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Mesures de sûreté et nouveau droit : confirmations, évolutions et paradoxes

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Mesures de sûreté et nouveau droit : confirmations, évolutions et paradoxes

ROTH, Robert

ROTH, Robert. Mesures de sûreté et nouveau droit : confirmations, évolutions et paradoxes.

Revue pénale suisse , 2008, vol. 126, no. 3, p. 243-257

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46248

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ZStrR · Band/Tome 126 · 2008 243 Robert Roth, Genève

Mesures de sûreté et nouveau droit: confirmations, évolutions et paradoxes*

Table des matières I. Objet de l'exposé

IL Anciennes problématiques, solutions nouvelles?

A. Subsidiarités B. Dualismes

III. Les paradoxes de l'internement IV Les changements de sanctions

V Le régime transitoire

VI. Une perspective: la «re-psychiatrisation» de l'internement?

I. Objet de l'exposé

Le présent exposé se propose de tirer quelques premiers enseignements de la jurisprudence, fédérale et cantonale, relative à l'application du nouveau droit des mesures. Le choix de l'objet amène à laisser de côté l'internement à vie. Définitive- ment adopté depuis l'échéance du délai référendaire le 17 avril2008, ce dernier n'a par définition pas encore donné lieu à une quelconque pratique, à supposer qu'il soit un jour appliqué.

Les organisateurs de cette Assemblée générale interpellaient les conféren- ciers sur la question de savoir si on avait mis du vieux vin dans des bouteilles neu- ves. Un des aspects passionnants des mois que nous traversons est de constater que la réponse à cette question évolue. J'aurais volontiers répondu il y a quelques mois dans le sens suggéré par le titre qui nous a été assigné: peu de nouveautés en droit des mesures. Au fil de décisions parfois surprenantes, je suis amené aujourd'hui à nuancer cette appréciation. Manifestement, le droit des mesures de sûreté a été bouleversé moins profondément que le droit des peines. Mais un ensemble d'in- flexions données par la jurisprudence commencent à dessiner le contour d'un droit des mesures en évolution, traversé d'une part par des normes ouvertes - et donc ouvertes à des interprétations parfois diamétralement divergentes- et d'autre part par des paradoxes. Face à ces paradoxes, deux attitudes sont possibles: s'en accom- moder ou chercher à les résorber. La jurisprudence ne me paraît pas encore avoir tranché entre ces deux attitudes.

Version légèrement remaniée de l'exposé présenté à l'occasion de l'Assemblée générale de la Société suisse de droit pénal à Berne, le 6 juin 2008. I:auteur remercie Vanessa Thalmann, avocate, assistante à la Faculté de droit, de ses recherches préparatoires et de sa relecture.

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L'exposé examinera d'abord quelques problèmes d'interprétation (sous le titre: Anciennes problématiques, solutions nouvelles?, emprunté au thème général de l'Assemblée générale de la SSDP), puis mettra en évidence les paradoxes du nouvel art. 64 (qui exercent des effets sur les autres mesures de sûreté). Deux cha- pitres seront encore consacrés d'une part aux changements de sanction, élément constitutif essentiel de la réforme, et enfin - c'est inévitable en cette période - au régime transitoire.

IL Anciennes problématiques, solutions nouvelles?

A. Subsidiarités

a. La nouvelle partie générale du droit des mesures repose sur deux piliers:

la proportionnalité en tant que principe général; la subsidiarité en tant que principe d'organisation, et en particulier d'organisation des rapports entre peines et mesu- res. Alors que la mise en œuvre du premier principe n'apporte rien de surprenant ou qui mérite la mention dans cet exposé, le second inspire la jurisprudence dans un sens qui n'est pas évident à la lecture des textes légaux. Ainsi, le Tribunal fédéral se réfère-t-il directement à l'art. 56 al. 1 let. a, dont le texte ne porte pourtant que sur Je choix entre plusieurs mesures, pour confirmer que la suspension de la peine durant l'exécution du traitement ambulatoire doit rester l'exception et reposer sur une justification tirée des objectifs et des impératifs thérapeutiques1• Cette confir- mation de la jurisprudence n'est pas surprenante; en revanche, sa motivation l'est à mes yeux.

b. Dans un contexte et une direction différents, la pratique cantonale tire du principe de subsidiarité une obligation de ne pas «mettre la barre trop haut>) dans le cadre du pronostic de réussite d'un traitement au sens de l'art. 59, quand ce der- nier entre en concurrence avec un internement. Les juges bernois ou saint-gallois rappellent qu'il n'existe pas de garantie en cette matière. Les premiers nommés prennent soin de bien distinguer la guérison («Heilung») au sens médical du terme et la curabilité au sens «juridique)) (?)du terme: une perspective de réussite qui n'est

«ni théorique ni marginale)) répond au critère de la curabilité2. Les juges saint-gal- lois ajoutent un développement important sur la nécessité de ne pas confondre les perspectives du traitement d'une part et le risque de réitération d'autre part3• On

6B_283/2007 du 5 octobre 2007. Cf. également N. Queloz, in Commentaire romand du Code pénal I, art. 63, N. 7 paraîlre).

2 OG BE, SK 2007/98 du 20 septembre 2007, c. 4.

3 KG SG ST.2006.92-SK3 du 25 avril 2007, c. 3.

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Mesures de sûreté et nouveau droit confirmations, évolutions et paradoxes 245

tire ainsi du principe de subsidiarité un resserrement de l'examen du juge sur le traitement proprement dit et la motivation de l'auteur à le suivre.

De là découle une attention encore plus grande que sous l'ancien droit por- tée à l'attitude de l'auteur vis-à-vis de la sanction. Que celui-ci se situe dans le

«déni»4 ou qu'il soit défaillant sur le plan de la motivation, et il n'échappera pas à la sanction la plus lourde. De telles appréciations négatives sur le plan subjectif peuvent faire échec à la mise en œuvre d'une clause d'ultima ratio du prononcé de l'internement, que le législateur a pourtant voulue large. Sur le plan objectif, rares sont en effet les cas dans lesquels il est possible de poser un pronostic d'absence complète de perspective thérapeutique5.

A propos de la motivation et de son absence, il vaut la peine de s'arrêter un instant sur une très intéressante décision de l'Obergericht bernois6, qui concerne l'art. 61 CP. Le recourant et son avocat faisaient valoir l'absence complète de moti- vation à suivre la (socio-)thérapie. Comme 1 'instance inférieure, le Tribunal canto- nal contrebalance ces déc! a rations par d'autres indices- rapport de l'établissement pénitentiaire, déclarations de l'intéressé à l'expert psychiatre - et parvient à la conclusion qu'il faut donner une «dernière chance» au condamné.

Cet arrêt est doublement intéressant. D'une part, il montre que l'évaluation de la motivation appartient en propre à l'autorité de jugement et qu'elle n'est pas à la disposition des parties. D'autre part, il rappelle que la formule potestative de l'art. 61, tout comme des autres mesures thérapeutiques, doit en bonne doctrine être interprétée en tant que «(Je juge) doit s'ille peut» et non en tant que «peut s'il le veut»; autrement dit, lorsque les conditions de la prise en charge sont objective- ment et subjectivement réunies, le placement s'impose et il ne peut y être renoncé que sur la base d'une motivation explicite et si possible convaincante7. Les statisti- ques relativisent certes considérablement la portée réelle de ce principes, qui n'en reste pas moins réaffirmé sous le nouveau droit.

c. Les mesures thérapeutiques- et en particulier le traitement selon l'art. 59 CP- sont destinées, dans Je contexte décrit ici et pour les raisons évoquées tout au long de l'exposé, à jouer un rôle toujours plus essentiel. Cela ne fait que rendre plus aigu le problème du manque d'installations adéquates, qui préoccupe à juste titre

4 ATF 68_667/2007 du 16 février 2008, c. 6.2.2.

5 ]. Keel, Umgang mit psychisch auffâlligen Insasscn? Was bringt das revidicrte StGB?, in N. Que/oz/A. Senn/R. Brossard (éd.), Gefangnis ais Klink?-Prison-asile?, Berne, 2008, 127;

OG LU 21 06 100 1 du 5 novembre 2007, BJP 2008 n• 378. Je reviens sur le sujet dans le ch. VI infra.

6 SK 2007/349 du 8 novembre 2007.

7 ATF 125IV 237, c. 6b; TF, 6$.209/2005, c. 9.2, cf. Que/oz (n. 1 ), art. 61, N. 16

8 Le nombre de condamnations à l'art. 1001"• a CP n'a pas atteint les 100 unités par année depuis plus de vingt ans; il a passé de 99 en 1984 à 31 en 2006.

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les tribunaux9. Certes, le Conseil fédéral puis le Parlement ont assorti l'art. 56 al. 5 selon lequel «le juge n'ordonne une mesure que si un établissement approprié est à disposition» d'un «en règle générale» qui en atténue considérablement la portée1o. Les lacunes dans l'équipement institutionnel peuvent toutefois avoir pour consé- quence une impossibilité d'appliquer un précepte clef de la jurisprudence, selon lequel les personnes souffrant d'un trouble mental grave, mais curable ne doivent pas être internées mais être soumises au régime de l'art. 59 al. 3, qui prévoit le trai- tement psychiatrique en milieu fermé des auteurs présentant un danger de réitéra- tion (ou de fuite)ll. Là aussi, la clause a été atténuée par la révision de 2006, qui prévoit la possibilité d'exécuter alors le traitement en milieu pénitentaire, mais seulement si ledit traitement «est assuré par du personnel qualifié».

B. Dualismes

En dehors du cas particulier de l'internement, sur lequel on reviendra plus bas, les rapports entre peines et mesures sont régis par le dualisme représentatif tempéré (gemiissigter vikariiender Dualismus): la peine continue à céder le pas chronologiquement à la mesure et à être au moins partiellement représentée par elle.

La continuité l'emporte id sur l'innovation, mais d'une part les nouveautés, si eUes sont peu nombreuses, sont d'importance et, d'autre part, certaines questions appa- raissent encore ouvertes.

a. Comme peine et mesure cohabitent dans le dualisme, la question cen- trale est de déterminer dans quelle mesure une sanction influence l'autre. Il faut à

9 Cf. ATF 68_135/2008 du 24 avril 2008, c. 1.2. ct KG BL 200 05 928 du 26 octobre 2007, c. 3 (résumé BJP 2008 n• 375, mais pas sur ce point). Voir aussi T. Manhart, Erste Erfahrungen mit dem neuen StGB für den Straf- und Massnahmenvollzug, in 8. Tag/M. Hauri (éd.), Das revi- dierte StGB Allgemeiner Teil. Erste Erfahrungen, Zurich/St-Gall, 2008, 137 s.

10 A la suite d'une <<longue histoire• (PV de la commission d'experts, 14/15 novembre 1991, 487), un compromis a été adopté, qui allait devenir loi: alors que l'avant-projet Schultz énonçait (art. 61 al. 2) qu'une mesure ne pouvait être ordonnée que si le condamné pouvait être pris en charge dans un établissement approprié, i.e. •mit entsprechendem Behar~dlunsgebot», l'esprit général de la disposition s'est maintenu par la suite, avec cependant la réserve contenue dans la formule «en règle générale•. La suppression de la disposition a été envisagée au cours des travaux préparatoires (en particulier au sein de la commission d'experts) mais est toujours restée minoritaire.

11 On peut également se situer à la limite de ce que la Cour européenne des droits de l'homme considère comme admissible. Certes •la Cour estime que ... ce serait manquer de réalisme et adopter une attitude trop rigide que d'escompter que les autorités veillent à ce qu'une place soit immédiatement disponible dans (le type d'établissement choisi)». Mais Je délai entre la décision judiciaire ella prise en charge effective telle qu'elle est prévue dans cette décision ne doit pas être tel qu'il «emporte forcément des conséquences pour ses chances de succès ... » (arrêt Morsink c. Pays-Bas du Il mai 2004, § 67-68).

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cet égard distinguer la situation initiale (au moment du prononcé) et la situation à l'issue de l'exécution de la première sanction (la mesure, dans tous les cas sauf celui de l'internement).

aa. La durée de la peine privative de liberté prononcée en même temps que la mesure ne constitue en aucun cas un obstacle à l'imposition de celle-ci. Le légis- lateur n'a en effet pas voulu d'une limitation liée à la longueur de la peine et donc à la gravité de la faute, limitation qui serait contraire à l'essence même du droit des mesures12 . A l'inverse, le législateur n'a pas voulu empêcher que l'auteur condamné à une mesure soit «privilégié» vis-à-vis de celui à qui ne serait qu'infligé qu'une peine13: dès lors, par le jeu de l'art. 63b al. 2 CP, la durée totale de la privation de liberté du bénéficiaire d'une mesure de traitement peut se situer bien en dessous de la période que subirait pour la même infraction le condamné à une peine. Une importante exception toutefois: en cas de levée de la mesure suite à son échec (art. 62c al. 1. lit. a), une nouvelle mesure ne peut être ordonnée que si la durée de la peine privative de liberté n'a pas été atteinte ou dépassée.

bb. A l'issue de l'exécution de la mesure se pose d'abord la question de savoir si et à quelles conditions la peine privative de liberté peut être exécutée. La solution diffère selon que la mesure a été couronnée de succès ou s'est soldée par un échec.

Que ce soit en matière de mesures institutionnelles (art. 62b) ou de traitement am- bulatoire (art. 63b al. 1), lorsque la personne subit la mise à l'épreuve avec succès, elle est libérée définitivement, et le solde de la peine ne doit plus être exécuté14. Le régime se rapproche ainsi de celui d'un dualisme représentatif pur.

En revanche, lorsque la mesure est levée parce son exécution parait vouée à l'échec, parce que sa durée maximale a été atteinte ou parce qu'il n'y a plus d'éta- blissement approprié (art. 62c al. 1; 63b al. 2), la peine doit être exécutée. Se pose alors la question de l'imputation de la durée de la mesure, puis celle du sursis (y compris le sursis partiel) lorsque les conditions objectives en sont réunies (art. 62c al. 2). Le régime est ici véritablement celui d'un dualisme représentatif tempéré.

cc. Le nCP soulève une difficulté d'interprétation sur un point important.

Alors que les art. 57 al. 3, 62b al. 3 et 62c al. 2 paraissent prévoir l'imputation de la durée de la mesure sur Je calcul du solde de la peine, sans aucune exception, l'art. 63b al. 4 CP, reprenant le texte de l'art. 43 ch. 3 al. 3 a CP habilite le juge, en cas

12 Selon l'art. 61 al. 5 de l'avant-projet Schultz, une mesure ne pouvait pas être ordonnée lorsque la durée de la peine dépassait le triple de la durée maximale de la mesure.

13 A l'inverse, l'art. 62 al. 1 de l'avant-projet de 1993 excluait que la mesure de «traitement insti·

tutionnel des alcooliques» puisse s'appliquer si l'auteur était condamné à une peine privative de liberté de plus de cinq ans.

14 On remarquera qu'en cas de traitement ambulatoire non assorti de la suspension de la peine, cela revient à une libération conditionnelle de cette dernière, le cas échéant avant les deux tiers prévus par l'art. 86 al. l CP, voire même la moitié prévue à titre «exceptionnel» par l'art. 86 al. 4.

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de traitement ambulatoire, à décider «dans quelle mesure» la privation de liberté entraînée par le traitement ambulatoire doit être imputée. Contrairement à ce que laisse entendre le Message du Conseil fédéralls, il me paraît que le silence des art. 57 al 3, 62b al. 3 et 62c al. 2 doit être compris comme un silence qualifié et que, dès lors, l'imputation complète est de règle pour les mesures de traitement institu- tionnelles16. Les considérations du Conseil fédéral sur les raisons qui permettent une imputation partielle, liées non pas au comportement de l'auteur mais à «la res- triction de liberté découlant de l'exécution de la mesure>P ne valent dès lors que pour l'exécution de la peine consécutive à un traitement ambulatoire.

b. La principale nouveauté est sans doute l'impossibilité de prononcer une nouvelle mesure après l'expiration de la durée de la peine. La jurisprudence canto- nale a eu plusieurs occasions de confirmer cette interprétation1s, qui interdit au juge de prononcer une nouvelle mesure en cas de levée d'une mesure qui aurait échoué19, si la durée de la mesure atteint ou excède la durée de la peine privative de liberté suspendue durant son exécution. Est ainsi mise en évidence la cohérence très relative du système: en l'absence d'une clause liant la durée de la mesure initiale- ment prononcée2o et la durée de la peine, une mesure qui n'est pas interrompue peut durer plus longtemps que la peine, alors que l'échec d'une mesure amène à sa non- prolongation. Autrement dit de manière caricaturale, celui qui fait échouer la me- sure est mieux traité que celui qui laisse quelque espoir à ses thérapeutes! Il en va de même quand, en application de l'art. 65, la peine s'est vue transformée en cours d'exécution en traitement au sens de l'art. 5921 .

c. Les séquences causent d'ailleurs quelques soucis aux praticiens. Ainsi, cette question simple: le juge peut-il ordonner un second traitement ambulatoire après que l'autorité compétente a constaté l'échec d'un premier traitement ambula- toire22? Sous l'ancien droit, la jurisprudence avait répondu positivement23, affir-

15 FF 1999 II 1881.

16 Même avis che~ G. Stratenwerth, Schw. Strafrecht. Allgemeiner Teil Il, 2• éd., Berne 2006,

§9,N.SS.

17 Cf. n. 15.

18 Jurisprudence zurichoise récapitulée dans OG ZH UG060007 du 3 juillet 2007, c. 3d); trib.

arond. I BE, P 08 92 du 21 février 2008.

19 Art. 62c al. !let. a. L'autre hypothèse est celle de la let. c (absence d'établissement approprié) sur laquelle on revient plus loin. Dans l'hypothèse de la let. b (durée max.imale de la mesure atteinte), il est évident que le régime de mesures prend définitivement fin.

20 Voir ci-dessus let. a.

21 Dans ce sens (absence de limitation de durée de la mesure) KG SG ST.2007.70 du 17 septembre 2007.

22 Cf. art. 63b al. 2 pour les raisons de l'arrêt d'un traitement ambulatoire.

23 ATF 106 IV 101, c. 2d-e), dans le contexte d'une opposition entre l'administration péniten- tiaire qui estimait le traitement ambulatoire dépourvu en soi de chances de succès et le juge, qui considérait que l'insuccès pouvait être dû au type de traitement appliqué; cf. art. 43 ch. 3 al. 3 et 44 ch. 3 al. 1 a CP.

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mant par la même occasion la sphère de compétence intangible du juge face à l'ad- ministration. Pour le Tribunal cantonal de Bâle-Campagne24, cette jurisprudence peut être maintenue, en vertu de l'adage «qui peut le plus (un traitement institu- tionnel peut être ordonné sur la base de l'art. 63b al. 5) peut le moins»; pour une partie de la doctrine, qui s'en tient à une interprétation littérale du texte légal, la réponse est négative: l'art. 63b al. 5 ne prévoit pas cette possibilité2S. Un argument de nature systématique vient en faveur de la première interprétation citée: en cas de levée d'une mesure institutionnelle (art. 62c al. 1), le juge peut ordonner une «nou- velle mesure» (y compris, vraisemblablement, un traitement ambulatoire) à la place de l'exécution de la peine (art. 62c al. 5). Il serait illogique qu'il ne le puisse pas en cas de levée d'un traitement ambulatoire.

JI 1. Les paradoxes de l'internement

Il a fallu deux trains législatifs pour donner sa forme définitive au nouvel internement, voulu par le législateur à l'issue du débat parlementaire le plus vif auquel ait donné lieu l'ensemble de la révision26. Cette réforme s'est faite «à tâtons»:

les incontestables problèmes posés par la version de 2002 ont été en partie résolus par la révision du 24 mars 2006. Mais en partie seulement. Et la révision de 2006 a conduit à un basculement tellement complet que l'internement initial a perdu à mon avis une partie de son identité si péniblement acquise. A l'issue de ce proces- sus, l'internement est traversé par deux paradoxes.

a. Le premier paradoxe est congénital. Il tient au grand écart entre la lettre a et la lettre b de l'art. 64 al. 1, écart encore élargi par la volonté louable de la juris- prudence d'appliquer également le principe de subsidiarité à la clientèle tradition- nelle de l'internement (celle de l'art. 43 ch. 1 al. 2 aCP). La jurisprudence a d'une part insisté sur les exigences élevées des troubles mentaux, découlant de la loi:

ceux-ci doivent être graves et chroniques ou récurrents, D'autre part et surtout, la jurisprudence a exclu du champ d'application de l'art. 64 une des deux catégories classiques de l'ancien art. 43 ch. 1 al. 2: les personnes souffrant d'un grave trouble mental, mais qui sont curables, et cela même si elles représentent un danger de réitération élevé27.

24 Arrêt du 26 octobre 2007, 200 OS 928/ZWH.

25 Queloz (n. 1}. art. 63b N. 12-14; BSK Strafrccht 1-/ Ieer, Base!, 2007, art. 63b N. 7 et, implicite- ment, C. Schwarzenegger/M. Hug/D. /ositsch, Strafrecht Il, 8• éd., Zurich 2007, § 9, N. 2.1 et2.53.

26 80 CN 2001 564 ss et 1181 ss.

27 Cf. ATF 68_347/2007 du 29 novembre 2007, c. 3.4.2, et 68_162/2007 du 21 août 2007, c. 5.2.

Application dans la jurisprudence cantonale, LU OG 21 06 100 1 du 5 novembre 2007, rés.

8) P 2008 n• 378.

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En même temps, la pratique doit s'accommoder de la nouvelle catégorie de candidats à l'internement: les personnes possédant les «caractéristiques de laper- sonnalité», voire simplement un «vécu», les prédisposant à une réitération d'infractions graves. Il faut rappeler que la notion de «caractéristiques de la per- sonnalité» ne correspond à aucune pathologie psychiatrique28. La cohabitation entre ce resserrement très marqué de la clientèle psychiatrique et l'élargissement en direction des «personnalités dangereuses» qui rappellent bien évidemment la dé- fense sociale des origines de la criminologie entame, au-delà des choix de politique criminelle et sécuritaire devant lesquels il convient de s'incliner, la cohérence de l'ensemble du dispositif.

L'ambigüité est d'autant plus marquée que le traitement institutionnel de l'art. 59 est la seule échappatoire à l'internement, dans une série de situations (art. 65, 64b I b). Cette échappatoire, réservée aux cas psychiatriques, ne connaît pas d'équivalent pour les cas non psychiatriques de l'art. 64. D'où l'importance des dispositifs de libération conditionnelle, fondamentalement modiftés par la révi- sion partielle de 2006 et qui nous conduisent à notre second paradoxe.

b. Le législateur de 2002 avait prévu un système fort rigide, puisqu'à l'issue de la peine, l'internement devait durer au minimum deux ans, sauf glissement vers une mesure thérapeutique, inimaginable pour la population de l'art. 64 ch. llet. a.

La compatibilité de ce régime de dualisme cumulatif avec la Convention européenne des droits de l'homme avait soulevé des doutes29. La révision de 2006 a considéra- blement assoupli ce régime, au point de conduire à une quasi absorption de l'inter- nement par la peine grâce au nouvel art. 64 al. 3. Dès les deux tiers de la peine, en effet, une libération conditionnelle d'un troisième type peut être octroyée, libération qui est conditionnée par la durée de la peine déjà purgée mais qui libère à la fois de la peine et de l'internement3° et qui est prononcée par le juge de l'internementJl_. Si

28 Cf. K. L. Kunz, Zur Neugestaltung der Sanktionen des Schweizerischen Erwachsenenstrafrechts, RPS 117 (1999) 252;/. P. Weber, Zur Verhliltnismassigkeit der Sicherungsverwahrung, RPS 120 (2002) 405; P. Aebersold, Von der Kastration zur Incapacitation, in S. Bauhofer, P H. Bolle, V Dittmann, (éd.), Délinquants «dangereux» - «Gemeingef<ihrliche» Straftater, Zürich, 2000, 189 s.; Stratenwerth (n. 15), § 12. N. 7; BSK Strafrecht l-Heer (n. 25), art. 64, N. 39.

29 R. Roth, Nouveau droit des sanctions: premier examen de quelques points sensibles, RPS 121 (2003) 16 ss.

30 On peut mettre cela en parallèle avec la double vocation d'une période de privation de liberté, primitivement prévue comme internement, et qui a posteriori devient une période d'exécu- tion de la peine, ATF 6B_326/2007 et al. du 4 mars 2008, cité et commenté infra V et n. 60.

31 La présence dans la loi d'une telle précision destinée à demeurer inapplicable dans toutes sortes de circonstances (ne serait-ce que le départ ou Je changement d'affectation du juge en question) est étonnante. Elle a toutefois ici une vertu pédagogique: montrer que l'on a glissé de l'exécution de la peine à celle de l'internement. La précision analogue contenue à l'art. 65 al. 1 CP n'a pas la même vertu: si J'on comprend bien, elle est supposée offrir une protection contre le risque d'invocation de violation de ne bis in idem: protection bien dérisoire à mon sens contre ce risque bien réel (voir ci-dessous ch. IV).

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Mesures de sûreté et nouveau droit: confirmations, évolutions et paradoxes 251

tout se passe bien - et cette fois tant les cas psychiatriques que les cas non psychia- triques sont concernés -l'internement ne sera jamais exécuté. Il aura été absorbé.

Le dualisme cumulatif initial se transforme ainsi en une forme de dualisme repré- sentatif pur, dans lequel la peine - purgée jusqu'à ses deux tiers -satisfait aux exi- gences de sécurité publique qui ont présidé au prononcé de l'internement.

Fort bien, mais ce qui trouble l'observateur et sans doute le praticien est à nouveau l'écart entre la situation des «bons éléments>> (qui ont néanmoins commis des actes suffisamment graves pour justifier le prononcé de l'internement) et les

«mauvais éléments», qui ne pourront pas être libérés conditionnellement de la peine et qui devront purger, eux, deux ans d'internement avant que la libération conditionnelle de l'internement puisse être envisagée32 . On peut se demander si une voie intermédiaire n'aurait pas dû être aménagée33, qui aurait permis de glisser de la peine à l'internement aux deux tiers de la peine, et d'avoir une portion d'in- ternement qui corresponde au solde de la peine34 . Une telle solution est sans doute compatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et conforme à son esprit. Lorsqu'elle est amenée à apprécier la compatibilité d'une détention de longue durée combinant plusieurs motifs avec l'art. 5 CEDH, la juri- diction de Strasbourg distingue en effet la «période punitive», couverte par la condamnation à la peine et la période de détention strictement liée à la «dangero- sité» du condamné. S'agissant de la première, elle accepte et entérine la logique du

«tarif», qui correspond peu ou prou à celle de l'art. 47 CP (et a fortiori de l'art. 63 aCP)35. Peu importe que la détention, pendant la dernière période de détention couverte par la condamnation initiale, porte le nom d'«internement» plutôt que celui de «peine», d'autant moins que la prise en charge concrète du condamné est le plus souvent identique dans les deux cas.

La solution du glissement de la peine à l'internement pour la dernière partie de la peine peut-elle être instaurée par voie jurisprudentielle? Les premiers arrêts fédéraux et cantonaux ne fournissent aucun indice dans ce sens36. Les nécessités de la pratique et de l'équité amèneront toutefois sans doute à l'envisager.

32 Art. 64b al. !let. a.

33 Voir également une autre voie, proposée par P. Aebersold (n. 28), 188 et discutée infra ch. VI.

34 Application analogique de l'art. 87 al. 1.

35 L'arrêt de principe en la matière reste Stafford c. Royaume-Uni du 28 mai 2002, Rec. 2002-lV 115, déjà commenté par J'auteur de ces lignes (n. 29, 15 ss, en particulier nbp 63). La Cour a tenu audience le l" juillet 2008 dans une affaire Mücke c. Allemagne, qui présente bien des analogies avec Stafford. Au moment où cet exposé est rédigé, l'issue n'est pas connue.

36 En particulier l'A TF 6B_326/2007 et al. cité n. 59, qui effleure seulement Je sujet.

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IV. Les changements de sanctions (la combinaison 65-62c al. 4 CP)

Comme le nouveau droit des peines, le nouveau droit des mesures prévoit de larges possibilités de transformation de la sanction en cours d'exécution. La dis- position pivot en la matière - mais pas la seule37 - est l'art. 65. Nous ne nous arrê- terons ici que sur la règle de base (65 al. 1), adoptée sous sa forme définitive dès 2002, en laissant de côté la révision en défaveur du condamné, introduite en 2006 et qui ne trouvera que très rarement à s'appliquer (art. 65 al. 2)38.

L'art. 65 al. 1 prévoit le glissement en cours d'exécution de peine ou d'inter- nement en une mesure thérapeutique institutionnelle. Contrairement à l'antécé- dent de cette règle dans l'aCP39, l'adhésion du condamné n'est pas prévue4o. Si la transformation de la peine en traitement institutionnel ne pose pas de problème au regard des garanties internationales en matière de droits de l'homme, puisque l'art. 59 CP ne représente pas une «peine» au sens de J'art. 7 CEDH, il n'en va pas nécessairement de même pour l'éventuelle transformation subséquente d'un trai- tement non couronné de succès en internement41. Les problèmes de compatibilité avec le principe ne bis in idem42, soulevés dès 200343, ne sont dans ce cas-là à mon avis pas résolus. En effet, une «peine» au sens de la Convention européenne des droits de l'homme (l'internement) succède alors à une autre peine, tout en reposant sur la ou les mêmes infractions initiales. Une telle construction était impossible sous l'ancien droit; il fallait que la condamnation initiale comportât une mesure de sClreté (fût-ce sous la forme du traitement ambulatoire44), pour qu'en cours de pei- ne, voire même à l'issue de la période de privation de liberté, l'internement puisse être ordonné. Signe d'un certain besoin, indéniable, en la matière, le Tribunal fédé- ral avait, dans les toutes dernières années d'application de l'ancien droit, admis cet internement a posteriori (nachtriigliche Verwahrung) dans les conditions indiquées, dans toute une série de cas dont aucun n'a fait l'objet de publication45Dans ces

37 Voir en particulier les articles 62c al. 3, 63b al. 5 et 64b al. 1 let. b et l'analyse critique approfondie de la «flexibilité» du nouveau Code par F. Bommer, Nachtragliche Verwahrung ais Revision zulasten des Verurteilten? Zur Revisibilitiit von Prognoseentscheidungcn, in Festchrift Riklin, Zurich 2007, 55 ss.

38 F. Bommer, (n. 37), 55 ss; M. Heer, Nachtragliche Verwahrung-ein gesctzgeberischer Irrlau- fer, PJA 2007 1031 ss; F. Rik/in, Revision des Allgemeinen Teils des Strafrechts: Fragen des Übergangsrechts, PJA 2006 1477 s.; Stratenwerth (n. 15), § 12 N. 20-21.

39 L'art. 44 ch. 6aJ. 2 aCP (RO 1991 2512), initialement prévu pou ries toxicomanes et étendu par la jurisprudence (ATF 122 IV 292, c. 2) aux alcooliques.

40 Sur l'histoire de l'abolition de cette condition et ses conséquences, lire F. Riklin (n. 38), 1482.

41 Qui suppose la commission initiale d'une infraction prévue dans la liste de l'art. 64 al. 1 CP.

42 Art. 4 al. l Protocole n• 7 à la CEDH; art. 14 al. 7 PIDCP.

43 Roth (n. 19) 18 ss; cf. aussi Riklin (n. 38), 1481 ss.

44 Comme dans le cas traité dans l'ATF 68_237/2008 du 20 juin 2008, c. 2.

45 TF 6P.Il0/2005, c. 4.3, 6$.314/2006 c. 2.3 (réclusion de 16 ans suivie, à son terme, de l'inter- nement!) et 6$.297/2006, c. 2.3 (publié partiellement in RSJ 102 [2006) 547).

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Mesures de sûreté et nouveau droit: confirmations, évolutions et paradoxes 253

arrêts, le TF insistait pour que l'opération ne fût menée que «dans des cas claire- ment exceptionnels» (nur in klaren Ausnahmefiillen) et dans le cadre d'une appli- cation stricte du principe de la proportionnalité46.

Selon l'ancien droit, le condamné n'était pas «puni deux fois», puisque son internement était virtuellement contenu dans la condamnation initiale. Il n'y avait donc en tout cas pas de «double poursuite»47, puisque l'internement subséquent pouvait être considéré comme l'exécution différée d'une décision déjà contenue dans la condamnation initiale. Certes, Riklin48 a à juste titre mis en doute que ce lien suffise au regard de l'art. 5 ch. let a CEDB49; un lien formel existait bien entre l'imposition d'une mesure (autre que l'internement) et l'internement subséquent;

mais, matériellement, de deux choses l'une, soit la cause de l'internement existait et il aurait dû être ordonnéso, soit il n'existait pas et le lien procédural ne suffit pas;

Je lien entre l'internement et sa cause s'est distendu au sens de la jurisprudence abondante de la Cour européenne des droits de l'homme sur cette question51.

La différence entre l'ancien et le nouveau droit est essentiellement procédu- rale: selon ce dernier, l'internement a posteriori ne peut pas s'appuyer sur une dé- cision antérieure, et il y a donc une nouvelle «condamnation». Dans un cas de pure application de la combinaison 65 al. l-62c al. 4, la décision initiale ne possède pas la double dimension qui permet de ne considérer la rn ise en œuvre de 1' internement que comme l'exécution subséquente d'une partie de la décision initiale. l:interne- ment est le résultat d'un nouvel examen de la situation personnelle du condamné;

l'examen de la «cause pénale» et celui de la cause de l'internement (généralement psychiatrique car on a peine à imaginer des révélations quant au «vécu» de l'auteur)

46 TF 6P.ll0/2005, c. 4; également antérieurement TF 6S.265/2003 et 1P.359/2005.

47 On rappellera ici que <de paragraphe 1 de l'article 4 du protocole n• 7 ne vise pas seulement le cas d'une double condamnation mais aussi celui des doubles poursuites», décision de la Cour européenne des droits de l'homme Zigarella c. Italie du 3 octobre 2002, 5, reprise entre autres dans l'arrêt Zolotukhin c. Russie du 7 juin 2007, § 34. Voir l'étude approfondie de]. B.

Acker mann/S. Ebensperger, «Der EMRK-Grundatz» me bis in idem>- Identitat der Tat oder Identitat der Strafnorm?», PJA 1999 829-830.

48 Riklin (n. 38), 1483, nbp 68, dans laquelle l'auteur ôte de manière critique l'opinion d~. Schei- degger, Ausgewahlte Bemerkungen aus Schweizer Sicht zum Verhaltnis von EMRK und straf- rechtlicher Verwahrung, in Festschrift Wildhaber, Zürich, 2007, 737, qui considère la prati- que du Tribunal fédéral sous l'ancien droit comme compatible avec la Convention.

49 «Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'il peut falloir, par-delà les apparences et le voca- bulaire employé, s'attacher à cerner la réalité>>, (arrêt Stafford (n. 35), § 35.

50 La posiUon de Riklin nous paraît là trop rigide, dans la mesure où elle n'envisage pas Je cas le plus favorable à la position du Tribunal fédéral et de Scheidegger: la cause de l'internement existait au moment de la condamnation initiale, mais le juge a renoncé à l'internement en application du principe de la subsidiarité; encore faut-il que le dossier contienne des indices d'un tel raisonnement.

51 Entre autres arrêts Van Droogenbroeck c. Belgique du 24 janvier 1982, Série A n• 50§ 35 ss;

Stafford (n. 35), § 34 ss; Kafkaris c. Chypre du 12 février 2008, § lll.

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sont dissociés: la «deuxième poursuite» porte exclusivement sur la seconde, alors que la «cause pénale» reste l'infraction ou les infractions qui ont motivé la condam- nation initiale. La compatibilité de ce mécanisme avec le principe ne bis in idem m'apparaît pour le moins douteuse52.

On ajoutera que, selon le nouveau droit, le mécanisme 65 al. l-62c al. 4 ne doit s'appliquer que si la cause «non pénale» de l'internement n'existait pas au mo- ment de la condamnation initiale: dans le cas contraire, l'art. 65 al. 2 doit s'appli- quer en tant que lex specialis, comportant de plus une condition (le juge ne pouvait pas avoir connaissance de la cause au moment de la condamnation) que l'on ne saurait contourner en appliquant la combinaison 65 al. l-62c al. 453.

V. Le régime transitoire

a. Aux termes de l'art. 2 ch. 1 des dispositions transitoires (DT), les disposi- tions du nouveau droit relatives aux mesures s'appliquent également aux actes commis ou jugés avant le 1•r janvier 2007. La seule exception est la «révision en défaveur» de l'art. 65 al. 2, sur laquelle nous ne nous arrêterons pas icis4 • Pour le surplus, cette disposition transitoire, améliorée vis-à-vis de ceJle du 13 décembre 2002, reste à mon sens contraire dans sa formulation globale au principe de non- rétroactivité. En effet, l'internement tel qu'il est prévu à l'art. 64 CP est une peine

52 Dans le même sens, K.-L. Kunz/G. St'ratenwerth, Zum Bericht der Arbeitsgruppe «Verwah- rung», RPS 123 (2005) 12.

53 Dans ce sens également, me semble-t-il, Riklin (n. 38), 1493.

54 La question de savoir si la mesure de l'art. 61 CP était véritablement plus favorable que celle de l'art. lOObl< aCP a été discutée dans un arrêt de l'Obergericht zurichois (SE060035/U du 22 mars 2007). En application de l'art. 2 ch. l DT, un placement en maison d'éducation au travail de l'ancien droit devait être transforrn~ en une mesure pour jeune adulte au sens de l'art. 61 CP; cela amenait au prononcé immédiat d'une peine (dualisme de J'art. t\1 CP), alors que l'ancien régime ne prévoyait ce prononcé qu'à titre éventuel (art. 100'" al. 4 aCP). Une peine est donc prononcée pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la disposition qui impose ce prononcé. Le Tribunal cantonal s'appuie sur la réglementation très «généreuse• du nouveau droit à l'égard de l'exécution de la peine à la fin de la mesure (non-exécution en cas de succès; imputation obligatoire de la durée de la mesure si la peine doit malgré tout être exécutée en cas d'échecde la mesure, cf. ci-dessus Il. B. a), pour admettre que celui-ci est plus favorable. Il n'est pas certain que ce point de vue soit conforme à l'art. 7 CEDH, dans la me- sure où le simple prononcé d'une peine représente un «poids• supplémentaire pour le condamné, alors même que 1 'échec (ou le succès) de la mesure ne sont pas acquis. Voir à ce sujet l'analyse de S. Trechsel, Hu man Rights in Criminal Proceedings, Oxford, 2005, 391 qui a juste titre considère qu'est pertinente aux lins d'examiner si une norme conventionnelle a été violée la question de savoir si la décision (ici, la condamnation à une peine) a sur l'inté- ressé des «répercussions importantes», cf. ACEDH Corigliano c.Jtalie du JO décembre 1982, Série A n° 57, § 34.

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Mesures de sûreté et nouveau droit confirmations, évolutions et paradoxes 255

au sens de l'article 7 de la CEDH et, dès lors, il ne saurait s'appliquer de manière

«rétroactive» qu'à condition de représ'enter un adoucissement vis-à-vis du droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006. Le Tribunal fédéral l'a admis dans son arrêt du 29 novembre 200755 et a par là même substitué une démarche plus fine à celle des dispositions transitoires: il s'agit dans chaque cas, en comparant les sanctions en- courues selon l'ancien et le nouveau droit, de déterminer si le nouveau droit est plus favorable que l'ancien56.

Pour déterminer quelle est la lex mitior, le Tribunal fédéra] utilise trois cri- tères: la liste des infractions pouvant donner lieu à internement; les conditions personnelles de l'auteur d'infractions; les conditions de libération. Sous l'angle du premier critère, le nouveau droit est indiscutablement plus strict (donc plus

«favorable»), puisque seule la commission d'une série fermée d'infractions peut servir de prétexte à l'internement. S'agissant des conditions personnelles, la dé- marche est entièrement concrète: il ne s'agit pas de comparer les deux normes (les aspects plus favorables de l'une et de l'autre s'équilibrant, suivant le paradoxe dont nous avons parlé plus haut), mais d'examiner la situation particulière de l'auteur57, pour constater par exemple que l'internement de personnes susceptibles d'être traitées mais présentant un danger particulier pour la sécurité publique, possible sous l'ancien droit, ne l'est plus sous le nouveau. En revanche c'est une appréciation in abstracto qui a amené à constater que les conditions de libération de l'ancien et du nouveau droit sont équivalentes («im wesentlichen stimmen»58). Cette apprécia- tion peut être discutée. En effet, les exigences sont plus élevées s'agissant de la libé- ration d'un internement que s'agissant d'une mesure thérapeutique (art. 62 al. 1 CP vs. art. 64a al. 1)59; tel n'était pas le cas sous l'ancien droit, qui ne distinguait pas les deux situations. Selon les conséquences que la pratique tirera de cette gradation, le diagnostic du Tribunal fédéral pourrait être remis en question.

b. Un arrêt sur le régime transitoire60 jette également un éclairage utile sur le nouveau régime de glissement de la peine à l'internement dont il était question plus haut. La séquence peine puis internement s'applique à un auteur condamné en 1998 à 17 ans de réclusion ainsi qu'à un internement fondé sur l'ancien art. 43 ch. 1 al. 2. Dans une construction audacieuse, le Tribunal fédéral, suivant l'autorité

55 ATF 68_347/2007 du 29 novembre 2007, en particulier c. 3.3.3.

56 Dans le cas où il est aussi favorable, c'est l'ancien droit qui continue à s'appliquer: Schwarzen- egger/Hug!jositsch (n. 25), 315.

57 Cf. BSK Strafrecht 1-Popp/Levante, Bâle 2007, art. 2, N. 12.

58 ATF 6B.347/2007 du 29 novembre 2007, c. 3.4.3.

59 ·M. Heer, Einige Schwerpunkte des neuen Massnahmenrechts, RPS 121 (2003) 412; Stra- tenwerth (n. 19 ), § 12, N. 28 qui, à juste titre, s'interroge sur la légitimité de cette différence de traitement, alors que les risques sont a priori équivalents.

60 ATF 6B_326/2007, 6B_381/2007 et 68_585/2007 du 26 février 2008.

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cantonale, convertit a posteriori la période de détention commencée en 1998 sous forme d'internement en peine; si les deux tiers de la peine prononcée initialement sont atteints, la libération conditionnelle doit être envisagée, qui permet d'éviter l'exécution de l'internement61Le juge se fait ici magicien, puisqu'il peut par la force du raisonnement qui tient ici lieu de baguette magique, transformer des années d'internement en années de peine privative de liberté. On tempérera toutefois notre enthousiasme en notant que ce tour de magie n'est possible que parce que l'interne- ment est bien en réalité une peine, et pas seulement au regard de l'art. 7 CEDH.

c. Quant au mécanisme de transformation graduelle d'une peine en interne- ment, l'art. 2 ch. llet. a) des dispositions transitoires me semble devoir être nuancé et interprété dans le sens suivant.

i) L'art. 65 al. 1 CP s'applique bien sans restriction à la transformation d'une peine en traitement institutionnel au sens des art. 59-61 CP.

ii) En revanche, la transformation ultérieure d'un traitement en un interne- ment (art. 62c al. 4) n'aurait été possible sous l'ancien droit que si le jugement initial avait prévu une mesure de sûreté. Dès lors, si une telle mesure a été prévue, le nouveau droit peut être plus favorable (voir lettre a ci-dessus). En revanche, si elle n'a pas été prévue (application «pure» de l'art. 65 al. 1), le nouveau droit ne saurait en aucun cas être considéré comme plus favorable, puisqu'il permet le prononcé d'un internement, donc d'une peine au sens de l'art. 7 CEDH qui n'aurait pas pu être prononcé in concreto selon l'ancien droit.

VI. Une perspective: la «re-psychiatrisation» de l'internement?

Le droit pénal et la psychiatrie sont comme des couches tectoniques toujours en mouvement, se rapprochant, s'éloignant, se heurtant parfois. Leurs rapports sont passionnels depuis plus d'un siècle. Le législateur du nouveau droit des mesu- res de sûreté a déclenché un nouveau mouvement tectonique en opérant des choix à première vue paradoxaux. Il a d'une part voulu «dé-psychiatriser» la mesure sécuritaire par excellence, l'internement, en l'ouvrant en direction des caractéris- tiques de la personnalité, voire des désordres du «vécu». En même temps, la prise en charge psychiatrique - ou plus largement le traitement, puisque le Tribunal fé- déral a, dans l'arrêt peut-être le plus marquant des dix dernières années, entériné

61 Interprétation pour le moins praeter legem de l'art. 2 al. 2 DT, qui ne prévoit, à titre alternatif, que la transformation en mesure thérapeutique ou la continuation de la détention sous la forme de l'internement. Or, si l'intéressé n'avait pas atteint les deux tiers de sa peine, il aurait, à partir du l" janvier 2007, selon la logique du TP, subi une peine privative de liberté! Cf. pour une appli- cation plus <<sage>> de l'art. 2 al. 2 DT, ATP 68_623/2007 du 4 mars 2008.

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le «pluralisme thérapeutique»62 - est, comme on l'a vu tout au long de cet exposé, très souvent la seule alternative à l'internement dont on a voulu faire l'ultima ratio:

c'est le cas dans le cadre de l'imposition de la mesure; c'est également le cas au mo- ment où l'internement doit en principe commencer et durer deux années avant tout réexamen de la condition du condamné. Aussi, afin de compenser la rigueur, excessive au regard de la Convention européenne des droits de l'homme, du dua- lisme cumulatif pur peine puis internement, P. Aebersold proposait dès 2000 de toujours soumettre le condamné à un traitement à la fin de sa peine et de ne faire exécuter l'internement que sur la base d'un constat d'échec de ce traitement63.

Ainsi, on peut prévoir que c'est la loi elle-même qui, par les paradoxes dont elle est traversée, contribuera à la spectaculaire augmentation de la population péniten- tiaire présentant un trouble mentaJ64 . La question corollaire de l'inadéquation des structures d'accueil n'en sera que plus aiguë.

62 ATF 124IV 246. Lire entre autres le c. 3 b) dans la traduction de )dT 2000 IV 66: <<le traitement médical ... représente ainsi uniquement un moyen par lequel le but, l'élimination de futures in- fractions, doit être atteint ... Tant que d'autres moyens et solutions conduisent aussi à éliminer le risque de récidive, ... leur application ... est matériellement indiquée.»

63 Aebersold (n. 28), 188.

64 Cf. en particulier dans J'ouvrage Prison-asile? (n. 5), les contributions de f. P. Restellini (p. 6 s.) etC. Canetti (p. 14).

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