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Diagnostic de la maladie thromboembolique veineuse pendant la grossesse

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H. Robert-Ebadi M. Righini

introduction

La grossesse et le post-partum représentent des périodes à risque de maladie thromboembolique veineuse (MTEV). L’in- cidence des événements thromboemboliques veineux pen- dant cette période est estimée à 1,5-2 pour 1000, soit un risque quatre fois plus élevé que celui des femmes du même âge en dehors de la grossesse.1,2 L’embo- lie pulmonaire (EP) est la première cause de mortalité maternelle (1,1-1,5/100 000 accouchements) dans les pays industrialisés.3 La période la plus à risque est le post-partum, la moitié des événements survenant durant cette période.2 Pendant la grossesse elle-même, près de la moitié des thromboses veineuses profondes (TVP) sont diag nostiquées au troisième trimestre, l’autre moitié se répartissant entre les premier et deuxième trimestres.4

Les études démontrant les performances d’algorithmes diagnostiques en cas de suspicion de TVP ou d’EP ont exclu les femmes enceintes. La sécurité d’une simple extrapolation des données à ce collectif reste donc encore à confirmer.5 De plus, le clinicien est alors face à un réel dilemme : d’une part, la crainte d’un diagnostic manqué de MTEV dont l’issue peut être fatale et, d’autre part, la réti- cence à effectuer des examens complémentaires à large échelle, en particulier dans le cas d’EP, en raison des risques liés à l’irradiation pour le fœtus mais éga- lement pour la mère.

suspicioncliniquedethrombose veineuseprofonde

oud

emboliepulmonaire pendantlagrossesse

L’identification d’un patient suspect de TVP ou d’EP est en soi une tâche dif- ficile. La situation est encore bien plus complexe durant la grossesse. En effet, de nombreux symptômes de MTEV sont présents au cours d’une grossesse sans complication en raison de modifications anatomiques et physiologiques ma- jeures, en particulier au troisième trimestre. Au niveau des membres inférieurs (MI), la douleur, l’œdème, la lourdeur et la dilatation du réseau veineux superfi- ciel sont fréquents, d’autant plus que la grossesse est avancée. De même, une Diagnosis of venous thromboembolic

disease during pregnancy

Venous thromboembolism (VTE) remains the leading cause of maternal mortality in west ern countries. The similarity between some of the physiological symptoms of pregnancy and symptoms of VTE makes the diagnosis diffi- cult. The D-dimers can be useful for the ex- clusion of VTE during the first two trimesters of pregnancy. In case of suspicion of DVT, the diagnosis can be made by non-invasive means with lower limb venous compression ultra- sonography (CUS). In case of suspicion of PE, pulmonary imaging is often necessary. Scinti- graphy is the best validated diagnostic test, but helical computed tomography is frequent- ly proposed due to its higher availability. Fetal radiation is very low with both imaging tech- niques, and the potentially fatal outcome of undiagnosed PE widely justifies performing these tests.

Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 345-50

La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) reste la pre- mière cause de mortalité maternelle dans les pays occiden- taux. La similarité entre certains symptômes de la grossesse et ceux de la MTEV rend le diagnostic difficile. Les D-dimères peuvent être utiles pour l’exclusion de la MTEV durant les deux premiers trimestres de la grossesse. En cas de suspicion de thrombose veineuse profonde (TVP), le diagnostic peut se faire de manière non invasive par échographie des membres inférieurs (MI). En cas de suspicion d’embolie pulmonaire (EP), une imagerie thoracique est souvent nécessaire. La scintigra- phie pulmonaire reste l’examen le mieux validé mais l’angio- scanner est fréquemment proposé en raison de sa plus grande disponibilité. L’irradiation fœtale est très faible dans les deux cas, et l’issue potentiellement fatale d’une EP non diagnosti- quée justifie largement la réalisation de ces examens.

Diagnostic de la maladie thrombo embolique veineuse pendant la grossesse

mise au point

Drs Helia Robert-Ebadi et Marc Righini Service d’angiologie et d’hémostase HUG, 1211 Genève 14

helia.robert-ebadi@hcuge.ch

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dyspnée d’effort augmentant progressivement avec les se- maines gestationnelles, une tachycardie et une tachypnée peuvent être observées physiologiquement au cours de la grossesse. A l’inverse, une lombalgie, une douleur au ni- veau de la fesse ou du pli inguinal, ainsi que des douleurs abdominales n’évoquant pas a priori une MTEV peuvent être en lien avec une TVP iliaque isolée ou de la veine cave inférieure pendant la grossesse.

Malgré le risque absolu très faible des événements thromboemboliques veineux durant la grossesse, la crainte d’une issue potentiellement fatale en cas de diagnostic manqué pousse les cliniciens à avoir un seuil de suspicion très bas. La prévalence nettement plus faible des cas de MTEV confirmés parmi les patients suspects dans les co- hortes de femmes enceintes (moins de 10%)6,7 par rapport aux populations des études hors grossesse (environ 20%) 8,9 reflète clairement cette tendance.

Les stratégies diagnostiques en cas de suspicion de TVP ou EP en dehors de la grossesse ont été largement va- lidées et reposent actuellement sur une étape initiale es- sentielle : l’établissement de la probabilité clinique, stan- dardisée à l’aide de scores cliniques simples. Cependant, certains items de ces scores ne sont pas adaptés à un col- lectif de femmes enceintes jeunes et sans comorbidités majeures. De plus, ces scores n’ont été ni dérivés ni vali- dés dans des collectifs de femmes enceintes. En pratique, la probabilité clinique est donc estimée de manière empi- rique pendant la grossesse. En cas de suspicion forte, une imagerie complémentaire est nécessaire. Si la suspicion n’est pas forte, le dosage des D-dimères pourrait être utile pour l’exclusion de la MTEV par analogie aux études sur les populations de patients hors grossesse.10

d

-

dimères

L’activation de la coagulation associée à une augmenta- tion progressive des D-dimères au cours de la grossesse a comme conséquence une diminution de la spécificité et du rendement diagnostique de ce test. Le nombre de patients à tester pour obtenir un test négatif est donc plus élevé pendant la grossesse. Si l’on considère néanmoins que des D-dimères négatifs chez une patiente avec probabilité non forte d’EP permettent d’exclure le diagnostic et d’éviter une imagerie irradiante, ce test garde alors tout son intérêt, sur- tout pendant les deux premiers trimestres de la grossesse.

Le suivi des D-dimères (Vidas, BioMérieux) chez 144 fem- mes menant des grossesses sans complication a en effet montré des taux restant inférieurs à 500 ng/ml chez 52% des femmes jusqu’à la dix-neuvième semaine d’aménorrhée.11 De plus, une étude prospective canadienne rapporte une sensibilité élevée (100% ; IC : 95%, 77-100%) et une excel- lente valeur prédictive négative (100% ; IC : 95%, 95-100%) des D-dimères (SimpliRED, AGEN Biomedical) dans un col- lectif de 149 patientes enceintes, suspectes de TVP qui ont toutes eu un dosage des D-dimères et une échogra- phie veineuse des membres inférieurs.12 Les mêmes au- teurs ont publié cette année une autre étude suggérant que des valeurs-seuils de D-dimères plus élevées durant la grossesse permettraient d’augmenter la spécificité sans affec ter la sensibilité du test.6 La prudence est toutefois

de rigueur en raison de limites méthodologiques de cette étude.

En pratique, il est raisonnable de penser qu’un test de D-dimères négatif exclut le diagnostic de MTEV chez la femme enceinte avec probabilité clinique non forte, bien que cela attende confirmation dans une étude prospec- tive.

diagnosticdethromboseveineuse

profonde

Particularités cliniques de la TVP pendant la grossesse

Malgré un apport limité de la clinique pour le diagnos- tic de TVP pendant la grossesse, quelques éléments sont utiles à connaître. Les œdèmes des membres inférieurs (OMI) sont plus fréquents pendant le troisième trimestre de la grossesse, alors que les TVP surviennent tout le long de la grossesse.4 La grande majorité des femmes qui ont des OMI en fin de grossesse n’ont donc pas de TVP, alors que la probabilité de ce diagnostic est plus élevée en cas d’œdème d’un MI (surtout du côté gauche) pendant le pre- mier trimestre. La distribution anatomique des TVP pen- dant la grossesse présente en effet certaines particularités.

De manière constante, les études rapportent une nette prédominance des TVP du MI gauche, atteint dans plus de 80% des cas,4 probablement en raison d’une compression par l’utérus gravide de la veine iliaque commune gauche à son croisement avec l’artère iliaque commune droite. Des éléments de compression mécanique contribuent proba- blement aussi à la fréquence de l’atteinte isolée des veines proximales sans atteinte des veines jambières, 70% des cas dans une revue systématique récente, avec parmi ces cas une atteinte limitée à la veine iliaque et/ou fémorale sans atteinte poplitée et jambière chez 64%.13 La throm- bose semble donc fréquemment se propager de manière

«descendante» et non de manière «ascendante» à partir des veines du mollet comme c’est le plus souvent le cas en dehors de la grossesse. Bien qu’il puisse y avoir des limi- tes liées à la sensibilité plus faible de l’échographie pour les TVP distales, cette même revue sys tématique incluant des études échographiques et phlébographiques (gold stan­

dard) rapporte que seules 6% de tou tes les TVP diag nos- tiquées durant la grossesse sont des TVP distales isolées (également appelées TVP jambières ou infra-poplitées).13 Ceci se confirme également dans une étude prospective récente dans laquelle moins de 10% des TVP sont distales chez la femme enceinte.14

Trois éléments cliniques montrent une association par- ticulièrement élevée avec la présence d’une TVP pendant la grossesse et ont été intégrés dans un «score» clinique publié sous l’acronyme LEFt : atteinte du MI gauche (Left), asymétrie de périmètre des mollets de M 2 cm (Edema) et présentation durant le premier trimestre (First trimester).15 Dans cette étude rétrospective de 194 femmes enceintes suspectes de TVP, la prévalence de TVP est de 0% (IC 0-4,2%) chez les patientes qui n’ont aucun de ces trois cri- tères, 16,4% (IC 10,5-24,7%) en présence de M 1 critère et 58,3% (IC 35,8-75,5%) en présence M 2 critères (tableau 1).

La capacité discriminatoire de ce score semble donc très

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bonne (c-statistique 0,943), mais une validation prospec- tive est encore nécessaire.15

Echographie de compression veineuse des membres inférieurs

Si la pléthysmographie veineuse est le seul examen for- mellement validé à ce jour chez des patientes encein tes pour le diagnostic de TVP,16 elle a cependant été aban- donnée en raison de performances moins bonnes que l’écho graphie des MI en dehors de la grossesse. Hors gros- sesse, une échographie veineuse complète des MI nor- male évaluant à la fois le réseau veineux proximal (veines fémorales communes, fémorales superficielles et popli- tées) et distal (veines jambières) permet d’exclure le diag- nostic de TVP avec sécurité.17 Pendant la grossesse et le post-partum, seules des données rétrospectives sont pu- bliées à ce jour, rapportant également une bonne perfor- mance de l’échographie complète des MI dans ce con- texte.18 Une étude prospective menée chez 207 femmes enceintes ou dans le post-partum et adressées pour sus- picion de TVP sera publiée prochainement. Elle confirme formellement la sécurité d’exclure le diagnostic de TVP dans ce collectif sur la base d’une échographie normale avec un faible taux d’événements thromboemboliques à trois mois (1,1% ; IC 95% : 0,3-4,0%).14 Ce taux d’événements thromboemboliques à trois mois est similaire aux résultats des études effectuées en dehors de la grossesse et à celui de la phlébographie, encore considérée comme le gold stan­

dard (1,3% ; IC 95% : 0,3-4,4%).19

Cependant, en présence d’une clinique fortement évo- catrice d’une TVP distale avec une douleur localisée au mollet, associée à une échographie normale ou douteuse, il paraît raisonnable de répéter l’examen à environ trois jours d’intervalle afin de s’assurer de l’absence d’exten- sion d’une éventuelle TVP distale manquée initialement.

A l’inverse, le diagnostic de TVP distale ne devrait être re- tenu qu’en cas d’image claire d’une incompressibilité de ces veines.

En raison de la prévalence plus élevée de la TVP ilia- que isolée pendant la grossesse, un écho-doppler soi- gneux de l’axe iliaque est souhaitable chez toute patiente enceinte suspecte de TVP et semble performant pour ex- clure le diag nostic de TVP iliaque.20 En cas de clinique for-

tement suggestive (tuméfaction diffuse de tout un mem- bre, douleurs lombaires/fessières/inguinales) et/ou d’un écho-doppler iliaque douteux, des investigations supplé- mentaires sont nécessaires. L’IRM semble alors avoir une bonne sensibilité pour la TVP iliaque.21 La phlébographie est irradiante pour le fœtus et devrait être réservée à des situations exceptionnelles dans lesquelles une certitude diag nostique ne peut être obtenue par des examens moins invasifs. Une suggestion d’algorithme diagnostique en cas de suspicion de TVP pendant la grossesse est présentée dans la figure 1.

diagnosticd

embolie pulmonaire

L’apport de la clinique et des examens complémentai- res de base (par exemple : saturation en oxygène ou gra- dient alvéolo-artériel) est très limité pour le diagnostic d’EP y compris pendant la grossesse.22,23 De plus, en l’absence de scores cliniques adaptés, la probabilité clinique ini- tiale d’EP ne peut être établie que de façon empirique du- rant la grossesse. En cas de probabilité clinique jugée forte, ou de probabilité clinique non forte associée à des D-dimè res positifs, des investigations supplémentaires sont indiquées (figure 2).

Echographie de compression veineuse des membres inférieurs

Même en l’absence de clinique évocatrice au niveau des MI, le premier examen chez les femmes enceintes sus- pectes d’EP devrait être une échographie de compression veineuse des MI. En effet, les potentiels effets térato- gènes et oncogènes d’examens irradiants étant un souci constant pendant la grossesse, toutes les stratégies permet- tant de limiter leur utilisation devraient être appliquées.

La découverte d’une TVP proximale dans ce contexte permet de retenir le diagnostic d’EP sans investigation supplé- mentaire. Toutefois, en l’absence de TVP proximale, une imagerie thoracique est nécessaire.

Imagerie thoracique et irradiation fœtale

La dose d’irradiation critique pour le fœtus humain n’est pas définie avec certitude. La probabilité de développer des anomalies congénitales semble n’augmenter qu’en cas d’exposition à une irradiation M 100 000 mGy. Le seuil d’irradiation fœtale potentiellement associée à une aug- mentation du risque de cancer avant l’âge de vingt ans se situe quant à lui aux alentours de 10 000 mGy.24 Les doses estimées d’irradiation absorbée par le fœtus lors de diffé- rents examens radiologiques se trouvent très largement en dessous de ces seuils (tableau 2). De manière géné- rale, la mortalité associée à une EP non diagnostiquée (20- 30%) dépasse largement le potentiel risque lié à l’irradia- tion fœtale.

Scintigraphie pulmonaire

La scintigraphie est l’examen le mieux validé pour le diagnostic d’EP pendant la grossesse. La scintigraphie de perfusion seule (sans ventilation) a des performances si- milaires à celles de la scintigraphie de ventilation-perfu- sion (V/Q) chez les patients jeunes sans comorbidité pul- Score LEFt

• Atteinte du membre inférieur G (Left)

• Asymétrie de périmètre des mollets M 2 cm (Edema)

• Présentation au premier trimestre (First trimester) Nombre d’items du score Prévalence de TVP %

(IC 95%)

0 0% (0-4,2%)

M 1 16,4% (10,5-24,7%)

M 2 58,3% (35,8-75,5%)

Tableau 1. Prévalence de la thrombose veineuse profonde (TVP) chez des femmes enceintes avec suspicion de TVP en fonction du score LEFt (Adapté de réf.15).

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monaire tout en étant moins irradiante.25 De plus, alors que le taux de scintigraphies V/Q non conclusives est de 50-70% chez des patientes hors grossesse, il n’était que de 25% dans un collectif de 120 femmes enceintes suspectes d’EP.7 Le taux de scintigraphies normales dans ce même collectif était de 73% (contre 10-30% des populations sans femmes enceintes), et aucune des patientes non anticoa- gulées sur la base d’une scintigraphie normale ou non conclusive n’a présenté d’événements thromboemboliques durant le suivi (0% ; IC 95% : 0-1%, suivi moyen vingt mois),

confirmant donc l’utilité diagnostique de ce test pendant la grossesse.7 Enfin, aucune augmentation du taux d’ano- malies congénitales ou du développement n’a été obser- vée chez les enfants nés de mères ayant bénéficié d’une scintigraphie.7 Une analyse rétrospective récente montre également un taux de scintigraphies normales de 70% et non conclusives de 19% chez 91 femmes enceintes sus- pectes d’EP.26 La limite principale de la scintigraphie reste toutefois ce pourcentage non négligeable d’examens non diagnostiques (20-25%).

Figure 1. Suggestion d’algorithme diagnostique en cas de suspicion de thrombose veineuse profonde (TVP) pendant la grossesse

PC : probabilité clinique empirique ; MI : membres inférieurs.

Pas de traitement

Pas de traitement

Echographie de compression veineuse

complète à J2-J3

IRM, voire phlébographie

Traitement Suspicion de TVP

PC non forte

D-dimères

Négatifs

Suspicion de TVP

distale Suspicion de TVP

iliaque Positifs

Normale Examen douteux TVP proximale

ou distale Echographie de compression

veineuse complète des MI PC forte

Figure 2. Suggestion d’algorithme diagnostique en cas de suspicion d’embolie pulmonaire (EP) pendant la grossesse

PC : probabilité clinique empirique ; MI : membres inférieurs ; TVP : thrombose veineuse profonde.

Pas de traitement

Scintigraphie de perfusion ou scanner thoracique Suspicion d’EP

PC non forte

D-dimères

Négatifs Positifs

Absence de TVP proximale TVP proximale

Traitement Echographie de compression

veineuse proximale des MI PC forte

Diagnostic d’EP retenu

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Angioscanner spiralé

La validité du scanner spiralé multi-barrettes associé aux D-dimères dans le diagnostic d’EP dans des collectifs hors grossesse a largement été démontrée.9 Chez les fem- mes enceintes, la question de potentielles limites tech- niques menant à une mauvaise opacification vasculaire a été soulevée.27 Cependant, une étude rétrospective ré- cente incluant 106 femmes enceintes ayant eu un scanner spiralé pour suspicion d’EP rapporte un taux d’examens jugés de qualité insuffisante relativement faible (5,6%).28 Le rendement diagnostique du scanner spiralé pourrait donc être meilleur que celui de la scintigraphie V/Q pen- dant la grossesse avec une irradiation fœtale moindre. D’au- tres avantages du scanner sont une plus grande disponibi- lité et la possibilité d’identifier un diagnostic alternatif si l’EP est exclue. Quant au risque d’hypothyroïdie fœtale en lien avec les produits de contraste iodés, il semble plus s’agir d’un risque théorique que réel.29

Il faut toutefois attirer l’attention sur le fait que l’irradia- tion mammaire maternelle par le scanner (0,02-0,06 Gy) est 150 fois supérieure à celle de la scintigraphie,24 même si elle peut être réduite par l’utilisation de protections mammaires et l’adaptation des techniques d’acquisition

des images.30 La prise de conscience du risque potentiel de cancer radio-induit pourrait donc freiner l’utilisation à large échelle du scanner spiralé chez les femmes jeunes dans le futur.

La supériorité de l’une ou l’autre imagerie thoracique en cas de suspicion d’EP pendant la grossesse n’est donc pas clairement établie à ce jour. La scintigraphie reste l’examen le mieux validé, mais des études prospectives sont en cours pour évaluer l’efficacité et la sécurité diag- nostiques du scanner spiralé pendant la grossesse. En at- tendant le résultat de ces études, la scintigraphie n’étant pas disponible dans tous les centres, il est de loin préfé- rable de réaliser un angioscanner que de manquer un diag- nostic d’EP pendant la grossesse. Les avantages et incon- vénients de ces deux modalités d’imagerie chez la femme enceinte sont utiles à connaître et sont présentés dans le tableau 3.

conclusions

Le diagnostic de TVP et/ou d’EP est difficile pendant la grossesse. En l’absence de validation formelle des diffé- rentes stratégies diagnostiques chez les femmes encein- tes, celles-ci sont appliquées par extrapolation durant la grossesse. La confirmation ou l’exclusion de la MTEV avec certitude est particulièrement importante pendant la gros- sesse. Les complications potentielles liées à une anticoa- gulation thérapeutique sont inacceptables si un diagnostic de certitude de TVP et/ou EP n’a pas été posé. A l’inverse, un diagnostic manqué peut avoir une issue dramatique.

La démarche diagnostique en cas de suspicion de TVP re- pose dans la quasi-totalité des cas sur des examens non invasifs. La situation est plus complexe en cas de suspi- cion d’EP. L’évaluation de la balance entre nécessité diag- nostique et craintes liées à l’irradiation fœtale mais aussi maternelle est parfois difficile. En règle générale, il est ce- pendant largement admis que l’issue potentiellement fa- tale d’une EP manquée justifie le risque lié aux examens complémentaires.

Irradiation estimée en mGy

Radiographie du thorax 1

Scintigraphie de perfusion seule 140-250 Scintigraphie de ventilation seule 280-510

Scanner spiralé 3-131

Angiographie pulmonaire

• Voie brachiale l 500

• Voie fémorale 2000-3000

Phlébographie des membres inférieurs 6000 Tableau 2. Doses d’irradiation fœtale estimées pour les différents examens diagnostiques (Adapté de réf.24).

Scintigraphie V/Q Scanner spiralé Points • Irradiation maternelle faible • Grande disponibilité forts • Irradiation fœtale faible • Irradiation fœtale très

• Utilité diagnostique plus faible

élevée qu’en dehors de • Possibilité d’un diagnostic la grossesse (70% d’examens alternatif

normaux pendant la grossesse)

Points • Environ 20% d’examens • Irradiation maternelle faibles non conclusifs plus élevée (mammaire)

• Absence de diagnostic • Risque théorique d’hypo- alternatif thyroïdie néonatale

• Validation prospective • Absence de validation limitée à de petits collectifs prospective (études pendant la grossesse en cours) pendant la

grossesse

Tableau 3. Points forts et points faibles de la scinti- graphie de ventilation/perfusion (V/Q) et du scanner spiralé pendant la grossesse

Implications pratiques

Le diagnostic de maladie thromboembolique veineuse (MTEV) pendant la grossesse est difficile

Les D-dimères sont utiles pendant les deux premiers tri- mestres de la grossesse pour l’exclusion de la MTEV si la sus- picion clinique n’est pas forte

Pour des raisons anatomiques, la grande majorité des throm- boses veineuses profondes (TVP) durant la grossesse touchent le membre inférieur gauche

Une échographie de compression veineuse proximale et dis- tale des membres inférieurs permet d’écarter le diagnostic de TVP avec sécurité

La supériorité du scanner spiralé ou de la scintigraphie pul- monaire pour le diagnostic d’embolie pulmonaire (EP) n’est pas clairement établie, mais l’issue potentiellement fatale d’un diagnostic manqué justifie l’utilisation de l’un de ces examens malgré l’irradiation fœtale et maternelle

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Bibliographie

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