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La crise et les marxistes

Michel Husson, Regards, février 2010

La crise est l’occasion de revitaliser la critique marxiste du capitalisme. Il semble malheureusement que ce soit plutôt une occasion de remettre en selle ses versions les plus dogmatiques. On partira ici d’un simple membre de phrase de Carchedi (1) : « les crises (des taux de profit plus bas) ... » qui établit l’équivalence qui sous-tend ce type d’analyse : crise = baisse du taux de profit. Donc, si la crise est conforme à la théorie, il faut que le taux de profit ait baissé, d’autant plus que cela valide la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.

Ce raisonnement à rebours conduit donc à une polémique dirigée contre ceux qui se contentent d’observer que le taux de profit est à la hausse depuis le début des années 80 dans les grands pays capitalistes. Beaucoup d’énergie est consacrée à montrer qu’il n’en est rien : le taux de profit a baissé ou stagné et s’il a quand même un peu monté, il reste bien inférieur à ce qu’il était dans les années 50.

En règle générale, la critique des données statistiques est un exercice parfaitement légitime mais, il débouche ici sur une longue liste d’erreurs portant aussi bien sur la définition du profit (les profits captés des banques ne seraient pas de la plus-value) que sur celle du capital, que l’on mesure en oubliant l’inflation ou la transmission de valeur aux marchandises ou en « corrigeant » son amortissement en dépit du bon sens (2).

Certes, le taux de profit a baissé au cours de la crise et même un peu avant aux Etats-Unis, et c’est conforme au déroulement du cycle dans son interaction avec les marchés financiers (3). Mais cette crise n’est pas une fluctuation cyclique, c’est une rupture par rapport au mode de fonctionnement du capitalisme depuis 30 ans qui était caractérisé par un trop-plein de plus-value à la recherche d’une hyper-rentabilité. Les défenseurs de cette thèse sont alors qualifiés de « sous-consommationnistes » voire de keynésiens. Et quand Patrick Artus s’essaie à une « lecture marxiste de la crise » (4), il écrit ceci : « Il s'agit bien d'une lecture marxiste (mais conforme aux faits) de la crise : suraccumulation du capital d'où baisse tendancielle du taux de profit ». Tout cela est peut-être une « lecture marxiste » mais elle n’est pas « conforme aux faits ». Il n’y a pas, au cours des décennies précédant la crise, de tendance à la suraccumulation du capital ni de baisse du taux de profit. La configuration est exactement inverse : un rétablissement permanent du taux de profit et une stagnation du taux d’accumulation, avec des interruptions liées aux crises récurrentes.

Cela ne convient pas aux orthodoxes qui avancent un nouveau syllogisme : « si nous assistons à une crise énorme alors que le taux de profit s’est à peu près rétabli, cela suggère qu'il s’agit d’une crise purement financière plutôt que d’une crise de la production capitaliste en tant que telle. Et cela suggère par conséquent que ce qui doit être corrigé, c’est le système financier (...) Beaucoup de personnes rejoignent ainsi le camp du keynésianisme et appellent à lutter contre le capitalisme financier plutôt que contre le capitalisme » (5).

Le raisonnement est donc le suivant : si le taux de profit est élevé, alors la crise est seulement une crise financière et, dans ce cas, la logique profonde du système n’est pas remise en cause. Ce nouveau raisonnement « à l’envers » permet de comprendre pourquoi certains économistes marxistes dépensent autant d’énergie à nier la réalité de la montée du taux de profit. On peut évidemment y voir le souhait de confirmer la fameuse loi marxiste de baisse tendancielle, mais il y a plus, à savoir l’incapacité à comprendre que le capitalisme peut être en crise alors même qu’il bénéficie de taux de profit très élevés (6). Il y a pourtant là le symptôme d’une crise systémique qui touche à ses racines mêmes et non à sa seule forme financiarisée.

Ce que montre la crise, c’est que le capitalisme est incapable, et même refuse, de répondre de manière rationnelle aux besoins de l’espèce humaine, qu’il s’agisse de besoins sociaux ou de lutte contre le changement climatique. Le combat anticapitaliste vise un système dégradant fondé sur l’exploitation et dont l’irrationalité croît de manière assez indépendante, finalement, des fluctuations du taux de profit.

(1) G. Carchedi, Zombie Capitalism and the origin of crises.

(2) M. Husson, La hausse tendancielle du taux de profit.

(3) M. Husson, La baisse de la profitabilité des entreprises a précédé la crise financière.

(4) P. Artus, Une lecture marxiste de la crise.

(5) A. Kliman, conférence-débat à Buenos-Aires.

(6) M.Husson, Capitalisme : vers une régulation chaotique.

Toutes ces références sont disponibles sur :http://hussonet.free.fr/cricoco.htm

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