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Les objectifs de l ergonomie en question(s) :

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résultats d’une enquête sur la pratique ergonomique Ludivine MAS

Laboratoire d’Ergonomie, CNAM 41 rue Gay Lussac - 75005 Paris, France

ludivine.mas@free.fr

L'action ergonomique cherche à atteindre un double objectif : améliorer le bien-être des personnes mais également la performance globale des systèmes. Afin de mieux comprendre les raisons pour lesquelles l'axe santé est souvent privilégié à celui de la performance, une enquête sur la pratique ergonomique a été menée auprès de la commu- nauté des ergonomes en formation ou professionnels. Les résultats attendus devant permettre d’évaluer l’adéquation des formations avec les besoins du terrain et d'obtenir une vue d’ensemble de la façon dont les ergonomes se représentent les objectifs de l’ergonomie et les articulent. Les premiers résultats montrent que les formations, les domaines d'intervention, et les représentations qu'ont les ergonomes des objectifs qu'ils poursuivent dans leur pratique, expliquent en partie le déséquilibre qu'il peut y avoir entre objectifs de santé et de performance.

Mots-clés : objectifs de l’ergonomie, enquête, pratique ergonomique, formation

Introduction

Si la définition même de l’ergonomie lui assigne deux objectifs complémen- taires – amélioration des conditions de travail et amélioration de l’efficacité globale des systèmes (définition de l’I.E.A.) – l’ergonomie reste aux yeux de nombreux professionnels focalisée sur la question de la santé/sécurité. Á qui la faute ? Manque de visibilité dans la littérature autre qu’ergonomique, sous exploitation de son potentiel d’action, l’ergonomie n’a pas su encore s’intégrer au niveau stratégique des entreprises (Dul & Neumann, 2005).

Jusqu’ici les enquêtes menées auprès de la communauté (Lapeyrière, 1990 ; Breedveld & Dul, 2005) se sont attachées à décrire les méthodes utilisées par les ergonomes et les différentes facettes des pratiques professionnelles. Aucune n’a cherché à comprendre ce constat sous l’angle des représentations que les ergo- nomes peuvent avoir du double objectif de l’ergonomie. C’est ce que nous nous proposons de faire grâce à une enquête menée auprès d’ergonomes praticiens, chercheurs et étudiants.

Les objectifs de l’enquête

Cette enquête s’inscrit dans le cadre de recherches qui visent à comprendre l’ar- ticulation faite entre les objectifs de l’ergonomie dans la pratique professionnelle

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et les facteurs qui peuvent influer sur elle. L’enquête a pour buts (1) l’évaluation de l’adéquation des formations avec les besoins du terrain et (2) l’obtention d’une vue d’ensemble de la façon dont les ergonomes se représentent les objec- tifs de l’ergonomie et les articulent dans leur pratique. Elle devra également permettre de (3) rendre compte de la diversité des pratiques en ergonomie.

La méthodologie

La réalisation d'un questionnaire semblait plus adaptée pour toucher l’ensemble de la communauté et rendre compte de sa diversité tant dans les formations suivies, que dans les pratiques professionnelles (Richard, 2002). Cette méthode de recueil de données permet en effet d’étudier de façon plus massive un groupe de sujets dont « le métier comporte une gamme de tâches diversifiées, réalisées en des lieux multiples et dans des conditions variables » (Prunier-Poulmaire &

Gadbois, 2005).

Les hypothèses initiales

• Les choix pédagogiques réalisés par les organismes de formation en ergo- nomie ne favorisent pas suffisamment le développement de compétences entrepreneuriales.

• Dans les interventions ergonomiques, les objectifs tournés vers la santé sont privilégiés à ceux tournés vers la performance.

• Le domaine d’expertise et la formation initiale des ergonomes influent sur la représentation qu’ils ont des objectifs de l'ergonomie.

Le questionnaire

Il s’adressait à l’ensemble de la communauté : praticiens, chercheurs et ergo- nomes en formation. Le recueil des données a été réalisé via un questionnaire en ligne et s’est déroulé du 11 janvier au 15 février 2007. Le questionnaire compre- nait quatre parties (Tableau 1).

Tableau 1. Thèmes et variables étudiés dans le questionnaire

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Le questionnaire s’affichait dynamiquement en fonction des réponses données aux questions précédentes. Ainsi, les questions sur la pratique professionnelle n’étaient pas présentées aux étudiants ; les questions posées relatives à la pour- suite d’un objectif particulier n’étaient posées qu’aux répondants ayant déclaré celui-ci comme un objectif qu’ils poursuivaient.

Le recrutement des participants

Les ergonomes praticiens ont été informés de cette enquête par des listes de diffusion et par l'intermédiaire des institutions représentatives dont ils pouvaient être membres. Par ailleurs, les directeurs de formation ont été direc- tement contactés par courriel et se sont faits les relais de cet appel à participa- tion auprès des ergonomes en formation et des chercheurs. Il est donc difficile de chiffrer le nombre de personnes réellement contactées, et de connaître ainsi le taux de réponse à l'enquête. Le nombre de répondants, quant à lui, s'élève à 255.

Les résultats

Après une première étude descriptive des données recueillies, nous tâcherons de donner quelques pistes explicatives pour infirmer ou confirmer nos hypo- thèses initiales.

Étude descriptive Le profil des répondants

Près de 60% des répondants sont des femmes. Les deux tiers des répondants ont moins de 35 ans. L’échantillon total se compose à 58% de praticiens (salariés de cabinets, du secteur public ou privé, travailleurs indépendants, fonctionnaires, dirigeants), 23% d’ergonomes en formation, 11% de chercheurs (secteur public, R&D1et enseignants-chercheurs), 7% d’ergonomes en recherche d’emploi et 1%

de retraités.

Parmi les ergonomes en activité (praticiens et chercheurs confondus, n=175), près de la moitié ont moins de 5 ans d’expérience (49%), 28 % ont plus de 10 ans d’expérience. Ils interviennent essentiellement dans les secteurs secondaire et tertiaire.

Évaluation des formations en ergonomie

L’évaluation des formations en ergonomie est réalisée sur tout l’échantillon (n=255). Cette évaluation porte sur le sentiment d’adéquation qu’ont les ré- pondants de leur formation vis-à-vis des règles du métier, selon trois critères : la capacité à mener une démarche d’intervention (Tableau 2), à traiter des demandes de natures diverses et à interagir avec différents interlocuteurs.

La formation semble mieux préparer les ergonomes aux compétences du coeur du métier qu’aux compétences entrepreneuriales, telles que la rédaction d’un contrat d’intervention, l’estimation de la durée d’une intervention et de ses coûts et bénéfices.

1. Recherche et Développement.

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Tableau 2. Évaluation de la capacité à mener une intervention après la formation (n=255)

Toujours au regard de leur formation, les ergonomes « généralistes » s’estiment être tout à fait en mesure de traiter des demandes d’aménagement et de concep- tion de poste, de santé/sécurité et d’organisation du travail, mais seuls 29%

d’entre eux se sentent à même de traiter des demandes de conception de produits ou interfaces. À contrario, les ergonomes IHM déclarent à 94% avoir été formés pour répondre à cette demande, mais ne s’estiment que très peu en mesure de traiter d’autres types d’intervention. La spécialisation des ergonomes se joue donc dès leur formation.

Concernant les formations suivies par les répondants, il est intéressant de noter que 20% des ergonomes ont suivi au moins deux formations en ergo- nomie.

Enfin, les ergonomes se sentent capables d’interagir avec les interlocuteurs prin- cipaux d’une intervention (services de santé en tête à 76%), mais ne se sentent pas préparés à interagir avec les services plus transversaux d’une entreprise (services commerciaux, communication) et avec la Direction Administrative et Financière (25%).

Types d’interventions réalisées

Les ergonomes en activité (praticiens et chercheurs, n=175) réalisent essen- tiellement des interventions portant sur l’organisation du travail (66%), l’hygiène/sécurité et conditions de travail (59%), la conception de postes de travail (56%), la fiabilité humaine et prévention des risques (42%), l’aménage- ment de locaux (42%).

La poursuite des objectifs dans la pratique

Selon les réponses données par l’ensemble de l’échantillon (n=255), les objectifs de productivité, de qualité et de compétitivité ne font pas partie des premiers objectifs de l’ergonomie (Tableau 3). Là encore, c’est autour des objectifs de performance globale (compétitivité, productivité, fiabilité) que les résultats atteints par les ergonomes ne semblent être à la hauteur des attentes des deman- deurs (Tableau 4).

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Tableau 3. Objectifs auxquels l’ergonomie devrait le plus contribuer selon les répondants

L’amélioration de l’organisation du travail et de l’intérêt au travail sont par contre des objectifs plus atteints que demandés aux ergonomes (Tableau 4).

Tableau 4. Écarts les plus significatifs entre objectifs demandés et objectifs atteints

L’enquête cherchait ensuite à identifier si les ergonomes poursuivaient des objectifs de santé et/ou de performance dans leurs interventions et quel était leur positionnement par rapport à/aux (l’)objectif(s) poursuivi(s).

• 54% des ergonomes (n=194) déclarent poursuivre les deux objectifs.

• 21% déclarent ne poursuivre que des objectifs de santé.

• 13% déclarent ne poursuivre que des objectifs de performance.

• 12% déclarent ne poursuivre aucun des deux objectifs.

Ce sont les ergonomes IHM qui déclarent ne poursuivre ni des objectifs de santé, ni des objectifs de performance. Ce résultat sera commenté dans la partie suivante.

On note que les ergonomes qui déclarent poursuivre des objectifs de perfor- mance ont plus le sentiment de répondre aux attentes de l’entreprise qu’à celles des opérateurs. Ils estiment être moins légitimes en poursuivant ces objectifs de performance ; ce résultat peut être rapproché du fait qu’ils se sentent moins armés (outils et savoirs nécessaires) pour le faire (Tableau 5).

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Tableau 5. Réponses des ergonomes déclarant poursuivre au moins un des objectifs

Analyse des résultats

La formation en question : des résultats encourageants mais peut mieux faire…

La standardisation de la démarche ergonomique, enseignée mais contestée (Richard, 2002 ; Lamonde, 2000), semble toujours avoir cours puisque l’enquête montre de manière significative que les formations suivies en ergonomie s’avè- rent efficaces pour appréhender les étapes d’une intervention, telles qu’elles peuvent être présentées dans les manuels de référence (Guérin et al., 1997).

Cependant la construction de compétences que l’on pourrait qualifier d’entre- preneuriales, semble souffrir des choix pédagogiques effectués par les établisse- ments de formation. L’enquête montre en effet que les futurs ergonomes s’estiment insuffisamment formés à la démarche professionnelle avec ses inter- actions, le nécessaire positionnement de l’ergonome, la formalisation des contrats, l’estimation des coûts et bénéfices, etc.

Déjà en 1990, dans une enquête sur les pratiques de l’ergonomie en entreprise (Lapeyrière, 1990), près de 58% des ergonomes interrogés déclaraient que les disciplines relatives au travail et à l’entreprise (en particulier le management et l’économie) sont celles qui manquaient le plus dans leur formation. C’est ce manque qui transparaît dans les réponses des ergonomes concernant leur capa- cité à poursuivre le double objectif de l’ergonomie dans leurs interventions.

83 % estiment disposer des méthodes et savoirs nécessaires pour poursuivre des objectifs orientés santé/conditions de travail, contre seulement 62% pour les objectifs de performance. Pour pallier ce décalage entre apports académiques et besoins pratiques, les ergonomes ont souvent recours à des formations complé- mentaires (Lamonde, 2000 ; Lapeyrière, 1990).

Ce manque de connaissances sur le monde de l’entreprise et sur les pratiques qui y ont cours, annonce des difficultés pour que l’ergonome devienne un véri- table business partnercomme le souhaitaient Dul et Neumann (2005), condition nécessaire, selon eux, pour renverser la tendance d’une ergonomie trop marquée santé/conditions de travail et réussir à se positionner à un niveau plus straté- gique et plus transversal dans l’entreprise.

D’ailleurs, l’enquête révèle que les ergonomes s’estiment beaucoup plus armés au sortir de leur formation pour interagir avec les acteurs habituels de la démarche enseignée (Service de Santé au Travail, Directeur technique, délégués

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du personnel), qu’avec les acteurs décisionnaires (Directeur Général, Directeur Administratif et Financier) et les services transversaux qui ont pourtant, eux aussi, un intérêt certain à s’adjoindre les compétences d’un ergonome (Dul &

Neumann, 2005).

Le contenu des formations serait alors un facteur explicatif de la moindre adhé- sion à la poursuite d’objectifs économiques. Les ergonomes ne se sentiraient pas suffisamment armés pour conduire leurs interventions sur ce terrain, privilé- giant alors des enjeux plus traditionnels, plus centrés sur la santé et l’améliora- tion des conditions de travail. Certains pourront lire dans ce constat une menace pour la survie même de notre profession (Grozdanovic, 2001).

L’ergonomie, entre idéaux disciplinaires et réalités pratiques...

L’ergonome est un opérateur comme un autre, il n’est donc pas surprenant d’identifier dans la conduite de sa pratique professionnelle des différences entre tâche et activité. À ce titre, l’enquête nous permet de définir les objectifs de l’er- gonomie selon trois niveaux d’analyse :

• Les objectifs appropriés2: ce sont les objectifs auxquels l’ergonomie devrait, selon les répondants, le plus contribuer. Ce n’est pas tout à fait le prescrit, mais plutôt la représentation qu’ont les ergonomes d’un prescrit que l’on pourrait qualifier de disciplinaire, assorti de leur propre système de valeurs.

• Les objectifs attendus: ce sont les objectifs tels qu’ils sont prescrits par les demandeurs, quelquefois de manière implicite. En effet, les demandes d’in- tervention ne révèlent pas toujours tous les enjeux qui la sous-tendent (Guérin, et al., 1997).

• Les objectifs atteints: ce sont les résultats estimés de l’intervention ergono- mique, selon la propre appréciation des ergonomes.

L’enquête révèle des écarts entre les objectifs appropriés et les objectifs attendus.

Ainsi, par exemple, les « têtes de gondoles » de l’ergonomie (comme l’organisa- tion du travail, la préservation de la santé, de l’intérêt au travail et le dévelop- pement des compétences) sont des objectifs que les ergonomes s’assignent plus volontiers qu’ils ne leur sont demandés. À contrario, la productivité, la qualité ou la compétitivité sont plus attendues par les entreprises. À cela plusieurs raisons peuvent être avancées.

D’une part, une méconnaissance du périmètre d’action de l’ergonomie chez les demandeurs pourrait expliquer qu’un objectif tel que l’amélioration de l’organi- sation du travail ne soit que si peu attendu par rapport aux forts espoirs qu’y mettent les ergonomes. De même, le développement des compétences, que les ergonomes citent à 27% comme un objectif auquel l’ergonomie devrait contri- buer, est l’objectif le moins attendu par les demandeurs (avec 7% des réponses exprimées). Ce dernier item touche un des bastions de la Gestion des Ressources Humaines en entreprise qui jusqu’ici traitait seule les actions de formation, les

2. Ces qualificatifs sont inspirés des travaux de Veyrac (1998) ou de Terssac et Chabaud (1990) sur les distinctions à faire dans la notion de tâche.

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plans de carrière, etc. Il ne va donc pas de soi pour les acteurs de l’entreprise que l’ergonomie peut leur apporter un éclairage complémentaire pour enrichir la détection des besoins en formation et les aider à mettre en place des actions de formation plus efficaces. L’ergonomie reste pour bon nombre de demandeurs à un niveau micro (analyse des postes de travail) et a du mal à gagner ses lettres de noblesse dans des approches plus systémiques, plus macro.

D’autre part, les ergonomes semblent avoir des difficultés à se représenter l’ergonomie comme une possible articulation d’objectifs de santé et de perfor- mance. Les objectifs de performance, pourtant attendus par les entreprises, semblent provoquer un malaise chez les ergonomes. Preuve en est que ceux qui déclarent poursuivre les deux objectifs se sentent fortement dans leur rôle en poursuivant des objectifs santé, mais se sentent moins légitimes en poursuivant des objectifs de performance.

De plus, ils estiment nettement moins répondre aux attentes des opérateurs en poursuivant des objectifs de performance plutôt que des objectifs de santé. Ce dernier point pose question sur la représentation biaisée que semblent avoir les ergonomes sur les problématiques liées à la performance et l’efficacité. Un opérateur performant ne se sent-il pas mieux à son poste de travail ? Qui aime ne pas être performant (Falzon & Mas, 2007) ? Pourquoi alors la poursuite d’objectifs de performance ne rencontrerait-elle pas les objectifs et l’intérêt des opérateurs ?

À noter que des écarts peuvent également être relevés entre les objectifs atten- dus et les objectifs atteints par les ergonomes. Par exemple, l’amélioration de l’organisation du travail et de l’intérêt au travail sont des objectifs plus réalisés par les intervenants que plébiscités par les demandeurs. Par contre, concernant les questions de productivité et compétitivité, les objectifs atteints sont large- ment en deçà des objectifs attendus (avec 19 points d’écart).

Ces constats nous alertent sur la réticence des ergonomes à remiser leurs idéaux disciplinaires malgré leur confrontation à des réalités économiques qui se font plus fortes.

Une ergonomie, des ergonomes…

Difficile cependant de rester sur cette tendance générale sans chercher à identi- fier des pratiques ou des représentations différenciées parmi les répondants. Les traitements statistiques nous permettent d’aller plus loin en identifiant cinq profils d’ergonomes selon qu’ils poursuivent des objectifs de santé et/ou de performance dans leurs interventions.

Parmi ceux qui déclarent ne poursuivre que des objectifs de santé, nous trou- vons :

• Les « préventeurs », ergonomes qui interviennent le plus souvent pour le compte de Services de Santé au Travail sur des problématiques liées à l’hygiène, sécurité et aux conditions de travail.

• Les « chercheurs » (universitaires ou R&D) qui interviennent plutôt sur la conception de systèmes de commandes et pour lesquels l’ergonomie permet d’abord de contribuer à faciliter l’usage des dispositifs techniques.

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Les ergonomes qui déclarent combiner les deux objectifs dans leur pratique sont :

• Les « indépendants », qui se sentent parfaitement dans leur rôle en le faisant et pensent répondre ainsi aux attentes des opérateurs et de l’entre- prise. Ce sont plutôt des travailleurs indépendants.

• Les « sceptiques », qui estiment ne pas avoir (ou très peu) les savoirs et méthodes nécessaires pour poursuivre des objectifs de performance, et ont le sentiment fort de répondre aux attentes de l’entreprise mais faible concer- nant celles des opérateurs. Ce sont plutôt des salariés d’entreprises privées.

Enfin, des ergonomes déclarent ne poursuivre aucun des deux objectifs, ce sont :

• Les « IHM ». Ce résultat surprenant ouvre de fait une autre question : quels objectifs pensent-ils alors poursuivre ? Les normes ISO elles-mêmes stipulent que la conception d’interfaces vise plus de compétitivité pour les entreprises, plus de productivité, de qualité du produit et moins de coûts, de contraintes et de gêne pour les utilisateurs (Bastien & Scapin, 2004). Il serait intéressant dans le futur d’étudier les motivations de ces ergonomes dans leur pratique.

À noter que la typologie des répondants ne fait pas ressortir de catégorie d’ergonomes déclarant ne poursuivre que des objectifs de performance.

Ces profils mettent en exergue des facteurs autres que la formation pour expli- quer la poursuite ou non du double objectif de l’ergonomie dans la pratique.

Le domaine d’intervention se révèle primordial (IHM, santé) ; le statut des inter- venants (indépendant, ergonome interne…) semble également jouer sur la pratique.

Conclusion

Cette enquête menée auprès d’ergonomes cherchait à comprendre pourquoi l'ergonomie rencontre encore des difficultés à se saisir des questions relatives à la performance globale des entreprises, comme elle le fait pour l’amélioration des conditions de travail. Un des facteurs explicatifs peut être trouvé dans les formations dispensées en ergonomie où l'accent est mis sur l'appropriation de la démarche ergonomique, au détriment de connaissances sur la gestion des orga- nisations et de compétences plus entrepreneuriales. Il en découle le sentiment d'être moins légitime en poursuivant des objectifs de performance plutôt que des objectifs de santé, et ce par manque de méthodes et de savoirs s'y afférant.

La poursuite d’objectifs de santé et/ou de performance apparaît être liée au type d’ergonomie pratiquée et au statut de l’ergonome. Mais la représentation qu'ont les ergonomes du double objectif de l'ergonomie semble rester trop mani- chéenne, en ce sens que la performance s'oppose encore aux besoins des opéra- teurs, et la santé à ceux des gestionnaires.

Ces travaux seront enrichis par l’analyse de l’articulation des objectifs de l’ergo- nomie faite au cours de l’instruction d’une demande d’intervention en situation expérimentale.

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Je tiens à remercier ici Pascal Savari pour l’aide précieuse qu’il m’a apportée pour traiter statistiquement les données recueillies.

Bibliographie

Bastien, C., & Scapin, D. (2004). La conception de logiciels interactifs centrée sur l’utilisateur : étapes et méthodes. In P. Falzon (Dir.), Ergonomie. Paris, PUF.

Breedveld, P., & Dul, J. (2005). The Position and Success of Certified European Ergo-nomists. Rotterdam, RSM Erasmus University.

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Falzon, P., & Mas, L. (2007). Les objectifs de l’ergonomie et les objectifs des ergo- nomes.SELF’2007 "Ergonomie des produits et des services". Saint-Malo, France, 5-7 septembre 2007.

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Lamonde, F. (2000). L'intervention ergonomique. Un regard sur la pratique profes- sionnelle.Toulouse, Octarès Éditions.

Lapeyrière, S. (1990). Pratiques de l’ergonomie en entreprise. Résultats de l’enquête.

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