• Aucun résultat trouvé

Les ouvriers en Valais, entre "révolution industrielle" et "révolution conservatrice"

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les ouvriers en Valais, entre "révolution industrielle" et "révolution conservatrice""

Copied!
22
0
0

Texte intégral

(1)

A S o p h i e M é g e v a n d

Le moment où se structure la classe o u v r i è r e e s t a u s s i c e l u i o ù s ’ a f f i r m e l a c o n s c i e n c e d e c l a s s e : e n t r e « e u x » e t « n o u s » , t o u t n ’ e s t p a s d é f i n i t i v e m e n t j o u é1.

Le concept de « révolution industrielle » date de la première moitié du XIXe siècle et nul n’ignore à quel point les transformations de

l’économie et de la société impliquées dans le phénomène qu’il évoque ont affecté la Suisse.

Autour de 1900, le pays vivait sa « deuxième révolution industrielle ». Le travail à domicile s’effaçait au profit du travail en fabriques, le secteur du textile, qui avait été un important berceau de l’industrie helvétique, perdait de l’im- portance, tandis que d’autres branches telles que l’industrie des machines, l’industrie hor- logère ou celle de l’alimentation prenaient un

I

1 CA S T E L1995, p. 324.

p a r S o p h i e P a v i l l o n

Les ouvriers en Valais, entre «révolution industrielle»

et «révolution

conservatrice»

(2)

essor certain. A cette époque, le Valais recen- sait moins de 1000 ouvriers en fabriques pour une population résidante d’environ 114 500 personnes. Au seuil de la grande crise écono- mique des années 1930, on pouvait y comp- ter 5700 ouvriers en fabriques, tandis que sa population résidante s’élevait à environ 136 300 personnes. En Valais, le secteur secondaire (industrie et métiers) dépassera le secteur primaire (agriculture) dans la seconde moitié du XXesiècle seulement2.

Si l’étude du développement industriel en Valais implique que l’on se penche sur la situa- tion d’un canton à l’écart de l’évolution éco- nomique moyenne du pays et sur la vie d’un groupe social longtemps peu nombreux au sein de la population valaisanne, elle permet aussi de remarquer que l’implantation du sec- teur secondaire qui s’y est effectuée ne s’est pas déroulée en simple décalage par rapport aux autres régions suisses. Les principales industries qui se sont installées dans le canton figurent, en effet, souvent au tableau des branches les plus modernes du secondaire, tel qu’il se pro- filait à l’aube du XXesiècle, en Suisse et au- delà. Les usines métallurgiques et chimiques, les industries du bois et du bâtiment actives sur les chantiers de construction des tunnels alpins et des lignes ferroviaires, ainsi que les centrales électriques, inscrivent d’emblée le Valais dans le cadre de la « deuxième révolu- tion industrielle ». De plus, la structure pro- ductive de ces industries ne ressemble guère à celle d’autres branches, comme le textile ou l’horlogerie, qui ont largement pu fonction- ner grâce au travail à domicile ou à de petites unités de fabrication. Les ouvriers du Valais étaient souvent regroupés sur des sites indus- triels ou de grands chantiers3.

Dans une certaine mesure, le paysage écono- mique du canton commençait à se contraster au tournant du siècle. Sans que l’on puisse voir, dans ces transformations, une véritable

« révolution industrielle » qui aurait modifié de fond en comble la région valaisanne, il faut bien considérer que l’apparition de ces activi-

tés économiques autres qu’agricoles a brouillé certains repères. Ainsi, les propriétaires fonciers – pour la plupart issus de l’aristocratie haut- valaisanne – qui avaient régné pour ainsi dire sans partage sur l’économie cantonale et sur les institutions politiques, qu’ils dominaient sous la bannière du parti conservateur, ont-ils vu surgir sur leurs terres des éléments moins fami- liers, sous forme de capital industriel par exemple, ainsi qu’une population d’ouvriers d’industrie qui, notamment en raison de ses conditions de travail et parfois de ses origines étrangères au canton, ne ressemblait pas exac- tement à la main-d’œuvre agricole qu’ils avaient connue jusqu’alors. Les autorités du Valais devront désormais quadriller le monde des ouvriers d’industrie en plus de celui des petits paysans et ouvriers agricoles, pour éviter que leur pouvoir ne soit remis en question. Pour ce faire, le conseiller d’Etat conservateur Maurice Troillet envisageait des mesures empê- chant les Valaisans de devenir des prolétaires sans feu ni lieu :

Nous voulons, chez nous, maintenir l’équilibre, nous voulons en même temps que l’industrie se développe, développer parallèlement l’agri- culture. Nous voulons que l’ouvrier de l’usine ne perde pas tout contact avec la terre, car il perdrait aussi le meilleur de ses forces phy- siques et morales. C’est pourquoi nous sommes d’accord de diminuer le nombre d’heures de travail à l’usine pour qu’il lui reste du temps pour travailler la terre. Ce sera tout à l’avan- tage et du patron et de l’ouvrier4.

Bien qu’à l’écart par rapport aux élites de la majorité des cantons suisses, dominés par les radicaux et plus ouverts aux secteurs secondaire et tertiaire (commerce, banques, assurances), les élites valaisannes partageaient en réalité assez largement les préoccupations de la bour- geoisie helvétique qui dirigeait la Suisse vers 1900. Dans l’esprit des gouvernants, il fallait garder un œil sur les relations entre les pay- sans et les autres composantes économiques du pays – en particulier les ouvriers et les salariés du tertiaire – dans le cadre d’une Suisse qui

I

2 AN D R E Y1986, pp. 510-516 et

RU F F I E U X1986, pp. 641-643 ;

Annuaire statistique de la Suisse, 1940, pp. 10 et 151.

3 Cette étude reprend en partie le matériel rassemblé lors des recherches que j’ai effectuées en 1994, lorsque j’ai été char- gée, par l’Union syndicale valai- sanne, de préparer une petite histoire relatant 75 ans de syndi- calisme en Valais, cf. PA V I L L O N

1994. La lectrice ou le lecteur souhaitant plus de références que celles données ici voudra bien la consulter.

4 Maurice Troillet, mai 1919.

Cité in SA L A M I N1978, p. 271.

(3)

se modernisait en développant les secteurs industriel et bancaire, en soutenant aussi l’ex- portation de marchandises et de capital (cela avait des répercussions sur le marché intérieur, par exemple sur les coûts des produits agricoles ou sur ceux de consommation courante, selon la politique douanière appliquée ou les prix fixés par l’Etat)5. Il fallait de même veiller à combattre le mouvement ouvrier qui cher- chait à se développer, porteur d’idées socialistes, organisateur de manifestations et de grèves pour défendre les intérêts d’une classe ouvrière s’affirmant avec les contours de la Suisse moderne6. L’élection au Conseil fédéral des catholiques-conservateurs, issus de cantons à forte composante agricole, sera l’une des réponses que les autorités helvétiques appor- teront à ces deux importants problèmes. Le lucernois Joseph Zemp est élu en 1891. En 1908, Josef Anton Schobinger, également ori- ginaire de Lucerne, lui succède. Le Tessinois Giuseppe Motta le remplacera trois ans plus tard. Offrant à son parti un second siège au gouvernement, le fribourgeois Jean-Marie Musy entre au Conseil fédéral en 1919.

[Zemp], l’homme vigoureux de l’Entlebuch, […] a marqué notre histoire comme étant celui q u i a b r i s é l e c h a r m e d e l a m é s e n t e n t e d u Sonderbund et qui a montré aux membres de s o n p a r t i l a v o i e q u i m è n e à l a p a i x e t à l a c o l l a b o r a t i o n f r u c t u e u s e a u s e i n d e l a n o u - v e l l e u n i o n d e s C o n f é d é r é s7.

Maintes fois vilipendé par les membres de son propre parti depuis son élection au Conseil fédéral, le Lucernois œuvrera au rachat des chemins de fer par la Confédération, s’inscri- vant de ce fait dans un débat dont les enjeux intéressaient au premier chef les milieux indus- triels et financiers.

Quant à Jean-Marie Musy, s’il avait été élu au Conseil fédéral, ce n’était pas sans lien avec le discours antisocialiste virulent et musclé qu’il avait tenu au Parlement, quelques semaines après la Grève générale de 1918, soit après la plus grave crise sociale et politique qu’ait connue la Suisse moderne. Musy sera un émi-

nent militant de la «révolution conservatrice»

en Suisse, un courant qui prendra beaucoup d’importance durant l’entre-deux-guerres, notamment avec l’essor des mouvements cor- poratistes et frontistes, proches des nazis et des fascistes8. Musy lui-même, après son pas- sage au Conseil fédéral, continuera à se faire remarquer par ses activités anticommunistes et par ses bonnes relations avec les nazis durant la Seconde guerre mondiale9.

La « Suisse des radicaux » de 1848 s’effaçait donc, en partie recomposée par l’intégration au pouvoir fédéral des catholiques-conser- vateurs et le développement d’une politique étatique de soutien à la paysannerie. Cette politique semble à contre-courant, si l’on considère que la Confédération était attachée au libéralisme et que l’évolution économique du pays s’appuyait clairement sur les secteurs secondaire et tertiaire. Sa cohérence par rap- port au projet de l’Etat fédéral d’alors se situe plutôt sur les plans politique et idéologique.

Les milieux paysans devaient en effet servir de soutien à une bourgeoisie industrielle et finan- cière suisse qui avait désigné son ennemi : a u t o u r n a n t d u s i è c l e , l e s a n c i e n s a d v e r - saires, pressés par l’arrivée du socialisme, se r a s s e m b l è r e n t e n u n m o u v e m e n t b o u r g e o i s - c o n s e r v a t e u r10.

L’industrialisation progressive du Valais vers 1900 amènera sans doute des perturbations dans la région. Cependant, si l’on relie cette situation mouvante à ce qui se passait en Suisse dans le même temps, force est de constater que ces changements créaient une synergie entre le canton et certaines des tendances les plus dynamiques du pays. Le Valais voyait se développer le secteur secondaire, ce qui le rat- tachait à un important trend de l’économie helvétique. La classe politique valaisanne, à une écrasante majorité d’obédience conserva- trice, se trouvait moins isolée, car elle dispo- sait désormais d’un possible relais au gouver- nement fédéral grâce à la représentation catholique-conservatrice nouvellement inté- grée. Enfin, si quelques milliers d’ouvriers et

I

5 BA U M A N N1993, dont GU E XS.

1995, pp. 35-43, a fait le résumé ; HU M A I R1998, pp. 9-43.

6 GR U N E R1988 et GR U N E R

et WI E D M E R1987-1988 ;

GTHMO 1975 ; JO S T1983, pp. 43-63 ; CO L L E C T I F1995.

7 Der Bund, 8 / 9 décembre 1908, cité par AL T E R M A T T1993, p. 259.

8 Sur la « révolution conservatrice », en Allemagne, cf. BO U R D I E U1988 ; en France, cf. BI H R1998 ; en Suisse, cf. JO S T1992, MA T T I O L I

1995 et 1997.

9 PY T H O N1993, pp. 355-360 ;

BO U R G E O I S1971, pp. 296-307

et BO U R G E O I S1998, notamment

pp. 115 et 210 ; JO S T1992, notamment pp. 34-40 ; SE B A S T I A N I

1998, pp. 231-264.

10AL T E R M A T T1993, p. 48.

(4)

certaines idées socialistes hantaient désormais les contrées valaisannes, c’était à un moment où la lutte contre le mouvement ouvrier était devenue une grande priorité de la politique fédé- rale. Pour les uns et les autres, en Valais comme ailleurs, les « règles du jeu » étaient claires, la partie pouvait être acharnée, mais certains avaient des atouts en mains.

Q U E L Q U E S A S P E C T S D U D É V E L O P - P E M E N T I N D U S T R I E L E N V A L A I S L ’ I n d u s t r i e , c e t t e s o u r c e d e r i c h e s s e s , n ’ a a u j o u r d ’ h u i n i r è g l e , n i o r g a n i s a t i o n , n i b u t . C ’ e s t u n e m a c h i n e q u i f o n c t i o n n e s a n s r é g u l a t e u r ; p e u l u i i m p o r t e l a f o r c e m o t r i c e q u i l ’ e m p l o i e . B r o y a n t é g a l e m e n t d a n s s e s r o u a g e s l e s h o m m e s c o m m e l a m a t i è r e , e l l e d é p e u p l e l e s c a m p a g n e s , a g g l o m è r e l a p o p u l a t i o n d a n s d e s e s p a c e s s a n s a i r , a f f a i -

T a b l e a u 1 ( P o p u l a t i o n t o t a l e , p a r c l a s s e s é c o n o m i q u e s , e n 1 9 3 0 ) (Annuaire statistique de la Suisse, 1940, pp. 40-41) Population totale, par classes économiques, en 1930

0 10 20 30 40 50 60

Production du sol Industrie, métiers Commerce, banque, assurance Hôtellerie Communications, transport Administration, professions libérales Economie domestique, journaliers Dans établissements avec internat Rentiers, personnes pensionnées

24

44

9

3

6 5 4

1

4 51

26

4 5 4

2 1 3

4

Suisse en % Valais en %

(5)

b l i t l ’ e s p r i t c o m m e l e c o r p s , e t j e t t e e n s u i t e s u r l e p a v é , q u a n d e l l e n e sait plus qu’en faire, les hommes qui ont sacrifié pour l’enri- chir leur force, leur jeunesse, leur existence.

Véritable Saturne du travail, l’industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur mort11. En 1930, le Valais était le canton suisse qui occupait le plus de personnes dans le secteur de la production du sol. En comparaison natio- nale, il était celui où l’industrie et les métiers employaient le moins de monde. Avec Obwald, le Valais était également le canton suisse où le moins grand nombre de personnes actives tra- vaillaient dans le commerce, la banque et les assurances12. Ces quelques informations lais- sent penser, au premier abord, qu’une étude consacrée aux ouvriers d’industrie dans le Valais

de la première moitié du XXe siècle nous conduira sur un terrain contrasté mais écarté des préoccupations cantonales aussi bien que du centre de gravité autour duquel s’organi- sait l’économie helvétique d’alors.

Toutefois, à y regarder de plus près, il appa- raît comme un espace où s’investissaient d’im- portantes quantités de capitaux suisses et étran- gers. Ces placements serviront en particulier au financement de lignes et tunnels ferro- viaires, de même qu’à l’installation d’usines productrices d’aluminium ou de certains pro- duits chimiques. Dans le contexte des deux guerres mondiales, qui marqueront tragi- quement cette période, les produits, nou- veaux, spécialisés et rares, sortis de quelques usines installées depuis peu dans la région, acquerront une immense valeur. Vu sous cet

I

11CA S T E L1995, p. 220, citation

de L.-N. BO N A P A R T E, « L’extinction du paupérisme », in Œuvres, Paris, 1848, tome 2, p. 256.

12Annuaire statistique de la Suisse,

« Répartition par classes écono- miques de 1000 personnes exer- çant une profession, par cantons, en 1930 », 1940, p. 44.

Simplon, transport à l’intérieur de la galerie (Centre valaisan de l’image et du son) I

(6)

angle, le Valais était traversé par certains inté- rêts qui faisaient de lui une région assez stra- tégique13.

Les tunnels du Lötschberg et du Simplon seront percés entre 1898 et 1921, alors que cer- taines compagnies financières de Suisse, de France, d’Italie et d’Allemagne achevaient l’in- tense « bataille du rail » à laquelle elles se livraient depuis des décennies. Les chemins de fer que l’on développait sur le territoire hel- vétique suscitaient en effet de nombreuses convoitises : le pays se situait au cœur de l’Europe et ses lignes ferroviaires seront natio- nalisées tardivement, cinquante ans après la création de l’Etat fédéral et encore de manière plutôt progressive. Les enjeux régionaux et internationaux ne manquaient pas, notam- ment dans la mesure où la

rivalité entre le Gothard et le Simplon pour l a m a î t r i s e d u t r a f i c t r a n s a l p i n s e d o u b l a i t

d’une lutte plus générale pour le contrôle des é c h a n g e s d e l a S u i s s e a v e c l ’ é t r a n g e r14. A côté de ces lignes et tunnels ferroviaires, en grande partie voués au trafic commercial euro- péen, le Valais voyait aussi se développer un réseau beaucoup plus orienté vers un autre secteur important de l’économie cantonale : le tourisme – un domaine qui entrera en crise, sur le plan suisse, dès 1914 et le restera jusque dans les années 195015. Des liaisons comme Viège-Zermatt-Gornergrat, Martigny-Châtelard, Aigle-Ollon-Monthey-Champéry, Martigny- Orsières, Sierre-Montana-Crans ou encore Furka-Oberalp furent réalisées dans la période qui nous intéresse ici.

Depuis l’entre-deux-guerres, l’économie can- tonale sera marquée par l’édification de nom- breux barrages hydroélectriques (Saint- Barthélémy-Cleuson, Salanfe, Grande Dixence, Mauvoisin, Zeuzier, Gougra, Pallazuit,

I

13La référence incontournable sur l’histoire économique du Valais entre 1850 et 1950 demeure KA U F M A N N1965.

14RU F F I E U X1986, pp. 618-620 ;

650-653 ; 657 ; 661-663 (citation, p. 652) ; LA C H E R1967, en particulier pp. 311-417.

15Une étude récente sur la question : SC H U M A C H E R1997, pp. 81-96.

Ouvriers de la Dixence avec l’ingénieur Solioz (Raymond Schmid/Cevis)

I

(7)

I

16AY M O N1979, pp. 37-38.

17Archives de l’Union syndicale valaisanne (Sion), le Cartel syndical valaisan au Conseil d’Etat valaisan, 8 novembre 1953, cité in PA V I L L O N1994, p. 45 ; GA R B E L Y1989, pp. 181-251, p. 188.

18AY M O N1979, p. 46.

Dès 1897, la société Lonza s’est installée à Gampel, puis à Viège. En 1904, la Ciba s’est établie à Monthey. Dès 1905, la Société ano- nyme pour l’industrie de l’aluminium de Neuhausen (AIAG, aujourd’hui Alusuisse) utilisera les eaux de la Navizence sur la com- mune de Chippis – durant la Première guerre mondiale, elle sera la plus importante fabrique d’aluminium en Europe. A côté de ces grandes firmes, d’autres fabriques se crée- ront. Si la région comptait 9 fabriques en 1882, elles y seront 92 en 1944.

Les grands chantiers des lignes et tunnels fer- roviaires aussi bien que la métallurgie et la chi- mie nécessitaient une main-d’œuvre nom- breuse. Les travaux d’infrastructure et de construction seront réalisés pour l’essentiel grâce à des ouvriers étrangers au canton : des Suisses alémaniques, des Italiens, ainsi que des internés de différentes nationalités, lors des deux guerres mondiales. Dans les années 1940, beaucoup d’internés polonais contri- bueront à l’assèchement de la vallée du Rhône, Barberine et Mattmark). La production

d’énergie électrique s’accroîtra beaucoup, passant de 1,5 milliard de kilowattheures en 1940, à 9,5 milliards de kilowattheures en 1970. En réalité, dès le début du siècle, les possibilités offertes par l’énergie hydrau- lique avaient contribué à attirer les industries – surtout celles qui consommaient énormé- ment, par exemple pour fabriquer de l’alu- minium16. Le canton offrait d’avantageuses conditions d’exploitation aux entreprises, les communes prenaient en charge la majeure partie des frais d’infrastructure liés au déve-

Barberine, équipe de boiseurs (Cevis)

I

Tableau 2 (Population résidante en Valais 1850-1930) (Annuaire statistique de la Suisse, 1940, p. 10)

Population résidante en Valais 1850-1930

0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000

1850 1860 1870 1880 1888 1900 1910 1920 1930

loppement des fabriques – par exemple pour l’approvisionnement de la population en eau potable – et les impôts prélevés sur l’utilisa- tion des forces hydrauliques étaient faibles17. A cela s’ajoute que les salaires régionaux étaient bas. En 1938, alors que le salaire moyen de la métallurgie s’élevait à 1 fr. 33/ heure en Suisse, il était de 1 fr. 03/heure, puis de 1 fr. 08/heure à Chippis18.

(8)

dans le cadre du programme de valorisation de l’agriculture valaisanne défendu par le chef du Département de l’intérieur, le conser- vateur Maurice Troillet19. Au cours des quatre premières décennies du siècle, la main- d’œuvre étrangère dans l’industrie en Valais tendra toutefois à diminuer, pour des raisons que l’on peut attribuer à la raréfaction des grands chantiers, aux crises économiques, aux guerres mondiales, ainsi qu’à une adap- tation de la population active indigène, qui s’est progressivement tournée vers l’indus- trie pour vivre, renonçant en partie ou com- plètement aux revenus agricoles. Si, en 1910, le secteur de la construction était à 66,4 % composé d’ouvriers étrangers (4904 per- sonnes), il n’en comptera plus que 24,2 % en 1930 (1267 personnes) et 7,5 % (450 per- sonnes) en 1941. Pour la métallurgie et les machines, la chimie, l’habillement ainsi que l’alimentation, les boissons et le tabac, les pourcentages d’ouvriers étrangers sont plus faibles que dans la construction, mais la ten- dance à la baisse se remarque aussi ; les sta- tistiques cantonales recensent au total 6374 ouvriers étrangers dans l’industrie en 1910, puis 1918 pour l’année 1920, 2101 en 1930 et 950 personnes en 194120.

AIAG, Lonza ou Ciba, importants employeurs du canton, se sont créées grâce aux place- ments de certains des investisseurs les plus en vue dans le monde des affaires suisse aléma- nique. Des familles ou groupes comme Abegg, Staehelin, Huber, Haefner, von Planta- Ehinger, Iselin, Vischer, Geigy ou encore Kœchlin, parmi les actionnaires majoritaires de ces sociétés, détenaient aussi de substan- tielles participations dans d’autres piliers de l’économie helvétique du XXesiècle, comme l’Union de Banques Suisse, la Société de Banque Suisse, le Crédit Suisse, l’assurance La Bâloise ou la Compagnie Suisse de Réassurance21. Le Valais était devenu un lieu d’investissements assez coté sur une place financière helvétique en pleine expansion :

E n t r e l ’ e x p o r t a t i o n d e m a r c h a n d i s e s e t c e l l e de capital, l’émigration industrielle va crois- sant – il s’agit en quelque sorte d’une forme c o m p r i m é e e t à l o n g t e r m e d ’ e x p o r t a t i o n d e capital, qu’appellent, dans le cas de la Suisse, la politique commerciale protectionniste des p a y s q u i s o n t s e s g r o s c l i e n t s a i n s i q u e l e d e g r é é l e v é d ’ a c c u m u l a t i o n d u c a p i t a l , q u i s e h e u r t e , a u s e i n d e s f r o n t i è r e s n a t i o n a l e s , a u x é t r o i t e s l i m i t e s o f f e r t e s p a r l e s a u t r e s f a c t e u r s d e p r o d u c t i o n , e n p a r t i c u l i e r p a r l e t r a v a i l22.

Dans ce sens, à cette époque, le Valais et ses ressources constituaient l’une des dernières niches du territoire national où le grand capi- tal helvétique pouvait encore investir.

Sur un autre plan, les usines valaisannes étaient devenues des maillons de la grande chaîne du capital financier helvétique qui s’activait dans le monde. La société AIAG, par exemple, avait investi à l’étranger – en France, en Italie, en Autriche et, fortement, en Allemagne. Dès 1914, le groupe s’était organisé verticalement, disposant aussi bien de mines que de cen- trales électriques, de fonderies et d’usines de traitement de l’aluminium23. Lors de la Première Guerre mondiale, les usines de Chippis sub- stituèrent aux matières premières de France celles de Hongrie, pour poursuivre leurs livrai- sons à l’Allemagne, belligérant dont elles étaient un important fournisseur24. Lors de la Seconde Guerre mondiale, la production du groupe s’organisa selon un axe Italie ou France-Suisse-Allemagne. Les matières pre- mières produites au sud de l’Europe étaient en partie traitées dans les usines AIAG en Suisse, puis exportées en Allemagne. Pour le reste, elles transitaient par la Suisse et étaient directement livrées aux filiales allemandes d’Alusuisse, qui jouaient un rôle considé- rable dans la machine de guerre nazie. A la faveur de la Seconde Guerre mondiale, Aluminium Industrie AG enregistra de gigan- tesques bénéfices: 74 millions de francs suisses net entre 1939 et 1945, dont 22 millions pour la seule année 194225.

I

19GU E XA. 1971 ; AR L E T T A ZG. 1976,

pp. 9-62 ; AR L E T T A ZG. et S. 1992, pp. 63-121.

20AR L E T T A ZG. et S. 1992, p. 73.

21HÖ P F L I N G E R1978, pp. 59-66 ;

85-93 ; 193-201 ; BI L L E T E R1985, pp. 183-202 (Les patrons des exploitations métallurgiques et mécaniques les plus grandes de Suisse) ; LU C I R I1976.

22BE H R E N D T1932, p. 56. Sur

l’émigration industrielle et l’exportation de capital, voir pp. 56-87.

23HÖ P F L I N G E R1978, p. 195.

24GA R B E L Y1989, p. 185.

25PA V I L L O N1996, pp. 55-58.

(9)

Conformément à sa vocation capitaliste, le groupe AIAG cherchait à faire fructifier ses investissements, notamment en réduisant le plus possible les salaires de sa main-d’œuvre.

Alusuisse appréciait peu la situation régnant dans la France de l’entre-deux-guerres et s’en expliquait clairement :

L’agitation ouvrière, la réduction des horaires d e t r a v a i l , l e s r e v e n d i c a t i o n s s a l a r i a l e s e t l e s c o n g é s p a y é s , r e t o m b é e s d u F r o n t p o p u - l a i r e , f a i s a i e n t b a i s s e r l e r e n d e m e n t e t a u g - m e n t e r l e p r i x d e r e v i e n t26.

En Allemagne, les filiales du groupe travaillaient sous de tout autres conditions. Les dirigeants du Troisième Reich réprimaient brutalement les syndicats qui n’étaient pas liés aux organi- sations nazies chargées de discipliner la main- d’œuvre, afin d’assurer la bonne marche des

fabriques. En outre, lors de leur attaque contre l’Union soviétique, les armées hitlériennes raflèrent des jeunes gens et des jeunes filles (des civils), qu’ils déportèrent en Allemagne pour les soumettre au travail forcé dans des usines indispensables à leur appareil de guerre. La filiale Alusuisse de Rheinfelden profita de cette main-d’œuvre et l’exploita sans limites27. Par le truchement du secteur secondaire, la région valaisanne s’insérait donc plus profon- dément dans l’économie helvétique. En même temps, sous différents aspects, elle s’en dis- tinguait nettement. Les grands chantiers et établissements industriels mis sur pied en Valais, qui, en fonction de la conjoncture, employaient, sur un même site, des milliers d’ou- vriers, apparaissent assez exceptionnels par rap- port au tissu économique de la Suisse.

I

26Histoire de l’AIAG Neuhausen 1888-1938, Chippis, 1942, cité par IN D E R M A U R1989, p. 38.

27PA V I L L O N1997, pp. 209-251 ;

BO C K S1992, pp. 22-37.

Usine de Chippis, changement d’équipe, 1931 (Charles Krebser / Cevis)

I

(10)

Toutes proportions gardées, certains pro- blèmes d’urbanisation connus alors en Valais rappellent plus ceux rencontrés par les familles ouvrières des grandes villes indus- trielles anglaises ou dans le bassin de la Ruhr en Allemagne que les problèmes liés au déve- loppement de l’industrie à Saint-Gall ou dans les Montagnes neuchâteloises28. A Goppenstein, lors du percement du Lötschberg,

l’a g g l o m é r a t i o n s ’ a c c r o î t a u r y t h m e e f f r é n é d ’ i m p l a n t a t i o n s s a u v a g e s : b a r a q u e s , c a n - t i n e s , e s t a m i n e t s e t c . P r o v i s o i r e s e t s p é c u l a - t i v e s , l e s c o n d i t i o n s d ’ h a b i t a t y d e v i e n n e n t encore pires qu’à Brigue. Une chambre abrite p a r f o i s d o u z e p e r s o n n e s . D e m ê m e , l e s t r a - vaux de la rampe d’accès vont réunir jusqu’à 3000 ouvriers, dont 15 % avec leurs familles, s o i t q u e l q u e 4 3 0 0 p e r s o n n e s29.

A ce phénomène s’en ajoute un autre, qui res- sort assez bien du texte écrit par un ouvrier de Chippis, lors des luttes de 1941, expliquant les conditions auxquelles son auteur et ses col- lègues étaient soumis :

Ce ne sont pas des cadeaux, des dons [que les ouvriers] veulent, c’est le salaire qu’ils méri- t e n t p o u r v i v r e h o n n ê t e m e n t c h e z e u x . I l s n e d e m a n d e n t p a s l ’ i m p o s s i b l e . O n e x i g e d’eux un travail surhumain, tel que celui des fours, pénible et malsain, celui des laminoirs avec ce bruit qui assomme, déchire les tym- pans ; celui de la Place où ces pauvres hommes doivent porter pendant sept heures et demie des sacs de 80 à 100 kilos. Et alors, quand ces pauvres hères, les jeunes surtout, osent murmurer, on les traite d’illuminés, de socia- listes, de révolutionnaires. […] Qu’attendent les autorités compétentes pour frayer un che- min d’entente et faire respecter le droit de l’ouvrier ? Agira-t-on peut-être quand il sera trop tard ? Et que le fossé s’élargisse encore plus, pour anéantir tout sur son passage? 30 Regroupée sur des sites bien délimités, la main-d’œuvre ouvrière en Valais travaillait dans un cadre où sa situation était rendue très visible. Lorsque des ouvriers étaient engagés par un employeur, ils étaient tributaires des

mêmes conditions de travail, de salaire et de licenciement dans les phases de crise ou de répression patronale, mais là, cela se voyait probablement plus qu’ailleurs.

Cet effet de masse et de concentration de la main-d’œuvre en Valais a eu, de manière connexe, une portée proportionnelle dans les situations de crise où la divergence des intérêts entre capital et travail éclatait sans voile. Lorsque les patrons d’usines licen- ciaient, lorsqu’ils diminuaient de moitié leurs effectifs en quelques mois, la popula- tion ouvrière était frappée de plein fouet et des quantités immédiatement considérables de foyers valaisans se trouvaient jetés dans une situation très difficile. Au début de 1921, le canton comptait 2000 chômeurs com- plets – il en dénombrera 4500 en décembre.

A la fin de 1922, 2200 chômeurs y étaient recensés, puis 1000 à la fin de 192331. Lors de la crise des années trente, les usines Lonza occupaient 750 ouvriers en octobre 1930, puis 640 au 1erjanvier 1931 et 518 ouvriers le 25 mai suivant. A Chippis, lors de la même crise, on passera de 1979 ouvriers au 1ermai 1930, à 915 ouvriers un an plus tard.

Plusieurs grèves ont marqué l’histoire du Valais. Lors de la construction du tunnel du Simplon, les ouvriers interrompirent leur travail à trois reprises, en mars et novembre 1899, puis en 1901. En 1917, une impor- tante grève se déroula aux usines de Chippis, à la suite de laquelle la Gazette du Valais écrivit, le 29 juin 1917 :

Q u e l ’ o n r e j e t t e t a n t q u e l ’ o n v o u d r a l a f a u t e d e t e l l e s m a n i f e s t a t i o n s s u r u n s e u l i n d i v i d u , u n e t e l l e u n a n i m i t é d e p l u s d e 1 7 0 0 o u v r i e r s d a n s l a c e s s a t i o n d u t r a v a i l p r o u v e q u e l e m é c o n t e n t e m e n t q u i a é c l a t é d e l a s o r t e , q u o i q u e p e u a p p a r e n t , c o u r a i t d e p u i s l o n g t e m p s d a n s l e s e s p r i t s .

Au printemps 1935, un conflit s’est déclaré sur le chantier de la Dixence en raison d’une réduction de salaire de 10 à 20% que la direc- tion d’Energie de l’ouest suisse (EOS) voulait imposer au seuil d’une nouvelle saison, pro-

I

28TI L L Yet SC O T T1987 (étude

comparative entre l’Angleterre et la France du XVIIIesiècle au XXesiècle) ; WI T Tet al. 1982.

29AR L E T T A ZG. et S. 1992,

pp. 78-79.

30« Jean, la voix d’un jeune », in Journal et Feuille d’Avis du Valais, 6 juillet 1941, cité par GA R B E L Y1989, pp. 181-251, et 208.

31AR L E T T A ZG. et S. 1992, p. 99.

(11)

fitant de la crise et engageant de nombreux Italiens – qui fuyaient le fascisme – pour qu’ils travaillent à prix réduit. Les ouvriers obtien- dront alors la priorité d’embauche aux ouvriers suisses ou étrangers établis dans la région, le rétablissement des taux de salaires de l’année précédente, un salaire minimum garanti aux ouvriers travaillant à la tâche et enfin la pro- messe que les militants syndicaux ne feraient pas l’objet de représailles.

Dans l’ensemble, il faut bien noter aussi que ces grèves déclenchaient des réactions fortes de la part des patrons ou des autorités. Ainsi, lors de la Grève générale qui éclate en Suisse du 11 au 14 novembre 1918, on compte 350 000 grévistes et 120 000 soldats mobili- sés dans l’ensemble du pays, alors qu’en Valais, les proportions seront pour le moins inversées puisque l’on dénombre 200 grévistes et 2500 soldats ! Les grévistes voulaient simplement obtenir une amélioration de leurs conditions de vie et de travail, mais les adversaires du mouvement ouvrier firent de cet événement une tentative de révolution qu’ils s’emploie- ront à réprimer avec vigueur. Le 9 mars 1919, Adolphe Rey s’exclamera, en clôturant l’as- semblée de la Société d’agriculture de Sierre : E t m a l h e u r à q u i v o u d r a a t t e n t e r à n o s i n s - t i t u t i o n s ; s i l a b a ï o n n e t t e d o i t s o r t i r d u f o u r r e a u , e l l e n ’ y r e n t r e r a q u ’ e n s a n g l a n t é e . E s p é r o n s t o u t e f o i s q u e c e s t r i s t e s p r é v i s i o n s ne se réaliseront pas ! C’est pourquoi, je ter- mine de nouveau mon rapport en m’écriant :

« D i e u p r o t è g e l a S u i s s e32.

Pour terminer, il semble aussi intéressant de rappeler que la concentration de main-d’œuvre sur certains sites fait ressortir l’un des traits les plus extrêmes, mais pas l’un des plus marginaux de la condition ouvrière, en Valais et ailleurs, celui du risque inhérent au tra- vail. Lors de la construction du Simplon, de 1898 à 1905, 6777 ouvriers furent bles- sés et 67 perdirent la vie. Le Lötschberg occasionna 7510 accidents et 56 morts33. Un demi-siècle plus tard, le 30 août 1965, la catastrophe survenue pendant la construction

du barrage de Mattmark provoqua la mort de 88 ouvriers. Sur ce plan, les grands chantiers qui ont marqué l’histoire du Valais peuvent aussi permettre de souligner cette réalité du monde du travail, souvent diffuse et volontiers camouflée, qui est celle de la mise en jeu de la santé et parfois de la vie des personnes, dans le cadre des rapports salariés34.

Assurément, lors de la Grève générale de 1918 ou lorsque des mouvements de grève se sont déclenchés, comme à Chippis en 1917, la réac- tion musclée des autorités – cantonales mais aussi fédérales – n’était pas étrangère au carac- tère stratégique des usines valaisannes. A Chippis, la direction de l’usine s’est directe- ment arrangée avec le gouvernement de Berne, qui a envoyé la troupe sur place. Les autori- tés cantonales furent mises entre parenthèses, ce qui est, en définitive, assez symbolique du statut accordé au Valais dans le cadre d’une économie helvétique pour l’essentiel dirigée depuis la Suisse alémanique et qui envisageait son développement à une échelle européenne et mondiale.

I

32Cité in SA L A M I N1978, p. 252 ; cf. aussi HE L D N E R1979, p. 33 ;

AB B E T1977, p. 61.

33AR L E T T A ZG. et S. 1992, p. 81.

34Pour qui s’y intéresse dans la perspective actuelle, cf. par exemple TH É B A U D-MO N Y1990

ou DE J O U R S1998.

Tableau 3 (Ouvriers de fabrique en Valais 1888-1947) (Annuaire statistique de la Suisse, 1947, p. 147)

Ouvriers de fabrique en Valais 1888-1947

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 9000

1888 1895 1901 1911 1923 1929 1937 1939 1946 1947

(12)

L E S O R G A N I S A T I O N S O U V R I È R E S E N V A L A I S

D o n n e z - m o i u n p e u p l e d o n t l e s p a s s i o n s bouillonnantes et les appétits mondains soient t e m p é r é s p a r l a f o i , l ’ e s p é r a n c e e t l a c h a - r i t é ; u n p e u p l e q u i c o n s i d è r e c e t t e t e r r e c o m m e u n p a s s a g e e t l ’ a u t r e m o n d e c o m m e s a v r a i e p a t r i e ; u n p e u p l e q u i a i t a p p r i s à a d m i r e r e t à r é v é r e r a v e c u n h é r o ï s m e t o u t c h r é t i e n s a p a u v r e t é m ê m e e t s e s s o u f f r a n c e s mêmes ; un peuple qui aime et adore en Jésus- C h r i s t l e p r e m i e r n é d e t o u s l e s o p p r i m é s e t e n s a c r o i x l ’ i n s t r u m e n t d u s a l u t u n i v e r s e l . Donnez-moi, dis-je, un peuple de cette trempe, e t l e s o c i a l i s m e n o n s e u l e m e n t s e r a f a c i l e à v a i n c r e , m a i s i l n e s e r a m ê m e p a s p o s s i b l e d e l e c o n c e v o i r35.

En Valais, comme en Suisse ou ailleurs, là où s’est développé le secteur secondaire, les luttes ouvrières ont porté sur les salaires, les horaires de travail, les conditions de travail ou la conquête des assurances sociales (chômage, maladie, inva- lidité, vieillesse). On pourrait pousser plus loin l’énumération de ces ressemblances en évo- quant d’autres éléments qui soulignent la condi- tion ouvrière sous l’angle de la mise en concur- rence de ses différentes composantes (ouvriers du pays / ouvriers étrangers ; hommes / femmes) et constater que l’histoire des tra- vailleurs et travailleuses du Valais, avec les caractéristiques propres à leur situation locale, s’intègre tout à fait à ce que l’on sait de l’his- toire du mouvement ouvrier36.

Des organisations de travailleurs se sont créées dans le canton au tournant du siècle. Elles ont mis en place des structures de rencontre et de loisirs pour les ouvriers ou leurs familles, à vocation d’entraide ou de lieu culturel. Elles ont édité des journaux, organisé des caisses de solidarité pour aider leurs adhérents à faire face à des situations de chômage ou à des décès, pour pallier la carence presque totale d’assurances sociales en Suisse à cette époque. Des sections du Grütli seront fondées à Sion (1854), à Monthey (1868)

ou à Brigue (1904). Cette dernière, mise sur pied par le fameux militant socialiste Charles Dellberg, sera la plus active et la plus solide. En 1908, elle comptait 70 membres cotisants et elle for- mera le noyau du futur parti socialiste canto- nal. Dans le Bas-Valais, – à Monthey, Martigny, Saxon-Fully, Vouvry, au Bouveret et à Vionnaz – diverses Unions ouvrières verront le jour, grâce notamment au travail syndical de Clovis Pignat. En mai 1916, l’Union ouvrière de Vouvry rassemblait des électriciens, des car- tonniers, du personnel des usines à chaux et ciment, des carrières, chantiers et entreprises diverses, ainsi que des ouvriers et ouvrières domestiques de campagne.

A Brigue, Dellberg et ses collègues Stegmann, Jollien, Imhof ou Delz ont mis sur pied une coopérative de consommation (1907), les Jungburschen (pour les jeunes), la caisse maladie du Grütli (1910), la coopérative des cheminots – qui fera construire 36 maisons d’habitation (1911), le syndicat des maçons, celui des ouvriers des transports (1913) et celui des ouvriers sur métaux et horlogers (1918). Dans les années vingt, leur entreprise se poursuivra. On établira une Maison du Peuple à Brigue, on organisera des activités de musique populaire, une bibliothèque, un vélo club, une chorale, une coopérative de construction générale, qui édifiera 50 habita- tions. Les Amis de la nature, liés aussi aux activités pour les ouvriers, mettront à dispo- sition une cabane de montagne (Hütte « Lüeg ins Land»). Fany Dellberg animera les Faucons rouges (Rote Falken, mouvement semblable aux scouts catholiques ou aux éclaireurs pro- testants mais laïc et d’obédience socialiste, actif dans de nombreux pays européens). Enfin, une demoiselle Stegmann fondera un groupe de femmes socialistes.

Dans le Bas-Valais aussi, une vie ouvrière tendra à se développer. Ainsi, un Cercle ouvrier sera inauguré à Vouvry en juillet 1916. Ses membres disposaient d’une salle permettant la lecture, les réunions ou la récréation. On pouvait y consommer à prix modique. Les

I

35Civiltà Cattolica, II, 122, cité par DA LPA N E1950, p. 144.

Citation reprise par HO B S B A W M

1988, p. 279.

36A plus d’un titre, les analyses de Marc PE R R E N O U Douvrent l’horizon,

cf. PE R R E N O U D1989 a, pp. 20-40 ;

PE R R E N O U D1989 b, pp. 113-141 ;

PE R R E N O U D1995, pp. 105-120, et

PE R R E N O U D1997, pp. 108-116.

(13)

cotisations mensuelles demandées aux adhérents de ce cercle étaient fixées à 1 fr.; elles devaient alimenter la caisse de l’Union ouvrière qui s’engageait à verser une indemnité en cas de chômage forcé ou de maladie. L’Union orga- nisait des conférences, des kermesses et des réunions dans les villages avoisinants – elle s’efforcera par ce biais de propager les idées syn- dicalistes auprès des participants.

Divers organes de presse, diffuseurs d’idées syndicalistes ou socialistes, paraîtront durant des périodes plus ou moins longues: Le Simplon, La Justice/Die Gerechtigkeit, Le Falot, la Walliser Volkszeitungou encoreL’Avenir. D’autres jour- naux socialistes romands, tels La Sentinelle et Le Droit du Peuplecirculaient aussi, surtout dans les cercles ouvriers. Journal du Parti socialiste

cantonal, lePeuple valaisan existera de 1927 à 1936. Sa nouvelle version paraîtra en 1952, en remplacement du Travail37.

Certaines personnalités militantes se démar- quaient, comme Karl Dellberg, le « Lion de Sierre », ou Clovis Luyet, qui s’étaient enga- gés sur les plans syndical et politique, notam- ment dans le Parti socialiste valaisan, fondé en 1919 – 31 ans après le Parti socialiste suisse.

Dans son autobiographie, Dellberg décrit le cli- mat régnant alors :

A u m o i s d e m a r s 1 9 2 1 , j e s u i s l e p r e m i e r e t unique socialiste élu député au Grand Conseil valaisan. Je demande et reçois des PTT l’au- t o r i s a t i o n d e s i é g e r . A c ô t é d e m o n t r a v a i l de buraliste postal à Naters, j’étais rédacteur de la Walliser Volkszeitung (case postale 55

I

37Cf. aussi

AR L E T T A ZG. 1979, pp. 241-253 ;

CL A V I E N1988, pp. 188-212.

Monthey, carrière (Cevis) I

(14)

à Brigue), président du Parti socialiste valai- s a n , d u P a r t i s o c i a l i s t e d e B r i g u e , d e l a coopérative de Brigue, de la Maison du Peuple à B r i g u e , m u n i c i p a l à B r i g u e , d é p u t é e t encore président du personnel des transports, PTT, CFF, Douanes, etc. Mon activité était d é b o r d a n t e . S u r t o u t a u G r a n d C o n s e i l o ù j e d o n n a i s e n p l e i n . L a r é a c t i o n n e t a r d a p a s ! !

Je ne laissais pas tranquilles mes adversaires et j’attaquais fougueusement leur politique réac- tionnaire. Je luttais pour la justice sociale en socialiste intégral (parti, syndicat, coopéra- tive, jeunesse, éducation, récréation, etc.).

Mes adversaires politiques surveillaient mon travail professionnel, la part que je prenais, mes entrées et sorties du bureau etc.

Dénoncé de ne pas faire ma part de travail au bureau, d’être absent, de mécontenter la p o p u l a t i o n e t c . , u n e i n s p e c t i o n e x t r a o r d i - n a i r e e u t l i e u a u m o i s d e f é v r i e r 1 9 2 4 . L’inspecteur Georges Rochat va jusqu’à inter- peller le président de la commune sur mon tra- vail etc. Je proteste et demande des rensei- gnements aux PTT. Inspection et renseignements sont en ma faveur. Les articles de la presse du Haut et Bas-Valais (Nouvelliste) n’ont pas le succès escompté. Au contraire ! [...]

La paix fut de courte durée. Mes adversaires ne désarmèrent pas plus que moi. Les dénon- ciations, les contrôles hors et dans le bureau d e l a p o s t e c o n t i n u è r e n t . [ . . . ]38

Comme la plupart de leurs camarades suisses, les militants syndicaux socialistes valaisans défendirent les ouvriers afin d’obtenir pour eux des améliorations sociales. Dans ce sens, l’approche d’un Clovis Luyet, qui enseignait que l’

Union syndicale […] cherche à garantir aux travailleurs des conditions de vie convenables tout en attendant l’heure de s’attaquer aux réformes de structure où le capitalisme aura vécu39,

apparaît plutôt radicale mais assez marginale.

Durant quelques décennies suivant la Seconde Guerre mondiale se développa un pragma-

tisme teinté de paternalisme, notamment dans la Fédération des travailleurs de la métallur- gie et de l’horlogerie (FTMH)40. En outre, l’étroite intrication qui se manifesta plus d’une fois au cours du siècle entre la pression à la baisse sur les salaires et l’appel à une main- d’œuvre étrangère, imposés par le patronat, généra des rapports parfois hostiles entre ouvriers valaisans et travailleurs étrangers, comme il ressort de ce Rapport annuel du Cartel syndical valaisan :

L’appétit insatiable manifesté par les entre- p r e n e u r s d o i t ê t r e f r e i n é . L a m a i n - d ’ œ u v r e i t a l i e n n e n e s u f f i t p l u s , l e s e s p a g n o l s s o n t là en attendant les grecs et les turcs [sic]. Nos c h a n t i e r s d e v i e n n e n t d e s t o u r s d e B a b e l . E t l’on conçoit très bien le danger inhérent à cet a f f l u x . P r e s s i o n s u r l e s s a l a i r e s , m e n a c e d e r e m p l a c e r d e s h o m m e s p a r d e s a u t r e s e n c a s d e m a n q u e d e d o c i l i t é , n é g l i g e n c e à l ’ é g a r d d e s m e s u r e s à p r e n d r e p o u r a s s u r e r a u x t r a - vailleurs du bâtiment la protection contre les intempéries et leur assurer le travail continu41. Il n’empêche que les travailleurs étrangers seront présents dans les syndicats en Valais.

La Fédération des ouvriers du Bois et du Bâtiment (FOBB, aujourd’hui SIB) comp- tera dans ses rangs de nombreux ouvriers ita- liens, qui ne se défileront pas lors des conflits avec les patrons.

Il faut encore remarquer que les femmes adhé- raient rarement à un syndicat. Cela peut s’ex- pliquer par le fait qu’en Valais, un grand nombre d’entre elles travaillaient dans des exploitations agricoles, souvent, d’ailleurs, sans même être comptabilisées dans la population dite « active ». De plus, les premiers syndicats créés dans le canton (bois, métallurgie, chemins de fer, postes, typographes) organisaient des métiers qui leur étaient pour ainsi dire fer- més. Enfin, les syndicats eux-mêmes, sur le plan national, ont souvent négligé de consa- crer leurs efforts à l’intégration spécifique des femmes au mouvement syndical42.

Des syndicats chrétiens-sociaux, tenus en bride par les conservateurs et le plus souvent animés

I

38DE L L B E R G[s. d.], pp. 5-6.

39PA V I L L O N1994, p. 23, citation de

C. LU Y E T, « Historique de la FOBB

en Valais », cours de militants du 29 juin au 5 juillet 1951 à Evolène, Archives de l’Union syn- dicale valaisanne (Sion).

40Idem, pp. 35-39. Voir RE Y1993.

41Archives de l’Union syndicale valaisanne (Sion), Rapport annuel CSV 1960-1961. Cité in PA V I L L O N1994, p. 38.

42PE S E N T I1988, résumé en

français : PA V I L L O N1992, pp. 177-191.

Pour le Valais, cf. PA V I L L O N1994, pp. 52-59 ; 70-71 ; 76-77.

(15)

T a b l e a u 4 ( F e m m e s e t h o m m e s d a n s l a p o p u l a t i o n a c t i v e d u V a l a i s ) (Commission d’études sur la condition féminine en Valais, Les femmes dans l’administration

cantonale, Sion, 1989. En 1910, 1920 et 1930, les chômeurs ont été attribués à la branche économique dans laquelle ils étaient occupés précédemment.) par des hommes d’Eglise seront mis sur

pied parallèlement aux organisations ouvrières liées à l’Union syndicale et au Parti socialiste.

En 1905, l’Union ouvrière des travailleurs catholiques valaisans verra le jour, grâce à l’abbé Follonier. Le chanoine Mariétan, nommé abbé en 1914, fondera le Cercle d’études sociales de Saint-Maurice. En 1908, il avait créé la revue L’Eveil, à laquelle collaboraient Georges de Montenach, Maxime Reymond, Monseigneur Eugène Baupin et Georges Goyau, éminents militants de la nouvelle droite catholique, très active autour de l’Univer- sité de Fribourg, dès sa création en 1889, mais

aussi inspiratrice d’une politique ouvriériste, dont les axes principaux étaient la lutte contre le socialisme et la mise au pas des organisations catholiques jugées trop gauchistes43. Selon L’Eveil,

L e s o c i a l i s m e e t a v e c l u i t o u t e s s o r t e s d e g e r m e s f u n e s t e s a l l a i t d a n s q u e l q u e t e m p s t r a n s f o r m e r n o s b e a u x c a n t o n s e t e n f a i r e d e s t e r r e s d e d é s o r d r e , d e r u i n e r e l i g i e u s e e t m o r a l e . L e s c h e f s d e l a m a i s o n , h e u r e u s e - m e n t , v e i l l a i e n t . I l s n o u s o n t a v e r t i s ; l e u r voix nous a redit la nécessité de veiller aussi et de travailler. C’est entendu : on veut faire q u e l q u e c h o s e44.

I

43JO S T1992, pp. 46-62.

44Cité par SA L A M I N1978, p. 227.

Femmes et hommes

dans la population active du Valais

0% 20% 40% 60% 80% 100%

1900 1910 1920 1930 1941 1950 1960 1970 1980 1990

13080 15455

15359 12920 11649

13462 25655

31797 41941

39185 44083 41961 44020 49211

50385 56822 62208 65743

77102 27156

Nombre de femmes actives Nombre d'hommes actifs

(16)

Les organisations ouvrières catholiques ont développé leurs cercles d’études, sociétés de consommation et caisses maladie, notamment à Martigny, Monthey ou Vernayaz. Les usines Lonza de Viège se maintiendront longtemps comme un bastion des syndicats chrétiens- sociaux valaisans.

Le président de la commune de Chippis, Alexandre Zufferey, avait invité l’abbé Auguste Pilloud à fonder un syndicat chrétien pour les ouvriers de l’aluminium – ce qui sera fait en juillet 1916. L’abbé Pilloud,

t o u t a u m o i n s p e n d a n t l a P r e m i è r e G u e r r e m o n d i a l e e t j u s t e a p r è s , [ … ] d é f e n d a i t d e s p o s i t i o n s t o u t à f a i t p r o g r e s s i s t e s , d é p a s s a n t parfois de loin la doctrine sociale de l’Eglise catholique. A l’encontre de « l’unité de classe » p r ê c h é e p a r l ’ E g l i s e c a t h o l i q u e , l ’A c t i o n s o c i a l e p r o f e s s a i t q u e l a t â c h e d e s s y n d i c a t s chrétiens était : « d’éveiller chez tous les tra- v a i l l e u r s l a c o n s c i e n c e d e c l a s s e , d e l e s i n s - truire, de les former et de les rendre capables d ’ ê t r e l e s g a r d i e n s e t l e s d é f e n s e u r s d e l e u r s propres intérêts et de collaborer efficacement a v e c l ’ E g l i s e e t l ’ E t a t à l a p r o s p é r i t é d e l a c l a s s e o u v r i è r e » .

La combativité de l’abbé rencontrera du suc- cès parmi les ouvriers. Par contre, il devien- dra la bête noire de l’Aluminium Industrie autant que de nombreux prêtres valaisans qui réclamèrent son éviction auprès de l’Evêché de Fribourg, dont il dépendait. Soutenu par les seuls curés de village du diocèse de Sierre / Chippis, l’abbé Pilloud fut si vivement atta- qué qu’il quitta les lieux45.

Par la suite, dirigeants politiques et directeurs d’industrie choisiront en quelque sorte de deux maux le moindre, favorisant les syndicats chré- tiens-sociaux plutôt que les socialistes. La manière dont la loi sur l’assurance chômage s’est mise en place en janvier 1928 en offre un exemple concret. Alors que le gouvernement proposait d’accorder 20% des indemnités aux caisses paritaires (où les chrétiens-sociaux étaient présents) et 15 % aux caisses syndicales, la majorité du Grand Conseil souhaitait – et

obtint – une subvention de 30 % aux caisses paritaires et de 10 % aux caisses syndicales.

En mai 1928, Charles Dellberg protestera mais sans grand succès :

V o u s c h e r c h e z à a n é a n t i r l e s c a i s s e s s y n d i - c a l e s , l e s s e u l e s q u i s o n t r é e l l e m e n t o r g a n i - s é e s e t s y m p a t h i q u e s a u x o u v r i e r s . S i l e gouvernement a pris de telles décisions, c’est par haine ou par crainte du socialisme. Vous p o u s s e z à l a l u t t e d e s c l a s s e s p a r d e s i n j u s - t i c e s c o m m i s e s d a n s l e b u t d e l u t t e r c o n t r e l e s o c i a l i s m e46.

Au fil du siècle, cet antisyndicalisme et cet antisocialisme perdureront. Les prêches de Monseigneur Bieler, évêque de Sion dès 1919, sont réputés à cet égard. Dans certaines écoles du canton, des Sœurs priaient pour les enfants dont le père adhérait à une section de l’Union syndicale suisse. Si l’on veut rappeler le carac- tère musclé de cette lutte et souligner le sou- tien politique de l’Eglise au Parti conserva- teur, une Lettre pastorale de Monseigneur Bieler semble assez claire :

L e m a l l e p l u s p r o f o n d d o n t s o u f f r e n o t r e é p o q u e e s t l ’ e s p r i t d ’ i n s u b o r d i n a t i o n e t d e révolte envers l’autorité légitime. [...] L’esprit d ’ i n s u b o r d i n a t i o n e t d e r é v o l t e c o n t r e t o u t e autorité a surtout pris racine dans la société, a u t e m p s d e l a R é v o l u t i o n f r a n ç a i s e e t d e nos jours il se manifeste d’une manière par- ticulièrement redoutable dans le bolchevisme e t s e s m u l t i p l e s t e n d a n c e s . [ . . . ]

L e c i t o y e n q u i d o n n e r a i t s a v o i x à l ’ u n d e c e s p a r t i s ( s o c i a l i s t e s e t r a d i c a u x ) d o n t l e p r o g r a m m e e s t e n o p p o s i t i o n a v e c l e s p r i n - c i p e s d u c h r i s t i a n i s m e s e r e n d r a i t c e r t a i n e - m e n t c o u p a b l e ; d e m ê m e l ’ é l e c t e u r c a t h o - l i q u e q u i a p p u i e r a i t l a c a n d i d a t u r e d e l ’ u n de ces hommes qui travaille à la destruction d e l a s o c i é t é [ . . . ] e t q u i v i s e à e x c l u r e l e p r ê t r e d e l ’ é c o l e ; [ . . . ] n o n m o i n s r é p r é h e n - s i b l e l ’ é l e c t e u r q u i p a r e s p r i t d e r a n c u n e e t d ’ a n i m o s i t é c o n t r e u n e c l a s s e d e p e r s o n n e s , [...] donnerait son suffrage au détriment des i n t é r ê t s d e l ’ E g l i s e o u d e l ’ E t a t47.

I

45GA R B E L Y1989, pp. 189-196.

La citation de l’abbé Pilloud (p. 189), provient de L’Action sociale, 6 mars 1915.

46Cité par SA L A M I N1978, p. 294.

47Monseigneur V. BI E L E R, Lettre pastorale, Carême 1931, pp. 1-2 et 29. Cité in AY M O N1979, p. 44.

Références

Documents relatifs

Vingt-cinq mètres en aval, la vanne («inthojö») d'un second déversoir règle le débit. Vanne sans aucun mécanisme. « On mettait une planche supplé- mentaire ou bien on

 Pays vassaux (Confédération du Rhin, Grand Duché de Varsovie, etc.).  Pays alliés (Prusse,

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

pour cause de déplacement, à Chaux-de-Fonds, commerce d'horlogerie avec fabrication, droit au syndicat de f'abricanls montres or, marque de fabrique et raison sociale si

J'aimerais que le travail sur la révolution industrielle soit effectué pour ce mercredi 25 mars et remis, par mail, au plus tard le vendredi 27 mars..

A l’issue de cette deuxième vague d’innovation, les géants qui en sont issus ont désormais une avance colossale pour obtenir et croiser les données, de façon à proposer

L'existence de liens entre science et technologie continue à être vue comme une caractéristique de la révolution industrielle, voire comme une des spécificités

Comme on l’a vu, divers signes attestent de la justesse partielle de cette analyse : l’Internet contribue à une plus grande infor- mation politique des citoyens les plus informés