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La validité du modèle de Vattel après 1945

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La validité du modèle de Vattel après 1945

KOLB, Robert

KOLB, Robert. La validité du modèle de Vattel après 1945. In: Sandoz, Yves. Réflexions sur l'impact, le rayonnement et l'actualité de "Le droit des gens, ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains"

d'Emer de Vattel : à l'occasion du 250ème anniversaire de sa parution . Bruxelles : Bruylant, 2010. p. 137-175

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45016

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE V A TTEL APRÈS 1945

PA&

RoBERT KOLB

1. - INTRODUCTION

Dans la société internationale post-Westphalienne, ((droit interna- tional public» et ((Souveraineté» sont indissociables. Les deux entre- tiennent un rapport trouble et troublé, ambigu et tourmenté, attractif et répulsif. La souveraineté est la mère nourricière et la cause efficiente du droit international. Sans souveraineté, pas d'ordre juridique international, mais tout au plus ordre juridique fédéral mondial; sans souveraineté, pas de juxtaposition de puis- sances, mais subordination de sujets. Or, la souveraineté est aussi la grande menace existentielle du droit international public. La sou- veraineté signifie puissance. Elle signifie aussi absence d'organes supérieurs ou centraux préposés à l'exécution du droit vis-à-vis des Etats. Dès lors, le droit international est voué à rester «faible»: il est un droit surtout normatif, prévoyant des modalités de créer des règles communes (d'où la luxuriance des chapitres consacrés aux sources), alors qu'il souffre de carences du point de vue exécutif, dans les moyens de faire exécuter les règles, domaine dans lequel il travaille par un renvoi au droit interne ou encore par le centrage du règlement des différends sur la volonté concordante des Etats. En un mot, le droit international naît d'un paradoxe. La souveraineté est sa condition d'existence; elle es~ aussi son geôlier comminatoire.

Ce droit présente dès lors cette magnifique dualité plastique et ambivalente de toutes les choses profondément humaines. Il luit dans la lumière tamisée et fuligineuse de ce mystère qu'est la contradiction inhérente à l'humanité depuis sa chute du Paradis.

Ce qui précède soulève deux séries de questions. Primo, depuis quand la société internationale est~elle organisée sur ce mode ~e la souveraineté dont le droit international reflète les linéaments~ Plus

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généralement, quelles formes d'organisation internationale peuvent- elles exister et ont-elles existé depuis l'Antiquité 1 Qu'apporte de nouveau le monde d'après 1945 à cet égard 1 Une telle mise en pers- pective historique et conceptuelle nous permet de saisir toutes les formes de sociétés internationales possibles et de les voir à l'œuvre dans l'histoire. L'apport particulier de Vattel pourra alors être apprécié: entre autres celui du premier théoricien, parmi les «pères>) du droit international, de la société inter-étatique moderne centrée sur la souveraineté (1). Secundo, quels aspects ponctuels trouve-t-on chez Vattel qui correspondent à des problématiques actuelles et comment ie rapport entre le texte de Vattel et les conditions modernes peut-il être établi 1 Quelques exemples épars pourront être évoqués. Voici donc que se dessinent devant nous les deux parties de ce travail.

II.- LES FORMES D'ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE

Tout droit régit une société. Or le droit international régit la

«société internationale» (2). La question se pose donc de savoir ce qu'est la société internationale. Il·n'y a pas de réponse définitive à cette question. Les formes d'organisation ont varié dans le temps;

on est ainsi ramené à un problème essentiellement historique. Ce n'est pas dire, toutefois, qu'on ne puisse pas systématiser les formes d'organisation ayant existé jusqu'à présent ou qu'on ne puisse pas réfléchir aux configurations des rapports internationaux théorique-

{1) Voir la démonstration minutieuse de E. JOU ANNET, Emer de VaUel et l'émergence doctrinale du droit international classique, Paris, 1998, pp. 9 et s., 251 et s. Voir aussi F. MANCUSO, Diritta, StaW, Sovranità - Il pensiero politioo-giuridico di EmeT de Vattel tra assolutismo e riooluzione, Naples, 2002, pp. 223 et s; S. BEAULAC, The Power of Language in the Making of biternationaJ Law, Leiden, Boston, 2004, pp. 127 et s.; etH. MDIR-WA'IT, «Droit naturel et souveraineté de l'Etat dans la doctrine de V atteh, Artkives de phüosophie du droit, vol. 32, 1987, pp. 71 et s.

{2) Voir A. TRUYOL y SERRA, «Théorie du droit intemational public~. RCADI, voL 173, 1981- IV, pp. 9 et s., 53 et s.; A. TRUYOL Y SERRA, «Genèse et structure de la société internationale*, RCADI; vol. 96, 1959-I, 553 et s. Voir aussi T. RuYssEN, La société internationale, Paris, 1950;

et T. RUYSSEN, Les sources doctrinales de l'internationalisme, tomes I et II, Grenoble, 1954 et 1958. Pour des contributions plus récentes, voir C.A. W. MANNING, The Nature of International Society, Londres, 1975; E. LUARD, Types of International Society, New York, Londres, 1976;

E. LUARD, International Society, Basingstoke, 1990; D. CoLARD, La société internationale après la guerre froide, Paris, 1996;~A.J. BELLAMY, International Society and its Crities, Oxford, 2005;

D. ARMSTRONG, ~The Evolution of International Society,, dans: The Œoba.lization of World Poli- tics, An Introduction ta International Relations, Oxford, 2008, pp. 32 et s.

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APRÈS 1945 139 ment possibles. Un volet conceptuel et analytique se joint ainsi au sondage de l'expérience historique.

La société internationale a depuis toujours été organisée sur la base de quatre types de relations politiques (3): (1) les empires, réu- nissant des territoires sous un peuple dominateur; (2) l'hégémonie d'une puissance sur les autres, surtout dès l'époque de la constitu- tion d'Etats-nations comme entités puissantes difficiles à conquérir et à contrôler; (3) l'équilibre des puissances par la formation de coa- litions, d'alliances et la politique de bascule, dans une société mar- quée par l'existence d'une série de puissances de force approximati- vement égale; (4) la coopération multilatérale à travers une organisation politique mondiale comme la Société des Nations ou les Na ti ons Unies, suite à la perception de questions d'intérêt commun de grande gravité et urgence. Il est évident que ces types de rela- tions politiques ne s'excluent pas mutuellement; ils s'entrelacent à des degrés et dosages variables à chaque instant de l'histoire. Ces catégories de relations politiques influent directement sur les types de droit international que connaîtra une époque donnée.

Trois types de droit international. Dans l'expérience historique, trois types de droit international ont répondu à la structure poli- tique à chaque fois diverse des relations internationales (4):

(1) l'Universalisme, correspondant à l'Empire ou à l'hégémonie;

(2) le Supranationalisme, proposant un régime mixte de pouvoirs hiérarchisés situés entre l'Empire et l'indépendance;

(3) l'Internationalisme, formant un système de puissances égales et indépendantes.

a) L'universalisme est marqué de la domination ou de l'hégémonie d'une puissance dans une sphère spatiale donnée. Le droit interna- tional tend à s'y contracter en un droit fédéral interne ou impérial.

Ce n'est pas dire qu'il disparaît de l'horizon. On le retrouve à trois endroits. D'abord, il demeure vivace dans les rapports externes de l'Empire avec les puissances avoisinantes. Mais la prétention de supériorité culturelle et juridique de l'Empire, souvent observée dans ce type de cas (Rome antique, Chine impériale), tend à en atrophier la portée. Ensuite, le droit fédéral impérial garde certains

(3) Voir P. GERBET, Le rêve d'un ordre mondial~ De la SDN à l'ONU, Paris, 1996, pp. 7 et s.

(4) Cf. P. VINOGRADOFF, «Historical Types of International Law~, Bibliotheca Vis8eriana, vol. I, Leiden, 1923, pp. 1 et s.; J. V AN KAN, «Règles générales du droit de la pain, RCADI, vol. 66, 1938-IV, pp. 299 et s.

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éléments internationaux dans la mesure où il reconnaît une autono- mie relative aux peuples soumis et associés. Leurs relations restent alors, même au sein de l'Empire, partiellement régies par des règles de droit international (relations horizontales fondées sur l'égalité).

Enfin, l'abolition des frontières internationales entre membres de l'Empire favorise le développement d'un droit transnational comme le ius gentium romain. Les droits anciens sont tous empreints de for- malisme. Ils ne s'appliquent qu'aux citoyens, non aux étrangers (iura ossibus inhaerent; ius quiritium). Or, les échanges plus fré- quents avec les étrangers incorporés à l'Empire ou voisins à celui- ci, par exemple à travers le commerce, nécessitent un nouveau corps de règles. Ce droit nouveau est imprégné d'un élément d'internatio- nalité, car il régit le statut juridique d'étrangers. L'Empire tend donc ici à une fnsion du droit international public avec Je droit international privé.

b) Le supranationalisme est une fo:rme mixte, vivant sous une division des pouvoirs. Les fonctions publiques sont distribuées de manière souvent très complexe sur deux niveaux, l'un universel (par exemple: l'Empereur, le Pape), l'autre particulariste (par exemple: les royaumes et les républiques). C'est la divisio regno- rum. Les éléments verticaux et horizontaux s'entremêlent de manière très située. En même temps, l'idée de l'unité de l'ensemble dans le respect de certaines règles morales et politiques est main- tenu (par exemple: la respublica christiana) (5). Le système supra- national est tendanciellement instable. Le partage très articulé de pouvoirs sur plusieurs centres concurrents n'est que transitoire : ou bien les forces universelles l'emportent et l'Empire se consolide; ou bien les forces centrifuges l'emportent et le système bascule vers

(5) Certains auteurs affirment que l'émergence d'un droit international régissant les rapports entre entités indépendantes suppose que celles-ci aient auparavant appartenu à un tel espace de valeurs partagées, si bien que le droit international repose en fait sur la désintégration d'un espace impérial ou autrement commun. Ce n'est que dans ce cas que le lien culturel, religieux et politique préalable fonde ce soubassement de communauté nécessa.ire à l'installation d'un ordre juridique commun. C'est parce qu'il procède de l'ancien droit fédéral commun que le droit inter- national reste un droit à orientation communautaire. Autrement, il pourrait bien y avoir des accordE ad hoc, mais non un ordre juridique. Le ju8 publicum europaeum est le prototype de ce droit commun, puisqu'il a émergé du corps de la ,-espublica christiana du Moyen Age européen.

Voir B. PARADIS!, Storia dd diritto internazi<male nel medio evo, 2. éd., Naples, 1956, pp. 9-11.

Or, les auteurs constatent qlje cette idée de lien spirituel se perd tout au long des XVIII6me et XIXème siècles. On entre alors dans une époque nouvelle d'Etats-nations indépendants prati- quant leur propre raison d'Etat et ramenant tout l'imaginaire collectif vers leurs propres mythes fondateurs exclusifs et particularistes.

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APEÈS 1945 141 l'internationalisme. Au sein d'un tel espace, surtout s'il est étendu, se consolident souvent progressivement des collectivités plus limi- tées, revendiquant d'abord l'indépendance de fait, puis l'indépen- dance de droit (civitates superiorem non recognoscentes). Ces entités nouvelles se forment généralement sur une base territoriale. Cela leur permet, à travers une centralisation et rationalisation des fonctions publiques, de se doter d'une puissance militaire et écono- mique considérable. Du point de vue juridique, le régime suprana- tional au sens indiqué ci-dessus est à mi-chemin entre le droit fédé- ral et la juxtaposition de systèmes autosuffisants et égalitaires.

D'un côté, l'Etat n'est pas fondu dans l'entité universelle; mais, de

r

autre côté, il ne s'en est pas encore affranchi. D'où une confusion constante entre des éléments verticaux, fondés sur les allégeances et vassalités, et des éléments horizontaux, fondés sur la territoria- lisation progressive du droit. Avec la consolidation - souvent observée- des entités distinctes au sein de l'Empire, l'horizontalité du système s'accroît et ses éléments internationaux montent en puissance : le droit fédéral se dissout en droit international. Enfin, le système supranational ne connaît pas encore de distinction réelle entre une société interne et internationale. Les droits interne et externe for'ment encore une nébuleuse au sein des structures com- munes. Cette indistinction d'aspects internes et externes frappe encore aujourd'hui à la lecture des auteurs classiques du droit international. Jusqu'à l'époque de Wolff/Vattel, les auteurs comme Gentili, Grotius, Hobbes, Zouche, Pufendorf et d'autres encore évo- quent des questioiLS qui pour nous semblent irrémédiablement internes (6). C'est encore l'empreinte de l'ancienne conception supranationale de l'Europe. Dès lors, on comprend aussi que le droit international s'attache encore aux aspects publics et aux aspects privés du «droit transnational».

c) L'internationalisme propose,la simple coordination de coexis- tence, mais aussi de prédation, entre pouvoirs indépendants, souve- rains, égaux et atomisés. La raison d'Etat devient individuelle. Les universaux se dissolvent en individualismes subjectivistes, la morale (idée) s'efface devant la force (7) (réalité). La concurrence entre

(6) Voir pa.r exemple JOU ANNET, supra, note 173, pp. 251 et s.

(7) On en trouve la trace jusque dans le très modéré C. DE MoNTESQUIEU, Pensées, édition R. LA:FFONT, Paris, 1991, §1814: «Les choses qui dépendent du Droit des gens sont de nature à ne pouvoir être réglées que par une force ou une suspension de force, c'est-à-dire les traités&.

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Etats devient la règle absolue. La tendance dans un tel système est celle des alliances et de la politique d'équilibre. En occident, le sys- tème Westphalien d'après 1648 en constitue la pierre de touche. Le droit international repose ici sur l'idée de coordination entre des puissances égales et indépendantes. Cette coordination de coexis- tence est issue structurellement des nécessités du système et positi- vement de la volonté de chaque Etat. Entre entités indépendantes et égales, le droit ne peut être que ((horizontal». Toute instance supérieure de régulation et d'exécution du droit fait défaut. Le droit international se contracte dès lors vers la doctrine des sources et abandonne l'idée de sanction (8). De plus, un fort antagonisme entre le niveau communautaire et le niveau étatique se fait jour. D'où la tension doctrinale, dès le XVJJème siècle, entre un courant attaché à la tradition médiévale avec sa prééminence du droit et de la com- munauté internationale - et le courant nominaliste de la raison d'Etat, attaché à la souveraineté et à la liberté incontrôlée du sou- verain, plaçant au centre du système l'Etat uti singulus. Avec la territorialisation d'Etats fermés par leurs frontières et l'imperméa- bilité du droit interne conçu comme produit d'une législation sou- veraine, société interne et internationale, droit interne ei droit international, s'opposent. Au sein de l'Etat prévaut le modèle

«subordinatif» du droit: la collectivité organisée exerce les fonctions constitutionnelles de manière centralisée, c'est-à-dire légifère, exé- cute et rend la justice; le droit est fort, car il est sanctionné par l'épée du souverain; le droit public l'emporte sur le droit privé; les intérêts collectifs ont un moyen de se frayer le chemin dans l'ordre juridique; le modèle du droit est «vertical». En dehors de l'Etat pré- vaut le modèle primitif «coordinatif» ~du droit: la collectivité inor- ganisée laisse les fonctions constitutionnelles aux unités compo- santes qui les exercent de manière décentralisée, la législation étant fragmentée entre une série de puissances devant agir de concert pour faire émerger la règle (image de la contractualité du droit

Il ajoute d'ailleurs à la fin de ce paragraphe une belle pensée sur le respect du droit international: «Quand les grands princes les violent sans sujet [les règles du droit internatio- nal], ils font voir qu'ils ne sont pas assez grands, et qu'ils ont beaucoup de choses à espérer et à. craindre. Quand ils les observent, ils font voir qu'ils sont si grands qu'ils ne dépendent que d'eux-mêmes•.

(8) L'idée de sanction dl) droit ne revient qu'à travers l'onde de choc de la politique du tchlffon de papier» lors de la violation de la neutralité belge en 1914. Voir à. ce propos les consi- dérations très caractéristiques de O. NIPPOLD, Die Gestaltung de.s VOlkerrechts 'n<Uh dem Weltkriege, Zurich, 1917, pp. 34 et s.

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APRÈS 1945 143 international (9)); le droit est faible, car il n'est pas revêtu d'une sanction régulière (image de la société anarchique); le droit privé (contractuel) l'emporte sur le droit public; les intérêts collectifs n'ont guère un moyen de se frayer un chemin dans les règles, chaque Etat songeant surtout à défendre ses intérêts propres et les allégeances des citoyens étant captés par lui (absence d'une vraie politique internationale qui soit plus que la somme des équilibres d'intérêts égoïstes); le modèle du droit est <horizontal». De même, le droit international se purge de ses éléments transnationaux ou privés. Ceux-ci, concernant des individus, sont récupérés par la législation étatique. Ainsi, le ùroit international se rétracte en un droit public et politique entre puissances (ius inter potestates). La phase libérale du droit international est révolue. Les frontières de l'Etat enferrent et enferment l'individu, qui ne tient des droits qu'en vertu du droit interne de l'Etat. Ainsi, le droit international se rétrécit à un droit inter-étatique exclusivement public.

Pour l'Europe, cela ressort des passages précédents, l'universa- lisme correspond à l'Antiquité romaine, à son Empire et la pax romana; le supranationalisme au système constitutionnel complexe de la respublica christiana du Moyen Age, avec sa pluralité de puis- sances chapeautées par les pouvoirs universels, le Pape et l'Empereur; l'internationalisme au système atomisé d'Etats souve- rains post-westphalien. Ces types ou phases de relations internatio- nales se sont présentés toutefois aussi ailleurs (10): elles constituent

(9) Parfois, cette simple dépendance de la volonté des Etats et du contrat est notée comme une importante faiblesse: cf. Conseil œcuménique des Eglises {éd.), L'Eglise et .le désordye inte'f- national, Neuchâtel, Paris, 1949, pp. 19, 83-84: «La loi internationale a tous les caractères d'une loi sans validité supra-nationale. Elle a gardé le caractère d'un oontrat privé ... t {F.M. V AN

AsBECK). T. RUYSSEN, La société internationale, Paris, 1950, p. 26: tC' est un droit essentielle- ment conventionnel: or, une oonvention librement délibérée, librement consentie, est par défini- tion même toujours sujette à dénonciation, et dangereusement expoaée au risque d'inobservation, ou même de violation. [Il y a là} une débilité congénitale du droit international~.

(10) Unive'fsalisme: dans le continent sud-américain, l'Empire des Incas s'était développé similairement à l'Empire romain dans la Méditerranée. Rome avait incorporé à son Empire d'autres peuples, souvent après une dédition, à travers des traités qui leur concédaient une cer- taine égalité (joedus aequum) ou non (joedus iniquwm). Ce système aboutit à incorporer ces peuples dans un vaste système de droit interne selon des autonomies échelonnées: Le droit inter- national se transforme en droit fédératif. De même chez les Incas: l'Empire était fait d'Etats, de confédérations, de communautés rurales et de tribus ayant gardé une certaine autonomie mais placés sous l'autorité de l'Empereur par des fonctionnaires qui se recrutaient dans les lignages royaux (en quelque sorte des missi dominici). La pax romana y correspond à la pax incaica; tout comme elle correspondit ailleurs à la paix des Perses ou des Chinois. Supranationalisme: Un développement semblable au supranationalisme européen du moyen âge fut vécu en phine dès le~ siècle avant J.O. Au sein de l'Etat royal loo grands vassaux consolidèrent progressivement leur pouvoir, aboutissant à cette dualité de niveaux constitutionnels caractéristiques du type.

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le parallélogramme logique de toutes les formes de rapports poli- tiques internationaux, de l'unilatéralisme (Empire/hégémonie), aux régimes mixtes, jusqu'au multilatéralisme (unités souveraines, coo- pération à travers une organisation commune). Ces trois types d'organisation sociale et constitutionnelle reposent, quant au pou- voir et au droit, sur ces trois modes: unique (universalisme), dual (supranationalisme), pluriel (internationalisme). Pour ce qui est du pouvoir, il y a plénitude sous l'universalisme (donc en principe ordre selon le droit), partage sous le supranationalisme (donc en principe des tensions entre les deux planB des pouvoirs) et absence sous l'internationalisme (donc en principe désordre et îaiblesse du droit). L'intérêt de Vattel {Il) dans ce contexte est qu'il se situe au moment historique dans lequel le système européen bascule du supranationalisme à l'internationalisme. Il est le théoricien jusque- là le plus achevé du système nouveau.

Cette orientation affleure un peu partout dans le Droit des gens.

D'abord, Vattel insiste sur la spécificité des principes du droit naturel applicables aux relations entre Etats. Ce n'est pas que le droit naturel universel, applicable aux individus (et selon l' exten- sion ulpienne même, en partie aux animaux {12)), ne soit pas égale-

Comme en Europe après 1648 {cette date n'étant rien de plus qu'une référence commode), ces Etats chinois acquirent l'indépendance souveraine et firent basculer, vers l'an 841 av. J.C., le sys- tème vers la parité de l'internationalisme. Internationalisme: le continent indien fut marqué dans l'Antiquité par la fragmentation des pouvoirs et la concurrence méfiante entre les entités com- posant le système ; ~Contrairement à la Chine, l'Inde apparaît fragmentée en une mosaïque de royaumes et de républiques aristocratiques indépendants, entre lesquels l'esprit de méfiance et de lutte, tel qu'il s'exprime dans le Code ou les Lois de Ma?Wu [ ... ] était de règlet (A. TRUYOL Y SERRA, Histoire du droit international publio, Paris, 1995, _ _]). 8).

(ll)Sur !a vie de Vatte!, voir entre autres le petit opuscule de E. BÉGUELIN, En souvenir de Vattel, 1714-1767, Neuchâtel, 1929. Sur la doctrine de Vattel en général, voir J.J. MANz, Emer de Vattel, Versueh einer Würdigung, Zurich, 1971; JouANNET (supra, note 173). Voir aussi F.S. Runnv, tThe Acceptance of Vatteh, dans: Grotian Society Pa-pers, La Haye, 1972, pp. 177 et s.; R. TuCK, The Rights of War and Peace, Politioal Tlwught and the InternaJ,ional (hder from Grotim; to Kant, Oxford, 1999, pp. 191 et s.; et en général S. ZURBUCHEN, tZum Priniip des Naturrechts in der 'école romande du droit naturel'&, Jahrbuch für Recht und Ethik, vol. 12, 2004, pp. 189 et s. On pourra aussi consulter les actes du Colloque sur E. de Vattel tenu à Genève en février 2008, qui seront édités par P. Haggenmacher.

{12) Digeste, lib. I, I, 1, titre 'De iustitia et iure'; dus naturale est, quod natura omnins ani- ma.lia docuit ( ... )*- La distinction avec le droit des gens devient ainsi manifeste: dus gentium est, quo gentes humanae utuntur ... hoc solis hominibua inter se communis sit&. Cette conception a généralement été contestée. Voir par exemple déjà Suarez, De Legibus ac Deo Legislatore (1612), lib. II, cap. XVII, §2. Parfois le rejet de cette classification fut modéré, par exemple chez J. ÛRTOLAN, Explication historique des Instituts de l'Empereur Justinien, 12. éd., Paris, 1883, pp. 23-24 : «Le droit naturel aidsi défini pourrait se nommer droit des êtres animés. Mais les ani- maux peuvent-ils avoir un droit t Non, sans doute, dans l'acception morale de ce mot. Ce n'est que d'une manière bien impropre, en faisant abstraction de la pensée morale, comme ensemble

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APEÈS 1945 145 ment applicable aux Etats (13). C'est plutôt que ce droit naturel universel ou inter-individuel subit des inflexions nécessaires pour accommoder la nature particulière du sujet politique qu'est l'Etat (14). Dès que Vattel précise cette idée dans des contextes

de lois, c'est-à-dire nécessités générales résultant de leur organisation même, auxquelles ils obéis- sent sans les connaître, sans en avoir l'intelligence, poussés par leur seule nature, qu'on polliT3 les leur appliquer. [ ... ]De nos jours, nul ne donne ce sens au mot droit naturel. Cette expression ne désigne que le droit qui se déduit rationnellement de l'organisation de la nature morale de l'homme» (italiques dans l'original). Beaucoup plus souvent, cette conception large ulpienne a été raillée, par exemple chez G. BONJE.AN, Explication métlwdique des Insh'tute& de Justinien, t. I, Paris, 1878, p. 13 : dl nous semb!e qu'il était difficile de présenter une idée plus bizarre. Quel honneur pour l'homme que d'être assimilé à un mollusque ou à un insecte! Quelle haute philo- sophie de jurisconsulte que celle qui confond des nécessités physiologiques, auxquelles le ver de ter ne sait se soustraire, avec cette grande idée du droit, de la loi, c'est-à-dire du devoir, du libre arbitre, de la responsabilité devant Dieu et devant les hommes ... ~ (italiques dans l'original). Voir, dana le même sens dépréciatif, G. BoEIDŒR, Grunrllagen der bürgerlichen ReclU.sordnung, Zweite&

Buck, t. I, Tübingen, 1951, p. 22: «Das ist natürlich eine hôchst primitive Identifizierung von kausalem Naturgesetz und normativer Sozialordnung,. Parfois, un auteur se borne à mettre en exergue le caractère ambigu et incertain de la définition ulpienne : cf. par exemple E. FECHNER,

«DM Na.turrechtsproblem ais Problem einer Rechtsontologie&, dans: Reektsphilosophie, 2. éd., Tübingen, 1962, p. 180. Enfin, d'autres auteurs, notamment en philosophie du droit, ont pu au contraire approuver la définition large d'ffipien en louant cette absence d'arrogant anthropocen- trisme inhérent aux railleries (et nous avouons être sensible à cette critique). Voir par exemple R. MARcie, Rechtsphilœopkie, Fribourg en Brisgau, 1969, p. 137 et R. MARmc, Geschickte der Rechtspkilosophie, FnDourg en Brisgau, 1971, p. 61 : ~Nimmt man die Scheuklappen ab und wirft den Blick auf den abstechend{m Hintergrund der typisch griechischen und rômischen Rechtsauf- fassung, die die Welt ais Kosmos, den Kosmos insgeaamt als Rechlsgemeinschaft der Dinge versteht : da fallt es einem wie Schuppen von den Augen. Nicht darin erschëipft sich der Unter- schied zwischen ius naturale und ius gentium, dass jenes mehr umgreift ais die Menschen, diewei- len dies ausschliesslich die Menschen erfasst; IDpians Hinweis dient lediglich der Anachauung.

Der Abstand in der Reichweite ist nicht in sich und an si.ch ein Grund, er ist Folge des wesent- lichen Rangunterschieds: Das Naturrecht ist die denkba.r hôchste Norm (prima regula absoluta), das ius gentium nimmt den zweiten Rang ein, seine normative Beschrânkung auf den Menschen ist die Wirkung des spezifischen ontischen Ve'rha.Itnisses, in dem Mensch und Sein (physis, natura) zueinanderstehen ... & (italiques dans l'original). Sur ce 'natura omnia animalia doeuit', voir déjà G. CoRTIUS, De jure quod natura omnia animalia docuit, Leipzig, 1727; voir ausai R. WEIGAND, Die Naturrecht&lelvre der Legisten und Dekretisten von Irnerius bis Accursius und von Gra.,'ian bis Joha,nnes Teutonicus, Partie!!, Kanonisches Recht, Munich, !967, pp. 121 et s.;

B. TIERNEY, •Natura Id est Deus: A Case of Juristic Pantheism ~t, Journal of the History of ldeas, vol 24, 1963, pp. 307 et s. Vattel évoque le formule d'Ulpien dans la Préface (op. cil., p. 20), sans en donner une critique.

(13)Vattel insiste plus d'une fois sur l'analogie des principes. Ainsi, il affirme que le principe général des devoirs mutuels des Nations est h:[18é sur l'entraide et le perfectionnement de la même manière que pour les individus(nous citerons Vattel d'après le Droit des gens édité à Paris, Lyon chez Rey et Gravier, Ant. Blanche en 1820, deux volumes): ~Puis donc qu'une nation doit, à. sa manière, à une autre Nation ce qu'un homme doit à. un autre homme, nous pouvons poser ce principe général : un Etat doit à tout autre Etat, ce qu'il se doit à soi-même, autant que cet autre a un véritable besoin de son secours, et qu'il peut le lui accorder sans négliger ses devoirs envers

soi-même~ (liv. II, chap. 1, §3). Il y revient dana l'amour mutuel, comme principe moral et juridique: ~S'il est incontestable que les hommes doivent s'aimer les uns les autres, pour répondre aux vues de la nature, et pour s'acquitter des devoirs qu'elle leur impose, aussi bien que pour leur propre avantage, peut-on douter que les nations ne soient entre elles dans la même obligation!& (liv. II, chap. XIX, §12).

(14)Vattel y insiste dès la Préface, tout au début: dl est certainement un droit des gens naturel, puisque la loi de la nature n'oblige pas moins les Etats, les hommes unis en société poli-

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concrets, on sent passer les prémices du vent de la raison d'Etat (15). On sait à quel point, par la suite, la doctrine, notam- ment allemande et italienne, utilisera ce sujet de la différence entre la morale privée et publique pour justifier des actes et des conduites étatiques peu conformes à la morale régissant les relations entre individus (16).

tique, qu'elle n'oblige les particuliers. Mais pour connaître exactement ce droit, il ne suffit pas de savoir ce que la. loi de nature prescrit aux individus humains. L'application d'une règle à des sujets divers ne peut se fai.""e que d'une :mar..iè:-e convenable à la nature de chaque sujet. D'où il résulte que le droit des gen.s naturel est une science particulière, laquelle consiste dans une appli- cation juste et raisonnée de la loi naturelle aux affaires et à la. conduite des Nations ou des Souverains» (op. eit., p. 19). Il revient souvent à ce théorème du droit naturel modifié, le plus souvent en des termes génériques: voir ibid., pp. 22, 24, 25-7, 31 (citant WoLFF), toujours dans la Préface. Dans le corps du traité, il y revient par exemple dans les Préliminaires, §6 (t[C]omme l'application d'une règle ne peut être juste et raisonnable si elle ne se fait d'une manière conve- nable au sujet, il ne faut pas croire que le droit des gens soit précisément et par-tout le même que le droit naturel, aux sujets près, en sorte que l'on n'ait qu'à substituer les Nations aux par- ticuliers. Une société civile, un Etat, est un sujet bien différent d'nn individu humain: d'où résul- tent, en vertu des lois naturelles même, des obligations et des droits bien différents en beaucoup de cas; la même règle générale, appliquée à deux sujets, ne pouvant opérer des décisions sem- blables, quand les sujets diffèrent. [ ... ] TI est donc bien des cas, dans lesquels la loi naturelle ne décide point d'Etat à Etat, comme elle déciderait de particulier à particulier») ou dans le livre II, chap. I, §279 («Les devoirs d'une Nation envers elle-même, et principalement le soin de sa propre sûreté, exigent beaucoup plus de circonspection et de réserve, qu'un particulier n'en doit observer dans l'assistance qu'il donne aux autres~). Voir en général JouANNET, supra (note 173), pp. 251 et s.

(15) Par exemple, liv. II, chap. XVIII, §325: dl est permis à chacun de se relâcher de son droit, d'abandonner un juste sujet de plainte, et d'oublier une injure. Mais le conducteur d'une Nation n'est point, à cet égard, aussi libre qu'un particulier. Celui-ci peut écouter uniquement la voix de la générosité, et dans une chose qui n'intéresse que lui seul, se livrer au plaisir qu'il trouve à faire du bien, à son goût pour la paix et la tranquillité .. Le représentant de la Nation, le Souverain, ne peut se chercher lui-même, s'abandonner à son penchant. TI doit régler toute sa conduite sur le plus grand bien de l'Etat, combiné avec le bien universel de l'humanité [ .. .].

[P)our ce qui est des injures, il est souvent louable à un citoyen de les pardonner généreusement.

ll vit sous la protection des lois; le magistrat saura1e .. défendre ou le venger des ingrats et misé- rables, que sa douceur enhardirait à. l'offer..ser de nouveau. Une Nation., n'a point la même sauvegarde : rarement lui est-il salutaire de dissimuler ou de pardonner Une injure, à moins qu'elle ne soit manifestement en état d'écraser le téméraire qui a osé l'offenser.. Voir aUSBi, simi- lairement, liv. Il, chap. XVIII, §352; et liv. III, cbap. III, §44: «Les intérêts des Nations sont d'une toute autre importance que ceux des particuliers; le Souverain ne peut y veiller mollement, ou sacrifier ses défiances par grandeur d'âme et par générosité. Il y va de tout pour une Nation qui a un voisin également puissant et ambitieux». Ce thème se trouve aUSBi chez toute une série d'autres auteurs, voir l'ensemble des passages cités dans JoUANNET, supra (note 1), pp. 56, 378, 394, 403.

(16) On peut songer notamment au courant idéaliste fichtien (surtout le dernier Fichte, celui du De1' gescklossene Handelssf.aat, 1800) et hégélien, très influent en Allemagne et en Italie. Sur le courant hégélien et son influence, voir par exemple G. FASSO, Storia della filœojia riel diritto, vol. III, Ottocento e Novecento, Bari, 2001, pp. 79 et s., avec une bibliographie très nourrie aux pp. 471-474. Telle fut aussi la vision rattachée à la doctrine de la raWon d'Etat: cf.

C.J. FRIEDRICH, Constitutional .Re.ason of State, Providence, 1957; F. MEINECKE, L'idée de la rai- son d'Etat dans l'histoirl des temps modernes, Genève, 1973. Sur cette question, voir aussi:

S. HoFFMANN, Une momle pour les monstres f1'oids: pour une éthique des relations internationales, Paris, 1982; L.C. McDoNALD, «Three Forms ofPolitical Ethics», The Western Politica:t Quarlerly,

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LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APRÈS 1945 147 En deuxième lieu, Vattel insiste très souvent, plus que tous ses prédécesseurs, sur l'indépendance, l'égalité et la souveraineté des nations (17). Tout pouvoir supérieur, même la fictive civitas maxima wolfienne (18), disparaît. Le corollaire naturel de ces préceptes est que chaque Etat se trouve appelé à auto-interpréter ses droits et obligations et à juger ses conduites (19), car il n'y a pas d'instance supérieure à l'Etat, sauf le seul ordre normatif du droit naturel et des gens (20). Le <moi» devient l'ultime unité de mesure (droit natu- rel subjectif). A cette orientation s'ajoutent, pour les renforcer, d'autres aspects dont il sera encore question, notamment la priorité des devoirs envers soi-même par rapport aux devoirs envers les autres, parfois même s'ils sont parfaits (conventionnels). De là, en

vol. 31, 1978, pp. 7 et s.; S.S. MoNOSON, M. LORIAU:X, ~The illusion of Power and the Disruption of Moral Norms: Thucydides' Critique of Periclea.n Policyt, The A'll'Urican Political Science Review, voL 92, 1998, pp. 285 et s. La vision traditionnelle du droit naturel ne disparut pas com- plètement vers ïa fin du

xrxe

siècle, mais n'eut pas d'influence notable. Pour ü.D representant de ce courant modéré, voir A. Trendelenburg, N aturrooht auf dem Grunde der Ethik, Leipzig, 1860. Des internationalistes ont également traité de cette dualité entre la. morale individuelle et la morale d'Etat: voir notamment H. LAVTERPACHT, Collected Papers, voL II, Cambridge, 1975, pp. 336 et s.

(17) Voir par exemple: Préliminaires, §§9, 15-16, 18-19, 21, 23; liv. 1, chap. I, §4; liv. 1, chap. 1, §12; liv. II, cha.p. 1, §7; liv. II, chap. XIX, §8; liv. II, chap. III, §35; liv. III, chap. III,

§40.

(18) V A'ITEL, op. eit., Préface, p. 30: «Ün ne peut rien concevoir, ni rien supposer de semblable entre les Nations. Chaque Etat souverain se prétend, et est effectivement, indépendant de tous les autrest. Voir aussi, implicitement, lîv. II, chap. III, §35: •Toute Nation, tout Etat souverain et indépendant [ ... ] est indépendant de tout pouvoir sur la terre ... &.

(19) Vattel insiste souvent sur cette auto-appréciation des devoirs de l'Etat: Préliminaires,

§16; Préliminaires, §21: •Les Nations étant libres, indépendantes, égales,_ et chacune devant juger en sa conscience de ce qu'elle a à faire pour remplir ses devoirs ... t; voir aussi, entre antres, liv. II, chap. XVIII, §335; liv. III, chap. VI, §101; liv. III, chap. VIII,'§137; liv. III, chap. VIII,

§155; liv. III, chap. IX, §173; liv. III, chap. XII, §188; Vattel insiste aussi souvent sur le fait qu'à caUl!e de l'indépendance et de l'égalité des Nations, aucun tiers ne peut juger à leur place, par exemple: liv. IV, chap. Il, §21; liv. IV, chap. IV, §40.

(20) Plus tard, les auteurs rattaché à l'Ecole de Vienne devaient à ce propos forger le concept de «Vôlkerrecht.sunmittelbarkeih: le signe distinctif de l'Etat, sa prétendue _!>ouveraineté, n'est rien d'autre que le privilège de n'être soumis qu'au seul ordre juridique internatiOnal, à l'exclu- sion de toute autre sujétion. Cf. H. KELSEN, Reine Rechtslehre, Leipzig, Vienne, 1934, pp. 119;

A. VERDRoss, Die Verfassung der VOllœrrechtsgemA'.inschaft, Vienne, Berlin, 1926, p. 118; A. VER- DROSS, B. SIMJI!A, Universelles Vollcerreeht, 3. éd., Berlin, 1984, pp. 28, 226. Parfois ce critère est rapproché de Vattel, qui serait le premier à l'avoir implicitement dévoilé: A. VERDROSS, B. SIM:MA, op. cit., p. 28, faisant référence au passage SOllil liv. I, chap. 1, §4: •Toute Nation qui se gouverne elle-même, sous quelque forme que ce soit, sans dépendance d'aucun étranger, est un Etat souverain. [ ... ]Pour qu'une Nation ait droit de figurer immédiatement [unmittelbar!]

dans cette grande société, il suffit qu'elle soit véritablement souveraine et indépendante, c'est-à- dire qu'elle se gouverne elle-même, par sa propre autorité et par ses loist. Le droit international est du coup le droit de coordination entre Etats indépendants et souverains: VATTEL, op. eit., Préface, p. 21: •Les modernes s'accordent généralement à réserver le nom de droit des gens au droit qui doit régner entre les Na.tioDB et les Etat.s souvera.ins~t; Préliminaires, §3: «Le droit des gens est la science du droit qui a lieu entre les Nations ou Etats, et des obligations qui répondent à ce droit&.

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contre-balancement, ce souci constant chez Vattel d'assurer une cer- taine sécurité juridique entre Etats, urgente dans une société ainsi émiettée. Ce souci de sécurité, si moderne, est tangible dans le long chapitre sur l'interprétation des traités (21). Vattel y revient très souvent, pour les condamner, sur les interprétations unilatérales et frauduleuses (22). Dans ce chapitre, toutes les règles posées répon- dent au fond au souci majeur de sécurité et de stabilité des tran- sactions conventionnelles, y compris la fameuse première règle selon laquelle «il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interprétation> (23). Le même souci transparaît dans l'important chapitre sur le ius in bello volontaire. Il est inspiré à l'égalité des belligérants et déroge au droit naturel distinguant selon la justice de la cause de guerre (24). La raison de ce choix est qu'il faut des règles d'application plus sûre in bello que celles dépendant d'une qualifi- cation de la justice des causes, auto-interprétée par chaque Etat.

Nous reviendrons ultérieurement sur ces deux chapitres clé.

En troisième lieu, Vattel affirme tout au long de son ouvrage que les droits de l'Etat envers soi-même l'emportent sur les devoirs envers les autres, généralement (sauf en cas de nécessité) sous réserve que ces devoirs ne relèvent pas de droits subjectifS parfaits

(2l)Liv. II, chap. XVII, §§262 et s.

(22) Liv. II, chap. XV, §233: ;cGROTIUS rapporte divers exemples d'une interprétation mani- festement fallBSe : les Platéens ayant promis aux Thébains de rendre les prisonniers, les rendirent après leur avoir ôté la vie. PERICLES avait promis la vie à ceux des ennemis qui poseraient le fer; il fit tuer ceux qui avaient des agrafes de fer à leurs manteaux. Un général Romain était convenu avec ANTJ:ocnus, de lui rendre la moitié de ses vaisseaux, il les fit tous scier par le milieu: toutes interprétations aussi frauduleuses que celle de RHADAMISTE, qui, suivant que TA CITE le raconte, ayant juré à MrrF.œJDATE qu'il-n'userait contre lui ni du fer, ni du poison, le fit étouffe• sous un tas de vêtements• (italiques omises, majuscules dans,l'original); voir aussi liv. IT, chap. XVII, §273; liv. II, chap. XVII, §280; liv. II, chap. XVII, §291; liv. III, chap. XVI, §244. Selon les mots du Roi, dans Hamlet: «My words fly up, my thoughts remain below, worda without thoughts never to haven gM. Ou, selon le Digeste, l, 3, 29: ;cContra legem facit, qui id facit quod lex prohibet, in fraudem vero, qui salvis verbis legis sententiam eius

circumvenit~. Or, le mensonge donne des fleurs mais pas des fruits!

(23) Liv. II, chap. XVII, §263. «La première maxime générale sur l'interprétation est, qu'il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interprétation. Quand un acte est conçu en termes clairs et précis, quand le sens est manifeste et ne conduit à rien d'absurde, on n'a aucune raison de se refuser au sens que cet acte présente naturellement. Aller chercher ailleurs des conjectures, pour le restreindre, ou pour l'étendre, c'est vouloir l'éluder» (§263). Et, le lien avec la sécurité du droit étant ici mis en évidence: tLes chicaneurs, qui contestent le sens d'une disposition claire et précise, ont coutume de chercher leurs vaines défaites dans l'intention, dans les vues qu'ils prêtent à l'auteur de cette disposition. ll serait très-souvent dangereux d'entrer avec eux dans la discussion de ces vues supposées, que l'acte même n'indique point. [ ... ]Nulle convention assurée, nuite concession ferme et solide, si l'on peut les rendre vaines par des limi- tations subséquentes [non énoncées dans l'acte écrit]* (§264).

(24) Liv. III, chap. XII, §§188 et s.

(14)

LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APRÈS 1945 149 des tiers (25). La civitas maxima, l'universalisme, le droit naturel objectif (cosmos) a fini par se renverser en une philosophie d'indivi- dualisme étatique, c'est-à-dire de droit naturel subjectif (liberté individuelle) (26). Cette orientation est tempérée par les conseils

(25) Préliminaires, §14: t[L]es devoirs envers soi-même l'emportant incontestablement sur les devoirs envers autrui ... ». Cette maxime est ensuite appliquée dans les contextes les plus va.riéa: liv.

II, chap. I, §2 (devoirs d'assiatance et de solidarité entre les Nations, sous réserve des devoirs envers soi-même); liv. II, chap. II, §25 {fait et commercer avec d'autres Nations, objets et ampleur de ce commerce); lîv. Il, cha.p. VII, §94 (défense d'entrer sur le territoire pour des étrangers, par exemple de peur de voir corrompre les mœurs); liv. II, chap. IX, §123 (en cas de nécessité, des services d'hu..>na.nit-é peuvent être refusés: ~Mais si ce vaisseau [demandant l'entrée dans un -port à cause d'une tempête] est infecté de la peste, le maître du port l'éloignera à coups de canon,- et ne péchera ni contre la justice, ni même contre la charité, laquelle, en pareil cas, doit sans doute com- mencer par soi-mêmet; liv. II, chap. XII, §170 (collision de droits de nécessité avec un traité); Jiv.

II, ehap. XVIII, §332 (les devoirs envers soi-même ne l'emportant sur les devoirs envers autrui que quand des intérêts étatiques importants sont en jeu); liv. III, chap. VI, §92 (le secolll'S militaire, même prévu par un traité, n'est pas dû quand le salut public serait exposé). La nécessité peut donc écarter exceptionnellement aussi des droits parfaits ou conventionnels; liv. III, ehap. VII, §107;

liv. III, chap. VII, §122, 125. C'est là un aspect âprement critiqué par O. VAN VOLI.ENHOVEN, Du, droit de paix, De iure pacis, La Haye, 1932, p. 133. Vattel conseille aussi souvent de ne rien faire qui puisse mettre en danger la sûreté de l'Etat ou affaiblir sa puissance, par exemple en matière d'aliénation de biens; liv. I, chap. XXI, §§257-258. On sent ici affieurer la vision subjectiviste du droit naturel, c'est-à-dire la configuration du droit naturel comme une série de droits fondamen- taux et innés d'un sujet, si typique de la Révolution française ou de la doctrine des 'droits fonda- mentaux de l'Etat'. Sur cette doctrine des droits fundamentaux, cf. parmi tant d'autres L. DuGurr, Traité de droit W'IUJtitutionnel, 3. éd., vol. I, Paris, 1927, pp. 715 et s. G. GIDEL, $Droits et devoirs des nations. Théorie classique des droits fondamentaux des Etats~. ROADI, vol. 10, 1925-V, pp. 537 et s; L. LE FuR, Précis de droit international public, 3. éd., Paris, 1937, §§638 et suiv. Voir aussi A. PlLLET, RecherChes sur les droits fondamentaux des Etats dans l'ordre des rapports interna- tionaux et sur la solution des conflits qu'il& font naitre, Paris, 1899. A. Pn.l.ET, •Recherehes sur les droits fondamentaux des Etatst, RGDIP, vol. 5, 1898, pp. 66 et s.; RGDIP, vol. 6, 1899, pp. 503 et s. P. FAUCHILLE, Traité de droit international public., vol. I, partie I, Paris, 1922, pp. 395 et s.

W.G.F. Pm:u.IMoRE, •Droits et devoirs fondamentaux des Etatst RCADI, vol. 1, 1923-I, pp. 29 et s. S. SÉFÉRIADÈS, ~Principes généraux du droit international de la paix~, RCADI, vol. 34, 1930- N, pp. 343 et s.E. KAUFMANN, •Règles générales du droit de la paixt, RCADI, vol. 54, 1935-IV, pp. 574 et s. Les critiques contre cette doctrine de droits subjectifs pré-positifs (repris des droits inaliénables de la personne humaine et hypostasiés en l'Etat) sont notoires. Il n'est toutefois pas étonnant que cette doctrine des droits et devoirs fondamentaux des Etats ait connu une vogue pro- longée en Amérique latine, où ils servirent de bouclier contre les visées hégémoniques des Etats- Unis d'Amérique. Voir H. RouN, •Les principes de droit international publict, ROADI, vol. 77,

1950-II, PP· 353-360, 354; «Cette divergence d'attitude entre les juristes du nouveau Continent et de l'Ancien s'explique, pensons-nous, par la différence des préoccupations; tandis que l'Europe souffre de sa division, que les meilleUl'S esprits prêchent la nécessité de l'organisation internationale et dénoncent les ambitions ou incompréhensions des nationalismes rivaux, en Amérique centrale et méridionale, au contraire, ce n'est pas tant la guerre ou l'anarchie que l'on redoute que l'hégé- monie d'une grande puissance déterminée, à savoir la grande République étoilée; d'où la tendance à exalter l'égalité des Etats comme le plus précieux des droits. En présence de pareille orientation politique, il ne sert à rien au juriste d'élever contre le concept des droits fondamentaux des objec- tions de technique juridique». Pour une prise de position latina-américaine, voir R.J. ALFARO, eThe Rights and Duties of States», RCADI, vol. 97, 1959-II, pp. 95 et s.

(26) Voir, entre autres, M. Villey, Leçons d'histoire de la philœophie du droit, Paris, 1962, pp. 53 et s.; M. VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, 2003, pp. 381 et s.;

E. Ûl'OCHER, Lezioni di filosofia del diritto, Padoue, 1983, pp. 101 et s.; H. WELZEI., Naturrookt und materiale Gerechtigkeit, 4. éd., Gôttingen, 1990, pp. 108 et s.; R. MAMie, Geackich.te der Recktsph.·ùosophie, Fribourg en Brisgau, 1971, pp. 268 et s.; etc.

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moraux que Vattel ne manque pas de prodiguer aux souverains tout au long de son ouvrage (27). Doctrinalement, l'autoconservation et l'atomisation de l'Etat l'emportent ainsi progressivement sur la soli- darité de la communitas christiana unie. Cet aiguillage ouvre la voie au dépeçage juridique opéré plus tard par le positivisme volonta- riste. Selon ce dernier, aucune obligation ne lie un Etat sans son consentement individuel. Le tournant individualiste, amorcé chez Vattel, sera d'ailleurs l'objet d'acerbes critiques envers l'auteur neu- châtelois, notamment pendant l'entre-deux-guerres (28). Or, assuré- ment, Vattel n'est que le reflet d'une orientation générale de la pen-

(27) C'est le cas d'une manière particulièrement saisissante quand il discourt de la guerre injuste: «Que si à l'imprudence, au manque d'amour pour son peuple, il [le Souverain, la per- sonne du Prince] joint l'injustice envers ceux qu'il attaque, de quel crime, ou plutôt de quel effroyable suite de crimes ne se rend-il point coupable~ Chargé de tous les maux qu'il attire à ses sujets, il est coupable encore de tous- ceux qu'il porte chez un peuple innocent. Le sang versé, les villes saccagées, les provinces ruinées, voilà ses forfaits. On ne tue pas un homme, on ne brûle pas UIJ,e chaumière, dont il ne soit responsable devant Dieu et comptable à l'humanité. Les vio- lencea, les crimes, les désordres de toute espèce, qu'entraÎnent le tumulte et la licence des armes, souillent sa conscience et sont mis sur son compte, parce qu'il en est le premier auteur. Vérités certaines, images terribles, qui devraient inspirer aux conducteurs des Nations dans leurs entre- prises guerrières une circonspection proportionnée à l'importance du sujet!~ (liv. III, chap. III,

§24). Et il enchaîne ailleurs, en sermorinant directement les Souverains; ~Pesez toutes ces choses, ô conducteurs des Nations! et quand vous aUrez vu clairement qu'une guerre injuste vous entraîne dan.s une multitude-d'iniquités-dont la réparation est au-dessus de toute votre puissance, peut-être serez-vous moins prompts à l'entreprendre& (liv. III, chap. XI, §186. Voir aUBSi liv. III, chap. XI, §184, où Vattel en appelle au sentiment de l'honneur, d'humanité de devoir et de reli- gion des conducteurs des NationS:

(28) La figure de proue de ces attaques fut le grand internationaliste hollandais C. V AN VoL- LENHOVEN, Trois phases du droit des gens, La Haye, 1919, pp. 27-28, 53, 93; G. GmEL, «.Droits et devoirs des Nations- La doctrine des droits fondamentaux de l'Etat&, RCADI, vol. §0, 1925- V, pp. 577-578; et bien d'autres auteurs, voir JouANNET, supra (note 173), pp. ll-12. On peut ajouter à ces auteurs H. LAUTERPAOHT, Collected Ptpers, vol. II, Cambridge, 1975, p. 428;

«Thcse who look forwa.rd to a natru-al law .revival of international law ou.g.h.t to tempe.r their enthusiasm by remembering that after ail, natural law bas produced not only Grotius but Vatteh. C. VAN VOLLENHOVEN, Du droit de paix, De iure pacis, La Haye, 1932, p. 85 écrit;

fPuisque ce droit des gens ne s'adresse qu'à des Etats souverains ne voulant pas se lier les mains et ne pouvant être sujets à contrainte, ce n'est pas un droit proprement dit; c'est un ensemble de règles pour la conduite, pour le tact [ ... ]. Le livre mentionné ci-dessus de l'abbé dè Mably, de 1744, qui est aussi sobre et réaliste que le livre de Vattel de 1758 est insincère, le reconnaJ't_

franchement*. Voir aussi, ibid., pp. 98-99 («[Vattel] ne se lasse pas de dire que les Etats sont sou- verains et que, par suite de cette souveraineté, ils sont juges exclusifs de la conformité de leur conduite avec le droit des gens ainsi exposé.[ ... ] Le livre de Vattel, en son genre, est aussi des- tructif d'un droit de paix que ne l'avait été l'œuvre d'un Pizarre [ ... ].II étale l'autre vice originel, celui de vouloir déguiser la mauvaise intention sous des paroles de charité sublime&); pp. 122- 123 {•ll semble que, depuis la victoire des idées de Vattel, la fortune n'ait pas voulu abandonner pour tout jamais le développement du droit de la paix. [ ... ]Une science servile, ancilla potestatis, au lieu d'insister sur les défectuosités d'un 'droit' sans sanctions ni garanties [ ... ]plaidait qu'un droit de paix toujours méConnu n'en était pas moîns un 'droit' ... »); voir aussi p. 133 (sur la foi due aux traités sous réserve des devoirs envers soi-même); p. 230 {incroyance résignée au droit de la paix).

(16)

r

1

LA VALIDITÉ DU MODÈLE DE VATTEL APRÈS 1945 151 sée de son temps. Il ne mérite ni louanges excessives ni indignité comminatoire.

Trois types de conception de la société internationale. Par contraste à ce volet imprégné d'expérience historique, on peut faire état de conceptions théoriques très diverses sur la société internationale.

L'une des classifications les plus connues et les plus fécondes est celle de Hedley Bull (29) (reprise de Martin Wight (30)). Il fait état de trois conceptions intellectuelles rivales: (1) La tradition hobbe- sienne ou réaliste, considérant la politique internationale comme un état de guerre de tous contre tous, c'est-à-dire comme la volonté effrénée de promouvoir des intérêts égoïstes. (2) La tradition kan- tienne ou universaliste, s'orientant à une communauté internationale embrassant potentiellement toute l'humanité, continuatrice des pressentiments des Stoïques (31); (3) La tradition grotienne ou inter- nationaliste, de type mixte, plaçant la politique internationale au sein d'une société internationale changeante dans laquelle le droit international agit comme trait d'union fondamental. Dans le modèle gratien, la politique réalise de manière diverse des aspira- tions individuelles et universelles, au bénéfice d'inventaire constant.

Voici donc le triptyque : Guerre ~ Civitas maxima ~ société inter- nationale. Chez Vattel, on peut à première vue sommaire trouver une, espèce de compromis de ces trois courants: le réalisme hobbe- sien, reflété dans la formation pratique de V at tel; l'idée d'une société internationale universelle tenue par le lien du droit naturel ou nécessaire ainsi que par les devoirs de perfectionnement dus

(29) H. BULL, The Anarckical Society, Londres, 1977, p. 24.

(30)Voir désormais M. WmRT, InteNUltional Theory, TM Thru Traditions, Londres, 1991. Et:

M. WIGHT, Diplomatie Inverstigati.om, Essays in the Tlwory of I'Ttkrnational Politics, Londres, 1966.

(31) Kant meut sa réflexion à partir de la bipartition classique entre l'état de nature et l'état civil, entre le règne de la force et oolui du droit. La guerre est le signe de l'état de nature. Elle reflète le fait qu'il n'y a pas de sanction du droit entre nations, que le droit international qui s'y applique peut être détourné par chaque Etat souverain sans qu'un règlement de litiges ne le contraigne, que ce droit est en définitive un faux semblant. L'état civil, c'est~à-dire l'état de paix, n'existe pas entre nations; il doit être institué. La solution qu'indique la raison Serait l'Etat mon- dial réalisant l'unité politique. Or, les peuples n'en veulent pas. Dès lors, faute de mieux, il est nécessaire de s'orienter vers une fédération d'Etats libres- une «société des natiollilt, Kant pressent ici remarquablement l'avenir - comme alliance de paix perpétuelle. Il faut à tout prix éviter les traités de paix. Ceux-ci mettent fin à une guerre mais non point à toutes les guerres et leurs clauses préparent la revanche et donc le prochain conflit. Dans la mesure où cette fédération d'Etats sou- verains teri.d vers l'universalité, elle conduira peu à peu à la paix perpétuelle. Kant ne s'étend tou- tefois nullement sur les pouvoirs prOOis de la Société. Toutefois, en égard à son système général de droit et à sa critique particulière du droit international gratien, il devient clair qu'elle doit détenir le pouvoir de contrainte. Kant s'avère ainsi un précurseur direct de la Société des Nations instituée en 1919. Voir son ouvrage Vers la paix perpétuelle, 1795, Section II, article 2 défmitif.

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