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Crise et répartition des richesses Michel Husson,

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Crise et répartition des richesses

Michel Husson, l’Humanité, 27 mars 2010

La répartition des richesses est au cœur de la crise. La baisse à peu près universelle de la part qui revient aux salariés en est l’une des causes essentielles : ce sont les revenus captés au détriment des salariés qui ont alimenté la bulle financière. Toute la question est donc de savoir si on change quelque chose à cette situation.

Or, tout indique qu’au-delà des simulacres de « régulation », les gouvernements et les patrons n’ont qu’une seule idée en tête : revenir à l’état antérieur à la crise, bref au business as usual. C’est logique du point de vue du capital, mais c’est en même temps une impasse puisque les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets, à savoir une nouvelle récession.

Pour sortir de cette impasse, il faut remettre en cause les deux dogmes qui guident les politiques actuelles de

« sortie de crise ». Premier dogme : la compétitivité doit être rétablie sans décourager les actionnaires, donc en faisant pression sur la masse salariale. Deuxième dogme : il faut résorber le déficit budgétaire sans augmentation des recettes, donc par réduction des dépenses sociales.

Le premier principe a été scrupuleusement respecté par les grands groupes du CAC 40 : leurs profits ont baissé à cause de la crise, mais ils ont distribué au moins autant de dividendes qu’avant. C’est donc sur la masse salariale qu’il faudra jouer pour rétablir leurs marges écornées par la crise : pas touche aux dividendes ! Dans les semaines et les mois à venir (pour reprendre la formule de Sarkozy annonçant la baisse du chômage) les entreprises vont chercher à se débarrasser de leurs « sureffectifs », à geler les salaires et à intensifier le mouvement de délocalisation. Elles se sentiront en position de force pour le faire, « grâce » à un taux de chômage élevé qui fait pression sur les revendications salariales. Et elles invoqueront la nécessité de gagner des parts de marché dans un contexte européen de concurrence exacerbée.

Le second principe (couper dans les dépenses sociales pour réduire les déficits budgétaires) est illustré par le laboratoire grec qui donne là encore une idée des orientations européennes. Le plan d’austérité grec (et d’autres d’ailleurs en Europe) préfigurent ceux qui sont dans les tuyaux. Le seul débat porte en fait sur le calendrier : les gouvernements perçoivent le risque d’un freinage trop brutal qui casserait la timide reprise et provoquerait une nouvelle récession. Mais les cibles sont clairement désignées, notamment les dépenses de santé, les retraites et les effectifs de la fonction publique.

Ces deux principes conjugués pèsent sur le niveau de vie des travailleurs, pris en tenailles entre l’austérité salariale et l’austérité budgétaire. Cela ne peut qu’aggraver encore les effets de la crise et étendre la pauvreté salariale et le chômage (1). La seule alternative consiste à peser sur la répartition des richesses par les deux bouts. Du côté des entreprises, la part des salaires est à un niveau historiquement bas. Il ne serait pas « anti- économique » de la relever en faisant baisser la part des dividendes, ce qui, soit dit en passant, ne pèserait ni sur l’investissement ni sur la compétitivité. Du côté du budget, la résorption du déficit devrait passer par une réforme revenant sur les multiples avantages fiscaux accordés aux privilégiés. Cette augmentation des impôts n’aurait pas d’effet défavorable sur l’activité puisqu’elle toucherait pour l’essentiel des revenus qui sont en grande partie épargnés et non consommés.

Cette orientation est la seule à même de combiner soutien à l’activité et justice sociale. Dégonfler et taxer les revenus financiers permettrait de s’attaquer aux racines mêmes des dérives qui ont conduit à la crise. Il existe pour le faire des marges de manœuvre bien supérieures à ce que l’on voudrait nous faire croire. Pour ne citer que quelques chiffres, les dividendes nets versés par les sociétés non financières équivalaient en 2008 à 13 % de leur masse salariale et les niches fiscales à 27 % des ressources fiscales soit 3,8 % du Pib (2).

Les arguments purement économiques s’opposant à une telle inflexion dans la répartition des richesses ne sont donc pas vraiment fondés. La réalité est plus prosaïque : les privilégiés de la finance n’ont tout simplement aucune envie de renoncer à leurs privilèges et leur seul projet est de remettre en ordre de marche le système, tel qu’il a fonctionné à leur avantage. Et cela même si ce retour à la case départ passe par une dégradation des conditions de vie d’une majorité de la population et par le refus d’un autre partage des richesses pourtant indispensable pour ne pas retomber dans les errements du passé. Voilà pourquoi la crise économique et financière est appelée à durer et à se transformer en crise sociale et politique.

(1) voir le rapport de l’OFCE, Impact de la crise sur la pauvreté , ainsi que l’enquête Crise et pauvreté du Groupe Alpha.

(2) rapport parlementaire sur les niches fiscales.

références en ligne à : http://hussonet.free.fr/salrev.htm

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