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Un lymphome T endémique à ne pas méconnaître

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Academic year: 2022

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Images en Dermatologie

Vol. IX - n° 3

mai-juin 2016 106

De la clinique au microscope

Cas clinique

Observation

Une femme âgée de 61 ans, hôtesse de l’air à la retraite, d’origine sénégalaise, consulte pour une éruption diffuse. Ses seuls antécédents sont une hypertension équilibrée par l’association énalapril-lercanidipine et le nébivolol. Outre le traitement antihyperten- seur, elle ne prend que de l’aspirine à dose antiagrégante. L’histoire de la maladie débute brutalement 1 mois auparavant. La patiente constate alors une éruption érythé- mateuse papuleuse d’abord localisée au cou, puis qui s'étend rapidement à l’ensemble du tégument (fi gures 1 et 2), associée à une polyadénopathie. Son état général s’altère alors rapidement avec anorexie, asthénie importante, sueurs et perte de 8 kg. L’examen clinique objective, outre l’éruption couvrant environ 50 % de la surface corporelle, une polyadénopathie cervicale, axillaire et inguinale, sans hépatosplénomégalie. L'examen clinique est par ailleurs sans particularité.

Le bilan biologique initial identifie une discrète élévation des enzymes hépa- tiques (2 × LSN [limite supérieure de la normale]) ainsi qu’une hyperlympho- cytose à 14 700 éléments/mm

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, avec, au frottis sanguin, la présence de cellules lymphoïdes atypiques. Il existe une hypercalcémie (2,67 mmol/l) avec abaisse- ment de la parathormone. Le bilan radiologique (scanner thoraco-abdomino- pelvien et TEP-TDM) identifi e de multiples adénopathies sus- et sous-diaphragmatiques et une hyperfi xation splénique.

Diagnostic et évolution

L’étude histopathologique permet d’identifi er un lymphome T cutané épidermotrope, avec localisations ganglionnaire et médullaire. Dans la peau, il existe en effet un infi l- trat lymphocytaire atypique occupant le derme superfi ciel et moyen en ébauchant une bande sous-épidermique (fi gure 3), fait principalement de lymphocytes atypiques de taille moyenne à grande. Il existe un épidermotropisme, sous forme de cellules isolées ou regroupées en amas de type “abcès de Pautrier” (fi gure 4). L’analyse immuno- histochimique montre que l’infi ltrat tumoral est de type T (CD2+, CD3+, CD5+) avec une perte antigénique portant sur le CD7 (fi gure 5), associé à quelques cellules réaction- nelles de type B ou T CD8+. Il existe une expression assez diffuse de CD25 et une expres- sion plus hétérogène du facteur de transcription FoxP3. Le même infi ltrat lymphocytaire T est retrouvé dans la biopsie ganglionnaire et dans la biopsie ostéomédullaire.

L’étude en cytométrie de fl ux confi rme la présence de cellules néoplasiques circu- lantes, de phénotype T CD2+, CD5+ fort, CD7+ faible et CD10–, avec une perte totale de l’expression du CD26 et la présence d’une expression intermédiaire du CD25. L’aspect d’ensemble fait donc discuter un syndrome de Sézary (SS) et un lymphome T associé au virus HTLV-1 (Human T-cell leukemia virus type 1). La sérologie et la PCR sanguine spécifi ques de l’HTLV-1 sont positives. Les sérologies VIH, VHC et VHB sont quant à elles négatives.

Lymphome T cutané • HTLV-1 • Le u cé m i e - l y m p h o m e T de l’adulte • CD25 • FoxP3 • Lymphocytes T régulateurs.

Cutaneous T-cell lymphoma • HTLV-1 • Adult T-cell leukemia/

lymphoma • CD25 • FoxP3 • Regulatory T-cells.

Un lymphome T endémique à ne pas méconnaître

An endemic cutaneous T-cell lymphoma not to misdiagnose

N. Ortonne

1

, R. Karouche

1

, É. Scherman

2

, C. Haioun

2

, M.L. Gauci

3

, L. Fardet

3

(

1

Département de pathologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil ;

2

Unité hémopathies lymphoïdes, hôpital Henri-Mondor, Créteil ;

3

Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil)

Légendes

Figure 1. Éruption diff use sur le tronc faite de multiples papules érythémateuses de petite taille.

Figure 2. Les papules sont isolées ou regrou- pées en petites plaques, d’aspect un peu polygonal, ressemblant aux papules du lichen plan.

Figure 3. Infi ltrat lymphocytaire dermique périvasculaire ébauchant une bande sous-épidermique et infiltrant l’épiderme (hématéine-éosine-safran [HES], x 100).

Figure 4. L’infiltrat lymphocytaire est atypique, fait de cellules de taille moyenne à grande, à noyaux irréguliers et hyper- chromatiques. Les cellules épidermotropes sont groupées en amas de type “abcès de Pautrier” (HES, x 200).

Figure 5. Immunomarquages de CD3 et CD7 indiquant que l’infiltrat néoplasique est fait de lymphocytes T ayant perdu l’ex- pression de CD7, avec seulement quelques rares cellules T réactionnelles positives pour ce marqueur (fl èche) que l’on identifi e bien dans le contingent épidermotrope (pointes de fl èches), réalisant des “abcès de Pautrier”

(immunomarquages développés avec la diaminobenzidine [DAB], x 200).

Figure 6. Dans cet autre exemple de lymphome T cutané associé au virus HTLV-1, la différenciation Treg est très nette avec expression membranaire intense et diff use de CD25 et expression nucléaire du facteur de transcription FoxP3 (immunomarquages développés avec la DAB, x 200).

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Le diagnostic retenu est donc celui d’un lymphome T associé au virus HTLV-1, dans une forme aiguë.

Un traitement associant la zidovudine et l’interféron alpha, en continu, est instauré. Les lésions cutanées commencent par ailleurs à disparaître grâce aux dermocorticoïdes (bétaméthasone topique) administrés en début d’hospitalisation, et l’hypercalcémie a été contrôlée par hyperhydratation et l'injection de pamidronate.

Discussion

Le virus HTLV-1 est le premier rétrovirus humain découvert en 1980 par l’équipe de R. Gallo, aux États-Unis. Si la prévalence du virus peut être élevée dans certaines populations, seulement 5 % des personnes infectées développeront une pathologie spécifi que, de type leucémie/lymphome ou une neuromyélopathie. La transmission se fait essentiellement de la mère à l’enfant et on estime que 15 à 20 % environ des enfants nés de mère infectée sont contaminés. La transmission par voie sexuelle est possible, majoritairement de l’homme à la femme, pouvant expliquer pourquoi la prévalence de l’infection est plus élevée chez les femmes. Pour éviter la transmission sanguine lors des transfusions, un dépistage systématique est effectué au Japon, aux États-Unis et en France depuis juillet 1991.

L'hémopathie associée au virus HTLV-1 est assez rare en Europe, mais représente une des formes les plus fréquentes de lymphome dans les zones d’endémie, en particulier en Extrême-Orient, notamment au Japon, son incidence suivant les zones d’endémie du virus. Ainsi, les malades atteints de ce type de lymphome que l’on peut voir en France et en Europe sont généralement des malades ayant voyagé et séjourné en zone d’endémie. Les malades français sont donc souvent des personnes ayant vécu dans les départements d’outre-mer, en particulier ceux des Caraïbes ou en Guyane.

À côté du Japon et des Caraïbes, d’autres zones d’endémie existent, bien que moins connues. C’est le cas de l’Afrique de l’Ouest, incluant le Sénégal, pays d’origine de la patiente dont le cas est rapporté ici.

Plus qu’un lymphome, les lymphomes T associés au virus HTLV-1 représentent un groupe d’entités de pronostic varié, regroupés sous l’appellation de “leucémies lymphomes T de l’adulte” (adult T-cell leukemia lymphoma) dans la classifi cation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) actuellement en vigueur et récemment mise à jour (1, 2). On décrit ainsi 4 formes principales :

▶ la forme la plus agressive est la forme aiguë où la maladie se traduit par une inva- sion néoplasique systémique avec un contingent leucémique et une atteinte cutanée.

Elle est fréquemment associée à une hypercalcémie paranéoplasique ;

▶ la forme lymphomateuse se traduit par des masses tumorales sans contingent leucémique, impliquant en général les organes lymphoïdes et la peau ;

▶ la forme chronique se traduit par une érythrodermie exfoliative ;

▶ et la forme indolente, dite smoldering dans la littérature de langue anglaise, par des lésions cutanées d’évolution chronique.

Il peut exister un passage de la forme peu agressive smoldering vers les formes aiguës et lymphomateuses, justifi ant une surveillance des malades.

L’atteinte cutanée peut se présenter sous diverses formes, incluant un érythème pouvant aller jusqu’à l’érythrodermie ou former des plaques ressemblant à ce que l’on voit dans le mycosis fongoïde (MF), des lésions papuleuses ou nodulaires (3).

Le caractère papuleux, particulièrement marqué chez notre patiente, semble assez fréquent et caractéristique de ce lymphome.

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De la clinique au microscope

Cas clinique

D’un point de vue histologique, il s’agit d’un lymphome T qui peut être difficile à caractériser en l’absence de marqueur spécifique. En effet, il n’y a pas encore aujourd’hui de marqueurs du virus utilisables en pratique de routine sur coupes tissulaires qui permettraient de démontrer l’intégration clonale du virus dans les cellules néoplasiques comme on peut le faire pour les hémopathies et autres cancers associés au virus d’Epstein-Barr (EBV) par exemple. Classiquement, il s’agit d’une prolifération de lymphocytes atypiques de taille moyenne à grande, avec dans le sang un aspect assez reconnaissable puisque les cellules montrent volontiers des noyaux polylobés en trèfle (floret cells). Dans la peau, les infiltrats sont de densité variable et il peut exister un épidermotropisme, avec parfois des images d’“abcès de Pautrier”

comme c’est le cas dans cette observation, qui fait que les lésions peuvent ressembler fortement à un MF ou un SS. Elles ont un phénotype T CD4+ (plus rarement CD4+ et CD8+) mémoire avec souvent une perte d’expression du CD7, ce qui n’est pas spécifique et se voit fréquemment dans d’autres lymphomes T, incluant le MF et le SS. Bien entendu, le diagnostic différentiel avec le SS est d’autant plus difficile lorsqu’il existe une population leucémique circulante, même si un cytologiste expérimenté saura faire la distinction entre d’authentiques cellules de Sézary circulantes et les cellules atypiques en trèfle des lymphomes associés au HTLV-1. Un élément pouvant aider pour le diagnostic histologique est la démonstration d’un phénotype T régulateur (Treg). On pense en effet aujourd’hui que la contrepartie normale des lymphocytes néoplasiques des lymphomes associés au virus HTLV-1 sont les lymphocytes Treg. Cette sous-population de lymphocytes T mémoires joue un rôle important dans le contrôle de la réponse immunitaire en produisant des médiateurs anti-inflammatoires comme le TGFß et l’interleukine (IL) 10. Elle se caractérise par une forte expression du récepteur de l’IL-2 (CD25) et du facteur de transcription FoxP3, qui tous 2 peuvent être étudiés sur coupes en immunohistochimie grâce à des anticorps monoclonaux spécifiques et sont fréquemment exprimés dans les lymphomes (4). La figure 6, p. 107, illustre un cas de lymphome T associé au virus HTLV-1 dont l’infiltrat dermique exprime fortement ces 2 marqueurs. En pratique, le diagnostic sera retenu sur un faisceau d’arguments incluant la positivité de la sérologie et de la PCR spécifique de l’HTLV-1.

Il reste important de faire le diagnostic, car le traitement diffère de celui des autres lymphomes T et notamment de celui du MF et du SS. D’un point de vue thérapeutique en effet, il semble que le recours à des approches antirétrovirales associées à l’inter- féron alpha apporte un bénéfice aux malades en permettant d’induire l’apoptose des

cellules néoplasiques porteuses du virus (5).

II

N. Ortonne déclare ne pas avoir de liens d'intérêts en relation avec cet article.

R. Karouche, É. Scherman, C. Haioun, M.L. Gauci et L. Fardet n'ont pas précisé leurs éventuels liens d'intérêts.

Références bibliographiques

1. Swerdlow SH, Campo E, Harris N et al. WHO Classification of Tumours of Haematopoietic and Lymphoid Tissues, Fourth Edition. Genève : OMS, 2008 : 439p.

2. Swerdlow SH, Campo E, Pileri SA et al. The 2016 revision of the World Health Organization classification of lymphoid neoplasms. Blood 2016;127(20):2375-90.

3. Marchetti MA, Pulitzer MP, Myskowski PL et al. Cutaneous manifestations of human T-cell lymphotrophic virus type-1-associated adult T-cell leukemia/lymphoma: a single-center, retrospective study. J Am Acad Dermatol 2015;72(2):293-301.

4. Karube K, Aoki R, Sugita Y et al. The relationship of FOXP3 expression and clinicopathological characteristics in adult T-cell leukemia/lymphoma. Mod Pathol 2008;21(5):617-25.

5. Kinpara S, Kijiyama M, Takamori A et al. Interferon-α (IFN-α) suppresses HTLV-1 gene expression and cell cycling, while IFN-α combined with zidovudine induces p53 signaling and apoptosis in HTLV-1-infected cells. Retrovirology 2013;10:52.

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Références

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