Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Mémoires de la Section des sciences / Académie des
sciences et lettres de
Montpellier
ACADÉMIE
des Sciences et Lelires de Montpellier.
MÉMOIRES
DE LA SIcrrION DES SCIENCES
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TOME ONZIÈME
L'ŒUVRE DE J.-É. PLANCHON
Par Ch. FLAHAULT.
Le 1er
avril 1888,
M.J.-É. Planchon était subitement
enlevé àl'affec- tion
dessiens,
au respect de tous ceux qui leconnaissaient, aux travaux
qu'il poursuivait
avecardeur.
Ilvenait
dequitter
le salon oùchaque soir
il
trouvait
dansl'intimité
dela
famille le seulrepos qu'il
se permît;
lafête de
Pâques réunissait
sesenfants autour
du foyerpaternel; il
jouissaitde
leur
bonheur;
il estmort doucement,
sans souffrances, sous cette calme etbienfaisante impression.
L'œuvre
scientifique deJ
.-É.Planchon
estconsidérable;
sonnom appartient
à l'histoire; je
mesuis
faitun pieux devoir
derecueillir
lesprincipaux traits
de sa vie, dechercher,
àtravers
lalongue
série detra-
vaux
qu'il
afournis,
lesprincipales préoccupations
de sonesprit.
En
livrant
ces notes àl'Académie
des Sciences etLettres
de Montpellier,qu'il illustra pendant
plus detrente années', j'acquitte une
dette de res-pectueuse reconnaissance envers
le collègue dontj'eus l'honneur d'être
le
successeur, tout
engardant
le bénéfice de son amitié etd'une bien-
veillance qui ne
s'est jamais démentie.
L'amitié
et lareconnaissance
ont sibien inspiré
ceux qui se sont faitun douloureux devoir
deretracer
lesétapes
de sa vie aumoment même
oùla mort venait
de nousenlever notre éminent
collègue, quenous
osons à peineentreprendre d'en parler
encore. Nous nepourrions songer
à fairemieux,
et il estinutile
deredire
ce qui a étéfort bien
dit; mais, notre but étant surtout d'étudier l'œuvre
dePlanchon,
ilnous paraît
quenous
1 Il en était membre depuis le 27 avril 1857.
pouvons nous
contenter
denoter
lestraits essentiels
de sa vie, lescircon-
stances qui ont exercéleur
influencesur
son développement scientifique,et renvoyer
aux excellentes notices qui ont étépubliées
aulendemain
de samort
ceux quivoudraient
connaître les détailsd'une
vie consacrée aubien
et à larecherche
de la VéritéJules-Émile Planchon naquit
à Ganges, au pied des Cévennes, le 21mars 1823;
sonpère
exerçaitune
fort modesteindustrie;
iln'en encou- ragea
pasmoins
les dispositions que son filsmontra
debonne heure pour l'étude. L'enfant n'eut pendant
longtempsd'autres maîtres
que ceuxqu'on
pouvait trouver
alors dansun bourg
cévenol;
ils nepossédaient
pastous
lesgrades universitaires
ni lesconnaissances
pédagogiquesqu'on
exigeaujourd'hui
de ceux quienseignent
dans nos palais scolaires, mais ilssavaient inspirer
auxjeunes hommes l'amour ardent
du travail;
ils savaientfaire aimer la
vérité,
ets'entendaient
à merveille à développer les apti-tudes intellectuelles,
sil'on
enjuge par
legrand nombre d'hommes
éminents, contemporains
oupeu s'en
faut, quisortirent
des écoles de nosmontagnes.
M.
Planchon garda pendant
toute sa vie unsouvenir reconnaissant
aux hommes modestes quiavaient
dirigé sespremiers
efforts;
il se plaisait àrappeler surtout
le nom deJean
Paris et àredire
avec quelle simplicité lesmaîtres
de son enfance lui avaientappris,
non pas la science, mais les moyens del'acquérir.
Ilsortit
deleurs mains bachelier
èslettres,
à 16 ans.Posséder
unjour
une officine depharmacien était
alors toute sonam- bition;
mais lesressources
de la familleétaient
faibles, et lerêve n'était réalisable qu'au
prix debeaucoup
d'efforts. Planchonentra
comme élève1 Obsèques du Professeur Planchon, Broch. petit in-8° de 12 pages; Montpellier, Boehm, imprimeur. — J.-É. Planchon, Notice nécrologique, par M. P.-P. Dehérain
;
Annales Agro-nomiques, 1888, pag. 221-229.—
J.-É.
Planchon, parM. G. Foëx;
Broch. in 80 de 8 pages.— H. Fortuné
,
Bull. de l'Association générale des Étudiants, 1er mai 1888, Montpellier.— J.-É. Planchon, par M. E. Gachon
;
Le Protestant, Journal des Chrétiens libéraux,14 avril 1888.
-
Notice sur J.-É. Planchon, par M. L. Morot; Journal de Botanique, II,1erjuillet 1888. — J.-É. Planchon et son OEuvre, Conférence donnée à Ganges, le 2 mai 1888, par M. A. Sabatier; Broch. in-8° de 32 pages., Montpellier ; et Annales de la Société
d'Hort. etd'Hist. nat. de l'Hérault. 2e série, XX, pag. 77-104, 1888, Montpellier.
chez
un pharmacien
de Montpellier. Il se levaitavant
lejour et prenait
le serviceavant
l'aube;
ils'assurait
ainsipour
la soiréequelques
momentsde
liberté qu'il employait
àherboriser
et àdonner
des leçons. C'est dansces conditions
qu'il prépara
sonbaccalauréat
ès sciences,remplissant
àla fois les obligations
multiples
de sesétudes
et de sa profession,donnant
satisfaction à son goûtnaissant pour
lesplantes,
etsubvenant
encore aux besoins de sa famille. C'estlà sans doute qu'il
fautchercher l'origine
de cetteétonnante
activité quine
cessaqu'avec la
vie et quidonnait
àJ.-É.
Planchon la
faculté des'occuper
à la fois des choses lesplus
diverses.Devenu
l'élève
de Dunal, puisd'Auguste Saint-Hilaire,
lejeune Planchon
fut licencié ès sciences
naturelles
en 1842;
ilaimait
àconstater
plustard
que
toute
sa vie scientifiquedérivait
de ladouble
influence de ces deuxmaîtres.
Dunal luitransmit
latradition
d'A. -P. de Candolle, qui,durant
son
court passage
à Montpellier,sut
yfaire
des élèves comme Dunal,Flourens,
Requienet
Moquin-Tandon;par
A.Saint-Hilaire,
«j'appris,
ditPlanchon,
àmodérer
matendance naturelle
dejeune homme vers
lesgénéralités hâtives; je m'assouplis peu
àpeu
àla
discipline du style scientifique, à cetart
de laprécision
quisemble d'abord un joug,
maisqui
devient bientôt un soutien pour
la pensée».
M. Ch. Naudin, del'Institut,
accompagnant A. Saint-Hilaire à Montpellier, fit à cette époque laconnaissance
de Planchon;
ilnous
lereprésente vivant,
dansune
petite maison voisine duJardin
desPlantes,
des bénéficesqu'il tirait
dequelques
leçons données aux
étudiants
enmédecine
et en pharmacie;
de cemoment
date
entre
ces deux hommeséminents une
amitiéque l'éloignement n'a-
moindrit jamais.
En 1844,
c'est-à-dire
à 21ans, Planchon présentait
à la Faculté des sciences de Montpellier etsoutenait
avec succès sesthèses
de Doctorat. Enmême temps,
ilsuivait
lescours
de laFaculté
de Médecine et del'École supérieure
dePharmacie; mais
ledésir
decontribuer au bien-être
de safamille et de faciliter les
études
de sonjeune frère
ledécidèrent
àchercher une
situation pluslucrative
etplus indépendante
que cellequ'il
occupaitdans
l'officine de M.Lutrand.
Cellequ'il dut
àl'heureuse
initiative de sesmaîtres
a exercésur
sacarrière une
influence décisive. Dunal et A. Saint-Hilaire l'avaient
mis enrapport
avec J. Decaisne. Ce Maître, dontl'esprit
pénétrant
savaitdiscerner
dans la foule ceux que dominait la passion dutravail,
désigna Planchon au choix de son ami Sir William Hooker,direc- teur
duJardin
botanique de Kew; chargé de la conservation descollec-
tions de ce savant, qui comptaient à bon droit parmi les plusriches
du monde, lejeune docteur
ès sciencesput s'abandonner
à ses goûts sanssouci du
lendemain. L'herbier
de Sir Hooker luirévéla
sa voie et lui fournit les éléments de sespremiers travaux
de botanique systématique.Le Hooker's London
Journal of
Botany nous donne lapreuve
del'activité qu'il
déployapendant
lesquatre
annéesqu'il
passaprès
de Londres; il connutà Kew la
plupart
des plusillustres
botanistes dela
Grande-Bretagne:
Robert Brown, le princeps botanicorum, comme il
l'appelait volontiers,
Bentham,
Walcker
Arnott, Lindley, Bennett,Joseph
Hooker,etc.,
et fut lecollaborateur
de Babington. Nous tenonsd'un
desbotanistes
qui honorele plus
notre pays,
que Planchon a laissé dansl'herbier
de W. Hooker quantité de notes qui ont beaucoup ajouté à lavaleur
de cettecollec-
tion.Revenu
en France en 1848, ilprit
quelque repos dans sa famille, y constata que les effortsqu'il poursuivait pour assurer l'éducation
de sonfrère,
plusjeune
que lui de dix ans, neseraient
pasperdus,
etpartit
pour Paris, en quêted'une
nouvelle position. Il yretrouva
Decaisne,l'ami
dévoué de ceux qui
luttaient pour la
vie;
il y souffrit, commetant d'au-
tres;
mais il quittait de bonneheure
lachambrette
étroite et froide àlaquelle il ne
demandait
quel'abri
de lanuit,
etpartageait
sesjournées entre
le travail aux galeries du Muséum ou dans le cabinet de son ami, et les leçons qui luiprocuraient
le nécessaire aujour
lejour.
Ardent autravail,
enthousiaste et confiant,notre jeune
savanttrouvait
unpuissant
appui dans Decaisne, déjàmembre
de l'Académie des Sciences;
ilren-
contrait dans le
modeste appartement
de larue
Cuvier bien des hommes distingués, dont ilgarda
le souvenir etl'amitié.
Il dut à Decaisned'être
mis en
rapport
avec Van Houtte, le célèbrehorticulteur
de Gand. Le gou-vernement
belge venait decréer
dans cette villeun Institut
horticole etavait chargé Van Houtte du choix des
professeurs qu'il
convenaitd'y
attacher
; sur
la recommandation de Decaisne, Van Houtte choisit Planchon commeprofesseur
de Botanique, de Zoologie etd'Horticulture théorique.
Planchon
devint
enmême
tempsrédacteur principal
dela
Flore des Serres et desJardins
de VEurope, alorsparvenu
à soncinquième volume (1849);
ce
fut
labrillante
époque dela
Flore des Serres. Sacollaboration
à cetteimportante
Revuebotanique
ethorticole dura jusqu'au moment
où lamaison
VanHoutte renonça
à enpoursuivre la publication.
Les
ressources considérables qu'il trouvait
dans lesserres
del'éta-
blissement,
le plusimportant qu'il
yeût alors
en Belgiqueet sans doute en Europe,
les envoiscontinuels qu'on
yrecevait
desvoyageurs attachés à la
maison,et
quipassaient aussitôt par
lesmains
dePlanchon,
les obli-gations d'un enseignement théorique
que lafaveur
du paysrendait
tousles jours plus grandes, familiarisèrent
leprofesseur
avectout
ce quel'horticulture la plus
avide denouveautés enlevait
aux forêts des Tropi- ques. Il vitarriver dans
cetteterre promise
desamateurs
debeautés horticoles,
lesreprésentants
lesplus rares
des floresexotiques;
il lesvit naître
etgrandir,
lescultiva,
enétudia
les exigences eninterrogeant
leclimat
deleur patrie.
Il y acquit, enun mot,
cetteconnaissance étendue
des floresextra-européennes
quebien
peu debotanistes contemporains ont
possédée au mêmedegré.
Ainsi, auxqualités
deméthode qu'il
avaitacquises
àParis
et à Kew, ilajoutait une
connaissancepratique des représentants
les plusbrillants
depresque toutes les
familles dePhané-
rogames.
Ilétait heureux
à Gand; nous
aimions, il y aquelques
moisencore,
àl'entendre dire
avecquel plaisir
il avaitparcouru
lesplaines
dela Flandre, herborisé
dans sesbois,
où iltrouvait
une florebien
différentede celle au
milieu
delaquelle
il avaitcouru
dans sonenfance,
etsurtout quel
accueil dévoué il avaitreçu
dans la vieille cité flamande. Toutsem- blait
le convier à yrester.
La
mort
de Delile,survenue
en1851,
leramena brusquement
dans leMidi
;
ilprit
à Montpellier legrade
dedocteur
enmédecine,
et seprésenta
au
concours ouvert pour
la succession dusavant professeur
dela Faculté
de
médecine.
Unincident,
endécidant
Dunal àrenoncer
à sa position dejuge, détermina Planchon, en
disciple soumis, àrenoncer
àpoursuivre
laréalisation
durêve qu'il
caressait:
ilabandonna
leconcours.
M. Martinsfut
nommé
professeur
à laFaculté
de médecine etchargé d'administrer
leJardin
des Plantes. Planchon ne céda paspourtant
aux instances de VanHoutte qui le rappelait en Belgique et fut nommé professeur à l'Ecole de médecine et de pharmacie de Nancy.
Il
n'y demeura
pas deux ans. Dunal, affaibli parl'âge
et par la maladier compritqu'il perpétuerait sûrement
son œuvre de dévouement à la science et à l'Université de Montpellier en confiant à son élève la mission dele
suppléer. C'est en avril 1853 que le vieux Maître abandonna sa
chaire.
Dès lors,
heureux
deretrouver
sa province et le voisinage de sesparents,
Planchon ne songea plus à
quitter
Montpellier; officiellement chargé du cours de Botanique peu après la mort de Dunal, en 1856, il avaitterminé
le 8
janvier
de la même année ses études depharmacien,
et setrouvait
aussi chargé du cours de Botanique à l'École de pharmacie;
il devintprofesseur titulaire
de cette École le 21juillet,
ettitulaire
de la Facultédes
sciences quelques mois
après,
le 31 juillet, 1857.A
partir
de ce moment, Planchon partage son tempsentre
ses courset
ses
travaux
personnels;
il a désormais son caractère scientifiquedéfinitif
conséquence de la triple influence de ses
premiers
maîtres de Montpellier, de son séjour à Kew, et de ses longues étudessur
les flores tropicales enBelgique.
Les charmes de son enseignement inspiraient à toutes nos Écoles le
désir
de le posséder. L'École de pharmacie avait voulu
prendre
sapart
deces
leçons où une diction élégante faisait valoir les avantages
d'une grande érudition.
Depeur
deperdre
un si bon maître, l'école leretint
en lenom- mant
Directeur et le garda pendantvingt-deux
ans à cetitre.
Planchonn'abandonna
ses fonctions de Directeur quelorsqu'il prit
possession duJardin
des Plantes, mais ilgarda
sa chaire, convaincu que son activitésaurait
faire face à des obligations multiples. C'est à cette époque aussi que notre Faculté des sciences eut àregretter
son départ. La direction duJar-
din des Plantes réalisait le vœu de sa
jeunesse, il
l'accepta;
mais il lui fallutabandonner
l'enseignement
de la Botaniquepure
pour celui del'histoire naturelle médicale; perdu
toutefoispour
nous àtitre
officiel, iln'en res-
tait
pas moins le collègue bienveillant et serviable entre tous. Nousn'ou-
blions pas avec quelle bonté il nous guida dans
l'exploration d'un pays
qui nous était
inconnu;
nous n'oublions pas ces nombreuses herborisa- tions faites en commun, et cetrésor
d'anecdotes dont il agrémentaitla
conversation, nous léguant
ainsitout
cequ'il
savait decurieux sur
leshommes
et les choses;
mais nous ne devons pasperdre
de vue quePlan- chon
a laissé, comme homme, dessouvenirs trop
vifspour qu'il
soit besoin de les fairerevivre.
Revenons ausavant.
Planchon suivit sans
hésiter
la voie où il était entré;
il mit aussitôt à profitles
connaissancesqu'il avait accumulées pendant
les sixannées
deson séjour
en Angleterre et en Belgique etpublia
ses plus beauxtravaux
deBotanique
systématique
et de Morphologie comparée. Membre de la Sociétébotanique
deFrance
dès sa fondation en 1854, il y futl'ouvrier
dela première heure,
et ne cessa pasd'y publier d'intéressants mémoires.
Il
apportait dans lamoindre
étudeune remarquable
finessed'observation.
Quelques-uns de ses
travaux présentent pourtant,
à cet égard,un intérêt particulier.
Nousn'en
connaissons pas de plusinstructifs
que ses Obser- vationssur
les Cistinées, son Mémoiresur
lafamille
des Guttifères, le Pro-dromus
Monographie Connarace arum,
sa Notesur
les bractées des Marcgra-viées. On
retrouve
dans chacund'eux l'influence prédominante
de Dunal, deSaint-Hilaire
et del'herbier
de Sir Hooker.La géographie botanique avait aussi
une large part
de sespréoccupa- tions
scientifiques. En mêmetemps qu'il cherchait
às'expliquer
les causesde la
distribution
géographique desvégétaux
quiformaient
la flore deMontpellier et des Cévennes, il
poursuivait
de savantesrecherches sur les
flores
tropicales, publiait
desdocuments d'une
importance capitalesur
laflore de la Colombie en collaboration avec Linden, de la Nouvelle-Grenade avec son ami M. J. Triana, et collaborait au Pescatorea,
l'un
desbeaux travaux iconographiques
de cette époque, destiné à faireconnaître
lesbelles
col- lections d'Orchidéesréunies par
M. Pescatore auchâteau
de la Celle Saint-Cloud. Ilpublia
encore dans le mêmeordre d'idées,
sous letitre
de Hortus Donatensis, le catalogue desplantes
cultivées dans lesserres
duprince
Demidoff à San Donato. Ces collections forméespar
lebaron
von Hügel dans sapropriété
de Hietzingprès
de Vienne comprenaient les plusbelles
formes de la végétation exotiquerapportées par
lui del'Inde an-
glaise,
del'Australie,
de laterre
Van Diémen, de la Nouvelle-Zélande etde la
Polynésie. Le prince Demidoff en fitl'acquisition
en 1850 et lestransporta
à San Donato. Plus de1,400
espèces (les Orchidées noncom-
prises) sont
énumérées
dans cet ouvrage;
des donnéessynonymiques et bibliographiques
fort précieusespour
lesbotanistes
accompagnent le nomde chaque espèce, et en font un
travail important
au point de vue systé-matique.
L'histoire
de la Sciencen'avait
pas moinsd'attrait pour
Planchon.Les
rentrées solennelles
des Facultés,qu'il regrettait
plus quepersonne,
nous ont valu de sa
part
des notices pleinesd'intérêt sur
nos Maîtresd'autrefois.
Comme ilarrive souvent
dans lesétudes sur
les hommesqu'on
choisit
pour
enécrire l'histoire,
parcequ'on
lespréfère
àd'autres en raison d'une certaine
communitéd'idées, d'aspirations
et d'efforts,Plan-
chon a plus
d'une
fois mis en relief, sanss'en douter,
lestraits
saillantsde son
propre caractère,
et lalecture
des noticesqu'il
a consacrées à Dunal, à AugusteSaint-Hilaire,
à Cambessèdes, à Decaisne, sont des sources où nous avons volontiers puisé, dans sespropres narrations, des renseignements sur
son développement
scientifique.Il excellait
d'ailleurs
dansl'art
deconverser;
il aimait lesréunions
ets'y trouvait
àl'aise, si
nombreusesqu'elles
fussent. Nomméen
1861 vice-président
de la Sociétéd'Horticulture
etd'Histoire naturelle
del'Hérault,
il
manquait
fortrarement
aux séances mensuelles;
ilfallait
que descir-
constances impérieuses
l'éloignassent
denotre
villepour l'empêcher d'apporter
à chaqueréunion
sa contributionprévue
ou accidentelle. Ilse
faisait peu de communications auxquelles iln'ajoutât
pasquelques
obser- vationspersonnelles,
il en avaittoujours
enréserve;
avec uneaménité
et une bienveillance qui ne se
démentaient jamais,
il savaitrelever par
des réflexions
générales
ou desrenseignements
complémentairesl'intérêt
des communications faites en séance. D'une
remarquable
vivacitéd'allures,
toujours
prêt
à saisir au vol une opinion à discuter, Planchonapportait
dans toutes les discussions une bonne grâce et uncharme exceptionnels.
Rien
ne paraissait
devoirchanger
la direction destravaux
de Planchon.Cependant
un
crid'alarme, bientôt répété,
signalait les dangersqu'un
insaisissable ennemi faisait
courir
à la fortune agricole du Midi. Notre collègue est aussitôt mis en éveil;
laissant là ses cherstravaux
demor-
phologie, il se met à
rechercher
la cause inconnue du mal.Il fit
partie
de cette Commission qui eut le mérite 1e découvrir etde
faire
connaître
lacause réelle
du mal quiravageait
les vignes de Provence etmenaçait d'une ruine
complète le vignobleméridional.
C'est le 11juillet
1868 que futdécouvert
à Sorgues (Vaucluse) lepuceron
quireçut
le nom de llhizaphis
et
quidevint bientôt après
le Phylloxéravastatrix.
La Société
d'Agriculture
del'Hérault,
avecl'appui
du Ministre del'Agriculture et
des Chambres de Commerce de Cette et de Montpellier, lui confia, en août 1873, la missiond'aller
en Amériqueachever l'étude
duPhylloxera
etd'y rechercher
le profitqu'on pourrait tirer
del'emploi
des vignesaméricaines.
On savait alors quequelques
cépagesaméricains avaient survécu
au milieu desvignes françaises détruites,
quequelques-unes
de ces vignes semontraient luxuriantes
etpleines
devigueur
dansles loca-
lités les
plus ravagées.
Planchondemeura trois
mois en Amérique. Saréputation
scientifique luivalut
de lapart
desbotanistes américains
leplus chaleureux
accueil. Ilrevint convaincu
que les cépagesaméricains pou-
vaient
rendre
lesplus grands
services auxviticulteurs français. Peu d'années après,
il acceptait la direction de la Vigneaméricaine, revue mensuelle
fondée
par
MM.Pulliat
et Robin. C'est dans ses colonnesqu'il soutint,
enfaveur
des cépagesaméricains,
cettelutte opiniâtre
qui devaitsauver
le vi- gnoble de la plaineméditerranéenne
etrendre
à nosdépartements littoraux
la
prospérité qu'ils
avaientperdue.
Ils'y
occupa detous les ennemis
de la vigne, del'Anthracnose,
du Mildew, du Black-Rot, et desautres maladies parasitaires, physiologiques
ouaccidentelles,
desvignes, dénonçant
auxvignerons
lesmaux
qui lesmenaçaient, leur signalant les remèdes
et les moyens préventifsque la
scienceleur recommandait.
Les moyens depu-
blicité dont il disposait le
plaçaient toujours au premier
rang; pendant
que les
uns concouraient
àl'œuvre commune par l'exemple
des sacrificespécuniaires,
qued'autres
luiprêtaient
le calme concours del'enseignement
officiel,
Planchon, toujours sur
labrèche,
aucourant
detout, soutenait
avec
une
infatigableardeur,
et uneopiniâtreté
qui ne fut pas sonmoindre mérite,
le combatqu'il
avaitengagé.
Il
publia
plus de centarticles depuis
la fondation de la Vigneaméricaine
jusqu'au moment
où lamort vint
le surprendre;
iln'y
négligea pasmême
lesquestions administratives
quipouvaient concourir
au succès de lareconstitution
dont il avait fait sonœuvre.
Sans esprit de système, il y exposa dès le
premier jour
tous les moyensde
préservation,
de défense et dereconstitution.
«Loin
d'établir
entre les divers systèmes de défense contrele
Phylloxerades rivalités et des antagonismes
stériles,
ilvaut
mieuxemprunter
à chacun cequ'il peut donner
de bon, en combiner au besoinplusieurs,
lesrenforcer l'un par l'autre, demander
à lasubmersion,
àl'ensablement leurs
effetsutiles,
au sulfure de carbone sa puissance insecticide, auxsulfo-carbonates
alcalinsleur
action à la fois toxique etfertilisante,
au badi- geonnage des ceps ladestruction
del'œuf d'hiver,
aux vignes américainesrésistantes l'appui
deleurs
racinesrobustes,
et,s'il
le faut, leproduit
trop déprécié deleurs
grappes».
Cette profession de foi
qu'il publiait
en 1876 fut sa règle de conduite.La Vigne
américaine
fut unetribune
ouverte à toutes les idées;
frappépourtant
de lasupériorité
queprésentaient
les cépages américainssur
tousles
autres
procédés derénovation
du vignobleméridional, c'est
à luiqu'il donnait
lapréférence.
Non content delivrer
àla
publicité tous les élémentsde
la
discussion, il était toujourssur
pied, ne ménageait pas ses visites aux vignobles voisins de Montpellier,entraînait
leshésitants
etsoutenait
tous les courages. Sa conviction étaitardente
et communicative;
nousl'avons
vu souvent oublier
qu'il
dirigeait uneherborisation
dejeunes
étudiants;
nous avons entendu maintes fois des conférences improvisées devant les vignes
détruites
ou replantées;
elles nous laissaient convaincus.Les faits ont justifié ses prévisions et récompensé ses longs efforts.
M. G. Bazille, en
rendant
compte de la situation viticole du Midi en 1887, au Congrès de Mâcon,nous paraît
avoirrésumé l'état de
la question de la façon la plusheureuse.
Tenant compte des succès
très
réels obtenus par la submersion etpar
l'emploi dusulfure
de carbone,l'éminent viticulteur
déclare que,partout
où ces procédés sont applicables, «il faut
recourir
aux cépages américains;c'est
dans mapensée,
dit-il, pour les cinq sixièmes de nos vignobles, leseul ou tout au moins le
meilleur
moyenpratique
de lareconstitution.
Les vignes nouvelles couvrent
d'immenses terrains, 80,000
ou100,000
hectares (dansl'Hérault seulement).
La vendange a été bonne, les petits vignerons ont planté comme les grandspropriétaires,
ettout
le monde estcontent. Il a fallu cette
année,
comme aubeau
temps, faire appel à la populationvoisine
de la Lozère ou del'Aveyron pour achever
lavendange
dans lecourant
deseptembre. J'ai
vu denouveau sur
nosroutes, une
fois la
vendange terminée,
descharrettes
deplusieurs grands
vignoblesramenant jusqu'à
moitié chemin deleurs demeures
cestravailleurs, joyeux
de
retourner
chez eux enemportant un
bonsalaire.
Lesmules empanachées, couvertes
derubans,
faisaientsonner leurs grelots,
lesconducteurs claquer leurs
fouets, et ces chariots oùs'étaient groupés pêle-mêle,
assis,debout,
les
hommes,
lesjeunes
femmes et les enfants, m'ontrappelé
lechar
desmoissonneurs
de Léopold Robert. »La
vendange
de 1888 devaitdépasser toutes
les espérances;
mais, dèsl'année dernière, c'était
la victoire éclatante et définitiveautant
que peu- ventl'être
les choseshumaines.
Planchon a
joui
de ce triomphe;
ill'a
proclamé, sans entirer orgueil,
sans
jamais
direqu'il était
engrande partie
sonœuvre, attribuant
volontiers
autemps
et àl'expérience
cequ'avaient fait
son activité et sondévouement
à la cause desviticulteurs.
En 1885, il y avait dansl'Hérault
près de
45,000 hectares
de vignes américaines;
il y en avait77,000
aucommencement de 1887. Il y en a
près
de100,000 aujourd'hui.
Planchon
trouvait
dans le succès de ses efforts la seulerécompense qu'il
ambitionnât. Il a été enlevé
brusquement,
en pleinejouissance
detoutes
ses facultés,
heureux
du passé et confiant dansl'avenir.
Il avait unenature essentiellement
optimiste; toujours
actif etsouriant,
sanspréoccupation
dulendemain, fredonnant
enmarchant, tenant tête
à des occupations sivariées
et simultiples
que beaucoupd'autres
yeussent
succombé, ilétait tout
àtous, donnant
aux inconnus comme à ses amis des témoignagesd'une bienveillance
active quine
sedémentait
en aucune circonstance.Sa
mort
a laissé dansnotre enseignement supérieur
un de ces vides quine se comblent pas. Bien
lourde
est la tâche de ceux qui ont eu lafortune
de le connaître,
d'apprécier
ses leçons et ses exemples.Puissions-nous
n'être
pas tropau-dessous
denotre
mission,et n'oublier jamais
quelles qualités exceptionnellesdistinguaient
le Maître dont nous devonscontinuer
l'œuvre pour l'honneur
del'Université
et lesprogrès
de la Science!
L'œuvre
botanique deJ.-É.
Planchon esttrès
considérable;
le nombredes
travaux qu'il
a signés esténorme.
Il a, deplus,
incidemment glissé dans ses Mémoires beaucoup de notes oud'observations
précieuses qui serapportent
àd'autres
sujets et que le titre ne fait pasprévoir.
Lapubli-
cation
d'une
étude analytique de ses travauxserait
désirable;
nous avonssongé à
l'entreprendre,
mais nous avons dû nousborner, pour
le moment,à grouper
l'ensemble
de ses écrits en une sorted'Index méthodique.
Nous pensons toutefois que ce petittravail
ne sera pas inutile ;peut-être encouragera-t-il quelqu'un
de ceux quifurent
ses élèves à donner des travaux de Planchon une table analytique détaillée comme nous enpossé-
dons pour les œuvres de Robert Brown et de quelques
autres.
Dans la partie de
l'Index
suivant qui est consacrée à la Systématique des Phanérogames, nous avons suivil'ordre
du GénéraPlantarum
deBentham et Hooker, comme
répondant
le plus exactement aux idées que Planchon a professéespendant
toute sacarrière
scientifique.Index méthodique des travaux publiés par J.-É. PLANCHON
ORGANOGRAPHIE ET PHYSIOLOGIE.
Quelques mots sur les inflorescences épiphylles, à l'occasion d'une nou- velle espèce
d'Erythrochiton,
Mémoires de l'Académie deStanislas;
Nancy,1853, in-8°.
Sur les bractées des Marcgraviées, Mémoires de la Soc. des
Se. natur.
deCherbourg, IX, en collabor. avec M.
J.
TRIANA.Sur une monstruosité des ovaires du Cydonia
vulgaris,
Bull. de la Soc.bot. de
France, XIII,
1866, pag. 234-235.Sur l'ovule et la graine des Acanthes,
Ann.
des Se.natur.,
3e sér., Bot.,IX, pag.
72-79,et pl.
5 A, 1848.Lettre à M. Gris à propos de la graine de Ricin,
Bull.
de la Soc. bot. deFrance,
IX, 1862, pag. 534-535; Ann.
des Se.natur.,
4e sér.,Bot.,
1862.Mémoire sur le développement et les caractères des vrais et des faux arilles, suivi de considérations sur les ovules de quelques Véroniques et de VAvi-
cennia
,
Thèse pour le Doctorat ès-Sciences, 1844, broch. in-8° de 53 pag.avec 3 pl.
lithogr.,
Boehm, Montpellier; C. R. de l'Acad. des Se., XIX, pag. 334, 5 août 1844; Ann. desSc. natur.,
3esér.,
Bot., 1845,38
pag. et 2 pl.Sur
le faux arille de la Noix muscade,Bull,
de la Soc. bot. deFrance, II,
1855, pag. 677-678.
Sur les rapports de la
structure
florale des Santalacées, Olacinées, Loran-thacéeset
Protéacées, Bull. de la Soc. bot. deFrance, II,
1855, pag. 86-87;en collaboration avec
J.
DECAISNE.Affinités des Santalacées,
etc. ;
confirmées parleur
composition florale,C. R. de l'Acad. des Se., XXII, 1846, pag. 256.
Sur
l'hybridation desJEgilops,
Bull. de la Soc. bot. deFrance,
IV, 1857, pag. 573-574, et V, 1858, pag. 448-449.Note
sur
le parasitisme del'Osyris alba,
Bull. de la Soc. bot. deFrance,
1858, V,pag. 445-446; C. R. de l'Acad. des Se.,
XLVII,pag.
164,26juillet
1858.Sur une
fasciation en forme de crête du Chou-fleur,Fl.
desSerres, XXXII,
1883, avec 1 pl.Les
plantes
carnivores, d'après de récentes découvertes, Revue des Deux- Mondes, 1er févr. 1876, 29 pag.; Ann. de la Soc.d'hortic.
etd'hist. natur.
de
l'Hérault,
1876.Sur
quelques faits de sommeil des plantes etsur
les mouvements des fo- lioles de laplupart
des Légumineuses, Bull. de la Soc. bot. deFrance,
V,1858, pag. 469-470.
BOTANIQUE SYSTÉMATIQUE GÉNÉRALE. TRAVAUX INTÉRESSANT EN MÊME TEMPS DES GROUPES DIFFÉRENTS.
Le morcellement de l'Espèce en Botanique et le
Jordanisme,
Revue des Deux-Mondes, 15 sept. 1874,28pag.
Affinités et synonymie de quelques genres nouveaux et peu connus,
Ann.
des Se.
natur.,
4" sér., Bot.,II,
1854, pag. 256-266, etIII,
1855, pag. 292-296.Note
sur
deux plantescritiques
de la flore monspeliaco-cébennique,l'A- quilegia
viscosa Gouan et leFerula glauca
auct. monspeliensium, Bull. deia
Soc. bot. deFrance,
1886.Observations
sur
YAmoreuxiaDC. (Euryanthe,
Cham.etSchlecht.)
et des- cription des nouveaux genresRoucheria
et Lobbia comme introduction à desmémoires distincts sur les Cochlospermées, Linées et Aristolochiées, familles auxquelles ces genres seront respectivement
rattachés, London Journal
of
Botany,VI,
pag. 139, 6p.
et 3 pl.Description d'un genre nouveau voisin du Cliftonia, avec des observations
sur
les affinités desSauranya,
desSarracenia
et desStachyurus, Ann.
des
Se.natur.,
3esér.,
Bot., 1846, pag. 250-256, et 1 pl.Sur les affinités des genres Henslowia