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Médicaments et personnes âgées : s’indigner ...et se réjouir

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Academic year: 2022

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n peu à la manière du bestseller planétaire de Stéphane Hessel

«Indignez-vous !» (au passage, peut-être pas inutile de rappeler que l’auteur est âgé de 94 ans et illustre magnifiquement ce que peut être un vieillissement actif et productif, quand bien même cet ou- vrage pose juste un nouveau jalon sur une trajectoire de vie déjà extra-or- dinaire), je vous propose un petit moment d’indignation (mesurée), mais aussi de réjouissance (mesurée aussi !).

Indignation d’abord. Leçon de modestie, la semaine passée, en relisant avant signature un rapport concernant une patiente de 82 ans dont le trai-

tement comporte …quinze médica- ments. Ceux d’entre nous qui s’occu- pent de personnes âgées savent le véritable casse-tête que représente une gestion avisée de leur traitement médicamenteux. La meilleure illustra- tion en est probablement l’étude me- née aux Etats-Unis par des gériatres il y a quelques années,1 alors qu’il y était question de rembourser les mé- decins «à la performance». Celle-ci devait être mesurée par leur capacité à appliquer les recommandations de pratique clinique concernant les ma- ladies chroniques les plus fréquentes (diabète, ostéoporose, hypertension, arthrose,…). Ces collègues ont examiné l’applicabilité de ces recomman- dations aux personnes âgées. Résultats : sur neuf recommandations exa- minées, deux seulement mentionnaient spécifiquement les limites d’appli- cation aux patients âgés souffrant de plusieurs pathologies concomitantes (pourtant plutôt la règle après 80 ans). La plupart ne tenaient compte ni des préférences du patient, ni non plus de dimensions comme l’indépen- dance fonctionnelle et la «qualité de vie», pourtant si importantes dans les décisions thérapeutiques chez les patients âgés vulnérables.

L’absurdité d’une telle approche était illustrée par la prise en charge d’une patiente hypothétique de 79 ans cumulant bronchopneumopathie chronique obstructive, diabète de type 2, ostéoporose, hypertension ar- térielle, et arthrose. L’application rigide des recommandations aboutirait à lui administrer …douze médicaments, en dix-neuf (!) doses, à raison de cinq prises quotidiennes, sans oublier un bisphosphonate hebdomadaire pour l’ostéoporose. C’est à peu de chose près le nombre de médicaments de notre patiente (si vous m’accordez de soustraire à sa liste la lotion émolliente, ainsi que le laxatif et le paracétamol en réserve).

Comment se fait-il que nous ne soyons pas meilleurs pour gérer cette complexité ? Bien sûr pas de réponses simples ni de solution miracle à offrir, juste s’indigner encore, pour éviter le fatalisme et l’indifférence. Et justement, à côté du formidable potentiel de la prescription électronique, la collaboration plus systématique et mieux intégrée avec nos collègues pharmaciens est une voie à développer. Des modèles (y compris locaux !) intrahospitalier,2 ambulatoire,3 ou en long séjour 4 ont montré les béné- fices potentiels de telles collaborations, tant pour les patients que sur le plan économique. L’exemple fribourgeois des cercles de qualité et d’as-

Médicaments et personnes âgées : s’indigner …et se réjouir

«… sur neuf recommanda- tions, deux seulement men- tionnaient spécifiquement les limites d’application aux patients âgés …»

éditorial

Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 9 novembre 2011 2163

Editorial

C. Büla

Christophe Büla

Médecin-chef

Service de gériatrie et réadaptation gériatrique

Département de médecine CHUV, Lausanne

Gabriel Gold

Médecin-chef

Service de médecine interne de réhabilitation

Département de médecine interne de réhabilitation et de gériatrie HUG, Genève

Articles publiés

sous la direction des professeurs

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sistance à la prescription en long séjour constitue certainement un exem- ple à suivre.4

Réjouissance ensuite. La faible représentation des personnes âgées est une critique méthodologique fréquente des essais thérapeutiques de ma- ladies les touchant pourtant prioritairement.5 Deux études récentes qui risquent bien de changer le standard de pratique sont – relativement – ré- jouissantes à cet égard. Elles rapportent les bénéfices des nouveaux inhi- biteurs du facteur Xa comme alternative à l’anticoagulation dans la prévention des évé- nements thromboemboliques lors de fibrilla- tion auriculaire non valvulaire.6,7 Même si la population incluse dans ces études reste relativement jeune (âge médian de 73 et 70 ans, respectivement), un quart des partici- pants étaient tout de même âgés de plus de 78 et 76 ans, respectivement.

Mieux, dans la première étude, environ 90% des participants souffraient d’HTA, 60% d’insuffisance cardiaque, 40% de diabète, et plus de la moitié avaient des antécédents emboliques cérébraux ou systémiques.6 Alors, on peut se réjouir que ces patients commencent à ressembler un peu plus aux nôtres. Quelque chose est peut-être en train de changer qui nous aidera certainement à mieux estimer les avantages réels de ces traite- ments chez les candidats les plus probables à en bénéficier. Pourvu que cette tendance se vérifie !

Ce changement, j’aimerais aussi l’interpréter ici comme une sorte de coup de chapeau à l’occasion du départ à la retraite du Professeur Jean- Pierre Michel, coéditeur des numéros de gériatrie de la Revue jusqu’à cette année, et, justement, auteur senior du papier de position précé- demment cité qui demande une meilleure représentation des patients âgés dans les essais thérapeutiques.5 Bonne retraite active, …avec juste ce qu’il faut d’indignation !

2164 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 9 novembre 2011

«… on peut se réjouir que ces patients commencent à ressembler un peu plus aux nôtres …»

Bibliographie

1 Boyd CM, Darer J, Boult C, et al. Clinical prac- tice guidelines and quality of care for older patients with multiple comorbid diseases. Implications for pay for performance. JAMA 2005;294:716-24.

2 Spinewine A, Swine C, Dhillon S, et al. Effect of a collaborative approach on the quality of prescribing for geriatric inpatients : A randomized, controlled trial. J Am Geriatr Soc 2007;55:658-65.

3 Murray MD, Ritchey ME, Wu J, et al. Effect of a pharmacist on adverse drug events and medication errors in outpatients with cardiovascular disease.

Arch Intern Med 2009;169:757-63.

4 Niquille A, Ruggli M, Buchman M, et al. The

nine-year sustained cost-containment impact of Swiss pilot physicians-pharmacists quality circles. Ann Phar- macother 2010;44:650-7.

5 Cherubini A, Del Signore S, Ouslander J, Semmla T, Michel JP. Fighting against age discrimination in clinical trials. J Am Geriatr Soc 2010;58:1791-6.

6 Patel MR, Mahaffey KW, Jyotsna Garg J, et al.

Rivaroxaban versus Warfarin in nonvalvular atrial fibrillation. N Engl J Med 2011;365:883-91.

7 Christopher B. Granger CB, Alexander JH, et al. Apixaban versus Warfarin in patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2011;365:981-92.

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