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Actualité des saisies de créances monétaires

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Academic year: 2022

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Actualité des saisies de créances monétaires

Il existe deux types de saisies de créances monétaires :

- d’une part, les saisies générales ouvertes à tout créancier, qui regroupent la saisie-attribution et la saisie des rémunérations du travail ;

- d’autre part, les saisies spéciales réservées à certains créanciers seulement, qui sont constituées de la demande de paiement direct de la pension alimentaire et de multiples procédures à tiers détenteur : ATD, OTD, opposition administrative et STD.

La saisie des rémunérations du travail se distingue car elle est la seule à ne produire aucun effet attributif. Son actualité récente est essentiellement législative (§ 1.) Parmi les autres saisies, celle qui reste la plus usitée, et dont l’effet attributif sert généralement de modèle aux autres, est la saisie-attribution dont l’actualité jurisprudentielle a encore été très fournie au cours de l’année passée (§ 2.).

§ 1. Actualité législative de la saisie des rémunérations du travail

Pour préserver le crédit de la grande majorité des débiteurs, qui tire l’essentiel de leurs revenus du travail, la loi du 9 juillet 1991 n’a pas étendu à la saisie des rémunérations, l’effet attributif attaché à la saisie des autres créances monétaires. En conséquence, elle a conservé l’essentiel des règles anciennes de cette saisie et n’a introduit que quelques innovations. Les deux les plus importantes sont les suivantes:

- d’une part, le minimum de survie par l’instauration d’une fraction absolument insaisissable, même par les créanciers d’aliments ;

- d’autre part, l’interdiction de toute saisie conservatoire des rémunérations du travail (C.

trav., art. L. 3252-7) ; en conséquence, leur saisie n’est plus possible que sur le fondement d’un titre exécutoire (C. trav., art. R. 3252-1), ce qui a rendu inutile toute instance en validité.

Elle est régie actuellement aux articles L. et R. 3252-1 et suivants du code du travail et cette localisation n’est pas remise en cause par le CPCE entrée en vigueur le 1er juin 2012. En effet, son article L. 212-1 se contente d’y renvoyer. En revanche, leur contenu va être affecté : - dans la partie législative, par l’article 3 de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement des procédures, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013 ;

- dans la partie règlementaire, par le décret d’application qui devra être pris dans l’intervalle.

Les modifications introduites par la loi du 13 décembre 2011 intéressent la situation de chacune des parties de la saisie des rémunérations du travail : le débiteur (A), l’employeur (B) et les créanciers (C).

A) La situation du débiteur

Depuis la loi du 9 juillet 1991, le débiteur bénéficie d’une fraction absolument insaisissable qui échappe même à ses créanciers d’aliments. A l’origine, cette fraction correspondait, selon l’article L. 3252-3 du code du travail, « au montant de ressources dont disposerait le salarié s’il ne percevait que le RMI ». En conséquence, l’article R. 3252-5 l’avait fixé au « montant mensuel du RMI pour un allocataire seul ». Mais loi du 1er décembre 2008 (2008-1249), qui a généralisé le RSA, avait inscrit à l’article L. 3252-3, le montant forfaitaire du RSA

« applicable au foyer du salarié ». Cette nouvelle rédaction aurait dû conduire à prendre en considération la situation de famille du débiteur. Mais le décret d’application du 18 juin 2009 (n° 2009-716) avait maintenu à l’article R. 3252-5, la solution initiale en fixant cette fraction au montant forfaitaire du RSA dû «pour un foyer composé d’une seule personne ». Cette divergence des textes semblait procéder plutôt d’une bévue du législateur que d’une volonté

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délibérée de changer la règle, alors qu’il s’agissait seulement de substituer le RSA au RMI.

Cette bévue a finalement été corrigée par la loi du 13 décembre 2011, dont l’article 3 aligne la rédaction de l’article L. 3252-3 sur celle de l’article R. 3252-5.

En principe, cette harmonisation n’aurait dû entrer en vigueur que le 1er janvier 2013. Mais l’ordonnance du 19 décembre 2013 relative à la partie législative du CPCE l’a anticipée en inscrivant la même modification rédactionnelle au 2° de son article 3. Elle entrera donc en vigueur le 1er juin 2012.

En revanche, les autres modifications de la saisie des rémunérations, qu’elles intéressent la situation de l’employeur ou celle des créanciers, sont à effet du 1er janvier 2013.

B) La situation de l’employeur

Deux modifications touchent à la situation de l’employeur, en sa qualité de tiers saisi.

 La première intéresse la sanction encourue par l’employeur qui ne verse pas la fraction saisissable. Selon l’article L. 3252-10 du code du travail, le juge déclare cet employeur, même d’office, débiteur des retenues qu’il aurait dû opérer. Mais jusqu’à présent, il appartenait au juge d’instance d’évaluer ces montants selon les éléments dont il disposait, ce qui était malaisé. A compter du 1er janvier 2013, il pourra interroger les organismes fiscaux et sociaux dans les conditions prévues pour l’huissier de justice par l’article 39 de la loi de 1991, qui deviendra l’article L. 152-1 du CPCE. Mais il ne pourra solliciter que les informations protégées nécessaires à son office, c’est-à-dire : le montant de la rémunération versée et la composition de la famille du débiteur (L. 3252-10, modif. L. 13 déc. 2011).

 La seconde modification concerne l’hypothèse de la pluralité d’employeurs, tiers saisis.

Dans ce cas, la fraction saisissable est calculée sur l’ensemble des sommes versées au salarié, mais il appartenait traditionnellement au juge de fixer les modalités des retenues à opérer par les tiers saisis, selon l’article L. 3252-4. A compter du 1er janvier 2013, ces modalités seront fixées par décret en Conseil d’Etat. Le rôle du juge sera donc allégé puisqu’il n’aura plus à intervenir systématiquement, mais seulement en cas de litige sur l’application des nouvelles dispositions réglementaires. Celles-ci restent à prendre comme celles intéressant la modification qui touche à la situation ces créanciers.

C) La situation des créanciers

Comme la saisie des rémunérations du travail ne produit pas d’effet attributif, elle organise le concours des créanciers par le biais de l’intervention, qui permet à chacun d’eux de se greffer, à tout moment, sur une saisie en cours. Dès la première intervention, les fonds saisis sont répartis entre les créanciers en concours selon leur rang (L. 3252-8). A cet effet, il appartient au greffe d’établir tous les 6 mois un état de répartition qu’il notifie aux créanciers (R. 3252- 35).

Mais à compter du 1er janvier 2013, les petites créances bénéficieront d’un droit de priorité.

En effet, selon le nouvel alinéa ajouter par la loi du 13 décembre 2011 à l’article L. 3252-4 du code du travail : « les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sans que celles-ci ne puissent excéder un montant fixé par décret, sont payées prioritairement dans les conditions fixées par ce décret ». Il reviendra donc au décret d’application de régler :

- d’une part, le plafond des créances résiduelles pouvant bénéficier du paiement prioritaire, dans l’ordre croissant de leur montant ;

- les conditions dans lesquelles ces paiements prioritaires interviendront.

Mais comme la saisie des rémunérations du travail ne produit pas d’effet attributif, tous ces paiements, quels qu’ils soient, cessent en cas d’ouverture d’une procédure collective ou de surendettement à l’encontre du débiteur. Il est vrai que l’hypothèse de la procédure collective ne se rencontre quasiment qu’en Alsace et en Moselle où un salarié, comme tout

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particulier, peut faire l’objet d’une procédure collective du livre VI du code de commerce. Si une saisie des rémunérations est alors en cours, elle sera suspendue. L’hypothèse du surdendettement est évidemment beaucoup plus fréquente pour les salariés et depuis la réforme opérée par la loi du 1er juillet 2010, la saisie des rémunérations est suspendue dès la décision de recevabilité de la commission (C. cons., art. L. 331-3-1). De plus, le juge peut même anticiper la suspension dès la demande de surendettement (C. cons., art. L. 331-5).

Ces solutions ne sont pas applicables à la saisie-attribution en raison précisément de son effet attributif. Si cette saisie a été épargnée par le législateur en 2011, la jurisprudence publiée de la Cour de cassation a encore été abondante.

§ 2. Actualité jurisprudentielle de la saisie-attribution

Les décisions publiées de la Cour de cassation au cours de l’année écoulée portent sur trois sujets : les droits et obligations du saisissant (A), les obligations du tiers saisi (B) et la saisie- attribution sur conversion d’une saisie conservatoire (C).

A) Les droits et obligations du saisissant

Le créancier saisissant a essentiellement pour obligation la dénonciation de la saisie- attribution (1) et pour droit l’effet attributif produit par la saisie, avec toutes les conséquences qui y sont attachées (2).

1) La dénonciation de la saisie-attribution

Selon l’article 58 du décret de 1992, la saisie-attribution doit être dénoncée au débiteur saisi, à peine de caducité, dans un délai de 8 jours. Ce délai court à compter de la signification de la saisie au tiers saisi. Mais comme la caducité fait disparaître rétroactivement la saisie, elle est une sanction particulièrement grave, qui doit rester d’application restrictive. Elle ne peut donc s’appliquer qu’à défaut de dénonciation régulière, au débiteur saisi, dans le délai de 8 jours. Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, la caducité doit être écartée comme l’a jugé la 2e chambre civile dans deux hypothèses qu’elles n’avaient pas encore eu l’occasion de trancher auparavant.

 La première décision, rendue le 7 juillet 2001 (n° 10-20923), concerne la saisie-attribution en compte bancaire. Selon l’article 77 du décret de 1992, la saisie-attribution pratiquée sur un compte joint doit être dénoncée à chacun des titulaires. Mais dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, la saisie-attribution pratiquée sur un compte joint, ouvert au nom du débiteur et de son épouse, n’avait pas été dénoncée à cette dernière. C’est la raison pour laquelle le débiteur en avait demandé la mainlevée, mais les juges du fond l’ont débouté. A l’appui de son pourvoi, le débiteur faisait valoir que la non-dénonciation de la saisie- attribution à chacun des titulaires du compte saisi devrait être sanctionnée par la caducité de la saisie-attribution au regard des articles 77, 73 et 58 du décret du 31 juillet 1992. Mais son pourvoi est rejeté au motif que « le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire du compte joint sur lequel porte la mesure d’exécution n’est pas susceptible d’entraîner la caducité de celle-ci ».

Cette solution est conforme à la lettre des textes car l’article 77 du décret de 1992 ne prévoit aucune sanction et l’article 58, rendu applicable à la saisie-attribution des comptes bancaires par l’article 73, ne prescrit la caducité qu’à défaut de dénonciation au débiteur saisi. Or les autres titulaires d’un compte joint ne sauraient être assimilés au débiteur lui-même ! Mais cela ne signifie pas que le créancier poursuivant serait à l’abri de toute sanction car le co-titulaire du compte saisi devrait pouvoir mettre en jeu sa responsabilité délictuelle de droit commun pour obtenir réparation du préjudice subi, le cas échéant.

 La seconde décision, rendue le 8 décembre 2011 (n° 10-24420), concerne un débiteur placé en redressement judiciaire postérieurement à une saisie-attribution.

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Elle fournit l’occasion de rappeler d’abord comment s’articule cette saisie avec le droit des procédures collectives. En raison de l’attribution immédiate de la créance saisie qu’elle produit, l’ouverture ultérieure d’une procédure collective ne remet jamais en cause, par elle- même, une saisie-attribution déjà pratiquée. La solution est inscrite à l’article 43 de la loi de 1991 et sera reprise à l’article L. 211-2 du CPCE qui vise aussi la procédure de sauvegarde que le législateur avait omis d’ajouter à l’article 43. Mais encore faut-il que la saisie- attribution ait été pratiquée régulièrement avant l’ouverture de la procédure collective.

Ainsi, la 2e chambre civile avait déjà eu l’occasion de juger qu’en cas d’ouverture d’une procédure collective dans les 8 jours d’une saisie-attribution, celle-ci doit être dénoncée, à peine de caducité, à l’organe de la procédure collective ayant reçu une mission d’assistance ou de représentation du débiteur saisi, même si le créancier pouvait en ignorer légitimement l’existence (Com., 19 févr. 2002, n° 98-27727, Bull. civ. IV, n° 37 ; Dr. et procéd. 2002, p.

237, obs. Ph. Hoonakker).

C’est la solution qu’avait invoquée le liquidateur judiciaire dans l’espèce soumise à la Cour de cassation où la saisie-attribution, pratiquée 7 jours avant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire contre le débiteur saisi, n’avait pas été dénoncée à l’administrateur judiciaire investi d’une mission d’assistance. La cour d’appel avait fait droit à cette demande et prononcé la caducité de la saisie-attribution. Mais contrairement aux espèces soumises antérieurement à la Cour de cassation, la saisie-attribution avait été dénoncée au débiteur encore in bonis avant le jugement de redressement judiciaire. C’est la raison pour laquelle l’arrêt déféré est censuré pour violation de l’article 58 du décret que le créancier avait scrupuleusement respecté.

Mais il ne faut pas perdre de vue que la dénonciation de la saisie-attribution fait aussi courir le délai de contestation d’un mois. Or en cas d’ouverture d’une procédure collective avec un organe ayant mission d’assistance ou de représentation, ce délai est interrompu lorsqu’il est encore en cours. Il faut alors une dénonciation de la saisie-attribution à l’organe compétent de la procédure collective pour faire courir un nouveau délai de contestation. Du reste, c’est précisément parce que cette dénonciation n’avait pas eu lieu dans l’espèce soumise à la 2e chambre civile que le liquidateur a pu soulever la caducité, sans encourir le grief d’irrecevabilité.

En résumé, la dénonciation de la saisie-attribution à l’organe ayant mission d’assistance ou de représentation, désigné dans la procédure collective ouverte postérieurement, obéit aux règles suivantes :

- si elle est ouverte plus d’un mois après la dénonciation au débiteur, c’est-à-dire lorsque le délai de contestation est expiré, aucune dénonciation aux organes de la procédure collective n’est nécessaire ;

- si elle est ouverte plus de 8 jours après la dénonciation au débiteur encore in bonis, mais alors que le délai de contestation était encore en cours, celui-ci est interrompu ; il faut alors dénoncer la saisie à l’organe compétent de la procédure collective pour faire courir à nouveau le délai de contestation;

- si elle est ouverte dans les 8 jours de la saisie-attribution, il faut sous-distinguer :

* ou bien, la saisie-attribution n’avait pas encore été dénoncée et alors elle devra l’être, à peine de caducité, aux personnes ayant qualité pour agir, c’est-à-dire l’organe ayant mission de représentation ou le débiteur et l’organe ayant mission d’assistance ;

* ou bien, la dénonciation avait déjà été faite au débiteur encore in bonis et dans ce cas elle est régulière, mais elle devra néanmoins être dénoncée à l’organe de la procédure collective pour faire courir le délai de contestation qui a été interrompu.

En tout cas, chaque fois que la saisie-attribution est régulière le créancier saisissant pourra bénéficier de l’effet attributif qu’elle produit.

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2) L’effet attributif

Selon l’article 43 de la loi, futur article L. 211-2 du CPCE, « l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires ». La doctrine avait toujours considéré que cet effet attributif porte sur tous les accessoires de la créance saisie, sans distinction, et notamment sur les sûretés réelles et personnelles. Elle citait, en exemple, l’article 1692 du code civil relatif à la cession de créance, qui énumère notamment comme accessoires, la caution, le privilège et l’hypothèque.

Mais telle n’est pas l’interprétation qui a été retenue par la 2e chambre civile dans un arrêt rendu le 7 avril 2011 (n° 10-15969), abondamment commenté et unanimement critiqué par la doctrine. Les faits de l’espèce se sont déroulés en 4 temps :

- 1er temps, l’UCB consent un prêt pour l’acquisition d’un bien immobilier, garanti par le privilège du prêteur de deniers, qui a été régulièrement publié ;

- 2e temps, l’UCB cède sa créance par acte authentique, mais le chèque de paiement émis par le cessionnaire revient impayé alors que l’office notarial, qui a reçu l’acte de cession, l’avait déjà payé au cédant ;

- 3e temps, l’office notarial se retourne contre le cessionnaire qui est condamné en référé au remboursement du prix de cession ;

- 4e temps, sur le fondement de ce titre exécutoire, l’office notarial fait pratiquer une saisie- attribution entre les mains de l’emprunteur et comme son immeuble a fait l’objet d’un jugement d’adjudication, il assigne en distribution du prix et demande à être colloqué par privilège et préférence à tout créancier, en se prévalant du privilège immobilier qui garantissait la créance d’emprunt saisie.

Mais il est débouté de sa demande et la Cour de cassation rejette son pourvoi en approuvant la cour d’appel d’avoir retenu que la saisie-attribution n’a pu conférer au saisissant le privilège du prêteur de deniers. A l’appui de sa décision, la 2e chambre civile énonce que « la saisie- attribution emporte attribution au créancier saisissant de la créance de somme d'argent disponible dans le patrimoine du tiers saisi ainsi que de ses accessoires exprimés en argent ». Cet attendu de principe est d’abord curieux dans sa formulation car la créance saisie est dans le patrimoine du débiteur saisi et non dans celui du tiers saisi ! Mais il est surtout critiquable dans la solution restrictive qu’il consacre, car elle est contraire tant à la lettre qu’à l’esprit de l’article 43 de la loi de 1991.

 La lettre du texte étend expressément l’effet attributif aux « accessoires » de la créance saisie, sans aucune distinction. Ainsi, en limitant cet effet aux seules accessoires « exprimés en argent », l’arrêt rapporté ajoute à la loi une restriction qu’elle ne comporte pas et méconnaît la règle traditionnelle d’interprétation « ubi lex non distinguit … » : là où la loi ne distingue pas, nous ne devons point distinguer.

 Quant à l’esprit du texte, il était certainement de conférer à la saisie-attribution, qualifiée au lendemain de la réforme de « reine des saisies », l’efficacité nécessaire pour permettre au saisissant d’obtenir le paiement effectif de sa créance. Or, en le privant des sûretés attachées à la créance saisie, l’arrêt commenté méconnaît cet objectif. Les sûretés, détachées de la créance garantie, se meurent faute d’objet. Quant au saisissant, réduit au rang d’un simple créancier chirographaire, il se retrouve en concours avec les autres créanciers du tiers saisi, libérés miraculeusement du droit de préférence qui leur était opposable !

Cette décision est d’autant plus regrettable qu’elle s’inscrit dans ce mouvement de sape engagé par le législateur au cours de ces dernières années, qui a déjà considérablement réduit l’efficacité initiale de la saisie-attribution. Ainsi, la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a créé un nouveau cas de nullité facultative, qui permet désormais au juge de la procédure collective d’annuler une saisie-attribution pratiquée pendant la période suspecte en connaissance de la cessation des paiements. Plus récemment, la loi du 12 mai 2009 de

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simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a institué le RSA bancaire, qui réduit automatiquement l’assiette de la saisie-attribution pratiquée en compte bancaire, de loin la plus fréquente en pratique. A force de dépecer ainsi cette saisie, que va-t-il en rester ? Le souvenir d’une reine déchue ?

En tout cas et pour l’heure, le saisissant ne pourra se prévaloir que du principal et des accessoires exprimés en argent, tels que les intérêts, le montant d’une clause pénale ou encore la TVA, ce que la 2e chambre avait déjà jugé en 2002 (4 avril, n° 00-13388). Telle est l’étendue de l’obligation de paiement dont le tiers saisi est redevable, mais sans l’appui des sûretés dont le saisissant est privé.

B) Les obligations du tiers saisi

A titre liminaire, il faut citer un arrêt de la 2e chambre civile du 26 mai 2011 (n° 10-16343) qui juge que le mandataire ad hoc d’un débiteur, séquestre du prix de vente de ses biens, a la qualité de tiers saisi. Cette solution consacrée à propos d’une saisie conservatoire de créances vaut aussi pour la saisie-attribution. Elle se situe dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure, qui a déjà reconnu cette qualité au liquidateur, amiable et judiciaire, à l’administrateur judiciaire ou encore aux CARPA.

Quel qu’il soit, le tiers saisi a toujours deux obligations principales, qui toutes les deux ont fait l’objet de précisions importantes apportées par la Cour de cassation : l’obligation de renseignement (1) et l’obligation de paiement (2).

1) L’obligation de renseignement

Depuis l’origine, l’obligation de renseignement pesant sur le tiers saisi suscite une jurisprudence abondante, qui ne se tarit pas.

Rappelons que selon l’article 59 du décret de 1992, le tiers saisi doit fournir, sur le champ, les renseignements prévus à l’article 44 de la loi, qui deviendra l’article L. 211-3 du CPCE.

Cette obligation est imposée sous peine des sanctions inscrites à l’article 60 du décret. Ce texte prévoit deux sanctions, dont le domaine et le régime sont nettement distincts :

- la condamnation automatique aux causes de la saisie, qui est inscrite à l’alinéa 1er et sanctionne le refus de collaborer ;

- la condamnation au paiement de dommages et intérêts, qui est inscrite au second alinéa et sanctionne la collaboration déloyale ou insuffisante.

En 2011, la 2e chambre civile a rendu trois arrêts remarqués, qui sont tous relatifs à la sanction automatique qu’elle écarte à chaque fois pour des raisons différentes.

 L’arrêt rendu le 26 mai 2011, déjà évoqué à propos de la notion de tiers saisi (supra), est relative à une saisie conservatoire de créances, mais sa solution vaut aussi pour la saisie- attribution, car l’article 238 du décret qu’il applique est l’exacte réplique de l’article 60. Dans cette espèce, le tiers saisi avait déclaré le jour de la saisie qu’il détenait des fonds pour le compte du débiteur saisi dont il indiquerait le montant sous 48 heures, ce qu’il ne fit jamais.

Aussi, après conversion en saisie-attribution où le tiers saisi a indiqué qu’elle ne détient aucune somme pour le compte du débiteur saisi, le créancier a assigné le tiers saisi en paiement des causes de la saisie sur le fondement de l’article 238, pour refus de collaborer. La cour d’appel a fait droit à sa demande car le tiers saisi n’a pas déclaré à l’huissier de justice le montant des sommes détenues pour le compte du débiteur saisi. Mais son arrêt est cassé au motif que le tiers saisi ne s’est pas abstenu de toute réponse.

Autrement dit, il suffit pour échapper au refus de collaborer de déclarer l’existence d’une créance, même sans la chiffrer. La seule sanction applicable est alors celle de la condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice effectivement subi, sur le fondement du second alinéa de l’article 60 du décret. La solution peut paraître rigoureuse,

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mais elle se justifie par le caractère automatique de la sanction applicable au refus de collaborer, qui pour cette raison doit rester exceptionnelle.

 Le second arrêt a été rendu le 10 février 2011 (n°10-30008) dans une espèce où le tiers saisi n’a déclaré, trois jours après la saisie-attribution, qu’il n’est pas débiteur du débiteur saisi. A la demande du saisissant, le tiers saisi a été condamné aux causes de la saisie aux motifs qu’il a répondu tardivement, sans motif légitime, et qu’il n’avait pas établi l’inexistence alléguée de la créance saisie.

Sur le premier point, l’arrêt de la cour d’appel était strictement conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui assimile la réponse tardive, même d’un jour, à un défaut de réponse.

Mais il est censuré sur le second point au motif « qu'il appartenait au créancier poursuivant d'établir que son débiteur était créancier du tiers saisi, qui le contestait ». La solution est inédite. Certes la 2e chambre civile avait déjà eu l’occasion de juger, à plusieurs reprises, que la sanction automatique n’est pas applicable si le tiers saisi n’est tenu, au jour de la saisie, d’aucune obligation envers le débiteur saisi. Mais c’est la première fois qu’elle se prononce sur la charge de la preuve en la faisant peser sur le saisissant, du moins lorsque l’existence de la créance saisie est contestée par le tiers saisi. La solution est logiquement fondée sur l’article 1315 du code civil et se justifie pleinement par l’impossibilité de rapporter une preuve négative, qui aurait pesé sur le tiers saisi dans le cas contraire.

 Le troisième arrêt date du 8 septembre 2011 (n° 10-17506) et sanctionne une pratique courante des huissiers de justice à laquelle ils vont devoir renoncer. Dans cette espèce, un tiers saisi avait déclaré à l’huissier de justice, venu pratiquer deux saisies-attributions pour le compte de deux créanciers distincts, qu’il fournirait les renseignements requis sous 48 heures. L’huissier de justice a alors mentionné cette réponse dans les procès-verbaux établis et y a indiqué qu’à défaut de réponse sur le champ, il lui est fait sommation d'avoir à répondre sous 48 heures. Mais finalement il n’a répondu que par une lettre expédiée trois jours plus tard et le montant de la créance déclarée s’est avéré inexact. Les créanciers saisissants ont alors poursuivi le tiers saisi, à titre principal, en paiement des causes de la saisie en raison de la réponse tardive, et à titre subsidiaire, en dommages et intérêts en raison de la réponse inexacte ou mensongère. Ils ont été déboutés en appel de leurs deux demandes.

- La cour d’appel est approuvée sur la première demande aux motifs qu’elle a déduit à bon droit des procès-verbaux rédigés par l’huissier de justice que « les créancières avaient laissé [au tiers saisi] un délai de 48 heures pour répondre et a pu retenir que le retard dans la réponse au-delà de 48 heures avait un motif légitime dès lors qu'un délai avait été accepté au lieu d'une réponse sur-le-champ ».

Cette décision a été critiquée par les professeurs Perrot et Théry pour deux raisons : d’une part, la possibilité de fixer un délai contractuel de réponse serait contraire au caractère d’ordre public des procédures civiles d’exécution, et d’autre part, si déjà cette faculté est admise, il faudrait à tout le moins que le délai convenu soit sanctionné (Saisie-attribution : sanctions de l’obligation d’information du tiers saisie, D. 2012, p. 420). Mais ces critiques ne convainquent pas.

Il nous semble d’abord que l’arrêt commenté ne consacre nullement la faculté pour les parties de convenir d’un délai, se substituant à l’exigence légale d’une réponse sur le champ. Il se contente, en effet, de relever qu’un « délai avait été accepté au lieu d’une réponse sur le champ ». Cette solution semble donc davantage justifiée par l’idée de renonciation. Or une personne peut toujours renoncer à un droit d’ordre public institué en sa faveur lorsqu’il est acquis. Tel bien le cas de la décision du créancier d’accepter un délai au moment même où il pourrait exiger une réponse sur le champ.

Mais quelle est alors la portée de cette renonciation ? Implique-t-elle l’absence de toute sanction en cas de réponse tardive ? Une lecture rapide de l’arrêt pourrait le laisser penser.

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Mais ce serait oublier que la 2e chambre civile a déjà eu l’occasion de juger que le motif légitime permet seulement de justifier d’un retard, de sorte que le tiers saisi doit toujours fournir les informations requises dans « un délai raisonnable », sous peine d’être condamné aux causes de la saisie (Civ. 2e, 28 février 2006, n° 04-16396, Bull. civ. II, n° 59 ; Dr. et procéd. 2006, p. 279, obs. Ph. Hoonakker). Or en l’espèce, le tiers saisi s’est bien exécuté, mais un jour au-delà du délai accepté par le créancier. C’est ce dépassement que la Cour de cassation a refusé de sanctionner.

On pourrait donc considérer que l’arrêt commenté dénie aux parties le droit de fixer elles- mêmes le délai dans lequel une réponse doit être apportée par le tiers saisi en cas de motif légitime. Ce délai, qui doit être raisonnable, devrait donc toujours rester soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond. Un créancier ne pourrait donc que renoncer à une réponse sur le champ, mais il ne saurait fixer d’avance, même avec l’accord du tiers saisi, un délai de réponse qui s’imposerait au juge et dont la méconnaissance serait sanctionnée automatiquement par la condamnation aux causes de la saisie.

Mais quels que soient le sens et la portée de cet arrêt, il est certain qu’il dissuadera les huissiers de justice de poursuivre cette pratique compréhensive pour les tiers saisis, sous peine d’engager lourdement leur responsabilité. La seule solution est de prendre acte de la réponse donnée par le tiers saisi afin de laisser la possibilité au saisissant d’agir en condamnation aux causes de la saisie et d’obliger ainsi le tiers saisi à justifier d’un motif légitime pour s’exonérer de la sanction qu’il encourt.

- Sur la seconde demande, l’arrêt est beaucoup plus simple à comprendre et ne suscite aucune critique. Dans sa réponse, le tiers saisi avait indiqué une créance dont le montant s’est avéré inexact. Néanmoins les juges du fond ont débouté les créanciers de leur demande en dommages et intérêts car la différence provenait d’une facture contestée et payable à terme.

Logiquement l’arrêt d’appel est censuré sur ce point, au motif que l’existence d’un terme ou d’un litige ne dispense pas le tiers saisi de son obligation de déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur saisi, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter.

L’autre obligation importante qui pèse sur le tiers saisi est l’obligation de paiement.

2) L’obligation de paiement

A titre liminaire, il convient de rappeler que si l’attribution de la créance saisie est immédiate, son paiement par le tiers saisi est différé jusqu’à l’expiration du délai de contestation, et en cas de contestation, jusqu’à son rejet. Et si le moment venu, le tiers saisi ne paie pas la créance saisie au créancier saisissant, celui-ci peut demander au juge de l’exécution, sur le fondement de l’article 64 du décret de 1992, la délivrance d’un titre exécutoire contre le tiers saisi.

Telle était la situation dans l’espèce qui a fait l’objet de l’arrêt rendu par la 2e chambre civile le 8 décembre 2011 (n° 10-23399). En effet, un créancier avait pratiquée une saisie- attribution entre les mains du locataire de son débiteur. Mais nonobstant cette saisie, ce locataire a continué à payer les loyers à son bailleur, le débiteur saisi. Le créancier saisissant a alors assigné le tiers saisi en paiement des causes de la saisie sur le fondement de l’article 24, al. 3 de la loi de 1991, futur L. 123-1 du CPCE. A son tour, le tiers saisi a appelé le débiteur saisi en garantie des condamnations qui seraient prononcées à son encontre. Les juges du fond ont accueilli les deux demandes et devant la Cour de cassation seule était critiquée la condamnation du débiteur saisi à rembourser au tiers saisi les sommes reçues deux fois. Le débiteur saisi a fait valoir à l’appui de son pourvoi que le tiers saisi ayant commis une faute en méconnaissant la saisie-attribution pratiquée entre ses mains, il ne pouvait obtenir remboursement des sommes payées à tort sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

Son pourvoi est rejeté aux motifs qu’il résulte des faits de l’espèce, « un enrichissement sans cause [du débiteur saisi] qui avait perçu deux fois la même somme et que le fait d'avoir versé

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le loyer entre ses mains au lieu de celles du saisissant n'était pas constitutif d'une faute à son égard ». En conséquence, la cour d’appel est approuvée d’avoir jugé bien fondé le recours exercé par le tiers saisi contre le débiteur saisi sur le fondement de l'article 24, alinéa 3, de la loi de 1991. Cette solution inédite, qui n’est pas critiquable au regard du texte appliqué, est cependant énigmatique au regard des faits de l’espèce.

 Il est indiqué dans l’arrêt que le créancier saisissant a poursuivi le tiers saisi en paiement des causes de la saisie, puis il est fait état de la condamnation du tiers saisi au paiement «des loyers saisis». Or les règles de droit applicables au recours du tiers saisi contre le débiteur saisi ne sont pas les mêmes selon qu’il a été condamné au paiement de l’objet de la saisie ou des causes de la saisie.

 Si le tiers saisi a effectivement été condamné au paiement des loyers saisis, cela devrait signifier que le saisissant a agi en se prévalant de sa qualité de créancier venant aux droits du débiteur saisi et a donc sollicité un titre exécutoire contre le tiers saisi, comme le prévoit l’article 64 de décret de 1992. Mais dans ce cas, le tiers saisi n’aurait pu exercer l’action de in rem verso contre le débiteur saisi. En effet, cette action d’origine prétorienne n’est ouverte qu’à défaut d’une action spécifique expressément prévue par un texte. Or si le tiers saisi avait été condamné à repayer au saisissant les loyers qu’il avait continué à payer au débiteur saisi, il aurait disposé de l’action en répétition de l’indu à l’encontre du débiteur saisi sur le fondement de l’article 1376 du code civil. De surcroît, il s’agirait d’un indu subjectif, car les sommes payées à tort correspondent bien à une dette existante, en l’occurrence les loyers, mais plus entre les mêmes personnes du fait de la saisie-attribution. Dans une telle hypothèse, le solvens doit prouver qu’il a commis une erreur et que celle-ci n’est pas fautive, ce qui suppose, selon la jurisprudence, qu’il démontre avoir pris « les précautions commandées par la prudence » (v. sur l’ens. de la question : Précis Dalloz, Les obligations, n° 1048 et suiv.).

On peut douter qu’en l’espèce, le tiers saisi aurait pu apporter une telle démonstration, alors que la dénonciation de la saisie-attribution lui faisait obligation de se libérer désormais entre les mains du saisissant.

 Mais si le tiers saisi a effectivement été condamné au paiement des causes de la saisie, c’est-à-dire au paiement de la créance détenue par le saisissant à l’encontre du débiteur saisi, les règles ne sont pas les mêmes. Il s’agit alors effectivement de la sanction prévue par l’article 24, al. 3 de loi de 1991, futur article L. 123-1 du CPCE, à l’égard du tiers saisi qui se soustrait à ses obligations. Dans ce cas, celui-ci dispose d’un recours contre le débiteur saisi que le même texte lui réserve expressément. Mais de quel recours s’agit-il ?

Il ne peut s’agir de l’action en répétition de l’indu car le paiement des causes de la saisie auquel il a été condamné, par hypothèse, ne peut correspondre à un paiement par erreur, au sens des articles 1376 ou 1377 du code civil. Il s’agit alors bien de l’action fondée sur l’enrichissement sans cause :

- d’une part, le débiteur saisi s’est bien enrichi en ayant perçu deux fois le même montant, une fois au titre des loyers que son locataire a continué à lui payer et une fois au titre de la condamnation de ce même locataire à payer sa dette à l’égard du saisissant ;

- d’autre part, cet enrichissement est bien sans cause à l’égard du tiers saisi, qui n’est tenu contractuellement que du paiement des loyers.

Reste alors la question de la faute de l’appauvri qui n’est pas très clairement tranchée en jurisprudence. En tout cas, l’arrêt commenté, qui s’est placé sur le terrain de l’enrichissement sans cause, n’a pas exclu cette condition, mais il a approuvé les juges du fond d’avoir écarté toute faute, en l’espèce. A priori, l’affirmation peut surprendre car le tiers saisi a bien commis une faute en méconnaissant les effets de la saisie-attribution et, du reste, il a été condamné à ce titre. Mais cette faute a été commise à l’égard du saisissant et non du débiteur saisi. C’est donc à juste titre que l’arrêt rapporté retient que le tiers saisi n’a pas commis de faute à l’égard du débiteur saisi.

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Cet arrêt peut donc pleinement être approuvé en ce qu’il a jugé :

- d’une part, implicitement que le recours réservé au tiers saisi par le 3e alinéa de l’article 24 de la loi est l’action de rem verso,

- d’autre part, explicitement que la faute commise par le tiers saisi à l’égard du créancier saisissant ne peut être considérée comme une faute à l’égard du débiteur saisi.

Bien entendu cette solution vaut aussi pour la saisie-attribution pratiquée sur conversion d’une saisie conservatoire.

C) La saisie-attribution sur conversion d’une saisie conservatoire

La saisie conservatoire d’une créance monétaire est pratiquée dans les conditions de droit commun des mesures conservatoires. Ainsi, lorsque le saisissant aura obtenu un titre exécutoire, il pourra faire procéder à sa conversion en saisie-attribution, qui lui fera bénéficier de tous les effets attachés à cette procédure civile d’exécution.

En attendant, le saisissant bénéficie, sur les sommes rendues indisponibles par la saisie, du droit de préférence du créancier gagiste prévu à l’article 2350 du code civil. Cet effet est prévu à l’article 43, al. 1er de la loi de 1991, qui renvoie toujours à l’ancien article 2075-1 alors que l’ordonnance de réforme des sûretés du 23 mars 2006 lui a substitué l’article 2350.

Mais cette omission sera corrigée à l’article L. 532-1 du CPCE qui reprend le 1er alinéa de l’article 43 en renvoyant à l’article 2350. Mais en cas d’ouverture d’une procédure collective avant la conversion, il est déchu de ce droit car la chambre commerciale juge, de manière constante, que les saisies conservatoires de créances monétaires non converties sont privées de tout effet. La solution n’est pas contestable pour les saisies pratiquées en période suspecte en raison de la nullité de droit prévue à l’article L. 632-1-7° du code de commerce. En revanche, elle est critiquable pour celles pratiquées avant la date de cessation des paiements où aucun texte ne l’impose nécessairement (Com., 22 avr. 1997, n° 94-16979, Bull. civ. IV, n° 100; Com. 15 oct. 2002, n° 99-17954).

Quoi qu’il en soit, la conversion apparaît ainsi, a fortiori, comme l’étape indispensable à l’effectivité des droits du saisissant. Elle peut être pratiquée dès que le saisissant dispose d’un titre exécutoire, par un acte d’huissier de justice signifiée au tiers saisi et dont une copie est signifiée au débiteur saisi. Cette formalité est exclusivement régie par l’article 241 du décret et en aucun cas par son article 58 relatif à la seule saisie-attribution pratiquée directement. Il s’ensuit qu’aucun délai n’est imposé et aucune caducité n’est encourue à ce titre (Civ. 2e, 2 mars 2000, n° 08-19898 ; Dr. et procéd. 2010, p. 186, obs. Ph. Hoonakker). La seule conséquence d’une dénonciation tardive est de retarder le paiement, car il n’est possible qu’à l’expiration du délai de contestation qu’elle fait courir, et en cas de contestation, au moment de son rejet. L’obligation de paiement, qui est calquée sur celle de la saisie- attribution, est l’un des effets de la conversion dont la 2e chambre civile a eu à connaître en 2011, dans des circonstances originales (2). Mais elle a eu à connaître aussi de l’effet de purge qui est propre à la saisie conservatoire (1).

1) L’effet de purge

La conversion de la saisie conservatoire de créances en saisie-attribution produit un double effet de purge, l’un d’origine prétorienne qu’il n’est pas inutile de rappeler et l’autre prévu par l’article 239 du décret de 1992 dont la 2e chambre civile a été amenée à préciser la portée en 2011.

 Il résulte d’un arrêt rendu par la 2e chambre civile le 2 mars 2010 que toute contestation d’une saisie conservatoire devient irrecevable à partir de sa conversion régulière en saisie- attribution (n° 08-19898, Dr. et procéd. 2010, p. 186). Autrement dit, la conversion purge la saisie conservatoire des irrégularités qui pouvaient l’affecter. Tout se passe donc comme si la conversion absorbait la saisie conservatoire pour ne laisser subsister que son résultat : la

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saisie-attribution. Ainsi, dans cette espèce, le débiteur a été débouté de sa demande en nullité de la saisie-attribution fondée sur la caducité de la saisie-conservatoire convertie. Mais cette purge explique aussi la jurisprudence plus ancienne de la chambre commerciale, qui admet depuis un arrêt de revirement du 10 décembre 2002 (n° 99-16603), qu’une saisie conservatoire pratiquée en période suspecte peut valablement être convertie en saisie- attribution, avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Certes dans les deux espèces, la saisie conservatoire encourait une sanction, la caducité dans un cas et la nullité dans l’autre. Mais ces sanctions ne jouent jamais de plein droit, encore faut-il qu’elles soient prononcées. Or l’irrecevabilité de la contestation, résultant de la conversion, empêche précisément que la saisie conservatoire puisse être remise en cause et ainsi provoquer la nullité de la saisie-attribution.

 L’autre effet de purge est prévu à l’article 239 du décret de 1992, qui dispose « qu’à défaut de contestation avant l’acte de conversion, la déclaration du tiers saisi est réputée exacte pour les besoins de la saisie ». La conversion purge ainsi la déclaration du tiers saisi des inexactitudes qui pourraient l’affecter. Mais par un arrêt rendu le 8 décembre 2011 (n° 07- 13167), la 2e chambre civile approuve les juges du fond d’avoir jugé que ce texte ne

« concerne que la contestation par le tiers saisi de sa déclaration, après l’acte de conversion ». Ainsi, un tiers saisi, qui a déclaré devoir un montant supérieur à ses obligations à l’égard du débiteur saisi, doit réparer son erreur avant la conversion. Après il sera trop tard.

Il devra alors payer au tiers saisi le montant déclaré à tort et se retourner contre le débiteur saisi, au titre trop payé, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

En revanche, cette purge n’est pas applicable au créancier saisissant, qui peut donc toujours contester la déclaration du tiers saisi, faite au moment de la saisie conservatoire, même après sa conversion en saisie-attribution. Ainsi, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le saisissant avait poursuivi le tiers saisi, après la conversion en saisie-attribution, en paiement des causes de la saisie. Il faisait valoir sur le fondement de l’article 238 du décret de 1992 que le tiers saisi n’avait fourni aucune information au moment de la saisie conservatoire. Sa demande est jugée recevable au motif que l’article 239 ne lui est pas applicable. Elle est aussi jugée bien fondée car en l’espèce, les juges du fond avait retenu souverainement qu’il n’avait pas satisfait à son obligation d’information et que le tiers saisi était bien tenu d’une obligation à l’égard du débiteur saisi au jour de la saisie conservatoire.

Cette solution est pleinement justifiée dès lors que les articles 238 et 239 visent précisément à protéger le saisissant contre les manœuvres ou négligences du tiers saisi.

En dehors de ces hypothèses de responsabilité, le tiers saisi doit toujours payer au minimum la créance saisie, dans la limite de la créance cause, sur le fondement de l’effet attributif que la conversion produit aussi et surtout.

2) L’effet attributif

La conversion d’une saisie conservatoire en saisie-attribution produit les mêmes effets que la saisie-attribution. Il s’ensuit que la créance saisie est immédiatement attribuée au saisissant, ce qui explique que l’ouverture ultérieure d’une procédure collective à l’encontre du débiteur reste indifférente, sauf application de la nullité facultative. Cette attribution s’opère toujours dans la double limite de la créance cause et de la créance objet. Mais il s’agit nécessairement de la créance cause résultant du titre exécutoire, qui peut être différente de celle pour laquelle la saisie conservatoire a été pratiquée.

C’est dans ces limites que le tiers saisi devra payer au saisissant la créance saisie à l’expiration du délai de contestation ou, en cas de contestation, au moment de son rejet. Mais lorsque la créance saisie est libellée en monnaie étrangère, la détermination précise du montant dû n’est pas simple, comme l’illustre l’arrêt rendu par la 2e chambre civile le 31 mars 2011 (n° 10-12269).

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En l’espèce, un créancier a fait pratiquer une saisie conservatoire de créances conditionnelles dues par une banque, tiers saisi, au titre de crédits documentaires libellés en dollars US, en garantie d’une créance évaluée à 596 113,16 euros. Après le dénouement de ces crédits, le tiers saisi a confirmé à l’huissier de justice avoir bloqué la contre-valeur en dollars US de la somme de 596 113,16 euros, en appliquant le cours du change en vigueur. Deux années plus tard, ayant obtenu une condamnation pour un montant supérieur, le saisissant fait procéder à la conversion en saisie-attribution. Mais le tiers saisi ne règle que la somme de 569 034,94 euros en appliquant le cours du change en vigueur à cette date. Le saisissant assigne alors la banque en paiement de la différence de 27 078,22 euros. La Cour d’appel le déboute en retenant que la créance objet étant une créance en dollars, la saisie conservatoire a rendu indisponible la somme de 770 927,67 dollars correspondant à la contre-valeur en euros de la créance cause au moment de la saisie. En conséquence, le tiers saisi ne devait bloquer que cette somme et payer, après conversion, sa contre-valeur en euros à cette date. Mais l’arrêt rapporté censure cette décision au motif que la conversion emporte « attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation et des sommes dont le tiers saisi s'était reconnu débiteur, soit à hauteur de 596 113,16 euros ».

La Cour de cassation fait ainsi peser le risque de change sur le tiers saisi. Cette solution, inédite, peut se réclamer de l’effet obligatoire de la déclaration qui lui incombe et qui l’oblige, en cas de conversion, à payer au saisissant les sommes qu’il a reconnues devoir, selon l’article 76, alinéa 2 de la loi de 1991. Mais inversement, si le cours du dollar avait augmenté, elle signifie aussi que le tiers saisi n’aurait pas eu à payer plus que la somme déclarée en euros, et ce nonobstant la condamnation prononcée pour un montant supérieur à celui de la saisie conservatoire autorisée.

En résumé, il suffira de retenir qu’en cas de saisie conservatoire d’une créance libellée en monnaie étrangère, le tiers saisi est redevable, au moment de la conversion en saisie- attribution et dans la limite du titre exécutoire, de la somme déclarée en euros, nonobstant la fluctuation du cours du change dans l’intervalle.

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