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Quand les médecins faisaient la guerre aux ovaires (2)

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484 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 février 2012

actualité, info

Quand les médecins faisaient la guerre aux ovaires (2)

Le confluent du XIXe et du XXe siècle ne fut pas toujours la période la plus glorieuse de l’histoire de la médecine. Nous avons vu (Rev Med Suisse 2012;8:438-9) ce qu’il a pu, alors, en être de ce qui nous apparaît comme une prati que – les ovariectomies bilatérales – con traire à toute nécessité thérapeutique. Une pratique furieusement épidémique dont s’em- parèrent feuilletonistes et écrivains, com me nous le rappelle de manière affûtée Caroline de Mulder dans un délicieux petit ouvrage 1 qu’elle vient de signer aux éditions du Seuil.

Un ouvrage éclairant sur ce triptyque allé- gorique qui réunit le savant et la femme sous les feux d’un désir double : libido sciendi et li- bido sentiendi. Le désir-jouissance et le désir- connaissance. Dévoiler et donc, au besoin, ouvrir.

L’affaire, on s’en souvient peut-être, avait commencé avec les autopsies sous les lu- mières tremblantes de la Renaissance. Elle se poursuivait un demi-millénaire plus tard, les scalpels s’attaquant (de leur vivant) à des organes plus que d’autres porteurs de vie.

Pourquoi ? «Dans les romans du XIXe siècle, le médecin prend souvent le relais du prêtre et entretient avec ses patientes des rapports qui ne sont pas exempts d’une domination morale et même physique, écrit Mme de

Mulder. Il sait, voit, palpe, juge et prescrit.

Tous les romans de l’ovariectomie mélan- gent des parfums de harems et des relents de boucheries.»

Daudet (Léon) et ses Morticoles, Zola (Emile) et sa Fécondité. La Science, si c’en est une, se marie au Vice dans des draps de satin brodés.

L’«opération débarrassante» offre à tous «les joies de l’amour sans risque». On fête sa sté- rilité volontaire au «banquet des sans ovai- res». Faudrait-il voir là une préfiguration castratrice de la contraception réversible à venir ? Peut-être.

On peut aussi lire l’inconscient à fleur ou presque de peau. Le grand Charles (Baude- laire) 2 invente ainsi une Mademoiselle Bistouri dans son Spleen de Paris. C’est une «dame entichée de médecins» que l’on retrouve sous le bec du gaz des Petits poèmes en prose. Elle n’a de cesse, pour une petite mort, de voir débarquer chez elle un praticien, chirurgien de préférence avec sa trousse et son tablier, même avec un peu de sang dessus. Le traduc- teur de Poe (Edgar) n’a plus que cinq ans à vivre. Il n’a pas encore fini de trouver des concordances résonantes entre l’acte d’amour et celui de chirurgie. La quête, peut-être, de l’ablation d’un spleen, de la beauté de l’hor- reur. La certitude de celui pour qui le Beau

en marge n’est que la promesse du bonheur, variation su-

blimée d’un propos de Stendhal sortant d’un bal de la société des négociants de Milan.

Le trocart trône. Il s’agit certes d’un ins- trument chirurgical qui sert à propulser à travers les chairs de l’abdomen une aiguille creuse pour faire des ponctions et des biop- sies. «Instrument médical de base, il devient ici un objet sexuel permettant de consom- mer des femmes désirées» écrit Mme de Mulder. «Le vampirisme passe ainsi du do- maine du folklore à celui de la science, et la belle, naguère tuée d’un coup de dents, est maintenant perfusée, ou vidée de son sang au moyen du trocart ou du citrate de soude, poursuit-elle. Qu’elle soit marquise de Sade, de Coulteray, ou simple Lucy, la belle ané- mique vit désormais entourée de médecins qui l’étudient, pour pendre soin d’elle-même ou au contraire la tuer à petit feu. Elle est à la fois désirée, examinée, et vampirisée.» Le savant désirant et la femme désirée-désirante.

L’encre d’Une histoire sans nom de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) n’était pas sèche, qui avait décrit celle qui allait devenir une catégorie à mi-chemin entre l’hémato- logie et la psychiatrie. «Lasthénie de Ferjol avait la blancheur de cette fleur pudique de l’obscurité (le muguet) et elle en avait le mystère. Elle ressemblait au verdissant feuil- lage qui attend le chêne auquel il doit s’en- lacer... Que de jeunes filles qui, dans la vie, rampent sur le sol comme des guirlandes tombées, et qui, plus tard, s’élancent et se tordent autour du tronc aimé et prennent alors leur vraie beauté de lianes ou de guir-

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arbre humain dont elles seront, un jour, la parure et l’orgueil ! (…)

Lasthénie, elle, n’y avait d’autre poudre que la cendre naturelle du plumage de la tourterelle, à la fauve mélancolie. Les yeux de cette tête cendrée, encadrés dans la blan- cheur mate du muguet, qui ressemble à de la porcelaine, apparaissaient grands et bril- lants comme de fantastiques miroirs, et leur éclat verdâtre rappelait celui de certaines glaces à reflets étranges, dus peut-être à la profondeur de leur pureté. (…)

La langueur de sa démarche était de la langueur de ses paupières. Je n’ai connu dans toute ma vie qu’une seule personne de ce charme alangui, et jamais je ne l’oublierai...

C’était une céleste boiteuse. Lasthénie ne boi- tait pas, mais elle avait l’air de boiter.»

Qui dans ces blancs songe alors au sang ? Un siècle plus tard, une apostrophe sépare le L du a et le symbole est devenu syndrome.

Une pathomimie décrite à merveille par Jean Bernard (1907-2006). Résumons. Patientes, proches du milieu médical, cherchant à se provoquer une anémie (de privation, micro- cytaire, hypochrome ; bilan généralement né- gatif ne permettant pas de retrouver l’ori- gine des saignements). Stratagèmes variés (à savoir : don de sang répétitif et scarifica- tions sous anticoagulant). L’anémie obtenue permet d’obtenir en bénéfice secondaire d’être le centre des préoccupations médicales du

médecin consulté. La patien te ayant pour satisfaction une multiplication des explora- tions diagnostiques généra- lement négati ves. Ne pas fai- blir devant le muguet des paupières. Songer de préfé- rence au fer. «Une hospitali- sation des patientes permet de faire cesser les stratégies que ces patientes usent pour perdre du sang et une com- plémentation alimentaire en fer améliore rapidement le taux d’hémoglobine.» Rapi- de ment certes. Durablement ? Ainsi donc le confluent du XIXe et du XXe siècle ne fut- il pas toujours la période la plus glorieuse de l’histoire de la médecine. Mais il ne faut jamais, on le sait, désespérer.

La lumière vint au plus fort des épidémies d’ovariecto- mies. Cela se passa, dit-on, un soir de novembre millési- mé 1895 à Gießen. Wilhelm Röntgen (1845-1923) sait, de- puis peu, qu’à la décharge d’un tube (com- plètement enrobé de carton noir, scellé pour en exclure toute lumière et dans une cham- bre noire), un carton couvert d’un côté de baryum platino-cyanide devient fluorescent lorsqu’il est frappé par les rayons émis de- puis le tube, et ce jusqu’à une distance de deux mètres. Il sait aussi que quelque chose se passe si l’on place des objets divers entre une plaque photographique et la source de rayonnement.

Pourquoi ne pas placer ce qui pourrait être sa signature : l’alliance de son épouse (avec la main qui y est associée) ? Au déve- loppement : l’ombre des os, la pénombre de la chair. Cela ne vaut certes pas l’ouverture et la vision à ciel ouvert. Les rayons X vont pourtant connaître un certain succès.

(A suivre)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Téléphone portable et risque de tumeur cérébrale

Le risque de tumeur cérébrale due à l’usage du téléphone portable est encore incertain.

Une étude de cohorte parmi les Danois âgés de 30 ans et plus a comparé les taux d’incidence sur dix­sept ans de tumeur cérébrale entre 358 403 abonnés au télé­

phone portable avant 1995 et les non­

abonnés. Cette étude a mis en lien les re­

gistres d’abonnés au téléphone portable avec le registre danois du cancer sans contacter les sujets. Après ajustement pour de multiples variables, les abonnés au télé­

phone portable avaient le même risque de tumeur cérébrale que les non­abonnés. Le rapport des taux d’incidence (RTI) est de 1,02 (IC 95% : 0,94­1,10) chez les hommes et de 1,02 (IC 95% : 0,86­1,22) chez les femmes. Ce risque ne varie pas avec la durée d’usage, notamment chez les hom­

mes (RTI = 1,03 ; IC 95% : 0,83­1,27) et les femmes (RTI = 0,91 ; IC 95% : 0,41­2,04) abonnés durant plus de douze ans. Les deux groupes n’ont aucune différence d’in­

cidence de gliome, de méningiome ou d’autres tumeurs ainsi que dans les localisa­

tions des tumeurs cérébrales, notamment du lobe temporal. Les auteurs concluent à l’absence d’association entre l’usage du téléphone portable et le risque de tumeur cérébrale.

Commentaire : Cette étude de grande taille, de longue durée et de bonne qualité ne montre pas d’augmentation du risque de tumeur cérébrale chez les usagers de télé­

phone portable, même pour une utilisation de longue durée. La mesure de l’effet dose­réponse basée sur la durée d’abon­

nement au lieu du temps réel d’utilisation constitue la limitation principale de l’étude.

Comme une association causale avec le risque de tumeur cérébrale est improbable, ces résultats sont très rassurants pour nos patients et les milliards d’usagers de télé­

phone portable.

Jean-Paul Humair Service de médecine de premier recours, HUG, Genève

Frei P, et al. Use of mobile phones and risk of brain tumours : Update of Danish cohort study. BMJ 2011;

343:d6387.

1 De Mudler C. Libido sciendi. Le savant, le désir, la fem me.

Paris : Le Seuil, 2012. ISBN : 978­2­0­105960­1.

2 A son propos, on peut se précipiter sur un chef­d’œuvre : Cassuto R. La Folie Baudelaire. Paris : Gallimard, 2011.

ISBN : 978­2­07­012880­8. Nous y reviendrons.

Jan Steen, Doctor’s Visit

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