Le transit digestif chez le Lapin
VII.
—Influence de la finesse du broyage
des constituants d’un aliment granulé
J. P. LAPLACE F. LEBAS C. GERMAIN Laboratoire de Physiologie de la Nutrition,
Labovatoive
deRecherches sur l’Élevage du Lapin,
Centve national de Recherches zootechniques, LN.R.A., ., 7
83 5
o joity-en-josas (France)
Résumé
Trente lapins de race californienne des 2 sexes ont consommé à volonté un même aliment
granulé comprenant 5o p. 100de luzerne, dont les constituants ont été préalablement broyés grossièrement, ou broyés finement en totalité, ou dont seule la luzerne a fait l’objet d’un broyage
fin. Après 2 semaines d’accoutumance, ils ont reçu à l’âge de 8 semaines une dose de 141Ce dont l’élimination par voie fécale est suivie pendant 72 heures.
Les résultats montrent que le broyage fin de l’aliment, avant sa granulation, entraîne un allongement du temps de rétention, sans modification du rythme d’excrétion de fèces dures. La réduction observée de la quantité de matière sèche excrétée en 24 h va de pair avec une amélio-
ration du CUDa de la matière sèche. Le broyage fin de la seule fraction luzerne fournit des résul- tats intermédiaires.
Introduction
Un
précédent
travail(L EBAS , L APLACE , 1977 )
a montré l’absence d’effet directsur le transit
digestif
de la forme deprésentation (farine
vsgranulé)
d’un mêmealiment. Ce résultat n’exclut pas un effet de la taille des
particules
constitutives de telle ou telle forme d’aliment. Ainsi avons-nous été amené à constater indirecte- ment que laplus grande
finesse desparticules marquées
conduisait à unallongement
du
temps
de rétention d’unmarqueur (L APLACE , L EB AS, 1975 ). L’objet
de lapré-
sente
expérience
est de rechercher une preuve directe de l’influence de la taille desparticules
parl’usage
d’un même aliment soumis à diversdegrés
de mouture-avant
granulation.
Matériel et méthodes
Au total 30
lapins
de racecalifornienne,
des 2 sexes, ont été utilisés. Al’âge
de 6 semaines ils ont été
placés
en cage individuelle et ont reçu à volonté un même aliment à base de luzernedéshydratée ( 50
p.ioo),
blé et tournesol(COLIN, L EBAS , 197
6) ayant
subi l’un des 3 traitementsci-après :
- Mouture
grossière :
passage dans unbroyeur
à marteaux avec unegrille
de2 ,
5 mm. Cette
préparation
sert de base pour les deuxpréparations
suivantes.- Mouture mixte :
broyage
de la fraction blé et tournesol commeprécédemment;
broyage supplémentaire
de la luzerne dans unbroyeur centrifuge (Retsch Z.M.i)
avec unegrille
de o,25mm.- Mouture fine : deuxième
broyage
de la totalité de l’aliment avec lebroyeur
centrifuge
àgrille
de o,25 mm.Ces 3 lots
d’aliment,
dont lagranulométrie
estprécisée
dans lafigure
i, ontensuite été
agglomérés
sous la forme degranulés
de 5 mm de diamètre. La déter- mination de lagranulométrie
a été effectuée à l’aide d’unappareil
« Tamisor »( 1 ) équipé
de 7 tamis à mailles carrées. Letemps
detamisage
a été de5
mn pourchaque
échantillon. Le mode
d’expression adopté
dans lafigure
i vise à éviter « l’écrase-ment » des classes extrêmes
qui
résulterait du moded’expression classique,
encoordonnées
semi-logarithmiques,
despourcentages
cumulés.A
partir
de la 8e semained’âge,
les fèces dures sont collectées selon leprocédé
antérieurement décrit
(L EBAS , L APLACE , 1974 )
durant les 3nycthémères
consé-cutifs à l’administration à 9 h 30
( 2 )
d’une solution de 141Ce(LnYr.ACE, L EBAS , R
I OP ERE
Z, ig7 4 ).
Les fèces recueillies sont,après dessiccation,
soumises aucomptage
de la
radioactivité;
au terme des 72heures,
les viscèresdigestifs
fontégalement l’objet
d’uncomptage
parcompartiment;
le détail de laméthodologie
mise enoeuvre a été décrit antérieurement
(L AP LAC E , LE BAS, 1975).
Résultats
I
. - Croissances et consommations d’aliment
Les
gains
moyensquotidiens
depoids
vif réalisés par leslapins
au cours dela
période pré-expérimentale
etexpérimentale
ne diffèrent en aucun cassignifi-
cativement. Il en est de même en ce
qui
concerne les consommations moyennesquotidiennes
d’aliment durant les 3jours d’enregistrement. Néanmoins,
l’indicede consommation de l’aliment finement
broyé
estsignificativement
meilleur(P
<0 , 05 )
que celui de l’alimentgrossièrement
moulu(tabl. i).
Le lot d’alimentmixte fournit un résultat intermédiaire. Aucune modification du
rythme spontané d’ingestion
d’aliment n’a été constatée.2
. - Excrétion de
fèces
duresLe
broyage
additionnel total(fin)
oupartiel (mixte)
entraîne une réductionsignificative (P
<0 , 01 )
du nombre d’heures au coursdesquelles
est observée uneexcrétion de fèces
dures,
ainsi que de laquantité
de matière sèche excrétée en24
heures
(tabl. 2 ).
Par contre, cette réductionquantitative
n’estaccompagnée
d’aucun
déplacement
de lapériode
d’excrétion(heures
moyennespondérées
d’ex-crétion
analogues).
Le coefficient d’utilisation
digestive apparente
de la matière sèche estsignifi-
cativement amélioré tant par le
rebroyage
total(P
<o,oi)
que par celui de la fraction luzerne seule(P
<0 , 05 ).
3. -
Élimination
du 1‘!lCeLes courbes moyennes d’excrétion fécale de
radioactivité,
cumulée au cours des 72 heuresaprès
administration du141 Ce,
montrent(fig. 2 )
que l’excrétion est d’autantplus
lente que l’aliment estplus
finement moulu. La durée despériodes
de
caecotrophie ( 9 ,8 h), responsables
despaliers
de la courbed’excrétion,
est la même pour les 3groupescompte
tenu d’une variabilité de 24p. 100sur l’ensemble de lapopulation.
Les
quantités
de radioactivité excrétées dans les fèces dures parpériode
de24
heures
(tabl. 3 )
sontanalogues
pour les moutures mixte etfine;
elles sontsigni-
ficativement
(P
<o,o 5 ) plus
faibles que celles mesurées pour la mouturegrossière
au cours du seul
premier nycthémère.
Au terme des 72 heuresd’enregistrement,
la radioactivité résiduelle dans les viscères est à l’inverse
significativement plus
élevée pour les moutures mixte
(P
<0 , 05 )
et fine(P
<o,oi)
que pour la mouturegrossière.
Larépartition
de cette radioactivité viscérale résiduelle dans les diverscompartiments digestifs (tabl. 4 )
estanalogue
pour les moutures mixte et fine.Dans ces 2 cas, le
pourcentage
de radioactivité retrouvée dans l’intestingrêle
estsignificativement plus
faible(P
<0 , 05 )
et lepourcentage
restant dans le caecumplus
élevé(P
<0 , 10 )
que lorsd’ingestion
de l’alimentgrossièrement
moulu. Corré- lativement la radioactivité résiduelle dans l’estomac est réduite(P
<0 , 05 )
pourl’aliment le
plus
finement moulu(fine
vsgrossière).
La
quantité
totale de radioactivité excrétéen’atteignant
pas 95 p. 100 pour certainslapins
au terme des 72 hexpérimentales,
le calcul du coefficient de réten- tion moyen R nepeut
être effectué selon la définition usuelle. Nous avons recherchéune
approximation
de ce coefficientR,
calculé sur la base destemps
moyens par groupe d’excrétion 10, 20... 90 p. 100 defaçon
àpouvoir
comparer les effets desrégimes
entre eux. Ilapparaît
dans ces conditions un « R » d’autantplus
élevé que l’aliment estplus
finement moulu : mouturegrossière,
24 h o2 mn — mouturemixte,
27 h 35 mn — mouturefine,
30 h 20 mn.Discussion
Au terme de ce
travail,
ilapparaît qu’effectivement
pour un mêmetype
deprésentation
et une mêmecomposition,
l’aliment leplus
finementbroyé
est retenule
plus longtemps
dans le tubedigestif,
en accord avec cequi
avait été déduit d’observations antérieures(L APLACE , L EB A S , 1975 ).
De même estconfirmé,
pour des conditionsexpérimentales différentes,
le fait que lesparticules
lesplus
finesfranchissent l’intestin
grêle plus rapidement.
Leurapparente
accumulationpréfé-
rentielle dans le caecum confirme les conclusions de
B J Ô RNHAG ( 1972 )
selonlequel
une
ségrégation,
intervenant dans lecôlon,
serait suivie d’un refoulement desparticules
lesplus
fines vers le c!cum.Il est
généralement
admis que lescaecotrophes
sont essentiellement constitués de contenu caecal(B ONNAFOUS , R AYNAUD , 19 6 7 ).
Parconséquent,
les finesparti-
cules devraient entrer en
proportion
relativementimportante
dans lescxcotrophes
et, par la
réingestion
deceux-ci,
fairel’objet
d’une rétentionplus longue
et d’unedigestion plus complète.
Tel est effectivement le caspuisque
l’aliment leplus
fine-ment moulu est non seulement retenu
plus longtemps
mais s’avère aussi être leplus digestible.
Ces
conséquences
semblent apriori
intéressantespuisque
l’efficacité alimentairese trouve améliorée par un
rebroyage complet.
Néanmoins ces déductions d’ordrephysiologique
nepeuvent
êtregénéralisées
auplan
del’élevage.
Ce sont en effetenviron 40
lapins qui
ont dû être mis enpré-expérience
pour que soientdisponibles
pour
l’expérimentation
20lapins
consommant les aliments mixte ou fin sans trou- blesdigestifs apparents (diarrhées, pertes
depoids).
Conclusion
Un
broyage
fin del’aliment, préalablement
à sagranulation,
conduit à unallongement
dutemps
derétention,
à une meilleuredigestibilité
voire une meilleureefficacité
alimentaire,
mais avec, semble-t-il uneaugmentation
de l’incidence des troublesdigestifs.
Accepté pour pieblication en mars 1977.
Summary
The
digestive
transit in the RabbitVII. -
Effects of grinding fineness of
thefeed ingredients before fie ll etin
g Thirty Californian rabbits, of both sex, received ad libitum the same pelletcd feed (including50
per cent of alfalfa). Previously to the pelleting, the feed ingredients were either coarsely ground, or finely ground, or the alfalfa alone was finely ground. After 2weeks (habituation), they received, at the age of 8 weeks, a single dose of 14JCe, the fecal excretion of which was measured during 72 hours.
The results showed that the fine grinding of feed ingredients before pelleting led to an in-
crease of the retention time (+ 6 h) without any change in the excretion rhythm of hard feces.
The decrease in the quantity of daily excreted dry matter (33to z5g) followed the improvement
of the apparent dry matter digestibility (70 to 77 per cent). The fine grinding of alfalfa alone
gave intermediate results.
Références bibliographiques
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