Article
Reference
Crâne humain, peut-être néolithique, provenant d'un ancien puits près de Tombouctou (A.O.F.)
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Crâne humain, peut-être néolithique, provenant d'un ancien puits près de Tombouctou (A.O.F.). Archives suisses d'anthropologie générale , 1949, vol. 14, p. 142-150
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:106618
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
Extrait des Archi.ues sutsses d.'Anthropologie gémérale
. Tome XIV, 1949.
Crâne humain, peut-être néolithique, provenant
d'un ancien puits près de Tombouctou (A.O.F'.)
Eugène
oirtt.noo.
Au printemps de 1949 j'ai reçu de M. tr.-J. Paris 1, appartenant au groupe de I'Hydraulique pastorale
du
Cercle de Tombouctou (Soudan français) un crâne humain, sans la mandibule, accompagné d'un fémur et d'un tibia.Ces os longs furent brisés au cours du voyage. J'ai pu reconstituer le fémur et presque complètement le tibia. Ce crâne et ces os longs sont profondément patinés: leur couleur est brun très foncé, tirant sur le noir. Nous reparlerons de cette patine. La trouvaille de ce squelette n'a malheureusement pas été
faite dans une stratigraphie assez nette pour pouvoir mieux en discuter
la
valeur chronologique. Mais elle revêt des caractèresd'un
intérêt assezgrand pour être rappelée avec quelques détails,
d'autant qu'à
ceux-ci M. Paris ajoute des indications historiques et ethnographiques qui ne sont pas indifférentes pour les annales d'une région dont nous ne savons encore que bien peu de choses au sujet des groupes humains qui, successivement, l'habitèrent.trt
je ne peux mieux faire, pour commencer, que donnerla
parole à M. Paris. Et cela d'autant plus que Ia lettre de ce très aimable correspondant contient, sur certains points particuliers, des précisions qu'on aurait cluelque peine à trouver ailleurs.***
a Puisatier
de
profession,j'ai
l'occasion, parfois,de
retrouver lestraces d'anciens
puits qui,
bien souvent, donnent de meilleurs résultats que ceuxdont
nous avons l'habitude d'entreprendreles travaux.
J'ai toujours été très intéressé par l'ethnographie africaine dont l'histoire en général des peuples est encore bien souvent très contestée et parfois contra- dictoire.> Je me permets de vous adresser la dernière découverte, qui ne remonte qu'à deux mois 2.
1 M. Paris et moi sommes, tous deux, membres de la Société des anciens Africains de Genèvc.
2 Février 1949,
CRÂNE HUMAIN PRÈs DE
ToMBoucrou
r43) Par 55.mètres de profondeur, en des temps assez lointains, un homme (je
le
supposetout
au moins)a
été enseveli par l'efiondrementdu
puits dans lequelil
se trouvaitsoit:
pour obtenir un peu d'eau, le fond ayant accumulé les sables et déchets; soit en le recreusant. une troisième hypo- thèse peut aussi être envisagée, celle d'une chute ou plutôt d'un assassinat,le corps étant jeté dans le vieux puits.
r Cet endroit s'appelle Onantit 1 en tamachek, langue touareg du pays maintenant habité par des Maures Bécabiches, dits < Arabes ), dont l'arrivée
se situe vers Ie xvte-xvlle siècle, sans exactitude (Marty,
t. Ill).
> Les habitants blancs les plus anciens sont les Kel
In
Téchek, du nom de ce puits, marqué surla
carte 2, et toujours en activité (malgré que ses possesseurs soient maintenantplus au
sud, dansla
boucledu
Niger).Or, les Kel
In
Téchek, les plus anciens, quej'ai
interrogés, se souviennent d'un puits à Onantit qui, disent-ils, existaitil y
afort
longtemps'A
cetendroit
j'en ai
retrouvétrois. Il y a
lieu de remarquer que les anciens Touaregs du pays, qui n'ont rien à voir avec les derniers arrivants du xveou
xvre siècle (Oullimind-en, Imocharsdu
Gourmaet Kel
Antesser), sesouviennent très bien, par tra,rlition, des anciens lieux de parcours de leurs ancêtres avec les points d'eau. Je citerai les plus connus: les Imagharen.
l
Le Tarikh-es-Soudan, ouvrage tombouctouan du xvle siècle (traduit par Houdas, rgr2, Letovx), débute ainsi ; <Tombouctoufut
fondée par des Toua- regs (Kel Tamachek) (c'est-à-c1ire non pas proprement des Touareg tels qu'on les définit, mais des gens parlant la langue tamachek, c'est-à-dire un dialecte berbère qui actuellement, est encorelemême deTombouctou àAgadez, mais varie au Hoggar). Ces Imagharen nomadisaient entre le fleuve etl'Aza- ouad (région d'Araouane) et se fixèrent non loin du fleuve (xIle-xIIIe siècle).D A notre arrivée dans le pays, ces Touaregs anciens nomadisaient beau- coup plus au sud, dans
le
territoire de Goundam,soit
quelquer5o
km' au S.-W. de Tombouctou.Ils
ont presque disparu, mais les anciens se sou-viennent notamment
de leur puits
d'AtouTladont,
aujourd'hui,il
estimpossible de retrouver
la
place exacte dufait
des sables.cet
endroit se trouve à une journée au sud deBir
ounan, soit environ à 8oo km. au nordd.e Tombouctou, sur la piste de Taodeni, les mines de sel. C',est dire que les souvenirs peuvent être assez anciens tout de même. J',ai porté d'une croix, sur lê croquis-carte, fci-joint] 2, les emplacements d'anciens puits et villages que des nomades actuels retrouvent ou que moi-même je fais rechercher.
1 Onantit (les ycux), vallée au sud cl'In Técirek, soit environ à r75 km. c1e Tombouctou N.-N'-D., par la piste d'Araouane."--z-ir'"àit"
dont il. est question n''est pasreproduite ici.
r44 E, PITTARD
> Voici, du début de ry4g,les derniers emplacements retrouvés. Malrouk a donné de bons résultats en janvier, trouvé, au fond, une pierre taillée et polie et un bracelet cassé, de bras (ahbeg).
-
Onantit, février r94g, l,un destrois puits, un homme, ou, tout au moins, les ossements 1 d,une personne et un morceau de bracelet de pierre parmi les ossements
-
ces derniers fragileset
encombrants.J'ai dfr
les laisser sur place et lesai
enterrés. N,ayant qu'un sac de cuir à ma disposition je ne pouvais emporter plus. Dans le cas oir d'autres ossements vous intéresseraientje
pourrais essayer de les retrouver, des morceaux tout au moins, car la chute des pierres constituant le cofirage du puits'ont écrasé la cage thoracique. Le crâne heureusement est entier. Dans ma précipitation,j'ai
oubliéle
maxillaire inférieur qui, iertainemênt, doit s'y trouver.> Ces anciens puits, à mon humble avis, ont tous été creusés par des Noirs, longtemps avant I'arrivée des premiers Blancs. certains ont subsisté de
tout
temps, entretenuspar
les nomades touaregs. D'autresont
été comblés, ou se sorit éboulés, depuis de nombreux siècles. D'après le Tarikh des Kel Antessar, à l'arrivée de Mohammed ag Sufam,r6to,
leur ancêtre venu des Iforas (nord de Gao) tous les puits de cette région étaient comblés.Leur ancêtre serait le premier à avoir recreusé celui d'Atlek encore en service aujourd'hui.
Il
est exact que les Pachas marocains arrivés à Tombouctou en r5gr firent combler de nombreux puits dans un rayon de roo km. pour nuire aux nomades qui les harcelaient aux abords dela ville;
Marocains clont l'armée pourvue de chevaux ne pouvait assurer que les abords du fleuve, villes et villages sédentaires., Tous les anciens puits sont creusés en terrain dur sur les deux-tiers de
la hauteur totale. Parfois granitiques, le plus souvent latéritiques
et
ferru- gineux, ces terrains du N.-E. possèdent tous de belles nappes d.'eau qui proviennent certainement soit des lforas, soitdu
Hoggar.> Rien à voir avec Ies infiltrations de pluie dont, depuis plusieurs siècres
déjà, les chutes sont sans importance. Tous les renseignements que j,ai obtenus, et d'autres que
j'ai
observés moi-même au Iorage, concordent en ceci: que ces anciens puits sont d'une époque à classer dansla fin
du néo- lithique. Jamais nous n'avons retrouvé d'instruments defer
quels qu,ils soient. Par contre, deux fois sur trois,j'y
ai retrouvé des instruments enpierre très dure dont
l'un
est surtout intéressant (trois exemplairesà
ce jour provenant d'anciens puits). Ils ont la forme de cigares, de ro à 20 cm.de long, arrondis
d'un
côté, del'autre
taillés en biseauà
trois arêtes e.1 Ce sont les quelques ossements étudiés dans cette Note 2 Un croquis dc ces objets était annexé zi la lettre.
CRANE HUMAIN PRÈS DE TOMBOUCTOU r45
>
Or,
dans les roches très dures; on remarque toujours une sorte defestonnage entourant l'orifice
-
résultat d'un forage en très petit, évidem- ment-,
le diamètre du cigare étant de 3 cm. alors que I'orifice du puits est de r m. zo à r m. 05 en moyenne. La partie supérieure dupuits
terraind.e sable et d,'argile
-
est toujours coffrée en pierre provenant soit du fond du puits soit de Ia montagne (la Kédia).> Des traces de- villages sont visibles non
loin
de cespuits.
Enorme pierre polie en forme de baignoire pour enfant et cylindre de pierre atteignant parfois un mètre de longueur-
certainement ustensiles précédant le mor- tier.actuelet
servantà
écraser lemil
-
ces grosses pierres sontle
plussouvent cassées et servent alors à délimiter les tombes dans les cimetières.
chez les anciens Touaregs de cette région, le cylindre est placé debout, en
piquet, à la place de la tête, la < bassine
,
aux pieds 1. Les débris d.e villages n'existent pas en profondeur-
sauf quelques exceptions.A r à z
m., des morceaux de poterie.) C'est à peu près tout ce que ie vois à signaler pour l'ambiance ancienne du pays.
) Je ne puis que faire cles suppositions, Si le crâne est celui dfun Blaric, à ce qu'il me semble, il appartient aux premières invasions berbéro-libyenne, d'après
Ib
Khaldoun, entre le ve et le xe siècle. Si c'est celui d'un Noiril
serait plus ancien.> C'est une exception que ces ossements aient pu se conserver si long- temps caf presque tous les autres anciens puits restent humides au fond.
Celui-ci était insuffisamment creusé.
La
nappe ayant baissé, I'argile s'est solidifiée; la couleur noire provient de ce fond vaseux qui existe dans tout vieux puits. La matière cervicale existait encore, intacte, poussière impal- pable, douce comme du coton-
répandue sur une fourmilière, les insectesn'y
ont pas touché-
on auraitdit
du ciment léger.> Des gens de la région, Kel In Téchek, prétendent être arrivés sur place autour du xre siècle, mais, disent-ils, d'autres Blancs (Berbères) étaient déjà dans le pays. Les derniers Noirs, cultivateurs, seraient d'une race antérieure au SonghaT d.e l'empire de Gao. Ces
Kel in
Téchek disent aussi qu'avant leur arrivéeil y avait
des cultivateurs d'origine Foulah métissée, établis non loin dela
Kédia (c'est-à-dire postérieurs aux Noirset
antérieurs aux Tamachek).,,
*
1 Silasuppcsitionquivientd'étrcfaiteausujetdel'utilisationdecesobjetsdev_aitêtre_rete-nulcettecoutume serait i.ippiôcfr"r de Ëele qui a été revélée, èn Êurope, par les tombes Téminines de la vallée du Rhin, datant du Xeàiitulqri."'. ces sépultures ^de Iemmes renfermaieni lài n moulins , de pierre qui, du vivant des ménagères, avaient été utilisés par cellcs-ci.
t46 E. PITTARD
Le
crâne qu'a bien voulu m'envoyerM.
paris est d,une belle venue, de construction harmonieuse, sans aucune déformation, à peine un peu de plagiocéphalie.L'orbite
droiteest un
peu plus grande quela
gauche.Toutes les sutures, dont les dessins ne présentent aucun caractère particu- lier, sont ouvertes. Aucune trace d'oblitération, pas même à la hauteur des
trous pariétaux.
ll
n'existe pas d'os wormiens nettement déterminés, sauf un, placé au-dessus de I'astérion gauche, en plein d.ans la suture temporo- pariétale.cet
os de forme presque circulaire (16 mm.x
13 mm.) est bien denticulé sur tout son pourtour antérieur.Frc, r.
- Crânc considéré comme néolithique provenar)t des environs c1e Tombouctou.
Au maxillaire supérieur
--
le seul existant-
dix dents sont conservées:les prémolaires et les molaires. Les premières montrent une usure extrême- ment forte, laissant à nu toute la région pulpaire. cette usure
-
cependantmoins accusée
-
a atteint également les dents de sagesse, surtout la partie antérieure, de chaque côté. L'usure des prémolaires est telle que les cuspid.es des premières sont totalement abrasées, celles des secondes n'étant plus qu'à l'état de traces.on
peut croire que cette exceptionnelle usure est due, au cours de I'alimentation, à la présence de minuscules grains d.e sable. Tous ceux qui ont vécu dans un territoire proche d'un désert sableux savent àquel
point il
est quasiment impossible d'éviter de rencontrer quelques grains de sable dans sa nourriture. Mais dans quel état airraient été les dents de cet individu une quarantaine d'années plus tard. ?CRÂNE HUMAIN PRÈS DE TOMBOUCTOTI r47
Ce crâne a appartenu à un individu en pleine jeunesse. La suture basilo- sphénoidale est soudée (son oblitération semble pouvoir être ûxée vers la vingtième année). Mais, nous I'avons
dit,
pas trace d'autres oblitérations.11 s'agit très vraisemblablement d'un crâne masculin. J'ai longtemps hésité pour cette détermination, à cause de la gracilité des os longs, celle du fémur en particulier.
Mesures cranienntes et laciales (en mm').
Diamètre antéro-postérieur
r8r
Diam. ant. trouoccipital
33Diamètre
transverse r35 Largeur ) )
3o,5Hauteur crâne (8.
B.) 47
Diamètre alvéolo-basilaire.
95Frontal
minimum . 95 ) ophryo-alvéolaire
86Frontal
maximum rr8 ) naso-alvéolaire
6SOccipital
maximum . ro7 r
bijugal' rrr
Hauteur de l'orbite, gauche
32 > bizygomatique rr9
Largeur
> ) )) 36,5
Hauteur ouverture nasale' .
45I{auteur> ) droite 33 Largeur ) )
23Largeur
) ) ) 38
Diam. antéro-post' palais.'
4r, Largeur ), .
37Sous-cérébrale .
Frontale . .
.Pariétale
Occipitale cérébrale L'indice céphalique
Courbes (en mm.).
20
Occipitale cérébelleuse. ;
.. ro.5
Biauriculaire. . r4o
Partie ant. de la courbe totale72
Horizontale tntale75.13, indique
la
sous-dolichocéphalie.47 304 r53 295
Examen d.es os longs.
Leur état a déjà été indiqué en insistant sur leur caractère de gracilité.
A
propos de celle-ci Seligman (Les races de l"Afrique, Paris, Payot, 1935) rappelle combien les Touaregs (c'est peut-être del'un
d'euxqu'il
s'agit ici) ont les os minces, sans grand développement superficiel de la musculature.Il
souligne en même temps l'étonnant pouvoir de résistance physique de ces Touaregs. De son côté, Lhote signale que, chez les femmes touaregs'la
jambe est grêle. chez elles n les attaches sont fines, les mains petites et délicates, mais la jambe est généralement grêle l.Longueur du
fémur
425 mm.Longireur du
tibia .
348 mm. (?)I48 E. PITTARD
La reconstitution de la taille à l'aide de ces deux os serait, selon re fémur, d'environ r.S? m.,selon le
tibia
r.5B m.Il
faut rappelerici
que les épiphyses n'étaient pas totalement soudées à leurs diaphyses. Au fémur, la ligne de soudure épiphysaire supérieure est encore visible (la région supérieure dutibia
est en très mauvais état).On sait que, selon les indications générales données par les manuels, la soudure de la partie supérieure du fémur s'accomplit aux envjrons de 16 à zz ans, celle de
la
partie supérieuredu tibia
aux environsde
rBà
z4 ans.ces chiffres sont une confirmation de ce qui a été
dit
ci-dessus au sujet de l'âgequ'il
faut attribuer au sujet rencontré par M. paris.A
quel groupe humain l'individu dont le crâne vient d'être décrit a-t-il appartenu ?M.
Paris pense que,s'il
ne peut être attribuéà un
Nègre,il faut
immédiatement songer aux Touaregs, ou aux Mauresqui
sont lespopulations blanches
du
Soudan. Peut-êtrey aurait-il lieu
d,ajouter, à ces deux noms, celui des Peuls, nomades appartenant au groupe des Rougesd'Afrique, dont l'anthropologie physique est encore assez mal connue.
Il
faut, semble-t-il, considérertout
d'abord les Touaregs.La
stature de ceux-ci est indiquée en général comme élevée. Dans la carte quril vient de publier, Léon Pales 1 a inscrit pour cette population celle quivit
dans les confins mêmes de l'4. O. F.-
-,
les chifires de r.7o m. àr.75 m., ce
qui
représentè une haute stature.La
dernière de ces valeurs est celle qui est donnée par Seligman qui ajoute que ce chiffre est plus élevé que celui qui est obtenu chez les vassaux et les serfs.Henri Lhote (Les Touaregs dot. Hoggaz, Paris,
payot,
rg44) qui a véculongtemps parmi les Touaregs, constate que le type physique de ces derniers est
loin
d'être uniforme.Il
écrit, à propos de cette population: rIl
doity
avoir eu des composants multiples et.le chapitre consacré à leur passé lelaisse facilement entrevoir.
,
(Maisde
quels composantspeut-il
s'agir racialement parlant ?). La stature moyenne varierait de r.56 m. (Kel Agger, suzerains) à r.758m.
(Ioulliminden lchadahanaren). De son côté, Leblanc a indiqué la taille de r744 m. (Ihaggaren).L'individu
dontle
squelettea
été recueillipar M.
paris appartenait (s'il était véritablement un Touareg) à un groupe de petite taille (on pour-rait
dire de très petite taille.) (Les Sardes, les plus petits des Blancs d'Eu- rope, ont à peiner
m. 62.)La
valeur représentant l'indice céphalique est relativement élevée par rapport à ce que montrent habituellement les Touaregs qui sont considérés1 Léon P.rrrs, Le bilan d.e la nission enthropotogique tte l',4, O, F., Dakar, 1949.
CRÂNE HUMAIN PRÈS DE ToMBoUcToU r49
comme des dolichocéphales. Pour Seligman, ils seraient < les plus dolicho- céphales des Khamites septentrionaux >. Les Touaregs nobles sont franche- ment dolichocéphales, leur indice céphalique dépassant à peine 73.
La
pré- sence, parmi eux, de quelques types brachycéphales permettrait de rattacher ceux-ci aux Berbères de I'Afrique du Nord, mais, ajoute Seligman, on ne peut rien dire au sujet de ce rattachement. De son côté H. Lhote mentionne des valeurs d'indice allant de 7r.o8à
76.9. Cequi lui
permet dfajouter< que les Touaregs sont les plus dolichocéphales des populations berbères r.
Mais
il
constate aussi qu'on rencontre chez ces nomades, notamment chezceux
qui
parcourent les territoires méridionaux, quelques types brachy- céphales, ce qu'avait révélé Verneau dans son étude sur les documents anthropologiques rapportés par l'expédition de Gironcourt,qui
rencontra chez les Touaregs du Sud, des individus à ind.ice céphalique relativement élevé (Bz.or).Et
de tels indices font songer aux Kabyles brachycéphales.Ce rapide exposé permet de penser que, par son indice céphalique, le crâne découvert par
M.
Paris pourrait, sans difûculté,. s'intégrer dans le groupe touareg (excepté dans cette partie dela
population qualifiée de< noble rr, laquelle paraît être très franchement dolichocéphale).
L'indice nasal
(5r.r)
indiquela
mésorrhinie.Quelques renseignements
au sujet
de I'indice nasal (obtenupar
desmesures sur
le vivant)
existent dansla
littérature. Maisils
ne sont pas nombreux. Ceux quej'ai
sous les yeux varient de 63.o2 à Br.B9. L'écart est considérable. Le premier de ces chiffres indiqueun
caractère trèsnet
deleptorrhinie, le second de platyrrhinie.
Ici
égalementil
faut faire intervenir la qualité sociale rles inrlividrrs exa.minés. I.es inclices élevés paraissent avoir été obtenus en mesurant non des Touaregs de race, mais des vassaux (serappeler que les Touaregs
ont
eu de tous temps- et
ont encore-
desesclaves capturés dans des groupes ethniques divers). Lhote cite les chiffres que voici chez les suzerains Touaregs : KeI Agger : 63.o2; Kel Ahaggar : 64.8r, qui sont des valeurs de très nette leptorrhinie. L'auteur dont noùs parlons
dit
que le type touareg del'Aïr
a été aItéré par les Haoussas.Les Berbères
du
Nord del'Afrique
sont des leptorrhiniens. Dans leslistes de Deniker on peut recueillir les chifires suivants; Kabyles .divers, 66.5; Tunisiens, 69.8; autres Tunisiens, 7o.2. Ce dernier chifire indique à peine la mésorrhinie.
En
bref,le
crâne trouvépar M.
Paris,s'il
estun
crâne de Touareg, celui-ci n'appartenait pas, selon toute vraisemblance, au typedit
n noble >.Le très grand intérêt de la trouvaille faite par M. Paris réside dans la qualité archéologique qui est proposée.
r50 E, PITTARD
Je ne crois pas
qu'il
existe, dans les collections, beaucoup de crânes néolithiques provenant de la région même où a travaillé M. Paris. Et spécia-Iement de crâne néolithique ayant, selon toutes probabilités, appartenu à un représentant de la race blanche.
Quoique appârtenant à une époque qui n'est pas très loin de la nôtre, cette trouvaille est
à
mettre en parallèle avec celle faite par Besnard et Th. Monod à Asselar. Le squelette qui porte ce nom est considéré comme appartenantà
une époque beaucoup plus ancienne puisqu'il daterait du Paléolithique t.Le squelette d'Onantit viendrait donc se placer, dans la génétique des races africaines, entre celui d'Asselar
et
ceux appartenant aux périodes dites historiques. Je rappelle que M. Paris n'a rencontré, au cours de ses travaux, aucune trace de métal, rien que des objets de pierre.De telles découvertes doivent être soigneusement conservées, car nous sommes encore très mal renseignés sur tout ce qui a
trait
au peuplement pri- mitif de I'Afrique, à la succession des types humains au cours des millénaires.La patine extrêmement poussée de ce crâne permet-elle d'être associée à ces dernières indications archéologiques pour assurer une date à ces restes humains ? Je ne le crois pas. Evidemment, la couleur de ce crâne pourrait être facilement rapprochée de celle que présentent les crânes des stations lacustres de
la
période néolithique suisse.Et
on pourrait, par cela même,par cette rr similitude archéologique >, être tenté d'utiliser chronologique- ment la patine. Mais je pense que, sur ce point,
il
faut être réservé.Il
estcertain qu'un
tel
degré de transformation peut être invoqué comme un argument chronologique, mais il paralt difficile de fixer celui-ci avec autorité dans le temps.Quoi qu'il en soit, la trouvaille de M. Paris est à inscrire dans le tableau de la préhistoire soudanaise. Elle doit inciter tous ceux qui pourraient en faire de semblables à suivre I'exemple de M. Paris, c'est-à-dire de recueillir avec le plus grand soin non seulement tous les objets mis au
jour,
mais noter, avec tous les détails nécessaires, toutes les circonstances dans les- quellesont
lieu. leurs découvertes. Les anthropologistes seront toujours prêts à se mettre à leur disposition pour interpréter leurs trouvailles.1 Asselar se trouve ( en plein Sahara, dans le bassin et non loin de la vallée morte du Tilemsi, ancien a{lluent du Niger, près du poste d'Asselar r (nord de Tombouctou), Le crâne de cet homme d'Asselar est dolichocéphale (ind, céphal.: 7o,9), ouverture nasale platlrrhienne, Individu de grande taille, r m. 70 au moins. Os des membres grêles, Selon Boule et Vallois, ( c'est avec les Bantous, particulièrement ceux du sud-ouest africain, et avec les Hottentots qu'il présente le plus de ressemblances sans qu'on puisse dire qu'il se relie plus étroitement aux uns qu'aux autres r. Voir Boure et VALLors, Les Hommes lossdlas, Paris, 1946. Ce mémoire original a paru dans les Archives de I'Institut de Paléontologie humaine,. Mém. 9. r932.