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Vive la crise (?) Michel Husson,

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Vive la crise (?)

Michel Husson, Regards, octobre 2008

Ce titre assez imbécile voudrait suggérer une idée qui l’est peut-être moins. Le gouvernement va évidemment tout faire pour reporter les effets de la crise sur les plus faibles, mais sa profondeur est telle que les grands dogmes idéologiques et les petits arrangements politiques vont être bousculés. Cela ne veut pas dire que le capitalisme va s’effondrer mais que la manière dont il est perçu peut être bouleversé de fond en comble.

Les effets de la crise sont déjà là, avec la baisse du pouvoir d’achat et le recul de l’emploi. Après un bon premier trimestre qui avait fait jubiler Christine Lagarde, le PIB a reculé de 0,3 % au deuxième trimestre, et devrait être plat jusqu’à la fin de l’année. D’une année sur l’autre, la croissance devrait tourner autour de 1 %.

Ce ralentissement est après tout habituel dans le fonctionnement cyclique du capitalisme, mais il verra ses effets amplifiés par les « réformes » entreprises par le gouvernement.

Le paquet fiscal et l’acceptation des normes européennes réaffirmée par Sarkozy dans le projet de traité

« simplifié » interdisent tout soutien budgétaire à l’activité. La suppression de fait de la durée légale du travail représente un formidable encouragement pour les patrons. Ils auraient tort de ne pas profiter de l’occasion qui leur est offerte, à coût à peu près nul, d’allonger la durée du travail et d’ajuster encore plus brutalement leurs effectifs. La crise leur servira ainsi de prétexte pour rattraper le retard de productivité de ces deux dernières années. L’emploi, qui avait augmenté de plus de 300 000 en 2007 va donc stagner cette année, et pourrait même reculer de 50 à 60000 personnes si les patrons font le plein des réserves de productivité. Les répercussions sur le chômage seront minimisées grâce à l’application stricte de l’« offre raisonnable d’emploi » et aux emplois bidon dopés par le RSA. Cette dégradation de l’emploi et le recours aux heures supplémentaires dispenseront le patronat de maintenir le pouvoir d’achat, et le gouvernement se gardera de tout coup de pouce au Smic ; il essaiera sans doute de mettre en place ses projets visant à le déconnecter du coût de la vie.

Tous ces mécanismes pervers seront renforcés au niveau de l’Union européenne, dont la triple incapacité va se révéler : à mettre en place une réponse coordonnée, à maîtriser le taux de change de l’euro et à surmonter son effroi devant l’inflation. Bref, la croissance va être plombée encore plus par le maintien de l’euro et des taux d’intérêt à un niveau élevé, et chaque pays va faire feu de tout bois pour piquer des parts de marché à ses voisins.

Quels peuvent donc bien être les aspects positifs d’un tel marasme ? De manière générale, les dogmes idéologiques sont aujourd’hui ébranlés dans leurs fondements : non, décidément, la mondialisation ne fait pas le bonheur et n’est compatible ni avec l’environnement ni avec les besoins sociaux élémentaires. Non, décidément, la financiarisation débridée ne sert pas à fluidifier l’activité économique. Non, décidément, les réformes libérales ne permettent pas de revenir au plein emploi, ni de gagner plus. Et de manière plus spécifique, la France est en plus mauvaise posture pour faire face à cette conjoncture, avec les réformes Sarkozy que sans. Sur la base de ce bilan, on peut aujourd’hui construire une défiance de masse à l’égard du néo-libéralisme qui apparaît comme une véritable catastrophe économique, pour reprendre ce que disent les économistes bien pensants et le patronat à propos des 35 heures.

Comme dirait Schumpeter, la crise est un processus de destruction créatrice. Elle met à mal les idées fausses qui dominaient jusque là, mais doit conduire aussi à l’émergence de convictions nouvelles. Par un effet de boomerang facilement compréhensible, elle réduit à néant les prétentions du social-libéralisme qui voudrait donner un visage humain au libéralisme et à son train de contre-réformes permanentes. Cette crise est donc aussi celle du PS et plus largement de la social-démocratie européenne. Elle a en effet plusieurs trains de retard. Face à une finance complètement déjantée, elle n’avance que de timides mesures de « régulation » ; face à la régression sociale, elle ne propose que des changements marginaux dans la répartition des richesses ; elle ne propose aucune alternative à l’Europe néo-libérale ; elle continue à prétendre concilier le

« socialisme » et le libre jeu du marché. Cette béance vertigineuse doit être comblée.

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