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Prévention secondaire de la maladie thromboembolique veineuse : où en est-on en 2016 ?

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Texte intégral

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MISE AU POINT

Prévention secondaire de la maladie

thromboembolique veineuse : où en est-on en 2016 ?

Secondary prevention of venous thrombosis: where are we in 2016?

J. Emmerich*

* Cardiologie et médecine vasculaire ; Centre de diagnostic et thérapeutique, Hôtel-Dieu, université Paris-Des- cartes.

Durant des décennies, le traitement de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) s’est résumé à l’héparine non fractionnée ou de bas poids moléculaire, initialement associée à des antivitamines K (AVK), ces dernières pouvant être maintenues en cas de récidive de la MTEV. Le développement récent des anticoagulants oraux directs (AOD), et d’autres approches, a bouleversé le paysage thérapeutique tant à la phase aiguë qu’en prévention secondaire. La prévention secondaire de la MTEV se réfère au traitement anticoagulant poursuivi après la durée initiale du traitement de la thrombose à la phase aiguë, c’est-à-dire après les 3 à 6 premiers mois de traitement recommandés pour l’épisode aigu. Nous ne traiterons pas ici du sujet non controversé du traitement d’un second épisode idiopathique d’embolie pulmonaire (EP) ou de thrombose veineuse profonde (TVP) proximale, car dans ce cas de figure, il existe un consensus pour proposer un traitement préventif au long cours de la MTEV. Nous nous focaliserons sur la prévention secondaire après un premier épisode de MTEV idiopathique, car les AOD ont remis ce sujet sur le devant de la scène avec des études disponibles dévolues spécifiquement à cette indication.

Risques de récidive de la MTEV

On sait depuis le milieu des années 1990 que la MTEV récidive chez environ 20 à 25 % des patients ayant présenté un premier épisode de TVP ou d’EP.

En dehors du cas particulier des récidives associées à un cancer sous-jacent, on connaît maintenant les principaux facteurs de risque de récidive. Les carac- téristiques cliniques associées à la récidive sont prin- cipalement le caractère idiopathique de l’épisode

initial : une MTEV consécutive à un facteur déclen- chant fort, comme une chirurgie orthopédique, a un risque de récidive faible (< 2 % à 2 ans) ; si le facteur déclenchant n’est pas chirurgical, le risque est intermédiaire (5-10 % à 2 ans). En cas de MTEV idiopathique, le risque de récidive est de l’ordre de 10 % par an durant les 2 premières années, puis semble s’atténuer au-delà (1, 2). De façon intéres- sante, la plupart des anomalies responsables de thrombophilie ne sont pas associées à un risque de récidive augmenté (1). Le sexe masculin multiplie par 2 le risque de récidive de la MTEV (3, 4). Ce facteur de risque est d’ailleurs retenu dans toutes les tentatives de développer un score de récurrence utile aux cliniciens, même si aucun n’a encore réellement émergé en pratique. Biologiquement, le seul facteur potentiellement utile est la mesure des D-dimères, après arrêt des anticoagulants (5). C’est également le seul facteur biologique qui soit souvent intégré aux scores prédictifs de la récurrence. Un seul score, le score DASH, paraît intéressant par sa bonne valeur prédictive négative (risque de récidive inférieur à 5 % quand il est inférieur ou égal à 1) [6]. Ce score est résumé dans le tableau I. On sait enfin que la plupart des MTEV récidivent sous la même forme que l’épisode initial : ainsi, 80 % des récidives d’EP seront des EP, et 80 % des récidives de TVP, des TVP.

De plus, le risque de récidive d’une EP est 3 fois plus élevé que celui d’une TVP proximale (quand celui d’une TVP distale est très faible) [7].

Récemment, lors du congrès de l’European Society of Cardiology (ESC) de 2016, Marc Crowther a pré- senté les données du score HERDOO2 (tableau II), qui ne s’applique qu’aux femmes, dans un suivi de cohorte prospectif. Les femmes ayant un score de 0 ou 1 ont un faible risque de MTEV (3 % à 1 an) et peuvent arrêter leur traitement anticoagulant après

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Points forts

» Les risques de récidive après un premier épisode de MTEV idiopathique sont importants, de l’ordre de 20 à 25 %.

» Les AOD, en prévention secondaire de la MTEV, à dose anticoagulante, sont au moins aussi efficaces que les AVK à long terme.

» L’aspirine à la dose de 100 mg/j réduit d’un tiers le risque de récidive de la MTEV.

Mots-clés

AOD Aspirine Anticoagulant Embolie pulmonaire Thrombose veineuse profonde

Highlights

»After a first episode of idio- pathic VTE the recurrent risk is 20-25%.

»In secondary prevention of VTE, anticoagulant doses of DOAC are at least as efficient as long term VKA.

»Aspirin (100 mg/d) reduces by one third the recurrent risk of VTE.

Keywords

DOAC Aspirin Anticoagulant Pulmonary embolism Deep vein thrombosis

les 3 mois initiaux (étude REVERSE II). Un autre score de récidive a été publié, le score de VIENNE, mais il est difficile à utiliser en pratique clinique.

Données de prévention secondaire de la MTEV avec les AVK avant l’ère des AOD

Les études dont nous disposons sur la prévention secondaire par les AVK ont toutes été effectuées entre la fin des années 1990 et 2003, sauf une excep- tion, publiée en 2015. Elles sont toutes de taille rela- tivement petite, avec une puissance permettant de répondre au bénéfice des AVK selon leur durée dans la prévention des récidives, mais aucune n’a la puis- sance nécessaire pour démontrer un bénéfice sur la mortalité liée aux récidives de MTEV et au potentiel bénéfice des AVK sur cet événement.

L’étude LAFIT a randomisé 162 patients ayant eu un premier épisode de MTEV idiopathique pour leur administrer, après 3 mois de traitement initial, soit un placebo, soit un AVK (INR : 2 à 3) pendant 2 ans.

La diminution du risque de récidive a atteint 95 %, au prix de 7 fois plus d’hémorragies totales. La caracté- ristique de cette étude était qu’elle analysait les évé- nements au moment de l’arrêt du traitement dans le groupe intervention, contrairement aux études suivantes, qui ont comparé un traitement court à un traitement prolongé, mais qui ont ensuite analysé les récidives à distance de l’arrêt du traitement dans les 2 groupes.

Dans ces études (WODIT, DOT-AVK et PADIS-EP) [8], il est ainsi clairement mis en évidence que, si le traitement prolongé par AVK réduit d’environ 80 % les récidives par rapport à l’absence de traitement, dès l’arrêt des AVK, un phénomène de rattrapage des récidives est observé dans le groupe ayant reçu le traitement prolongé, la perte du bénéfice initial survenant environ 2 ans après l’arrêt du traitement anticoagulant. L’étude PADIS-PE, la plus récente et méthodologiquement la plus solide (étude multi- centrique française, randomisée, contrôlée en double aveugle) a comparé, après la période thérapeutique initiale de 6 mois, 18 mois de traitement supplé- mentaire par warfarine à 18 mois de placebo chez 374 patients ayant eu un premier épisode d’EP idio- pathique (9). Après cette période thérapeutique, un suivi supplémentaire des patients a été effectué pendant 2 ans, alors que les 2 groupes ne recevaient plus de traitement actif. L’événement composite principal analysé était la récidive de MTEV ou un saignement majeur 18 mois après la randomisa- tion. Les événements secondaires étaient : le même critère combiné à 42 mois, chaque composante de ce critère, ainsi que les décès non associés à une EP ou les saignements majeurs à 18 et 24 mois.

Après 18 mois, l’événement primaire est survenu chez 6 (3,3 %) des 184 patients traités par warfa- rine, et chez 25 (13,5 %) des 187 patients ayant reçu le placebo. Cette étude a donc bien démontré et confirmé les résultats des essais précédents mon- trant que la prolongation du traitement par AVK réduit de 80 % le risque de récidive de MTEV, et que le surrisque d’hémorragies majeures durant cette période thérapeutique n’obère pas le bénéfice Tableau I. Le score DASH. Le risque de récidive est inférieur

à 5 % pour un score ≤ 1.

Score DASH

D-dimères augmentés* + 2

Âge < 50 ans + 1

Sexe masculin + 1

Traitement hormonal** – 2

Total =

* Après arrêt des anticoagulants.

** Pour les femmes seulement.

Tableau II. Score HERDOO2 (d’après Crowther M, ESC 2016, Hot Line 2). Ce score ne s’applique qu’aux femmes, les hommes dans cette étude concernant les MTEV idiopathiques ont tous été considérés à haut risque de récidive.

Score HERDOO2

+ 1 Hyperpigmentation

Œdème ou Rougeur

quelle que soit la jambe + 1 D-dimères (Vidas®) > 250 μg/l*

+ 1 Obésité (IMC > 30 kg/m2)

+ 1 Âge > 65 ans

= Total

* Les D-dimères sont effectués sous anticoagulants.

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MISE AU POINT Prévention secondaire de la maladie thromboembolique veineuse en 2016 : où en est-on ?

(4 hémorragies majeures dans le groupe traitement actif versus 1 sous placebo ; OR = 3,96). En revanche, si l’on considère le même critère composite à la fin des 42 mois, le bénéfice disparaît totalement, avec 33 événements (20,8 %) dans le groupe warfarine et 42 (24 %) dans le groupe placebo. Les autres événements secondaires ne différaient pas dans les 2 groupes.

Ainsi, on peut maintenant clairement affirmer qu’après une période thérapeutique initiale de 3 à 6 mois pour un premier épisode thrombotique idio- pathique, la poursuite de la warfarine avec un INR entre 2 et 3 (et, par extrapolation, des autres AVK) diminue de 80 % le risque de récidive et multiplie par environ 4 le risque d’hémorragies majeures. En revanche, dès l’arrêt de ce traitement, le risque de récidive durant les 2 ans qui suivent est de l’ordre de 10 % par an. En l’absence actuelle de critères formels permettant l’identification des patients à haut risque de récidive, les recommandations sont en faveur d’un maintien du traitement chez les sujets ayant présenté un premier épisode de MTEV idiopathique, en éva- luant initialement et régulièrement le rapport béné- fice/risque de cette approche thérapeutique. Il faut néanmoins rester pleinement conscient que cette attitude conduit à traiter 4 patients sur 5 inutilement par des AVK, ce qui augmente fortement le risque hémorragique, alors que seul 1 patient sur 5 aura une récidive, et qu’à l’heure actuelle, on ne dispose pas de preuves formelles d’un bénéfice sur la mortalité liée aux récidives ni sur la mortalité totale, compte tenu de la taille relativement petite de ces essais. Par ailleurs, la prolongation du traitement et son béné- fice potentiel sont également contrebalancés, outre le risque hémorragique, par le coût et l’inconfort du traitement par AVK à long terme (10).

Deux études randomisées publiées en 2003 ont comparé une prévention secondaire par une faible dose d’AVK (INR entre 1,5 et 2) à une dose conven- tionnelle. Dans la première, l’étude ELATE, la fré- quence des récidives était de 1,9 % par an dans le groupe ayant un INR entre 1,5 et 1,9, contre 0,7 % par an dans le groupe ayant un INR conventionnel, sans différence significative concernant la fréquence des hémorragies majeures (respectivement 1,1 et 0,9 % par an), ni de l’ensemble des hémorragies.

Dans la seconde, l’étude PREVENT, après 6,5 mois de traitement initial par AVK, les patients ont été ran- domisés entre un placebo et un traitement par AVK avec un INR entre 1,5 et 2. Les récidives de MTEV sont survenues avec une fréquence de 7,2 % par an dans le groupe placebo, contre 2,6 % dans le groupe AVK. La fréquence des hémorragies majeures était

respectivement de 0,4 et 0,9 % par an. Ces 2 études démontrent qu’un INR à faible dose est moins effi- cace qu’une anticoagulation conventionnelle dans la prévention des récidives, mais diminue néanmoins significativement ces dernières par rapport à un placebo, sans montrer cependant de bénéfice sur la survenue des hémorragies majeures.

Prévention secondaire de la MTEV avec les AOD

L’avènement des AOD a considérablement renforcé nos connaissances sur la prévention secondaire de la MTEV, grâce à la plus grande taille des essais effectués par rapport aux études précédentes avec les AVK. On dispose ainsi de données plus fiables sur leur efficacité, mais surtout sur les risques hémorragiques associés à la prolongation des trai- tements anticoagulants ainsi que sur les risques de décès. Nous analyserons en détail les résultats de ces études, molécule par molécule, qui pour la comparaison entre traitement actif et placebo sont également résumées dans le tableau III (11).

Le dabigatran

Les études RE-MEDY et RE-SONATE ont comparé, en prévention secondaire, le dabigatran aux AVK et à un placebo, respectivement, après au moins 3 mois de traitement anticoagulant initial. Ces 2 études étaient randomisées en double aveugle (12). Bien que la majorité des patients de ces 2 études aient eu une MTEV idiopathique, certains avaient un facteur

Après un premier épisode de MTEV idiopathique, la fréquence des récidives pendant les 2 à 3 pre- mières années suivant l’arrêt du traitement initial (de 3 à 6 mois) par anticoagulant est de l’ordre de 7 à 10 % par an. La poursuite d’une anticoagulation à pleine dose (INR entre 2 et 3) diminue de 80 % la fréquence des récidives (< 1 % par an), au prix d’un risque de survenue d’hémorragies majeures multiplié par 4 (risque de l’ordre de 1 % par an dans les essais contrôlés).

Les récidives surviennent dans la majorité des cas sous la même forme que l’épisode initial : récidive dans 80 % des cas sous forme d’EP quand l’épisode initial était une EP ; 80 % des cas sous forme de TVP quand l’épisode initial était une TVP.

Encadré 1.

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MISE AU POINT

de risque transitoire à l’origine de leur épisode, un cancer actif ou une thrombophilie connue.

Dans l’étude RE-MEDY, où le bras contrôle était la warfarine pour un INR entre 2 et 3 (1 430 patients), le bras actif recevait du dabigatran à la dose de 150 mg matin et soir (1 426 patients), ce qui cor- respond à la dose habituelle utilisée pour le traite- ment de la MTEV. L’étude, qui devait initialement durer 18 mois, a été étendue afin que l’ensemble des patients aient un suivi de 6 à 36 mois, en raison d’événements primaires inférieurs à ceux attendus.

Dans cette étude, l’événement primaire analysé était la récidive de MTEV ou les décès liés à la MTEV. Les événements indésirables majeurs étaient la survenue d’hémorragies majeures et non majeures clinique- ment significatives. Le taux de récidives a été de 1,8 % dans le groupe dabigatran, et de 1,3 % dans le groupe warfarine, la différence n’étant pas signifi- cative, et un critère de non-infériorité du dabigatran par rapport à la warfarine a été atteint. Les saigne- ments majeurs ou cliniquement significatifs étaient de 0,9 % dans le groupe dabigatran, et de 1,8 % dans le groupe warfarine, sans que la différence soit signi- ficative, mais avec un intervalle de confiance frôlant la ligne du 1 (HR = 0,52 ; IC95 : 0,27-1,02). De façon notable, la fréquence des syndromes coronaires aigus était significativement plus importante dans le groupe dabigatran (0,9 %, versus 0,2 % pour le groupe warfarine ; p = 0,02).

Dans l’étude RE-SONATE, le groupe actif (681 patients) recevait la même dose de dabigatran (150 mg × 2/j), et le groupe témoin (662 patients), un placebo. Le suivi initial de cette étude a également dû être amendé, avec une extension de suivi de 1 an après la fin de l’essai. Les événements analysés étaient identiques à ceux de l’essai précédent, sauf que, ici, les décès pour l’événement primaire incluaient l’en-

semble des décès et non pas seulement ceux attribués à la MTEV. Sans surprise pour une comparaison avec un placebo, la fréquence des récidives a été signifi- cativement réduite dans le groupe dabigatran (0,4 versus 5,6 %), ce qui correspond à une diminution des récidives de 92 % durant la période de 6 mois pendant laquelle tous les patients étaient traités.

Après l’arrêt de l’essai, le phénomène de rattrapage noté avec la warfarine (cf. supra) s’observe également avec le dabigatran, puisque, après 18 mois de suivi, la différence entre les 2 groupes reste significative – res- pectivement 6,9 et 10,7 % – mais considérablement réduite (HR = 0,61). La fréquence des saignements majeurs ou cliniquement significatifs était multi- pliée par 3 dans le groupe dabigatran : 5,3, versus 1,8 % (HR = 2,92 ; IC95 : 1,52-5,60). Dans cette étude, 1 patient de chaque groupe a présenté un syndrome coronaire aigu, et 2 décès inexpliqués sont survenus sous placebo, contre aucun sous dabigatran.

On peut donc conclure que, en prévention secon- daire de la MTEV, le dabigatran à la dose de 150 mg

× 2/j n’est pas supérieur à la warfarine mais aug- mente le risque de syndrome coronaire aigu, sans procurer d’avantages déterminants concernant le risque hémorragique. Par rapport à un placebo, la même dose de dabigatran réduit significativement et de façon majeure le risque de récidive (90 %), au prix d’un triplement du risque d’hémorragies majeures ou cliniquement importantes. On ne dispose pas à l’heure actuelle de données sur des doses inférieures de dabigatran en prévention secondaire de la MTEV.

Le rivaroxaban

L’étude EINSTEIN-Extension (13) a randomisé en double aveugle des patients ayant eu une TVP Tableau III. Efficacité des AOD en prévention secondaire et risque hémorragique induit, exprimés en incidence annualisée et en risque relatif (d’après [11]).

Molécule (étude)

Récidive de MTEV Hémorragie majeure ou cliniquement significative

Groupe actif

%/an Groupe placebo

%/an RR

(IC95) Groupe actif

%/an Groupe placebo

%/an RR

(IC95) Rivaroxaban 20 mg

(EINSTEIN Extension) 2,2 12,2 0,18

(0,09-0,39) 10,1 2,0 5,19

(2,3-11,7) Apixaban 2,5 ou 5 mg x 2

(AMPLIFY Extension) 1,8 9,9 0,19*

(0,11-0,48) 3,8 3,3 1,20*

(0,69-2,10) Dabigatran 150 mg x 2

(RE-SONATE) 0,9 11,9 0,08

(0,02-0,25) 12,5 4,2 2,92

(1,52-5,6) Estimation globale 1-2 %/an 10-12 %/an ~ 0,20 1-2 %/an 10-12 %/an 3-5**

1,2*

* Pour le groupe apixaban 2,5 mg x 2. ** Aux doses anticoagulantes (identiques à celles du traitement initial).

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MISE AU POINT Prévention secondaire de la maladie thromboembolique veineuse : où en est-on en 2016 ?

ou une EP et préalablement traités pendant 6 à 12 mois par du rivaroxaban ou des AVK. La durée prévue de l’essai était de 6 à 12 mois. Les patients recevaient soit une dose anticoagulante habituelle de 20 mg de rivaroxaban (602 patients), soit un placebo (595 patients). L’efficacité primaire était jugée sur la combinaison des récidives de TVP ou d’EP associées à la survenue d’EP mortelles. L’évé- nement primaire de sécurité était la survenue d’hé- morragies majeures. Le taux de récidives durant la période de l’essai a été de 1,3 % sous rivaroxaban et de 7,1 % sous placebo, ce qui correspond à une réduc- tion significative de 82 % de l’événement primaire.

Ce bénéfice a été obtenu au prix de 4 hémorragies majeures dans le groupe rivaroxaban, contre aucune dans le groupe placebo. Au total, le pourcentage d’hémorragies majeures ou cliniquement significa- tives a été de 6 % dans le groupe actif et de 1,2 % sous placebo, soit un quintuplement du risque. Il n’y a pas eu de différence sur la mortalité totale entre les 2 groupes (1 sous rivaroxaban et 2 sous placebo).

L’apixaban

L’étude AMPLIFY-EXT est également une étude ran- domisée en double aveugle, qui, par rapport aux précédentes, a l’avantage d’avoir comparé 2 doses d’apixaban : la dose conventionnelle utilisée pour la phase aiguë de la MTEV (5 mg × 2/j) et une dose pré- ventive (2,5 mg × 2/j), ainsi qu’un placebo, chez des patients qui avaient reçu 6 à 12 mois de traitement pour un épisode thromboembolique. Plus de 90 % des patients avaient eu un épisode idiopathique, et environ 12 % avaient un antécédent de MTEV.

L’événement analysé était la survenue de récidives ou de décès (toutes causes confondues) durant un suivi programmé de 1 an. Le taux de récidives et de décès liés à la MTEV à 1 an a été de 8,8 % dans le groupe placebo (829 patients) et de 1,7 % dans chacun des 2 groupes apixaban (5 mg, 813 patients, et 2,5 mg, 840 patients), ce qui correspond à une réduction significative de 80 % des récidives. Il n’y a pas eu d’augmentation des hémorragies majeures.

La fréquence des saignements majeurs ou clinique- ment significatifs a été de 2,7 % sous placebo, 3,2 % sous 2,5 mg d’apixaban et 4,3 % sous 5 mg, sans que les différences soient significatives.

Cette étude est, à notre avis, intéressante parce qu’elle démontre qu’une dose préventive, sans doute plus sûre en prévention secondaire à long terme en situation de “vie réelle”, ne paraît pas différente de la dose curative en termes d’efficacité et réduit le

risque d’hémorragie majeure. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) de cette posologie (2,5 mg

× 2/j) dans cette indication a d’ailleurs été obtenue auprès de l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Autres mesures de prévention secondaire de la MTEV

L’aspirine

Deux études randomisées en double aveugle, WARFASA et ASPIRE, ont comparé la dose de 100 mg d’aspirine à un placebo en prévention secondaire de la MTEV. Ces 2 études sont de taille inférieure à celles effectuées avec les AOD : respectivement 402 et 822 patients. Les patients inclus avaient pré- senté un premier épisode de MTEV idiopathique et avaient reçu au moins 6 mois d’anticoagulant. La durée du traitement par aspirine, dans les 2 études, était d’au moins 2 ans. Le recrutement a été plus difficile que prévu, ce qui explique la petite taille des essais. Ces 2 études étant comparables, une analyse combinée de leurs résultats a pu être effectuée (14).

On doit retenir que, par rapport au placebo, 100 mg d’aspirine réduisent de 32 % le risque de récidive de MTEV et de 34 % le risque d’événement cardio- vasculaire majeur, sans augmentation significative du risque de saignements majeurs ou cliniquement

Les AOD, en prévention secondaire de la MTEV, à dose anticoagulante, sont au moins aussi effi- caces que les AVK à long terme. Par rapport à un placebo, ils diminuent significativement, d’au moins 80 %, le risque de récidive de MTEV.

Par rapport à un placebo, pour 1 000 patients traités en prévention secondaire pendant 1 an, on pré- vient environ 2 récidives d’EP mortelles (en incluant les décès inexpliqués), au prix de la survenue de 1 hémorragie majeure et de 25 saignements non majeurs cliniquement significatifs.

La prévention secondaire à long terme par des doses préventives d’AOD est certainement un progrès significatif, compte tenu de la sécurité de cette approche thérapeutique en termes d’hémorragie (à l’heure actuelle uniquement démontrée pour l’apixaban).

Le bénéfice d’un traitement anticoagulant en pré- vention secondaire sur la mortalité totale n’est pas démontré.

Encadré 2.

(6)

MISE AU POINT

significatifs (HR = 1,47 ; IC95 : 0,70-3,08). Ces études n’ont pas non plus démontré de bénéfice sur la mor- talité totale ou liée à la MTEV.

Si l’aspirine est moins efficace que les anticoagulants (AVK ou AOD) en prévention secondaire, c’est une alternative qui doit être considérée chez des patients à risque cardiovasculaire élevé, chez ceux qui ne sou- haitent pas prendre le risque d’une complication hémorragique et chez les sujets à risque hémorra- gique élevé.

Le sulodexide

Le sulodexide est un glycosaminoglycane naturel qui a des propriétés antithrombotiques et profi- brinolytiques. Dans un essai randomisé, en double aveugle, des patients ayant eu un premier épisode de MTEV idiopathique ont été randomisés pour recevoir 2 fois par jour du sulodexide (2 × 250 U) ou un placebo (15). Après 2 ans de suivi, les récidives étaient au nombre de 15, chez les 307 patients ayant reçu le sulodexide, et de 30, chez les 308 patients ayant reçu le placebo, ce qui correspond à une réduc- tion significative de 50 % du risque de récidive, sans différence concernant la survenue d’hémorragies entre les 2 groupes. Malgré quelques imperfec- tions méthodologiques et une taille relativement réduite, les résultats de cette étude mériteraient d’être confirmés, car elle apporte une alternative nouvelle et intéressante dans la prévention de la MTEV.

Les statines

Après les données de l’étude JUPITER ayant montré en 2009 l’efficacité de la rosuvastatine en prévention primaire de la MTEV, plusieurs auteurs se sont inté- ressés aux effets des statines en prévention secon-

daire. Il s’agit principalement d’études de cohortes ou de registres, et non pas d’études dédiées aux effets des statines en prévention secondaire. Quoi qu’il en soit, une étude cas-témoins nichée au sein du registre danois a pu mettre en évidence que l’uti- lisation des statines, quelles qu’elles soient, rédui- sait de 28 % les récidives de MTEV (16). Cet effet préventif apparaissait, de plus, supérieur pour les statines les plus puissantes.

Conclusion

Il ne fait plus de doute qu’après un épisode de MTEV idiopathique, le risque de récidive (le plus souvent sous la même forme que l’épisode initial) est aug- menté, maximal durant les 2 années suivant l’arrêt des anticoagulants et survenant avec une fréquence de l’ordre de 10 % par an. La poursuite d’un traitement anticoagulant après les 3 mois initiaux réduit de 80 % les risques de récidive durant la période sous traite- ment, mais, à l’arrêt du traitement, un risque de réci- dive identique resurgit. Ainsi, pour éviter ces récidives, il faudrait poursuivre le traitement anticoagulant à long terme, c’est-à-dire faire courir un risque hémor- ragique aux 80 % de patients qui ne récidiveront pas (risque de saignement majeur ou cliniquement signi- ficatif multiplié par 3), mais nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, de données solides sur le bénéfice de la prévention secondaire de la MTEV concernant la mortalité liée à la récidive ou totale. Seules des études pragmatiques, à l’instar des grands essais car- diologiques, devraient pouvoir répondre à cette ques- tion qui est, à notre avis, centrale et déterminante pour prôner une prévention secondaire prolongée et systématique après un premier épisode de MTEV idiopathique. Malheureusement, nous ne disposons pas de scores très discriminants pour sélectionner les patients à haut risque de récidive. De façon pragma- tique, si on souhaite mettre en œuvre une préven- tion secondaire, elle devrait principalement cibler les patients ayant présenté une EP, et en particulier les hommes, dont le risque est le double de celui des femmes. Enfin, compte tenu des données actuelles, et de leur plus faible risque hémorragique, les doses faibles d’AOD devraient être privilégiées, comme cela a été démontré dans l’étude AMPLIFY-EXT. D’autres essais sont en cours à faibles doses avec les autres

AOD.

L’aspirine à la dose de 100 mg/j réduit d’un tiers le risque de récidive de la MTEV.

Pour 1 000 patients traités durant 1 an par de l’aspirine, on prévient 17 récidives de MTEV et 28 événements cardiovasculaires majeurs au prix de 5 épisodes hémorragiques non mortels.

Encadré 3.

L’auteur déclare ne plus avoir de liens d’intérêts depuis avril 2012. Il déclare par ailleurs être membre suppléant du CHMP de l’EMA pour la France, et conseiller technique de l’ANSM.

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MISE AU POINT Prévention secondaire de la maladie thromboembolique veineuse : où en est-on en 2016 ?

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Références bibliographiques (suite de la page 17)

Références

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