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Usage des technologies de l’information et de la communication et bien-être

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Academic year: 2022

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Usage des technologies de l’information et de la communication et bien-être

au travail

M.-E. Bobillier Chaumon, E. Brangier, E. Fadier

Les technologies sont de plus en plus au cœur de nos activités professionnelles. Leur déploiement n’est pas neutre. Elles reconfigurent les fac¸ons de penser, de faire, d’organiser, de collaborer, et plus généralement de vivre au/son travail. Ces environnements numériques affectent autant les activités qui se font dans le travail (leur nature, leur contenu, leur modalité, leur régulation et articulation) que celles qui se font à sa périphérie et qui le soutiennent (dimension plus relationnelle, organisationnelle, managériale, etc.), que celles enfin qui se font hors des frontières classiques de l’entreprise (nomadisme, home office, sphère domestique, etc.). Les apports de ces technologies sont également contrastés. Certaines vont faciliter la réalisation de l’activité, la valoriser et apporter de nouvelles possibilités pour le développement du salarié, tandis que d’autres vont plutôt restreindre ses capacités d’action, et le dessaisir de son autonomie et de ses compétences. L’ambition de cet article est de réfléchir aux diverses atteintes auxquelles peut conduire l’usage des technologies sur l’activité professionnelle et le salarié. Notre objectif est de montrer comment ces dispositifs génèrent des effets potentiellement délétères sur le bien-être des salariés en agissant sur les conditions d’exercice et de réalisation de l’activité. Nous verrons ainsi que la santé au travail, c’est avant tout la santé du travail qui ne peut plus se faire ou qui se fait mal avec ces technologies.

©2014ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

Mots-clés :TIC;Activité;Bien-être;Santéautravail;Qualitédevieautravail

Plan

Introduction 1

LesTIC:qu’est-cequec’est? 2

TypesdeTIC 2

LesTICcommeappuiàl’assistance 2

TICcommeressourcesetcontraintes 3

Modificationsdansletemps:interactionspermanentes

etsollicitationscontinues 3

Untravailfragiliséetdégradé 3

Uneactivitémorceléequiperddesonsens 4

Untravaildisperséàrestructurer 4

Technologiesprescriptivesetactivitéempêchée 4 Uneprescriptiondelasubjectivitéautravail 4 Unechargeémotionnelleliéeàlaconnexion 5

Modificationsdansl’espace:contrôlerégulieretporosité

desmilieuxprofessionnelsetpersonnels 5

Descollectifsfragilisésetdégradés 5

Mobilitéetavènementd’untravailnomade 6

Conflitsentrevieautravailetviehorstravail 6

Conclusion:bien-êtredessalariés,entre

risquesetopportunités 8

Latechniqueestviolenceauniveaudesesobjets,desesprocédures etdesonidéologie.

P.Roqueplo.Penserlatechnique.1983.

Introduction

Sionobserveaujourd’huinossystèmesdetravail,industriels, d’exploitation,deservice,decommunication,etc.,onconstate unegrandedifférenceavecleursaînésde30ans.Eneffet,ilya 30ans(lesannées1980),onsoulignaitdéjàleseffetsnéfastessur lasantéetsurlasécuritédesopérateursdel’introductionmassive del’automatisationdanslessystèmesindustrielsetdansladomo- tique.Cetteintroductionavaitaggravélesconditionsdetravailen fragilisantlessituationsdetravail(auxquellesétaientconfrontés lesopérateursdefabrication,d’exploitationetdemaintenance).

Ilenrésultaitunemodificationdelanatureetducontenudutra- vail,undéplacementdesrisquesencouruspar lesopérateurset utilisateurs.

Dans le domaine industriel, on constate ainsi que la prise encharge,à la fois progressiveet généralisée, par les systèmes d’automatismes et les systèmes informatiques, des opérations misesenjeudansles procédésdefabricationetd’exploitation, a induit deuxincidences majeures:d’unepart une complexité

EMC-Pathologieprofessionnelleetdel’environnement

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croissante, une mixitétechnologique importante,une transfor- mation desmodalitésderéalisationdu travail,unchangement de lanature desrisques,unedématérialisationde l’activité,un rôleconséquentdelaconduiteàdistance,delacommunication, desinterfaceshomme–machine,maisaussidesconsignesetdes procéduresportéesparlesdispositifs,ainsiqu’unemiseenconcur- rence accrueentrelesfirmes etentreleurs salariés,etc.D’autre part, celaintroduit demultiples paradoxesconnussouslenom des«paradoxesdel’automatisation»[1–4]dontlesdeuxprincipaux sont:

• lafortecorrélationentre«degréd’automatisation»etrôlede l’«homme»,c’est-à-direentretâcheversusactivité;

• l’opacité du système de conduite par une confusion entre

«conduite de procédé» et «supervision de dispositif de contrôle/commande»:celaseréfèreàlaconceptiondusystème decommande.

Dansledomaineplusspécifiquedel’usagedestechnologiesde l’informationetdelacommunicationautravail(TIC),onconstate une utilisation massive (parexemple, plusde12logicielsdiffé- rentssurlespostesdetravaildescadres)etintense(enmoyenne entre4heures30et7heuresdeconsultationquotidiennedeces outils[5],selon lesfonctions occupéesdansl’entreprise;d’après la recherchemenéeparBobillierChaumon[6] pourl’association pour l’emploi des cadres [APEC]). Même chose dans la sphère privée,où unsondage del’Institutfranc¸aisd’opinionpublique effectué en février2013[7] faisait état que 42%des franc¸ais se disaientdépendantsdeleurmobileet78%desmoinsde25ans étaientdanscecas;quiplusest,unquartdessondésconsultent leurmobileaumoinsunefoisparheure.

C’estunfaitdésormaisétabliquelesTICsontdevenuesdesins- trumentsindispensablesaufonctionnementdenossociétésdans lamesureoùellescontribuentauxperformancesdesorganisations etàunecertaineefficacitéindividuelle.Ellesamplifienteneffet considérablementnoscapacitésdécisionnelles,informationnelles ou communicationnelles, malgré des risques de dépendance ou d’impératifssentimentsd’urgence.Ellespermettentausside réduire etd’automatiserdes tâches debasniveau etd’enreva- loriser d’autres, d’assurer(la plupart du temps) une sécurité et unequalitédeservice,des’affranchirdescontraintesphysiqueset temporellesdutravailpouruneactivitéplusnomadeetmobile.

AveclesTIC,l’activitéprofessionnelledépendainsidemoinsen moinsdel’interventiondirectedeshommessurl’objetdetravail quedeleursactionssurlesmoyensdutravail,c’est-à-diresurles artefactstechnologiquesquimédiatisentcetteactivité.Cephéno- mènededistanciationestconsubstantielàlaqualitédessystèmes

«homme–machine»utilisés:siunsystèmeestcomplexeàutili- ser(c’est-à-direconc¸uavecunniveaud’utilisabilitéinsuffisant)ou s’ilestdifficiled’attribuerdusensàcetartefacttechniquepouren faireuninstrumentréellementutileethabilitantpoursonacti- vité(notionsd’appropriationetd’acceptationdelatechnologie ensituationd’usage),alorsonpeuts’attendreàcequel’individu éprouvedesdifficultésàréaliseruntravaildanslequelilserecon- naît etpourlequelilestreconnu.Ilyadoncunlienentredes technologiesbienfaitesetuntravailbienfait,entreunenviron- nementtechnologiquedequalitéetuntravaildequalité,etentre lebienfaitd’environnementstechniquesappropriésetlebien-être deleursusagers.

LarelationentrelesTIC,laperformancehumaineetlebien-être estdevenueunpointcentraldel’efficacitéglobaledesorganisa- tions.Parconséquent,ils’avèrenécessairedes’interrogersurles liensentrel’usagedestechnologieset lasantéau travail.Cette problématique s’avère d’autant plus crucialequand on voit la vitesseaveclaquellecestechnologiesprogressent, sesuccèdent, ets’imposentdanslesmondesprofessionnelsetpersonnels.Les changementstechnologiquesréguliersobligentl’individuàopé- rerdeconstantsréajustementssursesmanièresdepenser,defaire, desereprésenter,ouencored’organisersontravailetplusgloba- lementsaviesociale.

Danslasuitedecetarticle,lesauteurslimiterontleursdévelop- pementsauxseulsusagesetimpactsdesTICsurlasantéetsécurité desutilisateurs.Pourappréhenderlaquestiondesrelationsentre lesTICetlebien-êtreautravail,nousdébuteronsparunedéfini- tiondesTICquinousamèneraàcomprendrecommentcelles-ci modifientfondamentalementnotrerapportautempsetàl’espace.

Viendraalorsunparagraphesurlesbouleversements temporels quisontlefaitdesinteractionscontinuesetdessollicitationsrépé- tées que les technologies nous imposent. Les bouleversements spatiaux relèvent d’une réduction phénoménologique des dis- tances qui sontliées au développement de la mobilité et plus largementdunomadisme.Enfin,nousmettronsendébatlaques- tiondesincidencesdesTICsurlebien-êtredessalariés.

Les TIC : qu’est-ce que c’est ?

LesTICfédèrentl’ensembledesoutilsetdesressourcesquiper- met de recevoir, d’émettre,de stocker,d’échanger et detraiter différentesinformationsetconnaissancesentrelesindividus.Ces systèmes proposent depuissants moyens d’action qui peuvent assister, soutenir, renforcer les grandes fonctions humaines (mémoriser, récupérer, traiter, transmettre de l’information, prendredesdécisions,etc.),voireencompenserlaperte.Présentes danstouteslessphèresdenotrevie,lesTICassurentlagestion dequantitéd’activités(télémédecine,e-administration,e-banking, e-commerce, e-RH, etc.). Elles favorisent les communications et les mises en relation entre les personnes. Elles nous assistent enfindansunnombredeplusenplusconséquentdetâchespro- fessionnelles (parexempledes progiciels métiers), domestiques (exemple: domotique pour le maintien et l’hospitalisation à domicile)ousociales(exemple:réseauxsociaux).

Types de TIC

Parmicestechnologies,onpeutdistinguerdesdispositifsaux vocationstrèsdiversescomme[8]:

• lestechnologiesdecommunicationpourtransmettreetéchan- gerdel’information(Internet,intranet, extranet,messagerie, téléphonie);

• lestechnologiesdecollaborationquicherchentàoptimiseret coordonnerletravailenéquipeouenréseau(groupware,collec- ticiel,agendapartagé,réseauxsociaux,visio/audioconférence web2.0,Wiki,workflow);

• lestechnologies degestionpourformaliseret automatiserle recueil, le traitement et l’accès auxdonnées stratégiques de l’entreprise(progicieldegestionintégré,gestionélectronique dedocuments);

• lestechnologiesd’aideàladécisionquiaccompagnent,voire prennentenchargelediagnosticetlarésolutiondeproblème (système-expert, système informatique d’aide à la décision, knowledgemanagement);

• enfin les technologies de formation pour accompagner et encadrerleprocessusd’apprentissageenentreprise(e-learning, environnement informatique pour l’apprentissage humain, dispositifsàréalitévirtuelleouaugmentée,serious-game).

Les TIC comme appui à l’assistance

CesTIContpourfonction généraled’assister l’humaindans sesactivitéspersonnelles,socialesetprofessionnelles.Pluspréci- sément, ellespeuvent recouvrirtroisgrandesfonctionsselonle but quel’onleur assigne:informerl’opérateur, collaboreravec l’opérateuroupallierlesdéficitsdel’opérateur:

• l’assistanceinformativevise à donnerdesinformations,sou- vent de nature procédurale, sur des problèmes posés à un utilisateurpourréaliserunetâchedonnée.L’aideinformative organise le champ informationnel de l’opérateur. Les sup- portsinformatiquesstructurentl’activitédel’opérateurdansla mesureoù ilsinduisentune divisiondestâcheset uneorga- nisation des procédures. Pour illustration, des technologies supplétivesrenforcent ou complètent les capacités des indi- vidusau travail afin d’optimiser leurs actions (en termes de rapidité,deprécision,deréactivité).C’estle casdela messa- gerie,desoutilsbureautiquesquiaccroissentlespossibilitésde traitementetdegestiondesinformations(recherche,partage, activitédeveille,dereporting,etc.);

• l’assistancecollaborativepermetlacollaborationentreunagent d’assistance,humainoutechnique,etunopérateurdisposant

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de ressources limitées. L’opérateur entreen interaction avec l’assistance informatique, qui ne fait pas que présenter des informations (comme pour les aides informatives), mais lui posedesquestions,expliquedesdécisions,aideaudiagnostic, etc.L’assistanteffectueuntridesinformations,traitelesinfor- mationsestiméespertinentesetconseillel’opérateur.L’assisté vaconstruiresonraisonnementaufuretàmesuredesinterac- tionsavecl’assistanceet,pourfinir,opterpourunedécision.

D’unecertainemanière,lesTICseprésententicicommedes technologiesderenforcement:ellesaidentl’individudansson travaildu faitquecesTICsontconsidérées(pourdesraisons économiques,defiabilitéetdecontrôle)plussûres,puissantes etperformantesquelescapacitéshumaines.Onrenforcealors lesmodalitésd’actionhumainespardesdispositifstechniques (exemple:desrobots,des systèmesexperts,dessupercalcula- teurs);

• l’assistance palliative: cestechnologies cherchent à combler undéficitouun manquedel’individusurvenuenraison de diverses causes:variabilité/dégradation deson étatphysique oucognitif(âge,handicap,stress,fatigue,etc.),desexigencesde sonactivité(augmentationdurythme,delachargedetravail), de sa situation professionnelle (réorganisation de l’activité).

L’individu n’est alorsplusen mesure d’assumeraussiparfai- tement quenécessaire sonactivité etvase faire aider parle système.

Remarquons que ce découpage sert surtout à clarifier des typesd’assistancequi,trèssouvent,secombinententreeux.Par exemple,unsmartphoneouunetablettegraphiqueprésentent, selonleslogicielsutilisésetlescontextesd’usage,lestroistypes d’assistance.

Avecl’assistanceàl’activitéhumainecommeobjectif,lesTIC ne sont donc pas étrangères à l’individu, mais elles sont des prolongements de l’humain. La technologie est donc anthro- pologiquementconstituée,c’est-à-dire qu’elle est le résultat de facteurscognitifs,sociauxetculturelsquiontpermisdelaconce- voir,del’aménageretdel’utiliser.Cesinterventionsontcrééun ensembled’interfacesoùsedéroulel’existencehumaine.Dansces interfaces,leshommestravaillent,s’informent,jouent,achètent, communiquent,contrôlentdesrobots,etc.Cesinterfacesrepré- sententuncadre,unlieumatérieletvirtueloùnosconduitesse produisentet se développent. L’hommevit ettravaillede plus enplusenrelationavecdesTIC,quisontsespropresprolonge- ments[9].Enfait,aucoursdeces50dernièresannées,l’homme acommencéàvivredemanièrerégulièreetassidueensymbiose avecdesmachines.Cetteassociationdel’hommeavecles nou- vellestechnologies,notamment celles dela communication et delacognition,devientdurableetmutuellementprofitable.Par voiedeconséquence,letravailaétéremaniéparlatechnologie, si bien qu’aujourd’huitravailler c’estse connecterà sa chaîne d’informationetaccéderauxconnaissancesdisponibles,partagées etenrichiesparsacommunautésocialeetprofessionnelle.Cequi nousconduitd’ailleursà requalifierletermedeTICenTICC,à savoirdetechnologiesdel’information,delacommunicationet delaconnaissance.

TIC comme ressources et contraintes

Vud’abordcommederéelsassistantstechniques,cesdisposi- tifsfournissentdesressourcesquipeuventsoulagerl’individude tâchesnonseulementcomplexes,difficilesoudangereuses,mais égalementmonotones,rébarbativesetpeuvalorisantes.Letemps etlesressourcesdégagéesvontluipermettredes’impliquerdans desoccupations à plusfortevaleur ajoutéeet plusmotivantes.

Enaugmentantlescapacitésetenreconnaissantlescompétences deleurusager,lestechnologiessontaussicapablesdecontribuer au développement du métier, de l’activité et de l’individu[10]. Lesdispositifs peuvent ainsi accepterl’initiative humaine,être accueillants à la créativité et contribuer au développement de l’activitéetàl’épanouissementdel’individu. Falzon[11]qualifie d’ailleurscesenvironnementsde«capacitants»,c’est-à-direqu’ils sontpropicesàl’exécutiondesprojetsdel’individu,etilsrecon- naissentsescompétencesetsespotentiels. Danscecas,les TIC apportentdesressourcespourfavoriserl’autonomieetcontribuer

au développement cognitif des personnes. «Accroissement de l’autonomieetdéveloppementdessavoirssontdeuxfacteursclés del’extensiondupouvoird’agir.»[11]

Toutefois,si les technologiespeuvent revaloriser le travailet requalifierl’individu,ellespeuventégalementcontribueràdéna- turerl’activitéet à dessaisir le sujetde toutce qui faisaitsens pourlui:sespratiquesetsesliensprofessionnels,sesmargesde manœuvre, son rapport au travail. La médiatisation technolo- giquedel’activitépeut doncsefaire audétrimentdu salariéet desontravail.SoitparcequelesTICsontimplémentéespourse substitueràl’individu,ets’approprierainsicequireprésentele cœurdesonactivité:cellequiadusensetquifaitsens.Soitparce quecesoutils impliquentdes reconfigurationset desexigences tellesqu’ellesdéstabilisentle travail,etfragilisentles individus et les collectifs en place[12]. La question de l’introduction des TICetdeleurrenouvellement incessantdansles organisations renvoiedoncfondamentalementàlaquestiondesmutationsdu travail.

L’implémentationdesTICdanslesorganisationscréeeneffet unétatdecritique[13].Elleconstitueunetransitionquigénèredes rupturesvécuesdefac¸onplusoumoinsconflictuelleparrapport aumode de fonctionnementexistant.C’estdevenu unproces- sus continu de changement permanent qui engendre diverses déstabilisations.Ceschangementsrégulierstouchentlastructure etlecontenudes décisionsetdescommunications etaffectent parvoiedeconséquencelesrepèrestraditionnelsdel’espaceet dutempsdetravail.Dansl’espace,carlesTIContcomplément dématérialisélarelationdusalariéàsonbureau,sonatelier,son entreprise,safamille,sondomicile,sibienquelesfrontièresentre lestypesd’espacesesontentièrementestompées.Dansletemps aussi, car les temps du travail se rythment avec le temps des machineset l’orchestrationbatla mesure à la nanoseconde,si bienquel’immédiatetédevientunemodalitéd’organisationdela vieprofessionnelleetsociale.Letempshumaindevientletemps machine.De cesconfusions inédites entreles tempsetespaces professionnels, sociaux et personnels, il en résulte que le tra- vailleurpeuttravaillerpartout...ettoutletemps...Développons àprésentcesdeuxmanièresdontlesTICaffectentlesconduites deshumainsautravail.

Modifications dans le temps : interactions permanentes

et sollicitations continues

Un travail fragilisé et dégradé

On assiste paradoxalement à un accroissement de la charge de travail des salariés avec les TIC;charge de travail que l’on peutdéfinirrapidementcommelerapportentresollicitationset capacitésmobilisablesparl’individu.Lapartd’informationsym- bolique(enquantitéetenqualité)dansletravails’amplifiedonc.

Letravailsetrouveainsidensifiéavecunequantitéd’informations plusgrandeàgérer,etintensifiéavecl’accélérationdurythmeet desséquencesdetravail:rapiditédescommunications,immédia- tetédelaréponse etréactivitédela personnedeviennent ainsi quelques-unesdescaractéristiquesdelatâchedématérialisée.Le réflexeremplacelaréflexionetlasimultanéitédesactivitésdevient une conduite prégnante de l’activité médiatisée. L’empilement detâchesencours,initiées,maisjamaistotalementachevées,se révèledèslorsàlafoisépuisantetangoissant.Lesalariésedis- persedansdestâchesconcurrentesetconcourantesqu’ildoitgérer augrédessollicitationstechnologiquespouravancermalgrétout dansletravail.

Les salariés doivent également faire face à tout un arsenal de TIC, qui est bien souvent décidé et implémenté sans leur consentement: ils doivents’y former, leur trouver une utilité, les intégrer à leur travail, les relier aux autres dispositifs exis- tants et faire évoluer leurs pratiques. Le rapportrédigé sur les risquespsychosociauxàFrance-Telecomfaitainsimentiondeplus de36outils technologiquessur les postesdetravail desopéra- teurs,dontlaplupartsontpeuintuitifsetpeuadaptésaubesoin

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réeldessalariés[14].Cesdésapprentissages/réapprentissagesrégu- liers sont cognitivement épuisantset professionnellement très déstabilisants,tantlesconduitesetlesrèglesdetravailsontétroi- tementassociéesàlamanipulationdesoutils.Onparled’ailleurs de «technostress» pour désigner les craintes, angoisses, frus- trations provoquéesparl’arrivée et l’usagedestechnologies au travail[14,15].

Une activité morcelée qui perd de son sens

L’environnement technologiqueguide, rythmele travail,par dessollicitationsfréquentes.Ilinterromptletravail,déterminele travailàfaireetlesemploisdutemps(parlesagendaspartagés), orienteetréorienteenpermanencelesactionsetlestâchesàréa- liser(parlesmessageriessynchronesetasynchrones).Lessalariés sesententdépossédésdeleurcapacitéd’actionetdedécisionsur leurpropreactivité.Faceàcesinterruptionspermanentes,letra- vailsemorcelleetseréduitàdesmicrotâchesqu’ilfautsanscesse recollerpourretrouverdusens.Lessalariésontalorsl’impression deperdrelamaîtrisedeleurtravailpoursubircequelesystème leurimpose,letravailconsistantdeplusenplusfréquemmentà fairefaceàdesévénementsimprévusetàrecollerlestâchesépar- pilléesparunmétatravail,c’est-à-direuntravailsurletravail.Dans lesdiversesrecherchesréaliséespourl’APEC[6]surlesincidences desTICsurlemétierdescadres,nousnoussommesparexemple intéressésàl’activitéd’unedirectricedecommunicationobservée 4heuresdurantsajournéedetravail[16].Ilressortquesontravail sedéclineendixgrandestâchesquielles-mêmess’éparpillenten 54microséquencesd’activité.Celles-cisesuccèdentàunrythme trèssoutenu(duréedesséquences de4minutes30enmoyenne avecdespicsà1minute30)etsontdéclenchéesparlessollicita- tionsdel’environnementtechnique.

Soumisàcemorcellement,l’individuestalorsobligéderedé- finir constamment l’organisation, les priorités, de son activité pourdonnerunsemblantdecohérenceetparveniràatteindreses objectifsdetravail.Illuifautaussidévelopperdesaptitudespar- ticulières,tellesquelaflexibilitéorganisationnelle(réajustement constant surlesprioritésdesontravail)ouencoreunecertaine formedesouplessementale(pourfairefaceauxfragmentations etinterruptionsrégulièresdel’activité),pourgérercetensemble instable.Cequiserévèleàforcetrèsastreignant.

Un travail dispersé à restructurer

Danscette activité éclatée,le salariédoit savoirgérer le pas- sage entre les différents fragments d’activité, et aussientre les différents mondesprofessionnelsqui s’yrattachentetdansles- quelsilseretrouveprojetéaugrédessollicitationsélectroniques.

Toujours danslarechercheAPEC[16],ladirectricedelacommu- nication pouvaitainsis’inscrire enl’espacede10minutes dans cinq tâches très différentes. Elle y prenait tout à tour la cas- quette de directrice de la communication, de chef de projet, de collaboratrice d’un autre projet, de cliented’un prestataire, de collègue.Chaquecontexteprofessionnelétaitinitié parune interruption technologique (mails,smartphone, outils collabo- ratifs, agendapartagé,etc.) etréclamaitdesréférentiels métiers spécifiques:connaissance du vocabulairedédié,mise enœuvre de savoir-faire particuliers, maîtrise des outilset des méthodes idoines,connaissancedesfinalitésdechaqueprojetetdeleurtem- poralité,positionnementetrôlesocialapproprié.Aufinal,cette femmecadredevaitêtrecapabledes’ajusterenpermanenceàcette

«polycontextualitéprofessionnelle».

Des compétences se révèlent nécessaires (de dispersion, de contextualisation, d’anticipation,d’articulation,d’organisation, etc.) afin que l’activité finale soit plus que l’assemblagechao- tiquedefragmentséparsdetravail.Enl’absenced’unteltravail d’articulation,lerisqueestquel’activitéperdedesonsens,sevide de sasubstanceet découragefinalementl’individuconfronté à une séried’activitéscontrariées,inachevées ouempêchées,bref à un travail qui lui échappe et dans lequel il ne se reconnaît plus.

Technologies prescriptives et activité empêchée

Lorsquelestechnologiesdonnentdemoinsenmoinsdemarges demanœuvrepourfaireletravailetbienleréaliser(dimension subjective du rapportau travail),le pouvoir d’agir est amputé et lasanté affectée[17].L’intensificationde cetteactivité média- tiséerésultealorsaussidel’amputationdecepouvoird’agir:«Les salariéssontmenacésdansleursantélorsquelescontraintesorga- nisationnellesneleurpermettentpasdedévelopperleuractivité etleurrapportaumonde»(Ricoeur,in[18]).

Certainestechnologiesquenousqualifionsdeprescriptives[10]

dépossèdentainsilesalariéd’unepartiedesesprérogativesetres- ponsabilités.Ellesdéterminent,encadrentetorganisentletravail à réaliser, etévaluent aussi saconformité à la tâche attendue.

L’interventionhumaine duprofessionneldansl’activitése voit alorsfortementréduite,outotalementfigée,ouanesthésiée,au profit d’automates et des systèmes préprogrammés chargés de traiterles informations,derépondreauxdemandesdesclients, deréaliserlesopérations.Cettevisioninstrumentaledel’activité laissedecôtél’essentiel:l’intérêt,lesens,quel’individutrouve danslaréalisationdesonactivité.Cesdispositifs,quel’onren- contreparexempledanslescentresd’appelpourguiderlesscripts interactionouencoredanslesenterpriseressourceplaningsoules workflows,fermentles espaces de mobilisationde l’intelligence etrestreignentfortementlescapacitésd’expressiondel’activité.

Elles rabattent l’activité sur des dimensions purement instru- mentalesetparticipentaussiàuneformed’individualisationdu rapportautravail(cf.infra).Autrementdit,l’individuseretrouve de plus en plus seul pour gérer les difficultés et les aléas de l’activité.

Laqualitédetravailestégalementdeplusenplusportéepar la technologie et de moins en plusassurée (bienqu’assumée) parlesindividus.Elledevientextérieureauxopérateurs,ilss’en sententdépossédésdanslamesureoùelleleuresttransmisedans lecadredeprocessusinformatisés,souslaformed’uncarcande procédures, de règles à respecter qui ignorent leur expérience.

Seulement,lemaintiencoûtequecoûtedecettequalitédutravail uselesénergies.Etvouloiralleràl’encontredesrèglesdusystème, les contournerettricherpourarriverà fairemalgré toutceque l’on considèrecommeunbontravail, estnonseulementusant psychiquement,maiségalementrisquéprofessionnellement.On s’exposeeneffetauxcritiquesetauxsanctionsdel’organisation quanduneerreurseproduitouqueledispositifsebloque.

Une prescription de la subjectivité au travail

L’informatisation de l’activitéprofessionnelle entraîne égale- mentdesattentesplusfortesdel’organisationquiexigedeleurs salariésd’êtreenquelquesorteàl’imagedesTICqu’ilsutilisent: plus efficaceset performants, réactifsvoire proactifs,résilients, accessiblesetdisponiblesàtoutmomentetdanstouslieux.C’est cequ’onappellelaprescriptiondelasubjectivité.

Cetinvestissementsubjectifdansl’activitéseretrouvenotam- mentdanslesnouveauxoutilsdemobilisationdel’individuau travailcommelesontlesréseauxsociauxouleknowledgemana- gement.Cessystèmesréclamentunengagementsupplémentaire de l’individu dans son travail. Il doit être capable d’identifier etdeformaliserles«bonnespratiques»susceptiblesd’intéresser sa communauté. Il doit aussi être en veille permanente pour réutiliseràbonescientetaubonmomentcecapitaldeconnais- sancesdisponiblessurlesdispositifstechnologiques(afind’éviter deserreurs,d’augmentersaproductivitéintellectuelle,denepas refairecequiadéjàétéfait).Cetravailréflexif,d’élaborationet decapitalisationdel’expérience,menéenparallèledesontravail, s’avèretrèsépuisant.

Cetype de technologies appelle les individusà se mobiliser davantagedansl’activitéetàfairepreuvedeplusgrandesréacti- vité,ingéniositéetcréativité.Ils’agitdefaireensortequechacun devienne un véritable «concepteur» de sontravail, mais aussi unacteurautonomedel’organisation,capabledesedébrouiller seul[19].Aveccesenvironnementstechnologiques,lacompétence, laperformanceouleprofessionnalismenesedéfinissentpluspar

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rapportàdesnormesouàdesréférentiels préétablis,maisbien sur la capacité de l’individu à s’en affranchir pour réinviter à chaquefois desmodalités deson action.Cette prescription de lasubjectivitéengagealorstriplementl’individu:

• dans le choix des (bonnes) règles de sa conduite: sont- elles les plus fiables, vont-elles dans le sens des attentes de l’organisation,del’équipe,duclient?

• surl’orientationdesesactes:lesfinalités,lescritèresdetravail sont-ilscompatiblesavecceuxattendus...?

• enfinsurlesrisquesqu’ilestprêtàcourirpourlesassumer:on luidemandeaufinaldescomptessurlerésultatobtenu.

Ici, c’est donc l’excès d’autonomie ou de laisser-faire; c’est l’absence de cadre et de repères professionnels qui va désta- biliser les salariés «qui en viendraient presque à demander davantage de règles, pour leur côté rassérénant, mais aussi source d’intensification du travail (chacun prend sur soi pour atteindrecoûtequecoûtelesobjectifs)»[20].

Une charge émotionnelle liée à la connexion

L’usagedestechnologiespeutsusciterunsentimentd’inconfort émotionnellorsqu’ellesnecréentpasleplaisiroulasatisfaction attendue. Cette expérience utilisateurnégative est générée par unecharge attentionnelletropélevée,pardesdifficultésetdes échecsd’usage,parlasensationdeperdrelecontrôlesurlesys- tème.Celasetraduit pardessensationsdésagréablescommela gêne,l’anxiété, lemécontentement,ladéception.Cette insatis- factionprovoque«unvaguesentimentdenepasavoirenviede réutilisercette technologie,oude l’utiliserde fac¸oncontrainte et forcée,au prix d’un effort personnel, etnon sans risque de frustration»[21].Laréceptiondesmailsprovoqueparfoisunsen- timentcomparable.Deuxtravaux[22,23]ontparexemplemontré quelecaractèreimpersonnel,direct,intempestifetdécontextua- lisédesmailsfavorisaitlamauvaiseinterprétationdesintentions réellesdel’expéditeuretpouvait générerdesétatsémotionnels négatifs chez les destinataires, qui se sentent tout d’un coup remis en cause, agressés ou bousculés (selon l’étude[22], 56% desmailsnesontpas correctement interprétés parceluiqui le rec¸oit).

Uneautremanifestationdecettechargeémotionnelleconcerne larelationambiguëquenousavonsauxoutils.Eneffet,avecces environnementstechnologiquesomniprésents,lesalariécherche à réguler cette visibilité excessive en se déconnectant, en tri- chant ou en contournant ces outils (fermer la messagerie ou son smartphone, remplir l’agenda de plages horaires fictives, cocherlafonction«indisponible»desamessagerieinstantanée, etc.). Mais en procédant de la sorte, il risque de ne plus être joignable, de passer à côté d’informations cruciales pour son activité(phénomène dufear ofmissingout[FOMO]correspond à la peur de manquer quelque chose, de rater une informa- tion si on ne reste pas en alerte numérique permanente) et aussi de ne pas respecter les règles de métier inhérentes à sa fonction (notamment chez les cadres en termes de disponibi- litéetd’accessibilité).Laconnexionauxoutils numériquesfait de plus en plus partie des règles implicites de travail: toute déconnexion, tout retard de réponse, tout manque de réacti- vité,entraînentalorsnécessairementdesjustifications,voiredes sanctions.

Modifications dans l’espace : contrôle régulier et porosité des milieux professionnels et personnels

Des collectifs fragilisés et dégradés

Lapsychologiedutravailetl’ergonomieontdepuislongtemps montrél’importanceducollectifde travailqui sertà lafois de ressources(professionnelles, sociales,psychiques) auxmembres quilecomposent,etquijoueaussilerôled’intercalaireprotecteur entreles individusetles pressions del’organisation. Travailler,

c’estdoncpouvoirs’appuyersurlesautres,c’estpouvoircompter surlesautresautantcommeunsoutienquecommeuneressource àsontravail.

Onassistecependantdepuisquelquesannéesà lamultiplica- tiondesoutilscollaboratifs(réseauxsociauxentête)quireposesur l’idée(empreinted’uncertaindéterminismesociotechnique)que lespratiquesprofessionnelles,pourêtreefficacesetperformantes, nepeuventêtrequecollectivesetpartagées.Onprescritainsila coopérationentrelespersonnesparlesTIC.Or,l’outiln’estpas coopératifensoi,c’estsonusagequivafaireensortequecertaines modalitésdelacoopérationsontfacilitéesounon.Cesdisposi- tifspeuventaussiêtredéployésavecl’objectifdedéstructurerles assemblageshumainsenplaceafinderedéfinirdesmodesdecolla- borationplusenphaseaveclesstratégiesorganisationnellesetles performancesattendues(viadesworkflowsoulesréseauxsociaux numériquesd’entrepriseparexemple).Enrégulantetenmédiati- santlacollaboration,onrisquededéstabiliseretdefragiliserles collectifsexistants,commel’évoqueCraipeau[24]:«Cesoutils,qui serventà lacommunicationetà l’échanged’informations,ren- forcentmoinslacohésiondesgroupesdetravailquel’implication individuelleautravail(...).Lessalariéscoopèrentsansseconnaî- tre,sans communiquer, sans échangersurleurs objectifsou le sens de leur action (...) L’approche cognitive de l’organisation considèrel’entreprisecommeunesommed’individus[qu’ils’agit derelier,NDA],ellefaitl’impassesurlesacteurscollectifsquila constituent».

Ensomme,travaillerensembleparl’entremisedecestechnolo- giescollaborativesrevientdeplusenplusàtravaillerseulfaceà sonordinateur.Oncasselescollectifs,ondétricotelesrelations, onimposeuncadredecoopération,sanssesoucierdelaréalité despratiquessocialesexistantes.Sicesoutilsnesontnipensésni discutéscollectivementpours’intégrerautravaild’équipequ’ils sontsensésservir, lerisqueestdeproduirece queClotappelle nomme alors une «collectiond’individus».Autrement dit,un grouped’individusquidoittravaillerensemble,maisdontlastruc- turefonctionnellereposesurdesliaisonsfacticesentrepersonnes interchangeables.Individusquisontjuxtaposéslesunsauxautres et qui ne partagent pas ou très peu d’intérêts et de valeurs communs.

Uneautrecausepossibledeladégradationdecescollectifsest lamiseenconcurrencedesindividusparuncontrôleetuneéva- luationaccrue,permanenteetindividualiséedeleurperformance.

Parlestechnologies,ondisposeeneffetdepuissantsmoyens,de typepanoptiques[25,26]ouinfonormatifs[27]capablesdesavoirpré- cisément«quiafaitquoi,àquelmoment,dansquellieuetdans queldélai».Pardessystèmesdereportingoudesupervision,on tracel’activité,onquantifieletravail,onévaluelacontributionde l’individuparunebatteried’indicateurs(commepourlescentres d’appels[28]).Chaqueindividudevientainsiplustransparentdans sescompétences,maisaussi,etsurtout,danssesincompétences: sesretards,seséchecs,sespauses,seserreurs,sesrebussontrecen- sés et comparés. Le témoignage de cette ouvrière d’une usine d’automobilesestàcetitreparticulièrement symptomatiquede cedéniduréeldel’activité[29]:«C’estuneboîtepasplusgrande quec¸a, c’estposésur lesvoitures et avecc¸ails peuventsavoir à quelmoment,quelle heure,quel atelier,à la minute,la voi- tureoùellepasse.Donc,dèsqu’unemachines’arrête,c¸abipeet donc,“pourquoit’asarrêté?”,“pourquoit’asunarrêt?”,“Pour- quoiceci,pourquoicela,etàcausedequoi,etsurtoutàcausede qui?”».

Danscessystèmesdesupervision,seullerésultatvisibledutra- vailcompte,l’activitéréelleestdélaissée,lemanagemententient rarementcompte.Tousles essais,toutesles tentativesavortées, toutleprocessusdepréparation,deréflexion,denégociationqui prévautpourtantàlaréalisationfinaledutravail,nesontpaspris encompte.Cesévaluationsindividualiséesdel’activitépoussent les individusà se juger,se comparer, se confronter età finale- ment s’affronter entre concurrents (et non plus collègues), au risquedemettreenpérillesrelationsd’entraideetdecohésionau travail.Cesindicateursignorentaussilesspécificités dechaque contexte/postede travail,entermes d’expérience,decharge de travailspécifique.Cesindicateurssontparailleursremisencause chaquejour,cequicréeunclimatd’incertitudeassezanxiogène chezlesindividus.L’étudemenéeparKunda[30]avaitdéjàmontré

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que ceux dont les tâches sont surveillées par l’ordinateur pré- sententplusdesymptômesdestressqueceuxdontlesactivités nesontpasaussistrictementsuiviesàlatrace.

Endéfinitive,ilapparaît quelesTICpeuvent êtreà l’origine d’unefragilisationdesformesdecollaborationetdesolidaritéqui préexistaientauseindescollectifsdetravail,cequiàtermepeut aussiaffaiblirlesindividusquicomposentcecollectif.

Mobilité et avènement d’un travail nomade

Uneautreévolutiontouchelesmodalitésd’exercicedutravail dansdesespacesplusouvertsetmobiles.En2013,14%dessalariés franc¸aispratiquentletélétravaildemanièreformelle(établiepar contratdetravail)ouinformelle.Enréalité,leschiffressontsans douteplusélevéssil’onyintègredesinteractionssupportéespar lessmartphonesoulestablettesélectroniquesquisontconsultées endehorsdestempsdetravail.

Ainsi,ilapparaîtquel’implémentationdesTICaccompagne, voireaccélèrelamobilitédel’activitéprofessionnelledansdiffé- rentslieuxgéographiquesetdansdifférentestemporalitésdevie.

Lebureaun’estplusundéterminantexclusif,nimêmetoujours majeur,dutravail.Celui-cis’exportelargementhorsdusiteoùil est sensése réaliser.Si certainssalariésexercentune activitéde leurdomicile(homeoffice,télétravail),d’autress’inscriventplutôt dansuneactivitédetypenomadeenalternantdifférentslieuxde travail(clientèle,hôtel,transport,sallesd’attente,domicile,etc.) etdifférentshoraires(unepartiedutravailétantparfoisréalisée entempsmasqué,c’est-à-diredanslestransportsouautresespaces interstitiels).

Lesmanagersseretrouventalorsséparésgéographiquementde leurscollaborateursetutilisentlesTICcommemoyendegestion, d’animationetdecoordinationdeséquipes.Onaainsipumon- trerdanslarechercheAPECsurlescadres[6]quecettesupervision virtuelle(managementàdistance)étaittrèsmalvécueparlescol- laborateursquisouffraientd’unmanquedereconnaissanceetde soutieneffectifdeleurhiérarchie.Or,onsaitcombienl’absence de reconnaissancepar l’encadrement estun vecteur important dustress.Lessalariésontl’impressiond’êtrepeuprisenconsidé- ration,d’avoirunerelationtropdistanteavecleurresponsable, d’autantplusgrandequelecontactpassepardesmédias«froids» commelamessagerie,lesoutilsdereporting,parfoismêmelesSMS.

Onserendcompteaussiquelestechnologiesn’ontbiensou- ventpasétéconfiguréespours’ajusterauxcontextesd’usagetrès particuliersdu hors-travail(c’est-à-direfaireun).Lesalariédoit ainsiimprovisersesactivitésprofessionnellesdansdessituations qu’ilnecontrôlepastoujours,quineseprêtentpasforcémentà latâcheàréaliseraveclesystèmetechnique,ouencorequisur- gissentaugrédessollicitationsdel’environnementnumérique: comme,parexemple,gérerl’appeld’unclientenvoiture,fairele compte rendud’uneréunionconfidentielle dansletrain,enta- meruneaudioconférencedansdeslieuximprobablescommeune salled’attenteouuncafébondé.Ilfautalorsredoublerd’attention etdeconcentrationpourparveniràmeneruneactivitédansun environnementpeuappropriéetpotentiellementperturbateur.

Enfin,lalimiteentreespacesprivéetprofessionnels’estompe unpeuplusàchaquefois,sousleseffetsconjuguésdesexigences de travail et de la diffusion des équipements technologiques.

Les mêmesoutilssontainsiutilisés dansla vieprivée etla vie professionnelle.Onparled’objets-frontière(ordinateurportable, smartphone,etc.)oùsemélangentusagesprofessionnelsetper- sonnels, propicesà l’hybridationdesusagesetaudébordement dutempsdetravailsurlasphèreprivée.Danscetravailmobile, l’activité devient également moins visibleet plus difficilement mesurable.Elleéchappeàl’évaluationdel’entrepriseetdesenca- drants.LesTICreprésententalorslemoyend’exercerunnouveau contrôle surlesalarié,pardesmailsdesuivi,les balisesGPS, la géolocalisationdestéléphones,lesagendaspartagés,lesreportings distants.Maislerisqueestquecettesupervisionélectroniquefragi- lisel’engagementdusalariéquiressent,ducoup,touteladéfiance etlasuspiciondel’entrepriseàsonégard.

Si le nomadisme modifie profondément les conditions d’exercice del’activité,iln’endemeure pasmoinsquelasitua- tion de sédentarité professionnelle affecte aussi la santé des

salariés.Derécentesétudesépidémiologiquesmontrenteneffet quel’inactivitéphysiquechroniqueautravailestresponsablede divers troubleset maladies.Être rivé constammentdevantson ordinateur sur près de 7heures 30minutes cumulées par jour, assis,sanspauseni mobilité(puisquetoutestaccessibleparles réseaux: travail, collègues, détente), induit des effets délétères surl’organisme.Selonl’Internationalchairofcardiometabolicrisk, la sédentaritéautravailserait associéeà unemortalitéprécoce.

Lesrisquesdépasseraientmêmeceuxdutabacetcombineraient différentssymptômes:troublesmoteurs(troublesmusculosque- lettiques), perceptifs(baisse del’acuitévisuelle:computer vision syndrom), risques cardiovasculaires, de diabète, d’obésité, pro- blèmesdigestifsetdelombalgiechronique.Uneétuderéaliséepar l’AmericanNationalInstitutOfOccupationalSafetyandHealtha ainsimontréque88%despersonnesquitravaillentplusdetrois heuresparjourdevantunordinateurprésententdessymptômes de fatigueoculaire.L’étudede Boyleetal.[31] metainsi enévi- denceuneaugmentationsignificativedurisquededévelopperdes cancers dusystèmedigestifaprèsdixannéespasséesà travailler assis.

Conflits entre vie au travail et vie hors travail

Les TIC bousculent nos rapports à la famille et au travail (cf.supra). Dans son travail portant sur les technologies telles quelestéléphonescellulairesoulesordinateursportables,Edley et al.[32] ont souligné que ces technologies contribuaient à brouiller les frontières à travers une désorganisation du temps et des lieux,attribués auparavant d’unemanière claire, au tra- vail et à la vie personnelle. Dansleur recherche menéesur les incidencesdesTICsurl’articulationdessystèmesdevie,ElWafi et Brangier[33] ontsouligné que l’effet de cestechnologies sur lesfrontièrestravail–viepersonnelleestparadoxal,enrendantle maintiendecesfrontièresproblématiqueetenfournissantà la foisdenouvellesressourcespourgérerleva-et-vientd’unesphère àl’autre.Avecl’usagedemultiplesTIC,lesindividustiennentainsi demultiplesrôlesquipeuventsecompléterouentrerenconflits (au niveau temporel, des objectifs, du sens, etc.). Tour à tour employés,parents,consommateurs,apprenants,conjoints,opéra- teurs,salariés,managers,joueurs,etc.,lesindividusnegèrentpas seulement destransitions entredesinterfaces, maisaussientre leursrôles,d’oùdesconflitsintra-etinterpersonnelspeuventsur- gir.Cecidit,laperméabilitéentrelavieautravailethorstravail est dépendantede nombreusesvariables(personnelles, techno- logiques,sociales,familialesetorganisationnelles)quisemblent seconfigurerpourdégagerquatremodèlesd’interactionentreles sphèresdevie[34]:

• lemodèledelasegmentation.Les«segmenteurs»préfèrentgar- derleurs domaines devie distincts. Ces personnespréfèrent garderle travailau travail, lamaison à la maison,et lesloi- sirsetautresactivités personnellesdansleslieux etletemps alloués.Ellesonttendanceàconstruiredesobstaclesphysiques, émotionnelset/oucognitifsentrecesdomainesdefac¸onàles maintenirséparés.Ils’agitd’individusquichoisissentdesépa- rerlesdeuxdomainespersonnelsetprofessionnelsengardant desobjets distincts(porte-clés,effets personnels, téléphones, TIC)en essayantde ne pas penseraux questionsrelatives à undomaine dansl’autredomaine.Ces individusvont déve- lopperdespratiquesd’usagedesTICqui lesaident àséparer leursdomainesdevietelsque:éteindreleurportableunefois arrivésà la maison, nepas répondreà des mailsprofession- nelspendantlesweek-endsetlesvacances,nepasutiliserles TICautravailpourdesbesoinspersonnels,nepasutiliserles mêmestechnologiesdanslesdeuxdomaines,avoirdesadresses mailspersonnellesetprofessionnellesdistinctes,associerune sonnerie à chaque contact pour filtrer les appels, etc. C’est commesil’individudonnaitàlatechnologielaresponsabilité degarderles frontières imperméables entrecesdomaines de vie;

• lemodèledel’intégration.Silapréférencepourlasegmentation reflèteledésirdeséparerlaviepersonnelledelavieprofession- nelle,l’intégrationesttoutàfaitlecontraire.Les«intégrateurs»

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préfèrentadopterlesélémentsdesdeuxdomaines,essentielle- mentenéliminantles frontièresentreeuxetenmélangeant leurs différentesfacettes. Ainsi,les intégrateurs vontafficher leurs photos de famille au bureau, parler de leur famille au travail,etc.Ici,lesfrontièressonttrèsperméables.L’individu intègrecesdifférentsrôlesdansuneexpérienceholistique;

• lemodèledel’hybridation. L’hybridationconstitueun degré trèspousséd’intégration.Latechnologieestainsiutiliséedans la vie personnelle pour traiter des questions d’ordre profes- sionnel,tellesquerépondreàdesmailsprofessionnels,appeler sescollaborateurs,planifierdesréunionsprofessionnelles,aug- mentant ainsi la perméabilité des frontières du hors-travail.

La technologiegénère une sortede porosité, qui est exploi- téeparl’utilisateurenaugmentantgraduellementsasymbiose à latechnologie[35].Lecontraireest vraiaussi,la vieperson- nellepénètrelavieprofessionnelle,lestechnologiesprésentes surlelieudetravailserventégalementpourlesbesoinsd’ordre personnel.Lesinteractionssontparfoiscomplètementdécon- textualisées.Letéléphone, le mail,et autrestechnologies ne sontpasrattachésà undomaineouà unrôleprécis,nesont jamaiséteintesouhors-service.Lesutilisateurssontdotés de plusd’autonomieetdeflexibilitétoutenrestantjoignablespar lesautres;

• le modèle du débordement. L’utilisation croissante des TIC mobiles dansleurs pratiques quotidiennesmet les individus dans une situationd’hyperconnexion. Les frontières tempo- relles et spatiales s’estompent par l’intégration extrême et incontrôléedutravailetduhors-travail,qui leslaisseavecle

sentimentqueleurbureauesttoujoursprésent,mêmequand ilest physiquement éloignéet queleur familleet amissont toujoursprésents,mêmesurlelieudetravail.Cedébordement entreletravailetlehorstravail,dûprincipalementàl’usagedes TIC,seréfèreàl’interpénétrationdesdeuxdomainesl’undans l’autre. Mais, à la différencede l’intégration, la perméabilité estplutôtuneperméabilitésubieouconsisteenuneporosité incontrôlée.L’individunepossèdeaucuncontrôlesurlafac¸on dontilutiliseles technologiespourgérerles frontières desa vie personnelle etsa vie professionnelle. Deux cas de figure peuvent se présenter. Ledébordement du travail dansla vie horstravail;ceciestlecasdesindividusquiontunechargede travailtrèsélevée,uneflexibilitéautravailtrèsfaibleoumême inexistante,ainsiqu’unaccèsélevéauxTIC.Ledeuxièmecasde figure,leplussouventrencontréchezlesfemmes,estledébor- dement duhors travail dansletravail. Cecipourraitêtre dû aufaitquelestravailleursfémininsconserventlaresponsabi- litéprincipalepourlesquestionsménagèresetfamiliales(garde d’enfants,tâchesdomestiques dansla maison).LesTICsont utiliséesautravailpourréglerdesquestionsd’ordrepersonnel.

L’agilitédelatransitiond’unevieàuneautre,lasouplessedans la gestiondesrôles ouencorela fluidité dessphères privéeset professionnellesvainfluencertouteunesériedevariablesparmi lesquelles on trouve: l’efficacité professionnelle, la satisfaction personnelleouencorel’équilibrequipeutêtreatteintentrelavie personnelleetlavieprofessionnelle.Laperméabilitédesfrontières devientdoncune question centraledu bien-vivredesrelations humainesetsociales.

Tableau1.

Synthèsedescaractéristiquesàl’originedesatteintessurletravailmédiatisé.

Dimensions Conditionsdéterminantlesatteintes

Contextedetravail Managementàdistance Communicationetsoutiensocialinsuffisantspourl’accompagnementetla résolutiondeproblèmesdesalariés

Éloignementdesresponsables

Méconnaissanceetmanquedereconnaissancedel’activitéautraversdes reportingsetd’indicateursdélivrésparleslogiciels

Désarticulationdessphères personnelles/professionnelles

Porositédesfrontièrestravail/hors-travail

Connexionetaccessibilitépermanente/déconnexionvolontaire Exigencescontradictoiresentreletravailetlavieprivée Articulation/transitionentredifférentsrôlessociaux

Nomadisme Gestionetajustementàdescontextessocioprofessionnels(spatiaux,temporels) trèsdifférents

Sédentaritéprofessionnelle Inactivitéphysique,ettroublesorganiquesetbiophysiques

Fragilisationdescollectifsdetravail Redéfinitiond’uncollectifdetravailentravailcollectifformalisé(coordination forcée,interdépendancepénalisante,remiseencausedesrôles,positionset contributionsdanslecollectif,etc.)

Affaiblissementetdislocationducollectif(tensions,individualisationdurapport autravail,miseenconcurrence)

Isolementsocialdansuneactivitéinformatisée Contenudutravail Équipementstechnologiques Qualitéergonomique(utilité,utilisabilité,accessibilité)

Qualité,pertinence,fiabilitédesdonnéesetdusystème

Multiplicitéethétérogénéitédesoutilsetdesusagesdansl’activité

Conceptiondelatâche Régulationetprescriptiondel’activité(systèmeinfo-normatif,hétéronomie) Supervisionetcontrôleaccrusautravail(systèmepanoptique,bureaupermanent, etc.)

Autonomieimposée(prescriptiondelasubjectivité)

Chargedetravail/rythmedetravail Chargecognitive:intensificationdel’activité,surchargequantitative (interruption,digression,fragmentationdutravail,multiactivités)

Surchargequalitative(nouveauxsavoirsetsavoir-faireàmobiliserpourgérerles outilsetletransfertd’usage)

Sous-chargequalitativeetqualitative(individuinsuffisammentmobilisédans uneactivitéquasiautomatisée:auxiliairedusystème«presse-bouton») Chargeémotionnelle:inconfortémotionnel(insatisfaction,déplaisir,anxiété, mal-être)

Repèresdutravail Pertedesensautravail(distanciationdel’objetdutravail,dématérialisation,mise enretraitdel’individu,non-respect/reconnaissancedesrèglesdumétier,etc.) Requalification–déqualification–disqualification(activitésàfaiblevaleurajoutée, pertedesavoir-faire,réajustementsprofessionnels)

Activitéempêchée(pouvoird’agirlimité,contrariéparlesTIC) TIC:technologiesdel’informationetdelacommunication.

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Conclusion : bien-être des salariés, entre risques et opportunités

Latechnologieestbienplusqu’unsimpleinstrumentdetravail: elle symboliseles grandesfonctionsdel’organisation(commu- niquer,gérer,contrôler,superviser,organiser,former,collaborer, etc.).Elleconfèreconnaissanceetreconnaissanceprofessionnelle.

Elledistingueetuniformise.Ellepermetaussil’identificationpro- fessionnelle,ainsiquelecontrôledeceluiquil’utiliseetcherche àl’inscriptionfonctionnelledesrèglesetvaleursdetravailatten- dues.

L’intensificationdutravailenlienaveclesTICsemanifestepar diversesmodalitésetexigencesdetravailqui(cf.supra)peuvent portersur:lapertedecontrôlesurletravail,letravailàfluxtendu, lesinterruptions,l’imprévisibilitéetlafragmentationdel’activité, la prescription dela rationalité et de la subjectivité au travail, l’absencederessourcescollectives,lesconflitsdevaleursetdecri- tèressurlaqualité,ainsiqu’uneactivitéquipeutêtreempêchée, contrariéeouinachevée(Tableau1).

Si l’on s’en tient au principe qu’il ne saurait y avoir de

«bien-être» au travail sans un certain «bien-faire» du travail, c’est-à-dire sans une certaine idée et fierté du travail réa- lisé[36,37],lesanalysesetréflexionsquenousavonslivréesjusqu’ici indiquentquedanscertaines situationsprofessionnellesl’usage des technologies est en capacité d’altérer ce rapport au tra- vail etauxautres entouchant trois dimensions essentiellesde l’activité[38].

Surlaqualitédutravaild’abord,c’est-à-diresurl’activité,qui sefait,ouquinesefaitplus,ouqu’onnepeutplusfairecomme avant.L’activitéprofessionnellepeutainsiseretrouverdégradée ou altérée par des conditions de travail intenables ou par un travail infaisable, généréesparles TICdéployées:interruptions fréquentes,fragmentationdel’activité,multiactivité,travailàflux tendu,pressiondelaréponse,formationrégulièreauxdispositifs, démultiplicationethétérogénéitédesoutils,etc.sontquelques- unesdescaractéristiquesdel’activitédématérialisée.Lesrisquesde débordement,d’intensificationetdepressionssontalorsimpor- tants.

Surla qualité devie autravail ensuite. Ladimension collec- tive, les relations interpersonnelles,pourtant si essentielles au travail et àl’équilibrepsychosocial du salarié,peuventse trou- verfragiliséesparlestechnologies,notammentlorsquele«vivre ensemble» faitplaceau «chacun poursoi».Lestempssociaux derencontre,deréunionouencoredediscussionsimpromptues seréduisentauprofitd’interactionsdistanciéesetmédiatisées.Le managementàdistancedescollaborateursprendégalementlepas surl’encadrementdeproximité.Lerisqueestalorsquelescollec- tifsdetravailsedésagrègentauprofitdecollectionsd’individus exposésàl’isolement.

Surlaqualitédeviehorstravailenfin.Lessphèrespersonnelles etfamilialesétaientconsidéréesjusqu’àprésentcommeunesorte de rempart pour se protéger des atteintesdu travail et retrou- veruncertainéquilibredevie.Maisledéveloppementdutravail nomade d’une partet l’usagede technologieshybrides d’autre part conduisent à la dilution des frontières et participent à la désarticulationentreviesautravailethorstravail.Cesdispositifs contribuentà déverserletrop-pleindel’activitéprofessionnelle dans la sphère domestique et familiale (ou inversement), et à créerainsilesconditionsd’unevéritableintrusiondutravaildans l’espaceintime.

Pourtant, silestechnologies représententdesfacteurspoten- tiels d’altérationet dedégradationdel’activitéprofessionnelle, ellespeuventêtreaussil’occasionderediscutercollectivementdu travailquisefaitet/ouquiseraitàfaireaveccessystèmes.Enpre- nantl’objettechniquecommeobjetd’analyseetd’intervention, ils’agitdedonnerdu pouvoird’agirpourmieuxpenserl’usage etl’appropriation decesoutilsdanslescontextes organisation- nels. Cesont à cesconditions seulement que les technologies peuvent êtreconc¸ues demanière àassurerleurrôledesoutien etdedéveloppementdelaperformanceindividuelleetcollective, pourpréserverlasantéautravail.

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Pour en savoir plus

International chair of cardiometabolic risk: www.myhealthywaist.org/

home/index.html.(Consultéle16juin2013).

M.-E.BobillierChaumon,MaîtredeconférencesHDRenpsychologiedutravailetpsychologieergonomique.

UniversitéLyon2,Institutdepsychologie–LaboratoireGrePS,Lyon,France.

E.Brangier,Professeurenergonomieetpsychologiedutravail.

UniversitédeLorraine–Metz,Laboratoire,PsychologieErgonomiqueetSocialepourl’ExpérienceUtilisateurs(PErSEUs),EA7312,Facultédesscienceshumaines etsociales,IleduSaulcy,CS60228,57045Metzcedex01,France.

E.Fadier(elie.fadier@inrs.fr).

Institutnationalderechercheetdesécurité,Départementexpertiseetconseiltechnique,1,rueduMorvan,CS60027,54519Vandœuvre-lès-Nancycedex, France.

Touteréférenceàcetarticledoitporterlamention:BobillierChaumonME,BrangierE,FadierE.Usagedestechnologiesdel’informationetdelacommunication etbien-êtreautravail.EMC-Pathologieprofessionnelleetdel’environnement2014;0(0):1-9[Article16-794-A-10].

Disponiblessurwww.em-consulte.com

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