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Rencontres visuelles dans le Shanghai mondialisé : de la désirabilité des corps dans un espace de coworking

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Perspectives chinoises 

2020-3 | 2020

Ré-envisager le genre en Chine : regards, (dé)légitimations

Rencontres visuelles dans le Shanghai mondialisé : de la désirabilité des corps dans un espace de

coworking

Aurélia M. Ishitsuka

Traducteur : Cécille Boussin

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/11398 ISSN : 1996-4609

Éditeur

Centre d'étude français sur la Chine contemporaine Édition imprimée

Date de publication : 1 septembre 2020 Pagination : 39-47

ISSN : 1021-9013 Référence électronique

Aurélia M. Ishitsuka, « Rencontres visuelles dans le Shanghai mondialisé : de la désirabilité des corps dans un espace de coworking », Perspectives chinoises [En ligne], 2020-3 | 2020, mis en ligne le 01 septembre 2021, consulté le 02 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/

perspectiveschinoises/11398

© Tous droits réservés

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Rencontres visuelles dans le Shanghai mondialisé : de la désirabilité des

corps dans un espace de coworking

Introduction

創新立异與獨具設計感的聯合辦公空間 無論是個人和公司都能在此交流,

« 合坐 »一張桌子

« 合作 »一個項目

« 合做 »一個夢想

Our innovative and beautiful workspaces are home to a diverse community of companies and individuals who

INTERACT COLLABORATE

AND DO BUSINESS WITH ONE ANOTHER

Fondé par un entrepreneur sud-africain blanc et sa femme architecte originaire de Hong Kong, le Hub est un fournisseur d’espaces de coworking opérant à Shanghai depuis fin 20151. En avril 2018, au moment de son acquisition par un géant américain de fournisseurs d’espaces de bureaux partagés, il comptait déjà 24 sites en Asie – 15 dans la seule ville de Shanghai, les autres étant situés à Pékin, Hong Kong et au Vietnam – et plus de 10 000 membres2. Comme l’indique le slogan publicitaire cité plus haut, la stratégie marketing du Hub consiste à mettre l’accent sur la dimension collaborative de l’expérience de coworking : il attire les prestataires indépendants, les start-ups, les petites et moyennes entreprises et les filiales

RÉSUMÉ : L’émergence de Shanghai en tant que ville globale invite à s’interroger : à qui appartient-elle ? Cet article aborde la question en examinant le caractère désirable des corps dans l’un des lieux cosmopolites de la ville : un espace de coworking fréquenté par une clientèle internationale. Prenant appui sur une analyse des rencontres visuelles dans les espaces physiques et virtuels, il montre que la logique d’appartenance à la communauté du coworking repose sur la distinction entre deux types de corps : celui, désirable, du professionnel transnational et celui, indésirable, du travailleur migrant originaire des zones rurales. Tandis que le second est réduit à ses fonctions de travail, le premier apparaît comme un corps doté de désirs, dont les interactions avec autrui brouillent la séparation entre le professionnel et l’intime, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Cette ethnographie visuelle donne un aperçu de la façon dont les transformations économiques reconfigurent la vie urbaine à Shanghai, non seulement en reproduisant des formes locales d’exclusion sociale, mais également en encourageant des désirs racialisés adaptés à l’accumulation capitaliste à l’échelle mondiale.

MOTS-CLÉS : espace de coworking, communauté, corps, rencontres visuelles, nouvel esprit du capitalisme, ville globale, Shanghai.

A U R É L I A M . I S H I T S U K A

de multinationales en promettant des coûts réduits, des services de bureau, de la flexibilité et un environnement de travail « fun », mais aussi, et surtout, en se présentant comme une plateforme qui facilite les interactions sociales3. En d’autres termes, outre le fait d’offrir un espace de bureaux, le Hub se targue de réunir une communauté transnationale.

Si l’argument de vente du Hub d’être davantage qu’un lieu où les gens

« travaillent seuls, ensemble » (Spinuzzi 2012) ne doit pas être pris pour argent comptant, il est devenu concret, du moins pour certains de ses clients : le Hub occupe une place centrale dans la vie quotidienne des jeunes professionnels mobiles, étrangers et chinois, à Shanghai. En tant que tel, il compte parmi les nouvelles communautés locales mondialisées apparues suite à l’émergence de Shanghai comme ville globale (Chen 2009), un phénomène qui incite à se demander à qui appartient réellement la ville (Sassen 2009 : 20). La question de l’appartenance urbaine est abordée ici à travers l’analyse des logiques socio-spatiales d’inclusion et d’exclusion dans le Hub. Cette manière de procéder fait suite aux récentes mises en garde des spécialistes de la mondialisation appelant à ne pas sous-estimer la

1. Par souci d’anonymat, j’ai remplacé le nom de l’entreprise par un pseudonyme.

2. Cet article s’intéresse au Hub avant les changements de décoration intérieure et d’organisation qui ont été effectués à partir de janvier 2019.

3. Si les deux textes insistent sur la dimension collaborative de l’espace de coworking, la version anglaise diffère de la version chinoise qui, dans une traduction plus littérale, se lit comme suit :

« Dans [nos] espaces de coworking innovants au design unique, quiconque, particulier ou entreprise, peut interagir, copartager une table, collaborer sur un projet, coréaliser un rêve » (Chuangxin liyi yu duju shejigan de lianhe bangong kongjian wulun shi geren he gongsi dou neng zai ci jiaoliu,

« hezuo » yi zhang zhuozi, « hezuo » yi ge xiangmu, « hezuo » yi ge mengxiang).

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40 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N ˚ 2 0 2 0 / 3 la gestion visuelle des corps n’est pas seulement la reproduction de la différenciation sociale, mais aussi la gestion du désir.

À portée de vue et hors de vue : le paradoxe visuel des corps indésirables

Les tenir à l’écart : la surveillance de la communauté et l’étranger

En 2005, Brad Neuberg, un employé d’une start-up de San Francisco à qui l’on attribue l’idée de l’espace de coworking, déplorait l’absence de liens sociaux entre les clients de l’espace de location de bureaux où il travaillait :

« Je ne parvenais pas à trouver le moyen à la fois de jouir d’une liberté et de faire partie d’une communauté »4. Il était confronté à un problème qui

« donne aux philosophes des maux de tête sans remède connu » (Bauman 2001 : 20), et si sa solution pour concilier ses deux exigences n’a pas eu d’effet immédiat dans le domaine de la philosophie, elle s’est transformée en un modèle économique ayant fait ses preuves aux quatre coins du monde. En peu de temps, il s’est exporté de la côte ouest des États-Unis à la côte est de la Chine (Wang et Loo 2017). Si certaines marques locales de Shanghai s’intéressent uniquement au coworking comme espace de partage de ressources (Wu 2018), le Hub est fidèle au souhait initial de Neuberg : il se présente comme une « communauté » (community, shequ 社區) de

« membres » (members, huiyuan 會員), termes qui soulignent la dimension collective et occultent le contrat commercial sur lequel repose la relation entre le Hub et ses clients.

Ce vocabulaire fait écho à une structure physique soigneusement étudiée pour procurer un sentiment d’appartenance à une communauté. La majeure partie des locaux est occupée par une aire commune, et les plus grandes sociétés qui demandent à être séparées sont installées dans des bureaux transparents entourés de parois de verre qui ne brisent pas l’impression d’open space. Le lieu de convivialité de l’aire commune est un vaste espace où sont installés tables, canapés et chaises, ainsi qu’un bar où l’on peut se procurer gratuitement différentes boissons telles que café, thé, soda et bière (voir Figure 1).

Dans la terminologie du Hub, cet endroit est appelé le « salon » (living room, keting 客廳), une analogie avec le lieu de résidence qui correspond à l’ambition d’abolir la frontière entre le travail et la vie privée. L’espace Dossier

pertinence du lieu et de la corporalité dans l’étude des sujets transnationaux (Conradson et Latham 2005 ; Dunn 2010 ; Niekrenz, Witte et Albrecht 2016).

En conséquence, mon étude prend le corps comme première échelle d’analyse, ce qui conduit à la reformulation suivante de la question d’appartenance : quels types de corps et d’arrangements des corps sont désirables dans le Hub ?

Les corps sont présentés dans cette étude au fur et à mesure qu’ils deviennent lisibles à travers des rencontres visuelles. Je conçois ici les rencontres visuelles de trois façons. Premièrement, cette notion renvoie à ce que Sara Ahmed nomme l’économie visuelle de l’identification, soit le processus durant lequel, lors de contacts sociaux, les individus distinguent les personnes qui leur sont familières des autres qui leur paraissent étrangères.

De ce point de vue, les rencontres sont des interactions en face à face qui rouvrent des rencontres passées ; en lisant le corps des autres en fonction des catégories historiquement construites du genre, de la race et de la classe, les individus reconnaissent ceux qui sont à leur place et ceux qui ne le sont pas (Ahmed 2000). Je reprends ici cette distinction en termes de corps désirables et indésirables, une terminologie qui traduit l’importance de l’image de soi et de l’apparence dans un environnement de coworking imprégné du nouvel esprit du capitalisme (Boltanski et Chiapello [1999] 2011). Deuxièmement, j’examine également les rencontres visuelles au sens de rencontres mises en image. L’objet d’analyse n’est ainsi pas seulement les interactions sociales dans l’espace physique, mais aussi leurs représentations dans les différents médias utilisés dans le Hub : une application mobile, des écrans vidéo silencieux et des affiches promotionnelles. Enfin, cette formulation illustre l’attention accordée dans cette étude à la façon dont les corps regardent et sont exposés aux regards dans l’espace de coworking.

En tant que choix méthodologique, l’approche visuelle suppose que l’analyse ne peut être dissociée de la position de l’ethnographe sur place. Le point de vue proposé dans cette étude est celui d’une chercheuse franco- asiatique âgée d’une vingtaine d’années, ayant passé plusieurs jours par semaine dans le Hub pendant dix mois, répartis sur une période de deux ans (2017-2019). C’est un ami chinois travaillant dans une start-up européenne installée dans les locaux du Hub situés dans le quartier commerçant de Xintiandi qui m’a fait découvrir l’espace de coworking. Au cours du printemps 2017, il m’a régulièrement accueilli dans cet espace où je travaillais à côté de lui et de ses collègues. De retour à Shanghai l’année suivante, je me suis inscrite en tant que membre afin d’avoir accès à différents sites du Hub, avant de passer, pour la phase finale de mes travaux sur le terrain, à un paiement à l’heure. Dès le début, j’ai établi une relation étroite avec les collègues de mon ami, puis ai élargi mes recherches en participant à des événements et en échangeant avec de jeunes professionnels du Hub avec lesquels j’ai réalisé des entretiens de façon régulière. Bien que je me sois présentée comme une chercheuse universitaire dont les travaux portent sur les jeunes professionnels, mes activités – telles que rédiger mes notes d’observation sur un ordinateur portable, participer à des vidéoconférences avec des collègues à l’étranger et prendre part à des déjeuners et des événements – me rendaient indiscernable des autres membres de la communauté.

À travers une ethnographie visuelle des rencontres corporelles, j’analyserai dans un premier temps le dilemme auquel se heurte une entreprise qui promet à ses membres l’expérience d’une communauté exclusive à leur classe, tout en dépendant d’une main-d’œuvre non qualifiée pour entretenir ses installations. J’examinerai ensuite la manière dont l’espace de coworking favorise, pour ses clients, un brouillage des lignes entre travail et loisirs, professionnel et intime. À partir de cette analyse de l’organisation spatiale et des normes sociales d’interaction, j’avancerai que ce qui est en jeu dans

Figure 1. Le salon du Hub. Les membres travaillent sur leur ordinateur portable, tiennent des réunions et discutent près de la machine à café. Près de l’évier situé derrière le comptoir, une femme de ménage lave des tasses. Crédit photo : reproduction autorisée par l’auteure.

4. Joel Dullroy, « Coworking Began at Regus… but Not the Way They Think », Deskmag, 4 avril 2012, http://www.deskmag.com/en/coworking-did-begin-at-regus-but-not-the-way-they-think-362 (consulté le 28 juillet 2019).

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de coworking parachève ainsi une stratégie à laquelle les employeurs ont recours depuis longtemps : offrir un environnement de travail accueillant qui réduise le stress et augmente la productivité (Hochschild [1997] 2001).

Afin de favoriser les échanges quotidiens, le Hub encourage ses membres non seulement à y travailler, au sens strict du terme, mais également à y prendre des repas, consommer des boissons et socialiser, notamment en participant aux événements quotidiens organisés par l’« équipe chargée de la communauté » (community team, shequ tuandui 社區團隊). Il s’agit de la partie du personnel responsable de la gestion des adhésions et dont le rôle majeur consiste, pour reprendre la propre expression du Hub, à « rassembler les gens » (bring people together).

L’accès au Hub, société à but lucratif d’abord et avant tout, est soumis à un paiement. Des portes équipées de serrures électroniques délimitent les limites physiques de l’espace : depuis l’extérieur, les clients doivent glisser leur carte de membre ou utiliser l’application de leur téléphone pour les déverrouiller, tandis que de l’intérieur, il suffit d’appuyer sur un bouton. Pour ceux qui ne souhaitent pas signer un contrat d’adhésion mensuel (à partir de 1 800 RMB), le Hub a finalement introduit une option de « paiement en fonction de l’utilisation » (15 RMB/heure) qui permet à toute personne de scanner un code-barres à son arrivée pour déverrouiller la porte, autorisant ainsi l’entrée dans l’espace selon un système de décompte à la minute.

Ce mode d’accès, qui donne aux membres la liberté d’aller et venir à leur guise, démontre que le Hub présente les caractéristiques essentielles d’une communauté esthétique dont les liens sociaux, « comme les attractions proposées dans les parcs à thème […] sont à vivre sur place », plutôt que ceux d’une communauté créée autour de « responsabilités éthiques » et d’« engagements à long terme » (Bauman 2001 : 71-2). À cet égard, on peut dire que le Hub vend l’expérience d’une communauté. Idéalement, cette expérience doit être disponible partout, ce qui entraîne la multiplication des implantations du Hub dans le monde. Elle ne doit cependant pas être à la portée de tous : le prix d’entrée agit comme un mécanisme de sélection qui empêche les corps de condition modeste d’entrer. Ainsi, le Hub, comme les lieux de loisirs les plus coûteux de Shanghai (Farrer 2009), est un espace réservé à une certaine classe sociale.

La préoccupation du Hub de contrôler les corps entrants et sortants de l’espace découle autant de la nécessité de faire payer les membres pour l’utilisation des installations que de la volonté de préserver son image d’environnement de travail haut de gamme. En pratique, toutefois, le contrôle est difficile à assurer en raison de la contradiction dans la stratégie de marque du Hub en tant que réseau mondial concentrant la circulation des flux d’information, d’argent et de corps. Les portes de l’espace sont en effet laissées ouvertes en permanence pendant les heures normales de bureau par les membres qui quittent temporairement les locaux pour aller fumer, faire des achats dans le centre commercial voisin, prendre leur repas à l’extérieur ou rencontrer des clients. De plus, l’un des arguments de vente du Hub est qu’il fonctionne comme une plateforme pour les transactions commerciales ; aussi est-il impératif que l’espace de coworking ne soit pas strictement limité à ses membres. Par conséquent, le Hub n’accueille pas seulement des événements externes, il permet également aux membres de recevoir des « visiteurs » (visitors, fangke 訪客). Si l’enregistrement des visiteurs à la réception est obligatoire en théorie, on y procède rarement dans la pratique.

Étant donné que la plupart des locaux s’étendent sur plusieurs étages directement accessibles par un ascenseur, les membres et leurs visiteurs ne se sentent pas tenus de s’arrêter à la réception située à l’entrée principale.

Parfois, la nécessité de réglementer l’accès influe sensiblement sur l’image du Hub comme espace accueillant et convivial. C’est ce qui s’est produit

un jour de novembre 2018, lorsque les membres du site de Xintiandi ont trouvé un avis affiché près des portes d’entrée leur rappelant de glisser individuellement leur carte d’adhérent pour pénétrer à l’intérieur, à l’encontre de la pratique courante consistant à se tenir la porte. Surtout, il leur était demandé de signaler les inconnus à l’équipe chargée de la communauté (voir Figure 2). La photo d’une caméra de surveillance, semblable aux nombreuses caméras réelles installées dans l’espace, indiquait que l’intention était d’assurer que la communauté reste un lieu « sûr » (safe, anquan 安 全). Ce discours sur la sécurité rappelle l’obligation d’être attentif à la présence d’éventuels intrus qui est au cœur des dispositifs de surveillance des quartiers résidentiels des classes moyennes américaines et britanniques (Ahmed 2000). Tel un bon voisin, un membre du Hub se doit de protéger la communauté contre la menace de personnes « suspectes » (suspicious, keyi 可疑) qui tenteraient de pénétrer dans l’espace. Les membres sont censés reconnaître les personnes extérieures sans qu’aucune description ne soit fournie. La seule information donnée est que l’étranger est quelqu’un qui

« essaie d’entrer » (trying to entre [sic], weisui 尾隨, litt. suivre) bien qu’il ne fasse pas partie de la catégorie du « nous » (us, women ziji 我們自己).

Selon Sara Ahmed (ibid.), l’absence d’information peut être comprise non pas comme une omission involontaire des caractéristiques qui identifieraient l’étranger, mais plutôt comme une indication que la connaissance sur laquelle repose son identification relève du sens commun. En d’autres termes, il devient superflu de préciser explicitement à quoi ressemble ou comment agit l’étranger puisqu’une connaissance commune de son apparence est supposée.

À Shanghai, les corps déjà perçus comme étrangers sont ceux des migrants ruraux. À l’instar d’autres grandes villes chinoises, la main-d’œuvre à bas coût est alimentée par les migrations des zones rurales de l’intérieur, moins développées (Roulleau-Berger et Shi 2005). Ces travailleurs migrants sont considérés comme des sujets urbains indésirables, tout comme les travailleurs immigrés qui occupent une grande partie des emplois peu qualifiés dans les villes globales du reste du monde. Les travailleurs migrants vivent souvent dans des conditions précaires et constituent une population stigmatisée, associée au désordre social et à la criminalité (Zhang 2001). Le danger potentiel qu’ils représentent est associé dans l’imaginaire collectif à une « apparence physique peu attrayante » caractérisée, par exemple, par des « vêtements démodés, sales et usés par le travail » (Guan et Liu

Figure 2. Un avis bilingue collé sur l’une des portes d’entrée du site de Xintiandi. En arrière-plan, on peut voir l’un des deux ascenseurs permettant d’accéder directement aux autres étages. Crédit photo : reproduction autorisée par l’auteure.

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42 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N ˚ 2 0 2 0 / 3 Dossier

2014). Considérés comme une présence inquiétante dans le paysage urbain, ces migrants font l’objet d’une surveillance étroite : ils sont visés par les contrôles de police dans la rue (Han 2010) et chassés des complexes résidentiels fermés (Pow 2007). Et pourtant, les villes globales ne peuvent se passer de ces corps qui effectuent le travail physique et affectif rendant possible le mode de vie des classes moyennes et supérieures (Zhang 2010).

Lorsque le Hub s’assure du concours de ses membres pour surveiller les intrus, il est confronté au même dilemme. Il s’efforce de tenir à l’écart les corps indésirables des migrants ruraux mais leur délègue le « sale boulot » (Hughes [1951] 1994) nécessaire pour assurer le fonctionnement de l’espace de coworking. Ce conflit se voit résolu par le conditionnement de leur accès.

Les laisser entrer : marquer et masquer les corps des migrants ruraux

Pour réaliser le rêve managérial d’une flexibilité totale, le Hub est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Contrairement à certains services, tels que le renouvellement des adhésions, qui ne sont pas disponibles à tout moment, l’identification des présences importunes doit être accomplie en permanence. Lorsque le personnel chargé de la communauté est absent – la nuit et les jours fériés – cette mission est assurée par des agents de sécurité.

L’ironie veut que l’agent de sécurité soit lui-même un travailleur migrant (Pow 2007). Par conséquent, le Hub doit distinguer les corps inutiles, et donc suspects, de ceux qui remplissent une fonction nécessaire. Les vêtements sont au cœur de cette entreprise, car c’est le port de l’uniforme qui permet d’identifier le sous-groupe particulier des corps de migrants ruraux comme étant celui que l’on doit laisser entrer. Ces tenues de travail fonctionnent comme un laissez-passer. Elles affichent de manière évidente le but de l’entrée et permettent ainsi aux corps stigmatisés d’être physiquement inclus dans l’espace de coworking, où ils effectuent l’entretien constant nécessaire au fonctionnement du Hub.

Les agents de sécurité ne sont pas les seuls travailleurs migrants tolérés à proximité du Hub. Seuls des en-cas pouvant être achetés à l’intérieur du Hub, commander pour prendre son repas avec des collègues dans le salon est une alternative abordable et rapide pour les membres qui n’apportent pas de plats faits maison et ne souhaitent pas aller au restaurant. Si la numérisation dispense la circulation de l’information de sa matérialité immédiate, la livraison de repas et de colis nécessite encore des corps au travail. En ce sens, les livreurs donnent une présence physique à l’infrastructure humaine autrement invisible sur laquelle repose l’économie numérique chinoise (Yu 2017). Tout au long de la journée, et notamment à l’heure du déjeuner, un flot constant de corps en uniformes de couleurs vives et coiffés de casques de moto monte et descend les escaliers et ascenseurs qui mènent aux différents étages du Hub. Si les livreurs peuvent s’approcher de l’espace de coworking, ils ne sont pas autorisés à y pénétrer. Il est interdit aux livreurs de courrier de dépasser le bureau d’accueil, où ils sont contraints de remettre les colis à l’équipe chargée de la communauté. Quant aux livreurs de repas, ils ne peuvent même pas franchir le seuil et sont tenus de laisser les plats sur l’étagère d’un espace intermédiaire délimité soit par deux portes vitrées, soit, aux étages supérieurs, par les ascenseurs et une porte vitrée (voir Figure 2).

Dans une logique de préservation de l’hygiène de la communauté (Ahmed 2000 : 25), cette zone ressemble à un sas de séparation qui préserverait la communauté de la pollution que représentent les corps des migrants ruraux.

Certaines tâches ne peuvent toutefois pas être effectuées sans laisser physiquement entrer les corps étrangers dans l’espace. Nettoyer les tasses, les mettre dans le lave-vaisselle, essuyer les tables, remplir les théières d’eau, réapprovisionner la cafetière en grains de café et en lait, prendre soin

des plantes, remettre les chaises en place en fin de journée, nettoyer les toilettes, sortir les poubelles : toutes ces actions font partie des attributions des femmes de ménage. Le personnel d’entretien masculin ne vient que sporadiquement pour réparer la plomberie ou les pannes électriques. À certains égards, la présence de ces femmes d’un certain âge est moins perturbante que celle des innombrables livreurs, dans la mesure où elles sont beaucoup moins nombreuses (chacune se voit attribuer un étage). Elles sont néanmoins constamment présentes dans l’espace de coworking entre 7h00 et 19h00, du lundi au vendredi. Les femmes de ménage sont ainsi autorisées à entrer dans l’espace tandis que les livreurs sont tenus à l’écart : des conditions d’accès qui se traduisent par une différence d’uniforme.

Leur tenue se compose d’un pantalon foncé et d’un pull noir ornés du logo blanc du Hub, qui contrastent nettement avec l’uniforme coloré des livreurs.

De fait, si l’uniforme de ces derniers leur offre une sécurité en les rendant visibles dans la circulation, celui des femmes de ménage possède plutôt une fonction esthétique. Leur tenue sombre les rend discrètes mais néanmoins reconnaissables à l’intérieur du salon du Hub, par ailleurs coloré, de sorte qu’elles sont pour ainsi dire invisibles jusqu’au moment où elles sont jugées utiles (Hanser 2008 : 107). Le vêtement sombre répond ainsi à la double exigence de marquer les corps indésirables tout en les rendant discrets.

La nécessité de compenser la présence dérangeante de ces corps apparaît clairement à travers les récits visuels véhiculés par les affiches et les vidéos promotionnelles disposées bien en évidence dans le salon, quoiqu’elles soient mises en sourdine afin d’éviter tout bruit gênant. Contrairement aux membres et à l’équipe chargée de la communauté, les femmes de ménage ne sont pas représentées dans ces médias, et il va sans dire que les agents de sécurité ou les livreurs ne le sont pas non plus. Si cette absence visuelle est, d’une certaine manière, cohérente avec les pratiques de recrutement du Hub qui reposent sur l’externalisation du personnel de nettoyage et de sécurité, elle est néanmoins frappante, car certains des services fournis par les femmes de ménage apparaissent à l’écran. Ainsi, une courte vidéo montre un homme assis sur des toilettes propres et brillantes à la recherche de papier. Un plan en extérieur montre un jeune homme asiatique pourvu de grandes ailes blanches sur le dos, portant des baskets et un pull affichant le logo du Hub, en train de courir dans les rues bordées d’arbres de l’ancienne concession française. La scène finale montre à nouveau les toilettes où l’homme aux ailes blanches lance du papier toilette à travers une petite fenêtre à l’homme assis, le sauvant ainsi à point nommé d’un inconfort potentiel. Cette vidéo fait partie d’une série qui met en valeur les Anges du Hub (Hub Angels), le nom donné au personnel, autrement anonyme, que les membres peuvent contacter via l’application mobile du Hub pour obtenir de l’aide. Le choix de représenter l’exécution de la tâche comme relevant de la magie traduit la volonté de dissimuler le travail réel nécessaire à l’entretien de l’espace. En outre, le fait de substituer le corps de la femme migrante d’âge mûr accomplissant sa tâche à l’intervention divine d’un jeune corps masculin illustre l’inconcevabilité de représenter des corps sales à l’écran, car cela irait à l’encontre de l’idée d’une communauté homogène et pure. À cet égard, la gestion visuelle des corps sales par le Hub démontre comment ceux « qui ne peuvent être évincés physiquement » sont « culturellement éliminés » (Bauman 2001 : 57) et, en particulier, comment la non-reconnaissance va jusqu’à effacer le travail qu’ils effectuent.

Les corps indésirables doivent être à portée de vue et sous surveillance afin que leur accès au Hub soit contrôlé, mais aussi hors de vue, visibles uniquement lorsque cela est nécessaire. Toutefois, comme le révèle le cas de l’agent de sécurité, ces corps sont également des sujets qui regardent.

Les femmes de ménage sont censées garder un œil sur l’espace : elles sont

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tenues de repérer la saleté pour la faire disparaître. Dans la mesure où regarder signifie également travailler, elles regardent parfois délibérément ailleurs. Dans l’espace ouvert du Hub, détourner le regard est une technique particulièrement efficace pour éviter de travailler puisqu’il n’y a pas de

« coulisses » (Goffman 1956) à l’exception d’un vestiaire de la taille d’un placard. Dans ce contexte, se cacher au vu et au su de tous (par exemple en se tenant derrière un pilier ou assis sur une chaise face au mur) et éviter le contact visuel (en regardant son smartphone) sont des actes qui visent à se soustraire à la vue de la part d’un sujet qui peut voir. Dès lors qu’être vu signifie être identifié comme un corps qui travaille, l’invisibilité n’est pas seulement imposée aux femmes de ménage mais peut aussi constituer un moyen de résister à leurs conditions de travail, et ce d’autant plus qu’être remarquée en tant qu’employée des services d’entretien peut conduire à devoir exécuter des tâches en dehors de ses fonctions habituelles – comme cet après-midi de novembre 2018, lorsqu’une start-up célébrant l’anniversaire d’un employé a demandé à l’« ayi » de prendre une photo de groupe5. Alors qu’onze personnes, dont l’ethnographe, prennent la pose et sourient, elle peine à trouver le bon bouton du smartphone. Enfin, elle réussit à prendre la photo, exécutant par-là la tâche de fixer les corps désirables sur l’écran.

Le spectacle des corps désirables : du marketing de soi au « match » parfait

Gérer un corps performant, afficher un soi séduisant

Les corps désirables du Hub sont avant tout ceux de la clientèle : des jeunes professionnels mobiles provenant majoritairement de Chine ou de divers pays d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie. La majorité d’entre eux sont des entrepreneurs, des responsables de projets dans de petites entreprises étrangères, des créateurs de start-ups et des travailleurs indépendants dans la vingtaine ou trentaine, à l’exception de quelques employés de bureau plus âgés que l’on voit surtout entrer et sortir de leur bureau privé. Outre les clients, l’équipe chargée de la communauté peut également être comptée parmi les corps désirables. Ces employés sont tous chinois et en grande partie, sinon exclusivement, des femmes, ce qui reflète la conception genrée du travail d’accueil. Comme beaucoup de membres chinois du Hub, ce sont de jeunes diplômés de l’université qui ont étudié à l’étranger, le plus souvent en Australie, en Europe ou en Amérique du Nord.

Contrairement aux travailleurs migrants dont la main-d’œuvre est bon marché, ils sont directement employés par le Hub et non pas par un sous- traitant. Si les membres de l’équipe assistent donc la communauté, ils en font également partie. Leur inclusion dans la communauté est illustrée par leur présence dans les vidéos diffusées dans le salon ainsi que par la liberté dont ils jouissent de porter leurs propres vêtements, ce qui les rend visuellement difficiles à distinguer de la clientèle dès lors qu’ils quittent les bureaux d’accueil.

Les clients et le personnel chargé de la gestion de la communauté s’habillent de manière à refléter leur appartenance à une classe moyenne mobile à l’échelle internationale. Ils portent des vêtements et des accessoires achetés à l’étranger, que ce soit lors d’un voyage d’affaires à Hong Kong, d’une visite à des amis et à des parents en Europe ou en vacances au Japon. Si l’homogénéité du style s’explique en partie par une admission sélective dans l’espace basée sur la classe sociale, l’emplacement des locaux – dans des quartiers huppés abritant des centres commerciaux haut de gamme et des boutiques de marques de luxe internationales – incite davantage encore à se conformer à la mode. Lorsque, deux fois par an, le salon du site de Xintiandi est utilisé pour stocker les vêtements du salon de la mode de Shanghai qui se

déroule dans un parc voisin, les employés et les clients qui ne se préoccupent pas de leur apparence peuvent rapidement ne pas se sentir à leur place.

Le style vestimentaire des membres du Hub est au diapason de la culture mondiale des start-ups, née dans la Silicon Valley et privilégiant une tenue plutôt décontractée à une tenue habillée (Casanova 2015 : 14). Si ces jeunes professionnels peuvent porter un costume ou un tailleur, avec des chaussures en cuir cirées ou des talons hauts, pour assister à des réunions formelles ou à des événements officiels, ils préfèrent généralement les vêtements de loisirs urbains et les baskets.

Ce style vestimentaire décontracté véhicule non seulement une image cosmopolite, mais suggère aussi la pratique d’une activité sportive. À leur arrivée le matin ou à leur retour après la pause déjeuner, les membres du Hub ne peuvent que remarquer les sacs de sport portés par leurs pairs et qui signalent que ces derniers viennent directement d’une séance d’entraînement dans une salle de fitness voisine. Le Hub encourage activement ce mode de vie en diffusant des vidéos montrant des membres s’entraîner dans le salon. Chaque site offre, sans frais supplémentaires, des possibilités de faire de l’exercice – vélos stationnaires, tables de ping pong, cours de yoga hebdomadaires, etc. – ainsi qu’un accès à des douches. L’entraînement physique s’accompagne d’une attention accrue portée au régime alimentaire.

Lorsque les livreurs apportent les commandes de déjeuners, le nombre de salades de style occidental et de plats japonais coûteux révèle les préférences alimentaires des membres. Mon principal informateur a ainsi pour habitude de demander invariablement via son application que moins d’huile soit utilisée lors de la préparation de sa commande de plats chinois, ce qui est caractéristique d’une attention très répandue portée à une alimentation saine. Bien que les distributeurs de bière et de soda soient placés en évidence dans le salon, les membres du Hub en font un usage modéré, beaucoup d’entre eux étant soucieux de limiter leur consommation de sucre. Les tasses de café s’accumulent en revanche rapidement dans l’évier, ce qui illustre la manière dont l’attachement à un mode de vie sain est pris dans des considérations liées à la performance professionnelle. Le goût des membres pour le café répond à la nécessité de se concentrer pendant de longues heures et, par conséquent, telle une séance de yoga soulageant le stress, d’accroître leur productivité.

Grâce à ce mode de vie commun, les membres travaillent sur eux- mêmes pour se rapprocher du corps de manager idéal : à la fois actif et flexible (Longhurst 2001). Ces attributs corporels correspondent aux valeurs générales du nouvel esprit du capitalisme qui fait l’éloge des individus mobiles, connectés et adaptables (Boltanski et Chiapello [1999] 2011).

Tout comme la corpulence des hommes d’affaires chinois d’un certain âge, développée au cours d’années de dîners d’affaires bien arrosés, symbolise le pouvoir et la richesse (Hird 2009 : 131 ; voir aussi Osburg 2013), le corps en forme des jeunes professionnels est un signe de réussite et de maîtrise de soi.

Dans une logique de marketing personnel, il est tout aussi important d’afficher un corps attrayant que de faire connaître l’activité physique intense par laquelle on l’aurait obtenu. Contrairement à de nombreuses autres formes de travail corporel, en particulier le travail affectif des femmes, le processus visant à obtenir un corps parfait n’est pas effacé ici mais reconnu comme

« un travail qui apporte une valeur ajoutée » (Otis 2011 : 17). En outre, si ce mode de vie peut être agréable, sa valeur est inextricablement liée au fait

5. Contrairement aux membres de l’équipe chargée de la communauté qui sont appelés par leur prénom anglais, les membres du personnel de nettoyage ne sont pas désignés par leur prénom ; on les appelle ayi 阿姨 (litt. « tante »), une forme d’adresse familière largement utilisée pour les femmes d’un certain âge.

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44 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N ˚ 2 0 2 0 / 3 des valeurs communes. L’espace de coworking étant le lieu où l’on espère obtenir une reconnaissance professionnelle et étendre son réseau (Gandini 2015), l’indignation de cette cliente peut être lue comme une réaction à un manquement du Hub, lequel n’aurait pas su sélectionner des personnes répondant aux critères d’un partenaire potentiel.

Rencontrer le regard de l’Autre : à la recherche du partenaire idéal

Les membres du Hub qui fréquentent les mêmes locaux font connaissance et tissent des liens sociaux, mais n’ont pas la même possibilité d’établir des relations avec des membres travaillant ailleurs à Shanghai, voire dans d’autres villes d’Asie. Afin de favoriser la création de liens sociaux malgré l’absence de proximité physique, le Hub a lancé une application mobile. Ses utilisateurs – c’est-à-dire les membres et les employés de l’équipe chargée de la communauté – peuvent créer leur profil en ajoutant des photos, en renseignant leur position professionnelle et en indiquant leurs passe-temps.

L’application encourage ainsi l’intégration d’informations sur les loisirs et les préférences personnelles, et ce non pas parce que le Hub est un lieu d’échanges informels, mais parce que ces données jouent un rôle dans la chorégraphie des interactions entrepreneuriales (de Peuter, Cohen et Saraco 2017). L’esprit du capitalisme qui imprègne le Hub n’établit en effet pas de distinction entre le travail et les loisirs, les membres devant toujours paraître actifs, engagés dans un nouveau projet et, grâce à cette volonté constante, être en contact avec des personnes partageant les mêmes valeurs (Chiapello et Fairclough 2002 : 192). Sur la plateforme commune, les messages mettant en valeur l’activité professionnelle des utilisateurs sont mêlés à des annonces personnelles, des formes d’expression qui contribuent également à l’image des corps désirables en tant que corps dotés de désirs.

L’amalgame entre désirs professionnels et personnels qui caractérise le projet néolibéral (Lordon 2014) est parfaitement illustré par la fonctionnalité de mise en réseau de l’application du Hub, calquée sur une application de rencontre populaire. L’utilisateur peut choisir de « suivre » d’autres membres par un mouvement de balayage du doigt, et par la suite garder la trace des membres qu’il suit et de ceux qui le suivent, ainsi que parcourir une liste de suivis mutuels (voir Figure 3). En choisissant une photo de profil attrayante, l’utilisateur, homme ou femme, peut se présenter comme le partenaire professionnel et sexuel idéal. Dans le Hub, ce sont les corps désirables qui sont les corps sexualisés, à la différence de la représentation autrement fréquente de migrants étrangers indésirables dont les corps sexualisés apparaissent comme un problème, voire une menace, dans le discours nationaliste (Goh 2014). Ici, la sexualité est associée au glamour plutôt qu’à la multiplicité des partenaires ou à une hypersexualité débridée. Via l’application, le Hub offre ainsi un espace au désir sexuel légitime – l’une des motivations qui rapprochent les membres.

Dans sa stratégie commerciale, le Hub met ouvertement en avant une description de l’espace de coworking comme un site de rencontres professionnelles et sexuelles. Ainsi, un prospectus annonçant un cours de bachata prévu pour mars 2018 montrait un homme en costume et une femme aux longs cheveux et vêtue d’une robe rouge, tous deux étroitement serrés ; la légende indiquait de façon explicite que le cours était une occasion de « rencontrer l’amour et de saisir sa chance » (meet romance and opportunity). Autre exemple, une vidéo promotionnelle diffusée en boucle sur le site de Nanjing Road montre un créateur de start-up chinois regardant la caméra, attestant que le Hub est l’endroit idéal pour « rencontrer d’éventuels employés » (meeting potential employees). La vidéo se poursuit avec le plan d’un jeune homme : « C’est Dossier

qu’il est collectivement perçu comme pénible. Ainsi, les jeunes professionnels du Hub tiennent à mentionner la discipline que l’on est contraint de s’imposer pour se lever tôt et se rendre à une séance de gym avant d’aller travailler. Ce qui peut sembler à première vue contradictoire avec l’atmosphère de travail

« fun » du Hub est en réalité la justification méritocratique de leur statut : des sacrifices doivent être consentis et les bénéfices différés pour gravir l’échelle du succès.

Les membres considèrent donc leurs corps comme un investissement, ce qui est également le cas du Hub. Pour l’entreprise, les corps désirables deviennent rentables grâce au « marketing ambiant » (Hearn 2008 : 210).

Dans une vidéo promotionnelle montrant des entretiens avec les membres, un homme blanc de 50 ans partage son enthousiasme à travailler dans un environnement où il est « entouré de la génération Y branchée, urbaine et passionnée ». La jeunesse étant synonyme d’innovation, la présence de corps jeunes à l’écran et dans l’espace physique est utilisée dans la stratégie commerciale de l’espace pour attirer de plus grandes entreprises. De la même manière que l’âge joue un rôle dans la mise en scène des corps dans le Hub, il en va de même pour la race. En avril 2018, lors d’une visite organisée par le personnel chargé de la communauté pour faire découvrir l’espace à des clients potentiels, un groupe d’hommes d’affaires chinois d’âge mûr choisit, à dessein, l’angle des photos qu’ils prenaient de manière à inclure de jeunes professionnels blancs. Parce que la présence étrangère apporte une « saveur cosmopolite » (De Giorgi 2017 : 115), la blanchité devient une marchandise utilisée par le Hub pour attirer les clients chinois, exactement comme dans les boîtes de nuit de Shanghai.

La logique du spectacle des corps dans le Hub présente plusieurs points communs avec les lieux de vie nocturne cosmopolites de la ville. Une étude ethnographique portant sur les discothèques des années 1990 indique que les jeunes Chinois trouvent un plaisir exhibitionniste à être observés dans un cadre international ; cela leur donne le sentiment d’être des consommateurs modernes et des marchandises désirables appartenant à un monde cosmopolite (Farrer 1999). De même, dans le Hub, le fait d’être vu en compagnie d’hommes d’affaires transnationaux, chinois et étrangers, confère aux professionnels chinois urbains le sentiment de faire partie d’une communauté mondiale. Il en est de même pour les clients non chinois, notamment ceux issus de petites villes, pour qui se montrer dans un espace de coworking situé dans l’une des plus importantes métropoles au monde est un moyen de rehausser leur statut social. Dans la consommation visuelle des corps, seul le regard des corps désirables importe : c’est la reconnaissance par ceux que les membres considèrent eux-mêmes comme désirables qui suscite un sentiment d’appartenance à la communauté.

Être soumis au regard de ses pairs implique d’être exposé au jugement d’autrui. Début janvier 2019, une Chinoise travaillant sur le site de Xintiandi afficha sur la plateforme commune de l’application mobile du Hub une photo d’une lunette de toilette recouverte d’une couche de papier toilette.

Elle commenta l’image en manifestant son mécontentement face à ce genre de comportement, soulignant le manque de manières que reflétait ce geste. Pour elle, le papier toilette était la preuve que quelqu’un s’était accroupi au-dessus de la cuvette comme s’il utilisait de simples toilettes publiques à la turque, très répandues en Chine. Dans son commentaire, elle exprima également sa déception face au manque d’éducation de certains membres de l’espace de coworking, incapables d’utiliser correctement des toilettes de type occidental. Outre qu’elle révèle comment l’observation mutuelle entre membres peut facilement se transformer en un outil de surveillance et de discipline, l’anecdote montre que ce que les membres recherchent avant tout en rejoignant le Hub est un habitus semblable et

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facile d’avoir des rancards [dans le Hub]. “Tu veux jeter un coup d’œil ?” Et boum ! C’est le plan parfait » (It’s easy to get dates [in the Hub]. “Do you wanna check this out?” Boom! It’s the perfect set up). L’affiche et la vidéo s’inspirent toutes deux de lieux communs de longue date sur la relation hétérosexuelle. L’une montre un homme guidant une femme lors d’une danse populaire, l’autre fait l’apologie d’un homme rusant pour attirer une femme dans ses bras.

Si le récit des rencontres est principalement hétéronormatif, certains supports visuels suggèrent des rencontres entre personnes de même sexe.

Une affiche vantant l’application de mise en réseau du Hub montre ainsi la rencontre de « Francisco » et « Jin » au comptoir (voir Figure 3). Sur la gauche, on voit l’interface de l’application indiquant que c’est via celle-ci qu’ils se sont connus. Cette rencontre entre deux hommes peut être lue de deux façons. Premièrement, elle peut être interprétée comme une rencontre homosociale véhiculant l’idée que les affaires se font lorsque des hommes rencontrent d’autres hommes. Même si les corps féminins sont aussi présents que les corps masculins dans l’espace de coworking, les rencontres professionnelles entre femmes font en effet défaut dans le matériel promotionnel. Mais on peut également voir l’affiche comme l’illustration d’une rencontre amoureuse entre deux hommes puisque, comme indiqué plus haut, l’application du Hub est conçue à la fois pour les rencontres et les affaires. L’ambiguïté de l’affiche témoigne ainsi de la visibilité croissante des identités masculines gays dans le milieu des entreprises transnationales (Connell et Wood 2005). Si l’espace demeure hétéronormatif, le Hub ne cherche pas à dissimuler les rencontres homosexuelles masculines, puisque celles-ci aident sa marque en tant qu’entreprise répondant aux attentes libérales en matière de tolérance et de diversité.

La rencontre entre les deux hommes est également révélatrice de la tendance du Hub à célébrer les rencontres interraciales. L’un des exemples les plus emblématiques est illustré par une vidéo promotionnelle s’ouvrant par la question : « Pourquoi l’amour ne naîtrait-il pas dans l’endroit le plus improbable ? » (Why can’t love happen in the most unlikely place?). Elle met en scène la rencontre d’une femme asiatique et d’un homme blanc au début de leur trentaine. Dans les toilettes communes, on voit une femme portant un foulard sur une veste de couleur lavande se regarder dans le miroir alors qu’elle applique un rouge à lèvres écarlate. À côté d’elle, un homme portant des lunettes et vêtu d’un blazer beige se regarde également dans le miroir pour se coiffer. Lorsque la femme étale accidentellement du rouge à lèvres

sur sa joue, l’homme lui vient en aide en lui tendant un mouchoir. Après un gros plan où elle lui sourit, la vidéo se termine par une sortie commune.

Sur le mur du couloir sont notés les mots : « Si vous n’essayez pas, vous ne saurez jamais » (If you never try, you’ll never know) (voir Figure 4). Cette histoire est directement inspirée d’une anecdote ayant acquis le statut de légende dans le monde des start-ups : la rencontre entre Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, et Priscilla Chan, son épouse et associée en affaires.

Aujourd’hui, il est de notoriété publique que le couple s’est rencontré dans la file d’attente des toilettes lors d’une fête d’association d’étudiants de Harvard6. Cet exemple de réussite, qui fait écho à celle du couple fondateur du Hub ainsi qu’aux nombreux autres « mariages en coentreprise » à Shanghai (Farrer 2008), consacre la configuration homme blanc- femme asiatique comme une collaboration idéale, tant pour les relations amoureuses que pour les affaires.

La reproduction de cette même configuration dans l’espace physique trahit la division sexuelle et raciale du travail dans un lieu de travail accueillant des start-ups étrangères. Dans le Hub, j’ai assisté à de nombreuses variantes de cette scène où l’homme aborde la femme en lui tendant simplement un mouchoir, lorsque des entrepreneurs occidentaux s’adressaient à des femmes chinoises pour leur proposer de collaborer sur leurs projets. Avec la mondialisation, les femmes instruites apparaissent comme de parfaites candidates partout où les entreprises sont contraintes de s’adapter aux divers codes des différents marchés et où la demande de médiation culturelle augmente en conséquence (Sassen 2010). Pour les membres du Hub qui rêvent de prendre une part du marché local, le caractère désirable des femmes professionnelles chinoises en tant qu’intermédiaires susceptibles d’aider à surmonter les obstacles linguistiques et pratiques lorsque l’on fait des affaires dans la région se fond avec l’attrait érotique des corps féminins chinois. Les femmes qui se retrouvent partenaires ou employées d’entrepreneurs blancs peuvent certes considérer cet arrangement comme répondant à leurs préférences sexuelles et à leur souhait de travailler dans un environnement cosmopolite, mais elles sont moins enclines à assumer le rôle de médiatrices qui leur est assigné : certaines se plaignent du fait

6. Madeline Stone et Paige Leskin, « The 16-Year Relationship of College Sweethearts Facebook CEO Mark Zuckerberg and Priscilla Chan », Business Insider Australia, 1er août 2015, https://

www.businessinsider.com.au/mark-zuckerberg-and-priscilla-chans-12-year-relationship-in- photos-2015-7 (consulté le 14 décembre 2019).

Figure 3. Photo d’une affiche annonçant la fonction de rencontres de l’application du Hub. Crédit photo : reproduction autorisée par l’auteure.

Figure 4. Image d’une vidéo muette projetée sur les écrans du Hub mettant en scène l’histoire d’une rencontre amoureuse entre deux membres dans les toilettes. Crédit photo : reproduction autorisée par l’auteure.

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46 p e r s p e c t i v e s c h i n o i s e s • N ˚ 2 0 2 0 / 3 Dossier

que la traduction, la réservation d’hôtels et l’assistance aux clients étrangers en visite n’entrent pas dans leurs attributions. L’opinion selon laquelle leur savoir-faire professionnel n’est pas reconnu ou valorisé comme il se doit met en évidence le manque d’alignement entre les désirs personnels et professionnels de celles et ceux qui se situent plus bas dans la hiérarchie (Lordon 2014 : 101-2). En créant les conditions propices aux rencontres entre ses membres, le Hub accorde les mêmes chances aux hommes blancs et aux femmes chinoises de satisfaire leurs désirs sexuels racialisés, mais favorise davantage la réalisation du fantasme des premiers d’entrer sur le marché chinois.

Conclusion

Un jour de mai 2018, un membre quitta sa place au comptoir du salon pour faire visiter les lieux à une nouvelle collègue. En partant, il demanda à l’homme assis à côté de lui de garder un œil sur ses affaires. Comme pour insinuer qu’il s’agissait d’un service que l’on peut demander à un autre membre, il ajouta : « Parce qu’on forme une communauté formidable, n’est-ce pas ? ». Son ton sarcastique laisse penser qu’une analyse plus approfondie des corps parlants pourrait contribuer à révéler l’écart entre les points de vue des membres et le discours du Hub. En se fondant sur cette ethnographie visuelle, il est néanmoins clair que toute expression de désaccord a peu de chances de se concrétiser en une action qui serait manifestement perturbatrice. Les membres ne s’engageant envers le Hub que dans la mesure où ils restent des clients payants, ceux qui n’adhèrent pas à l’esprit qui l’anime peuvent tout simplement choisir de ne pas renouveler leur adhésion. Ceux qui continuent de payer l’abonnement sont, par conséquent, satisfaits de l’expérience de communauté vendue par le Hub.

La communauté en tant que marchandise se forme à travers une gestion visuelle des corps. Dans l’espace virtuel, le Hub célèbre les marqueurs qui différencient divers types de corps désirables plutôt qu’il ne les dissimule. La diversité est considérée comme une valeur ajoutée à l’espace, à condition qu’elle ne remette pas en cause l’homogénéité visuelle des corps à la mode et en forme reflétant le mode de vie actif des membres. En revanche, les corps des migrants ruraux qui sont nécessaires pour effectuer le sale boulot sont totalement exclus des représentations virtuelles. Parce qu’ils sont indispensables dans l’espace physique, leurs corps étrangers sont tolérés, mais masqués et marqués par l’uniforme. Un espace ouvert tel que le Hub, qui doit fonctionner comme une plateforme connectant des flux d’information, d’argent et de corps, ne peut préserver sa pureté par la seule organisation spatiale. C’est la raison pour laquelle il fait travailler ses membres et ses employés comme s’ils étaient ses yeux : les membres sont

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invités à repérer les intrus, tout comme les agents de sécurité sont chargés de surveiller l’espace.

Plutôt que de remettre en question la hiérarchie visuelle de l’espace, les pratiques des occupants du Hub la renforcent encore. Tandis que les membres cherchent à se rendre visibles afin de bénéficier d’une reconnaissance au sein d’une communauté professionnelle internationale, les femmes de ménage ont tendance à se cacher pour éviter un surcroît de travail. La différence dans la façon dont les groupes occupant diverses positions dans la division internationale du travail habitent l’espace résulte des différentes significations associées à l’acte de regarder et de s’exposer à la vue des autres. Pour les migrants indésirables, le travail et les loisirs restent distincts, car le nouvel esprit du capitalisme ne les inclut pas ; être vu revient à être identifié soit comme un être abject, soit comme un objet employé à l’entretien de l’espace, tandis que regarder signifie accomplir un travail de surveillance et d’entretien. À l’inverse, pour les professionnels mobiles désirables, tant être vu que regarder est synonyme de reconnaissance mutuelle en tant que sujets qui travaillent et êtres sociaux à la recherche de relations à la fois fructueuses et agréables.

Enfin, la hiérarchie des corps dans cette communauté locale mondialisée implique une différenciation entre sujets avec et sans désirs. Tandis que le Hub réduit les travailleurs non qualifiés à des corps opérationnels, il reconnaît ses membres comme des sujets mus par des intérêts professionnels, des besoins sociaux et des pulsions sexuelles. Comme le montre la promotion de certains arrangements racialisés et genrés des corps, ces désirs ne sont néanmoins reconnus que dans la mesure où ils sont susceptibles de favoriser l’accumulation capitaliste. L’espace de coworking apparaît ainsi comme un lieu où le projet de mise en adéquation des passions individuelles et des intérêts professionnels atteint de nouveaux degrés d’intensité. Au début de l’année 2019, lorsque l’espace fut réaménagé suite au changement de propriétaire, la devise du Hub « Travaillez dur, amusez-vous » (Work hard, have fun) disparut des murs. À la place, un nouveau slogan apparut sur les tasses et les uniformes (toujours noirs) des femmes de ménage : « Faites ce que vous aimez » (Do what you love).

I Traduit par Cécile Boussin.

I Aurélia M. Ishitsuka est doctorante à l’École des hautes études en sciences sociales et l’université de Genève, et est affiliée au Centre Maurice Halbwachs (ENS, EHESS, CNRS), 48 boulevard Jourdan 75014 Paris, (aurelia-milika.ishitsuka@ehess.fr), https://orcid.org/0000-0002- 5169-0748.

Manuscrit reçu le 1er août 2019. Accepté le 4 mars 2020.

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