R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
R OLF W AGENFUHR
Étude et comparaison des niveaux de vie des travailleurs des industries de la communauté européenne du charbon et de l’acier
Revue de statistique appliquée, tome 7, n
o2 (1959), p. 97-101
<
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ÉTUDE ET COMPARAISON DES NIVEAUX DE VIE DES TRAVAILLEURS DES INDUSTRIES DE LA COMMUNAUTÉ
EUROPÉENNE DU CHARBON ET DE L’ACIER (1)
par
le Professenr Rolf WAGENFUHR Directeur des Services Statistiques de la C. E. C. A.
Au cours de la session de 1957 de Z’Insti tut International de
Stat ist ique
àStockholm, la
Haute Autorité avaitprésenté
unecommunication sur la
"Comparaison
des revenus réels des travail- leurs des mines dehouille,
de las idérur~ ie
et des mines defer
entre les pays de la CECA ". Dans l’introduction de cette commu-
nication il était dit que les
problèmes relatifs
à la mesureet à la comparaison des niveaux de vie des travailleurs de la Communauté
Européenne’
du Charbon et de l’Acier retenaient toute l’attention de la Haute Autorité et de la Division des Statis-t iques.
0Il 1 a paru
intéressant
defaire
lepoint
de cette ques-’
tion dans une nouvelle communication, en
indiquant
les déve-loppements qu’ ont
connusdepuis
une année les travauxdéjà
décrits( ou
annoncés)
a Stockholm en 1957 (salairesréels,
enqu~te sur lesbud~ets
defamille)
et en s iénal ant une nouvelle réal isa- t ion dans cedomaine,
à savoir une enquêtepar sondaée sur les logement,s
des mineurs etsidérur~istes effectuée au
cours du deuxième trimestre de 1958. oI - SALAIRES REELS DES OUVRIERS
(2)
Le
problème
consiste à convertir des revenus nominauxexprimés
dans lesdifférentes monnaies
nationales,
en unités depouvoir
d’achatcomparable
sur labase de
parités
monétaires convenables. Cesparités
avaient été obtenues à la suite d’uneenquête
sur lesprix
des biens et services effectués en 1954. Il avaitdonc été
possible
d’établir desprix
moyens pourchaque
pays et pour 220 articles de consommation courante. Cesprix
moyens avaientpermis
de calculer pour uncouple
de pays et pourchaque
article desparités
élémentairesexprimées
par lerapport de prix (soit
au total 220parités).
Pour faire lasynthèse
de cet ensem-ble deux
systèmes
depondération
avaient été utilisés : les coefficientsbudgétai-
res propres à chacun des deux pays. On obtenait donc à
chaque
fois non pas uneparité unique
mais uncouple
deparités-solution.
---
(1) Communication
présentée
à l’Institut International deStatistique - Bruxelle s -
1958.(2) Voir
"Comparaison
des revenus réels des travailleurs des industries de la Communauté"dans : Etudes et Documents et "Taux d’équivalence de pouvoir d’achat à la consommation dans les pays de la Communauté en 1954" dans : Informations Statistiques, Etudes métho-
dologi que s, N ° 4, Juillet/Août
1957.Cette méthode
déjà gênante quand
ils’agit
de comparer deux pays devient trèscomplexe lorsque
les résultats doivent êtreprésentés
pour un ensemble de pays. Dans le cas de l’acier(six
paysplus
le territoire de laSarre),
les résul-tats s’inscrivent dans un tableau à double entrée
(7 lignes
et 7colonnes),
soit autotal 42
parités.
Il est donc apparu souhaitable de rechercher une méthode
qui permette
d’aboutir à une solutionunique,
c’est-à-direqui
assure la transitivité des fac- teurs de conversion entre les pays.Une
première
solution consisterait à définir unpanier
standard commun àtous les pays ; elle ne sera utilisable que
lorsque
seront terminés les travaux dedépouillement
del’enquête
sur lesbudgets familiaux,
dont il seraquestion plus
loin.En fait,
on a utilisé les travaux deMM. Bogers
et VanIjzeren (1),
travauxmathématiques qui
conduisent à dessystèmes d’équations qui
ont étéappliqués
aux pays de la CECA. Les
parités
binaires obtenues à la suite del’enquête
deprix
de 1954 constituent les
paramètres
de ceséquations, qui peuvent
être résolues facilement par un processus d’itérations.L’idée de
départ
est la suivante : dans chacun des pays unreprésentant
"moyen"
se voit attribuer une certaine somme dans sa monnaie nationale. Ces différentes sommes sontsupposées
àpriori équivalentes,
et constitueront ulté- rieurement les inconnues deséquations.
Ellesserviront,
à chacun desrepré- sentants, à acheter,
dans son paysd’origine,
un certainpanier
de consommation conforme aux habitudes nationales de ce pays. Par lasuite,
cesreprésentants
se rendront dans des pays
étrangers
où ilsprocèderont
à l’achat des marchan- dises dupanier initial,
dont le coût sera évidemmentexprimé
sur la base desprix
du pays visité.Dans une
première
méthode on donne rendez-vous(en
France parexemple)
aux six
représentants
des six pays. Onpeut
chiffrer(en
francsfrançais)
le coûtglobal
de l’ensemble despaniers.
On recommenceral’opération
enItalie,
enAllemagne,
etc., et on écrira que les coûts de ces groupes de sixpaniers
iden-tiques
sontéquivalents.
Dans une deuxième
méthode,
unFrançais
se rend successivement dans lescinq
paysétrangers,
où ilprocède
aux achats des marchandises de sonpanier
national. On fera faire la mêmeopération
à unBelge,
à unLuxembourgeois,
etc.On écrira que les coûts de ces
opérations (en comprenant
l’achat dupanier
dans le pays
d’origine)
sontéquivalents
pour leFrançais,
leBelge,
etc.La troisième méthode est une combinaison des deux
premières.
Elle re- vient à écrire que le coùt total despaniers
decinq Français, qui
se rendent res-pectivement
dans lescinq
paysétrangers,
estéquivalent
au coût despaniers
descinq étrangers
enFrance,
etc.Les
équations
pour l’année 1954 donnent parexemple
pour les trois métho- des les résultats suivants :On
peut
donc constater sur cesexemples
que les résultats des trois métho- des sont très voisins etqu’ils
s’intercalent entre les deuxparités
extrêmes éta-»---
(1) Voir "Three methods of
comparing
the purchasing power ofcurrencies",
The Netherlands Central Bureau ofStatistics-Statistical Studies,
Dec. 1956. W. A. J. Bogers "Détermination des rapports de pouvoir d’achat entre les monnaies des pays de laCeca",
Heerlen, le 11 février 1955.blie s sur la base
de s paniers nationaux,
la méthode III donnant toutefois le résultat leplus
central à l’intérieur de cet intervalle.100 francs
luxembourgeois -
... DM Indice(Méthode
III =100) 7,
83 DM(panier allemand) 94, 8
8 22 DM
(Méthode II) 99, 5
8, 26
DM(Méthode III) 100 , 0
8,
29 DM(Méthode 1) 100, 4
8,
55 DM(panier luxembourgeois) 103, 5
1 DM = ... lires Indice
(Méthode
III =100) 138,
9 lires(panier italien) 89, 7 150,
5 lire s(Méthode II) 97, 2 154, 9
lires(Méthode III) 100, 0 159,
4 lires(Méthode 1) 102, 9 166, 6
lires(panier allemand) 107, 5
Les calculs effectués pour l’année 1954 ont été
ajustés
pour 1955 et 1956 au moyen d’indices nationaux pour tenircompte
de l’évolution desprix.
Cette mé-thode a donné des résultats
valables,
car lesprix pendant
cettepériode
relative-ment courte ont été stables.
La hausse des
prix enregistrée
dans tous les pays de la Communautédepuis
1956 est
trop importante
pour que l’onpuisse
se contenter de cesajustements,
aussi la Haute Autorité a-t-elle décidé d’effectuer un nouveau relevé de
prix
aucours du 4ème trimestre 1958.
Les résultats relatifs aux salaires réels des années 1955 et 1956 sont en cours de
publication.
II -
ENQUETE
SUR LES BUDGETS DE FAMILLERappelons qu’une enquête
sur lesbudgets
de famille d’ouvriers de la Com- munauté a été effectuée dejuin
1956 àjuin
1957. Lespremiers
résultats d’en- semble sont actuellementdisponibles.
Ce travail
qui
aporté
sur 2 000 familles d’ouvriers mineurs etsidérurgistes
a consisté à faire
enregistrer
aujour
lejour,
par lesménages
del’échantillon, pendant
12 moisconsécutifs,
toutes les rentrées et sortiesd’argent
ainsi que les différentsavantages
et consommations en nature.Le
premier problème qui
seprésenta
fut de mettre aupoint
avec les re-présentants
des six Instituts Nationaux deStatistique
une formuleméthodologique
commune, condition
indispensable
au succès del’enquête,
lepoint
de vue de lacomparabilité
desrésultats
étant considéré en l’occurence comme essentiel. Or il est bien connu que dans un domaine aussicomplexe
que celui desenquêtes
"Budgets",
lesméthodes,
les habitudes des différents pays sont notablementdivergentes (carnet
decomptes
ou méthode del’interview, concepts
de consom-mation,
dedépense
et de revenu,nomenclature, etc. ).
Il fautégalement ajouter
que cette
enquête
à effectuer sur leplan européen
était àl’époque
lapremière expérience
dans ce genre de la Division desStatistiques.
Grâce à la bonne vo-lonté de
tous,
il a étépossible
d’obtenir l’accord de tous lesexperts,
non seu-lement sur des
règles générales
maiségalement
sur leplan
d’uneméthodologie
très
détaillée. Ce travailpréliminaire, indispensable,
a été couronné desuccès,
l’enquête
s’est déroulée dans tous les pays dans des conditions extrêmement sa-tisfaisantes.
Onpeut
considérer quel’objectif qui
avait été fixé au moment où cetravail a été lancé
(en particulier
réunir un ensemble de conditions assurant lacomparabilité
desrésultats),
a été atteint.Revenons très
rapidement
sur lesprincipes
essentiels del’enquête, qui
ont été
appliqués
dans les six pays :a/
E chantillon deménage s
volontaire s de deux adulte s et deux enfantsd’âge scolaire, remplissant
certaines conditionsquant
au salaire du chef de mé- nage(quine
devait pas s’écarter deplus
de 15%
du salaire moyen de labranche),
salaire
qui
devait constituer la source essentielle de revenu duménage ;
b/
Méthode du carnet decomptes, appliquée intégralement, qui
aparu
plus
sûre que celle del’interview ;
c/
Définitionsprécises
desconcepts
dedépense,
consommation et revenu, de l’estimation de la valeur desavantages
en nature. Desrègles
com-munes ont pu être
adoptées
en cequi
concerne les achats àtempérament,
lesavantages
en natureprovenant
del’employeur,
la consommation familiale(jardin),
les
emprunts,
les renboursements dedettes,
etc ;d/
Mise aupoint
d’une nomenclature détaillée de biens et services de consommation.Le
dépouillement
des résultats doitpermettre
d’éclairer lespoints
suivants :a/
Amélioration del’enquête
sur lesprix qui
doit être reconduite aucours du
quatrième
trimestre1958, grâce
à un choixplus
rationnel des biens et services àprendre
en considération et des coefficients depondération qui
serontappliqués
pour le calcul desparités ;
b/
Etude de lapossibilité
d’établir unbudget européen
standard àpartir
des résultats relatifs au volume des consommations dans les différents pays ; 1c/
Etude détaillée desbudgets
de consommation(en
valeur et en vo-lume)
et des variations de leur structure de bassin à bassin et de pays à pays ;d/
Possibilité de rechercheséconométriques quant
aux lois de con- sommation et aux élasticités parrapport
au revenu.III -
ENQUETE
SUR LES LOGEMENTS DES TRAVAILLEURS DE LA COM- MUNAUTE.Cette
enquête, qui
est actuellement en coursd’exécution,
est effectuée surla base d’un échantillon aléatoire. C’ e st le
premier
travail de ce genre réalisé à l’écheloneuropéen.
Pour cetteenquête,
les Instituts deStatistique
et la HauteAutorité ont pu
aboutir,
sur leplan
de lacoordination,
à des résultats encoreplus
intéressants que ceuxqui
avaient été obtenus à l’occasion del’enquête
surles
budgets
familiaux. Eneffet,
si pour cettedernière,
certainsproblèmes,
d’ailleurs relativement
secondaires,
tels que le mode de recrutement des mé- nages del’échantillon,
la confection des carnets decomptes (périodicité),
lapré- paration
dudépouillement,
etc., avaient été résolusséparément
parchaque
Ins-titut,
pourl’enquête
sur lelogement
l’accord de tous a pu être obtenu pour définirune
méthodologie précise
etcomplète,
non seulement en cequi
concerne lesprin- cipes généraux
tels que lesondage probabiliste
et la méthode del’interview,
maiségalement
sur desproblèmes
tels que mode detirage
del’échantillon,
rédaction d’unquestionnaire,
notesexplicatives accompagnant
cequestionnaire.
Bien en-tendu,
les notions deménage, logement, pièce, surface,
etc., ont faitl’objet
dedéfinitions
précises inspirées
des travaux du Comité de l’Habitat de la Commis- sionEconomique
pourl’Europe,
des Nations-Unies.L’enquête porte
sur un échantillon d’environ 40 000ouvriers,
échantillonreprésentatif
de l’ensemble des travailleurs de la CECA(au
nombre de 1 500000).
Des taux
d’échantillonnage
différents ont étéprévus
suivant les industries et lesrégions
en tenantcompte
de la concentration et de lataille
des différents centres et bassins. Sauf pour lescharbonnages
de laRuhr,
où le nombre relativement élevéd’entreprises
apermis d’envisager
unsondage
à deuxdegrés,
on aprocédé partout
ailleurs à unsondage
à un seuldegré.
Pour tirer l’échantillon d’ouvriers
(l’échantillon
delogements
sera obtenuà partir
de cet échantillon initial convenablementredressé)
on a effectué des ti-rages
systématiques
dans les fichiers depersonnel
desentreprises.
Sans entrer dans les
détails, indiquons
que lesrenseignements
demandésdans le
questionnaire
sont de deux ordres :a/ renseignements personnels
relatifs à l’ouvrier(situation
de famil-le, âge, nombre d’enfants,
ancienneté dansl’entreprise,
distance de l’habitationau lieu de
travail, etc. ) ;
b/ renseignements
relatifs aulogement (nature
del’habitation,
qua- lité dupropriétaire,
nombre depièces, surface, principaux
éléments de con-fort
etc. ).
Signalons également qu’un questionnaire spécial
a étéprévu
pour les"mé-
nagescollectifs",
c’est-à-dire les ouvriers vivant dans desfoyers, "homes d’entreprise", cantines,
etc.En
conclusion,
dans le cadre des recherches intéressant la mesure et lacomparaison
des niveaux devie,
l’étude des salaires réels occupe enquelque
sorte une
position
centrale. On a dit comment, enpartant
d’une bonnestatistique
des salaires nominaux
(statistique qui
était d’ailleurs àfaire),
on a pu convertirces salaires sur la base de
parités
monétairesconvenables,
obtenues à la suite d’uneenquête
sur lesprix
de biens et services de consommation dans lesprinci-
paux centres et bassins de la Communauté. Des travaux mathématiaues récents ont
permis
d’améliorer et dedévelopper
cette recherche. Les résultats obtenus pour l’année1954, extrapolés
sur les années suivantes seront remis àjour
àl’occasion d’une nouvelle
enquête
sur lesprix
à la fin de 1958.Mais ces
problèmes peuvent également
être absorbés pard’autres voies,
en
particulier
par le moyend’enquêtes
directesauprès
desouvriers, enquêtes qui
nepeuvent
donner de résultats utilisables que si elles sont effectuées sui- vant des méthodes et desprincipes
communs dans les six pays. C’est dans cetesprit qu’ont
été réalisés deux travauximportants
sur lesbudgéts
et lesloge-
ments des