PHYSIQUE CELLULAIRE
FUSION MEMBRANAIRE (1) GÉNÉRALITÉS
Jean-Pierre HENRY
17 Octobre 2008
IMPORTANCE PHYSIOLOGIQUE
1- Trafic membranaire intracellulaire
La voie de sécrétion
• Le transfert entre compartiments intra-cellulaires se fait par des vésicules
• Bourgeonnement du
compartiment donneur, transport, puis fusion avec le compartiment accepteur
• Centrifuge: voie de sécrétion, terminée par la fusion avec la
membrane plasmique: exocytose
• Centripète: voie d’endocytose
La voie de sécrétion
• Sécrétion de protéines membranaires fluorescentes
Fusion dans la voie d’endocytose
• Fusion endosome-endosome
• Marquage Rab5, protéine de la membrane des endosomes
Importance physiologique de l’exocytose
• La sécrétion constitutive est importante pour
– Le renouvellement des composants de la membrane cellulaire
– La communication cellulaire
• La sécrétion régulée est à la base de la
communication cellulaire neuronale ou endocrine
• Il existe d’autres formes de sécrétion:
– Sécrétion à partir des lysosomes – La réparation membranaire
– Sécrétion des exosomes
Réparation membranaire
• Une lésion membranaire permet une entrée de Ca2+
• La montée de Ca2+ induit des fusions membranaires
• L’apport de membrane permet de colmater la brèche
Formation et fusion des exosomes
• Les exosomes se forment par bourgeonnement à partir de la membranes lysosomes
• Formation de
« multivesicular bodies »
• Ils sont sécrétés par
exocytose des lysosomes
• La topologie est inverse d’une exocytose directe
IMPORTANCE PHYSIOLOGIQUE
2- La fusion virale
Infection par des virus enveloppés
• De nombreux virus sont
enveloppés par une membrane, issue de la cellule d’origine et portant des protéines virales
• L’infection peut se faire par fusion avec la membrane plasmique (A, SIDA), ou par fusion avec une membrane endosomiale, après endocytose (B, virus de la grippe)
• Les protéines de l’enveloppe
assurent la spécificité cellulaire et la fusion membranaire
IMPORTANCE PHYSIOLOGIQUE
3- La fusion cellule-cellule
Fusions cellule-cellule
au cours du développement
• Les fusions peuvent être hétérotypiques: fécondation
• Elles peuvent être homotypiques: ex. fusion des myoblastes. Les noyaux sont en bleu et l’actine en vert (expérience in vitro)
Caractéristiques des fusions membranaires physiologiques
• Les fusions sont, en général, très spécifiques:
– À l’intérieur de la cellule, il existe des compartiments donneurs et accepteurs
– Les fusions cellules-cellules participent au développement
• Les fusions sont, en général, très régulées:
– Régulation spatiale: l’exocytose peut se faire à des sites bien déterminés
– Régulation temporelle: dans les neurones, la fusion peut avoir lieu en moins d’une ms
Quelles sont les protéines impliquées? Sont-elles les mêmes dans tous les cas
ASPECTS PHYSIQUES DE LA FUSION MEMBRANAIRE
Survol historique
Les différentes forces mises en jeu
• Forces répulsives:
– Effets stériques: ondulation des membranes (Hellfrich) – Effets électrostatiques: charges des têtes polaires des
phospholipides, forces d’hydratation
• Forces attractives:
– Forces hydrophobes, type Van der Wals
Les forces attractives l’emportent à très faible distance
Mesure des forces: Surface Forces Apparatus JN Israelachvili
• Bicouches lipidiques
déposées sur 2 lames de mica
• Géométrie: 2 cylindres croisés
• Distances mesurées par interférométrie (≈1Å)
C A Helm et al(1992) Biochemistry 31, 1794
Adhésion et fusion par SFA
• Approche de 2 bicouches de PC d’œuf
• En C, les 2 couches entrent en contact et il apparaît une singularité
• L’extension de la singularité est interprétée comme une hémifusion
• Ce phénomène n’est pas observé avec de la PC pure
Adhésion et fusion par SFA
• Le processus adhésion-fusion requiert une proximité des membranes (quelques nm)
• Les forces intermembranaires qui régissent
l’adhésion ne sont pas suffisantes pour induire la fusion
• La fusion est contrôlée par l’attraction hydrophobe entre les chaînes carbonées exposées à la phase aqueuse
• L’exposition nécessite un « remodelage » de la membrane: défaut, déplétion, augmentation de la température,stress osmotique
Le modèle du pédoncule
• Le processus de fusion passe par deux intermédiaires remarquables:
• La formation d’un pédoncule (stalk) correspondant à l’hémifusion (fusion des deux monocouches en cis)
• La formation d’un pore correspondant à la fusion des monocouches en trans
• Le pédoncule initial peut donner lieu à un diaphragme
• L’extension du pore conduit à la fusion totale.
(Chernomordik and Kozlov (2008) Nature Struct Mol Biol, 15, 675)
Analyse théorique du modèle
• Le modèle suppose le re-modelage de la bicouche phospholipidique. Quel est le coût énergétique?
• Deux principales approches: i) étude macroscopique du film continuu; ii) modélisation moléculaire
• L’énergie correspondant aux fluctuations thermiques de la membrane a été évaluée à 40 kT
• L’énergie du pédoncule selon le modèle est variable selon la nature du phospholipide; pour le DOPC, elle est de l’ordre de 45 kT et pour DOPE, elle est
négative
• La formation du pédoncule n’est pas « hors de prix »
Structure théorique du pédoncule
• a) et b) obtenues par l’approche des milieux continus (énergies de courbure, tilt)
• c) obtenue par modélisation moléculaire
• Dans ces modèles, il n’y a aucun « vide » entre les molécules, mais un tilt des chaînes carbonées
• La courbure des monocouches est importante
Courbure des membranes: courbure
spontanée, géométrie des phospholipides
• Les phospholipides sont classés en 3 groupes selon leur géométrie :
• Les cônes inversés (grosse tête
polaire, ex.: LysoPC) favorisent une courbure positive de la
monocouche
• Les formes cylindriques (PC)
donnent des monocouches planes
• Les cônes (tête compacte, ex.: PE, DAG et acide arachidonique)
favorisent une courbure négative
Effet de la courbure spontanée sur la fusion
-
Courbure du pédoncule:
monocouche cis
facilite inhibe
Effet PL sur la fusion
PE, AA LysoPC
Lipide
inhibe facilite
Effet PL sur la fusion
+
Courbure du pore:
monocouche trans
- +
Courbure monocouche
Cône Cône inversé
Géométrie
Approche expérimentale
(Chernomordik et al (1995) Biophys J, 69, 922
cis trans
• Une cuve comporte 2 compartiments séparées par une membrane de téflon, percée d’un trou
• On dépose une bicouche plane au niveau du trou
• Des liposomes comportant une porine sont introduits dans un compartiment (cis)
• On impose un voltage entre les compartiments et la fusion correspond à un courant
Approche expérimentale (2)
• La cuve contient 20 mM Ca2+ (agrégation des vésicules sur la bicouche)
• A t=0, on ajoute en cis 270 mM urée (stress osmotique qui entraîne des fusions
• A,B, C: additions en cis; D,E,F: additions en trans
• L’acide arachidonique en trans bloque les
fusions
•La LysoPC bloque en cis et stimule en trans
Approche expérimentale (3)
• Les liposomes contiennent de la Rh-PE quenchée dans leur membrane et de la calcéine (soluble) dans la lumière
• On observe une dilution de la Rh-PE sans dilution de la calcéine
• Interprétation: hémifusion
Conclusions
• La fusion membranaire nécessite une approche des membranes jusqu’à quelques nanomètres
• La courbure des membranes est un paramètre important
• D’autres paramètres sont: la tension de membrane, la composition chimique
• Deux intermédiaires ont été mis en évidence: le pédoncule et le pore de fusion
LA FUSION VIRALE
Un modèle « simple » de fusion de membranes biologiques
Mécanisme de la fusion virale
• La membrane virale comporte des protéines qui déterminent la spécificité cellulaire (étape de
reconnaissance)
• La membrane virale comporte un système de fusion membranaire (pas de participation de la membrane cible)
• Le système fusogène doit être activé: acidité du compartiment endosomial, protéases
• La fusion permet l’introduction du programme génétique du virus dans la cellule
Le virus de l’influenza (grippe)
• La membrane du virus comporte des pointes (spikes) qui
reconnaissent l’acide sialique de glycoprotéines cellulaires
• Le virus est internalisé dans des vésicules endocytotiques
• Il s’accumule dans des lysosomes (pH≈5)
La protéine des pointes HA (hémagglutinine)
• La protéine HA est
protéolysée en HA1 et HA2
• La pointe est formée d’un trimère de (HA1-HA2), à gauche. La membrane virale est en bas et le site de reconnaissance en haut
• HA1:site de reconnaissance
• HA2: insertion membrane virale (Nter), peptide de fusion (Cter, orange)
Structure à pH7: peptide de fusion (hydrophobe) masqué
A pH5, HA
2change de conformation
• Les structures de HA2 sont différentes à
pH5 et pH7
• A pH5, structure en bâtonnet: boucle B se structure, peptide de fusion accessible
• Le peptide d’ancrage et le peptide de
fusion sont voisins
• Structure allongée intermédiaire
Mécanisme hypothétique de fusion
• L’activation se fait par protéolyse, puis par acidification
• La structure intermédiaire est caractérisée par des interactions coil-coiled et l’insertion du peptide de fusion
• Le repliement correspond à une hémifusion
• Le pore de fusion est bordé par des protéines HA2 en épingle à cheveux
(Sapir et al, 2008, Dev Cell, 14, 11)
Mise en évidence de l’hémifusion:
fusion de cellules exprimant HA avec une bicouche plane (1)
• La bicouche contient Rh-PE quenchée; elle est horizontale et sépare 2 compartiments à V imposé
• (Haut) HA native, trans
membranaire; (Bas) HA-GPI, ancrée dans le feuillet externe
• La fusion est induite par
protéolyse, puis acidification
• Conductance:fusion,
fluorescence:continuité des membranes
(Melikyan et al, 1995, J Cel Biol, 131, 679)
Mise en évidence de l’hémifusion:
fusion de cellules exprimant HA avec une bicouche plane (2)
• Avec HA-wt, on observe une fusion complète
– Pores de fusion réversibles (2-20 nS)
– Extension: 1µS, soit ~ 1µm
• Transfert de fluorescence après formation du pore stable
• Avec GPI-HA, pas de pore et transfert de fluorescence:
hémifusion
• L’ouverture du diaphragme requiert de stresser les 2 monocouches
L’hémifusion précède la fusion protéine fusogène du VIH
• On utilise un pseudo virus doublement marqué (jaune)
– Membrane lipidique DID (rouge)
– NC-GFP, protéine soluble
• Fusion avec des cellules
• Vert: rouge disparu; fusion lipides (tête de flèche, flèche)
• Vert disparaît:fusion complète
(Markosyan et al, 2005, Mol Biol Cell 16, 5502)
Protéines de fusion de classe II le virus de la forêt de Semliki
• Alphavirus enveloppé à ARN
• A l’extérieur, réseau de
protéines régulier, E1 et E2
• La protéine E1 est fusogène
• Structure très différente de HA (feuillets β)
• Ancrage transmembranaire en C-ter; peptide fusogène interne
• A pH7, le peptide est à l’interface E1E2 et il est masqué
• Les protéines sont parallèles à la membrane
Comparaison de HA
2et E
1• La membrane virale est en bas, le récepteur cellulaire (HA1, E2) est en haut
• Le peptide fusogène (N-ter à gauche, interne à droite) est masqué dans les deux cas
Structure de E
1à pH5
• Le C-ter (hydrophobe) a été coupé, E1 a été acidifié en présence de liposomes, puis cristallisé avec un détergent
• La membrane figurée est la membrane cible (lysosome)
• On observe un changement de conformation et une trimérisation
(Gibbons et al, 2004, Nature, 427, 320)
• A gauche:
monomère à pH7
• Au centre:
monomère pH5
• A droite: Trimère
Mécanisme hypothétique de fusion (1)
• a) au repos, le peptide fusogène (orange) est
masqué, à l’interface E1E2
• b) à pH5 (lysosome), le complexe E1E2 est
dissocié, le peptide est exposé
• c) E1 trimérise et le peptide contacte la membrane du lysosome
basé sur la comparaison des structures 2D et 3D à pH5 et 7
Mécanisme hypothétique de fusion (2)
• d) les trimères s’organisent en penta et hexamères en déformant la membrane cible
• e) le rapprochement des paries basale et apicale du complexe tire sur les
monocouches en cis
• f) celles-ci fusionnent (hémifusion)
• g) dans la structure finale, il y a ouverture du pore de fusion
Conclusion sur la fusion virale
• La fusion n’implique en général qu’une protéine de la membrane du virus (applications en biotechnologies)
• Il y a plusieurs types de protéines de fusion avec des séquences et des structures différentes
• Le peptide de fusion peut être terminal ou interne (non transmembranaire)
• La fusion implique un rapprochement mais aussi une déformation des membranes, obtenus par
changement de conformation (et oligomérisation)
• On peut mettre en évidence des intermédiaires
« hémifusion » et « pore de fusion »