k€
41
Univ. J. Fourier Grenoble INP 12
27 16
Figure 3 – Exemples de budgets par ´ etudiant des ´ ecoles d’ing´ enieurs (vert) et des universit´ es (bleu) dans les diff´ erentes r´ egions de France. Les donn´ ees sont les mˆ emes que pour la Fig. 2 ` a part pour l’ENSCM (source enscm.fr).
3. Si on ne consid` ere que la dotation de l’ ´ Etat aux universit´ es, on arrive ` a 7000
epar ´ etudiant et par an en moyenne.
4. Cf M´ ethodologie.
Lyon 2 - Lumière Nîmes
Montpellier 3 - Paul-ValéryRennes 2 - Haute Bretagne Grenoble 2 - Pierre Mendès France
Toulouse 1 - Capitole Montpellier 1
Paris 1 - Panthéon Sorbonne Paris Ouest Nanterre La Défense
Paris 2 - Panthéon Assas Paris 8 - Vincennes Saint-Denis Bordeaux 3 - Michel de Montaigne
Lille 2 - Droit et santé Paris 3 - Sorbonne NouvelleLille 3 - Charles-de-Gaulle
Paris 4 - SorbonneAntilles-Guyane Clermont-Ferrand 1 - Auvergne
RouenAngers Toulouse 2 - Le Mirail
Avignon
Tours - François RabelaisParis 13 - Paris Nord Bretagne-Sud Amiens - Jules VerneChambéry - Savoie
Besançon - Franche-Comté Perpignan Paris-Est CréteilLe Mans - Maine
Nice - Sophia-AntipolisLittoral - Côte d Opale Polynésie Française - Tahiti
Evry Val-d Essonne Reims - Champagne ArdenneSaint-Etienne - Jean MonnetToulon - Sud Toulon VarGrenoble 3 - Stendhal
Nantes Dijon - Bourgogne Paris-Est Marne-la-Vallée
Limoges Pau - Pays de l Adour Université de Strasbourg
Le Havre
Caen - Basse-Normandie Poitiers
Brest - Bretagne occidentale Paris René DescartesVersailles Saint-Quentin
U. Bordeaux Artois
Aix-Marseille université Cergy-Pontoise
Valenciennes - Hainaut-Cambrésis La Rochelle
Clermont-Ferrand 2 - Blaise Pascal Rennes 1Orléans Université de Lorraine Toulouse 3 - Paul SabatierLyon 1 - Claude BernardParis 7 - Denis DiderotParis 11 - Paris Sud
Mulhouse - Haute AlsaceNouvelle-CalédonieCorse - Pasquale Paoli Lille 1 - Sciences technologiesParis Pierre et Marie Curie
Montpellier 2 - Sciences techniques du Languedoc Grenoble 1 - Joseph Fourier 0
5 10 15 20
Budget par étudiant et par an (milliers d')
Moyenne des universités Moyenne des écoles d'ingénieurs
Figure 4 – Budgets totaux des universit´ es fran¸ caises rapport´ e au nombre d’´ etudiants inscrits.
Les moyennes indiqu´ ees en pointill´ es sont des moyennes nationales. Les budgets des universit´ es varient de moins de 6000 e /´ etudiant/an ` a 13000 e /´ etudiant/an. La moyenne des budgets par
´
etudiant des ´ ecoles d’ing´ enieurs publiques (16300 e /´ etudiant/an) est pr` es de deux fois sup´ erieure
`
a celle des universit´ es (8300e/´ etudiant/an). La dotation de l’´ etat aux universit´ es est, quant ` a elle, de 7000 e /´ etudiant/an.
2 Discussion
Les donn´ ees existantes montrent sans ambiguit´ e que le financement par l’ ´ Etat des ´ etudes ` a l’universit´ e est largement inf´ erieur ` a celui consenti aux ´ el` eves des CPGE et des ´ ecoles d’ing´ enieurs.
Cette analyse confirme les r´ esultats obtenus il y a plus de dix ans par S. Zuber
5. Il faut de plus mettre ces in´ egalit´ es de financement en regard des in´ egalit´ es sociales : pr` es de 50% des ´ etudiants des fili` eres s´ electives (CPGE/´ ecoles d’ing´ enieurs) sont issus de milieux socialement favoris´ es
6et un ´ etudiant issu de milieu favoris´ e a 20 fois plus de chance d’int´ egrer une grande ´ ecole qu’un
´
etudiant issu de milieux populaire
7. En conclusion, l’Etat finance bien mieux les ´ etudes des plus ais´ es, et la politique de gel des cr´ edits des universit´ es poursuivie depuis des ann´ ees ne fait qu’aggraver ces in´ egalit´ es sociales. La figure 6 r´ esume ` a elle seule l’´ etat des in´ egalit´ es entre la formation ` a l’Universit´ e et dans les ´ ecoles d’ing´ enieurs.
Pour compenser ces in´ egalit´ es pour tous les ´ etudiants de licence il faudrait un investissement suppl´ ementaire d’au moins 3.5 milliards d’euros par an. En effet, si on consid` ere les derniers chiffres disponibles
8, un peu plus de 880 000 ´ etudiants ´ etaient inscrits en L ` a l’universit´ e en 2012.
Si l’objectif est d’offrir de r´ eelles chances de r´ eussite aux ´ etudiants en premi` ere ann´ ee, tous les ´ etudiants de L1 devraient ˆ etre financ´ es ` a l’´ egal des ´ el` eves de CPGE. En 2012 un peu plus de 400 000 ´ etudiants ´ etaient inscrits en L1. L’investissement correspondant repr´ esente a minima 1.6 milliard d’euros.
Ces calculs montrent ` a quel point les mesures propos´ ees jusque l` a par les gouvernements successifs sont marginales et ne peuvent en aucune fa¸ con permettre aux universit´ es de remplir leur mission dans des conditions de r´ eussites comparables ` a celles qui sont offertes ` a une mino-
5.
Rapport de DEA de S. Zuber, 20036.
Observatoire des in´egalit´es, 06/09/20137.
V. Albouy & T. Wanecq, Economie et Statistique, 361 (2003)8. Base de donn´ ees en lignes des effectifs ´ etudiants sur le site du minist` ere
Paris 1 - Panthéon Sorbonne Paris Ouest Nanterre La Défense
Paris 2 - Panthéon Assas Paris 8 - Vincennes Saint-Denis Paris 3 - Sorbonne Nouvelle
Paris 4 - Sorbonne Paris 13 - Paris Nord Paris-Est Créteil Evry Val-d Essonne Paris-Est Marne-la-Vallée Paris René Descartes Versailles Saint-Quentin
Cergy-Pontoise Paris 7 - Denis Diderot Paris 11 - Paris Sud
Paris Pierre et Marie Curie ENS Polytechique
Mines 0
20 40 60 80
Budget par étudiant et par an (milliers d' )
Moyenne des universités Moyenne des écoles d'ingénieurs
Figure 5 – Budgets totaux des universit´ es franciliennes et des trois plus prestigieuses ´ ecoles.
rit´ e privil´ egi´ ee. Pour l’ann´ ee 2016 la hausse de la dotation de l’´ etat ne compensera mˆ eme pas l’augmentation du nombre d’´ etudiants et conduira ` a r´ eduire encole les budgets disponibles par
´
etudiant.
Il apparaˆıt donc ´ evident que l’ ´ Etat ne donne pas aux universit´ es les moyens de former les jeunes bacheliers comme il pr´ etend le faire et comme ceux-ci devraient l’ˆ etre. Enfin, si on ajoute
`
a cela que 70% des d´ epenses correspondent ` a des d´ epenses de personnels, on voit que ce sont entre 20 000 et 50 000 postes suppl´ ementaires qui seraient n´ ecessaires pour compenser l’´ ecart entre universit´ es et classes pr´ eparatoires et donner de fa¸con s´ erieuse une chance aux bacheliers de r´ eussir des ´ etudes sup´ erieures de qualit´ e.
Enfin ` a ceux qui verraient dans cette analyse une remise en cause d’un syst` eme, celui des CPGE-grands ´ ecoles, nous r´ epondons qu’il n’en est rien. Ce travail est d’abord et avant tout un constat aussi d´ eplaisant soit-il. l’ ´ Etat entretient une in´ egalit´ e de traitement qui se conjugue
`
a une in´ egalit´ e sociale. Dans les conditions actuelles de fonctionnement et de financement de l’enseignement sup´ erieur, donner des chances de r´ eussite ´ egales ` a tous les bacheliers implique de tirer le syst` eme par le haut et d’augmenter la d´ epense int´ erieure de l’ ´ Etat dans les premiers cycles universitaires, afin qu’elle ´ egale rapidement la d´ epense consacr´ ee aux ´ el` eves des classes pr´ eparatoires et des ´ ecoles d’ing´ enieurs.
D´ efinitions :
1. D´ epense int´ erieure d’´ education (de l’ordre de 11000 e /´ etudiant/an pour les universit´ es) : d´ epense totale de l’´ etat pour un ´ etudiant (´ el` eve) chaque ann´ ee. Cette d´ epense inclut des aides sociales (bourses, cr´ edits d’impˆ ots)
2. Dotation des universit´ es (de l’ordre de 7000 e /´ etudiant/an) : somme d’argent
que l’ ´ Etat verse chaque ann´ ee aux universit´ es pour financer leur budget. Cette dotation
inclut la masse salariale de l’universit´ e et ses d´ epenses de fonctionnement.
Fraction issu classe sup1 (%)
Ecoles d’ingénieurs
3 Taux de chomage trois ans après le diplôme bac+5 (source CEREQ 2014)
2 Pourcentage d’étudiants inscrits en première année de classes préparatoires scientifiques/licence arrivant au diplôme bac+5 (source ministère)
1 Part d’enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (source observatoire des inégalités) Taux d’accès diplome de bac+5 (%)2
Taux de chomage (%)3
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Université
90 80 70 60 50 40 30 20 10