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Gammy, 7 mois, trisomique, cardiaque, né d’une mère porteuse (15 000 dollars)

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1524 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 août 2014

actualité, info

Gammy, 7 mois, trisomique, cardiaque, né d’une mère porteuse (15 000 dollars)

C’est une histoire moderne, monstrueuse.

Une histoire de mère porteuse qui a mal tourné. C’est la bien triste histoire de Gam­

my. Gammy est aujourd’hui âgé de sept mois.

Trisomique, il souffre d’une malformation cardiaque et son état nécessite une interven­

tion chirurgicale. Il vit en Thaïlande avec Pattaramon Chanbua, la femme qui lui a donné le jour. Pattaramon Chanbua, 21 ans, déjà mère de deux enfants. Gammy a été conçu par fécondation in vitro. Par contrat et pour un couple australien. Un couple hé­

térosexuel qui n’aurait pas voulu de Gammy (les informations divergent) au motif qu’il est trisomique, ce qui n’était pas prévu dans le contrat. Pattaramon Chanbua a toutefois bien touché les 15 000 dol­

lars pour lesquels elle avait signé : le couple demandeur a été intéressé par la (fausse) jumelle de Gammy qui n’était pas, elle, dotée d’un chro­

mosome surnuméraire.

La mère porteuse a su au qua­

trième mois de sa grossesse que le fœtus («son» fœtus ?) était trisomi­

que. Le couple acheteur lui aurait alors demandé d’avorter. Or, elle ne pou vait pas avorter : l’avortement est une pratique incompatible avec ses croyances bouddhis tes. Et c’est parce qu’elle n’a pas les moyens de financer l’intervention chirurgicale que l’affaire est devenue publique.

Elle avait ima giné que les 15 000 dollars lui permettraient d’éduquer correctement ses enfants. Fort des images de l’enfant trisomique non désiré, le journal thaïlandais Thai Rath (un million d’exemplaires par jour) a publié l’histoire. Et un appel en ligne a été lancé (avec relais des réseaux sociaux #HopeForGammy)

pour recueillir des fonds destinés à réaliser l’intervention. Des milliers de personnes se sont manifestées et l’objectif des 150 000 dol­

lars a été vite atteint. Puis dépassé.

Puis, l’affaire a pris une dimension poli­

tique. Un porte­parole du ministère austra­

lien des Affaires étrangères a fait savoir qu’il était «préoccupé» et qu’il était en consulta­

tion avec les autorités thaïlandaises sur les questions de maternité de substitution. Tares Krassanairawiwong, fonctionnaire du minis­

tère thaïlandais de la Santé, a déclaré que la

GPA (gestation pour autrui) avec rémunéra­

tion était illégale en Thaïlande. Le travail médiatique étant ce qu’il est, le couple aus­

tralien ne pouvait rester longtemps anonyme.

Il ne le resta pas.

Dans un communiqué transmis par une amie au Bunbury Mail, Wendy et David Far­

nell dénoncent les allégations de la mère por­

teuse thaïlandaise. Ils ne lui auraient jamais demandé d’avorter en apprenant que «leur»

fils Gammy était trisomique. Ils n’auraient pas choisi d’abandonner leur petit garçon pour ne repartir qu’avec sa sœur (leur fille) en bonne santé. Ils reconnaissent qu’ils sa­

vaient que «leur» fils souffrait de problèmes

cardiaques. «Gammy était très malade à la naissance. On a dit aux parents biologiques qu’il ne survivrait pas, qu’il avait au mieux un jour à vivre et qu’il fallait venir lui dire au revoir» explique l’amie du couple.

On apprend encore, via le Bunbury Mail, que l’accouchement devait avoir lieu dans un

«grand hôpital international de Thaïlande»

mais la mère porteuse s’est rendue dans un autre établissement, «violant ainsi l’accord passé avec les parents biologiques». Les en­

fants sont nés avec deux mois d’avance à

cause de complications médicales. L’accord rompu, le couple n’avait plus, en principe,

«aucun droit» sur les enfants. La mère por­

teuse (qui voulait garder Gammy et lui or­

ganiser des funérailles thaïlandaises) a néan­

moins accepté de leur donner «sa» (leur) fille.

Elle affirme désormais qu’elle n’abandonnera jamais Gammy.

C’est là une affaire «à fendre le cœur» a avoué le ministre australien de l’Immigra­

tion Scott Morrison. «Bien sûr, beaucoup d’Australiens attendent désespérément de devenir parents, a­t­il reconnu. Mais je pense que cela ne peut pas justifier ce que nous voyons ici.» La Thaïlande est l’une des des­

tinations privilégiées par de nombreux cou­

ples étrangers pour utiliser les services de cliniques de fécondation in vitro et des mères porteuses rémunérées. Le recours payé à une mère porteuse n’est pas autorisé en Austra­

lie et des centaines de couples australiens se rendent chaque année à l’étranger pour trou­

ver des mères porteuses. C’est une informa­

tion donnée par la société Surrogacy Aus­

tra lia qui travaille au grand jour avec des officines indiennes et américaines spéciali­

sées dans le recrutement de mères porteuses mais aussi de donneurs de sperme et d’ovo­

cytes.

La révélation de l’imbroglio Gammy a eu pour effet de mettre en lumière les graves incohérences politiques, idéologiques et éthi­

ques soulevées par la pratique des mères porteuses. C’est tout particulièrement vrai en France où les familles intellectuelles de gauche se déchirent depuis des années sur ce sujet. La France, qui vient d’être tancée sur ce sujet par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette instance lui de­

mande (ainsi qu’à tous les pays de son res­

sort) de reconnaître dans son état­civil les enfants nés de GPA à l’étranger. Et ce, alors que la GPA est une pratique formellement interdite sur le sol français.

Au vu de l’émotion suscitée par l’histoire de Gammy, le quotidien français Libération a interrogé Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la Famille. Un entretien qui permet de prendre l’exacte mesure, ac­

tualisée, de l’incohérence du gouvernement français sur le sujet.

On y apprend que ce gouvernement ne contestera pas l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, le gouvernement le trouvant «conforme à l’esprit humaniste fran­

çais». «Les enfants ne doivent pas être péna­

lisés du mode de conception, même contes­

table, choisi par leurs parents, explique la secrétaire d’Etat. C’est une évolution pro­

gressiste qui s’inscrit dans la continuité du code civil qui ne fait plus de différence entre point de vue

CC BY Tom and Katrien

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 août 2014 1525

: Inter99 randomised trial. BMJ 2014;348:g3617.

enfants légitimes, naturels, adultérins. Il est donc juste que les enfants nés de GPA béné­

ficient de la même sécurité juridique que les autres. Ce qui est en jeu, c’est bien l’intérêt supérieur de l’enfant, pour reprendre une notion souvent avancée.»

Elle soutient encore que

«sécuriser juridiquement les enfants ne signifie pas légiti­

mer la GPA».Et elle ajoute

que le gouvernement français «est favorable à une application fer me du code pénal, qui permet déjà de lutter contre la marchandisa­

tion du corps, le trafic d’êtres humains et de sanctionner les intermédiaires. Ce qui se passe dans certains pays pauvres s’appa­

rente à la traite.»

Libération lui demande s’il peut exister une

«GPA éthique et encadrée». Réponse du gou­

vernement français : «En France, il y a ceux qui privilégient la liberté individuelle et con­

tractuelle et pour qui la GPA est une liberté.

Et ceux qui pensent, comme le dit la loi, que

c’est une marchandisation du corps qui pros­

père sur la détresse matérielle et la surex­

ploitation des femmes. Dans ces pays, on se retrouve avec deux types de traites : repro­

ductive et sexuelle. Comme la prostitution, la GPA est un marché dont le corps de la

femme est la richesse. Une sensibilisation internationale peut être menée à partir des conventions sur la traite. Je ne connais aucune jeune femme diplômée qui se demande si elle va faire mère porteuse, directrice mar­

keting ou prostituée ! Une société doit dire ce qui est moralement et philosophiquement acceptable ou pas.»

Dire, par exemple, que la misère des fem­

mes (celle qui pousse à la location utérine) est inacceptable ? Dire qu’il n’est guère ac­

ceptable d’évoquer, dans un tel débat, le fait que l’on connaît (ou pas) des jeunes femmes

diplômées qui se demandent si elles «vont faire mères porteuses, directrices marketing ou prostituées» ?

La secrétaire d’Etat chargée de la Famille fait savoir qu’elle recevra «après le 15 août»

les personnalités de gauche (dont Hervé Chneiweiss, neurobiologiste, président du Comité d’éthique de l’Inserm, Jacques Tes­

tart, biologiste et René Frydman, gynéco­

logue­obstétricien) signataires de la lettre publiée le 14 juillet dans Libération deman­

dant à Fran çois Hollande, président de la République française, de s’opposer solen­

nellement à l’arrêt rendu par la Cour euro­

péenne des droits de l’homme.

On sait que François Hollande est person­

nellement allergique à la pratique des mères porteuses. L’histoire de Gammy lui offre une belle opportunité de s’exprimer.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

… "Ce qui se passe dans certains pays pauvres s’apparente à la traite" …

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