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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques

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LES DOSSIERS DE LA DREES

N° 89 • décembre 2021

Remédier aux pénuries de médecins

dans certaines zones géographiques

Les leçons de la littérature internationale

Dominique Polton*, Hélène Chaput, Mickaël Portela (DREES) En collaboration avec Quentin Laffeter* et Christelle Millien*

* Au moment de la rédaction de ce dossier, les auteurs étaient affiliés à la DREES

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les Dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

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Remédier aux pénuries de médecins

dans certaines zones géographiques

Les leçons de la littérature internationale

Dominique Polton*, Hélène Chaput, Mickaël Portela (DREES)En collaboration avec Quentin Laffeter* et Christelle Millien*

* Au moment de la rédaction de ce dossier, les auteurs étaient affiliés à la DREES

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LES DOSSIERS DE LA DREES

N° 89 • décembre 2021

Synthèse

Remédier aux pénuries de médecins

dans certaines zones géographiques

Les leçons de la littérature internationale

Dominique Polton*, Hélène Chaput, Mickaël Portela (DREES)

En collaboration avec Quentin Laffeter* et Christelle Millien* (DREES)

* Au moment de la rédaction de ce dossier, les auteurs étaient affiliés à la DREES

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les Dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les Dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

SYNTHÈSE

Depuis une vingtaine d’années, la référence de plus en plus fréquente aux « déserts médicaux » dans les médias et le débat public traduit la préoccupation croissante de la population concernant l’accessibilité géographique aux soins de médecins.

Même si ce terme recouvre une réalité qu’il est difficile d’objectiver, il est indéniable que l’évolution de la démographie médicale en France, notamment pour la médecine générale, a accru les tensions dans les territoires qui étaient déjà les moins bien desservis.

Dans les prochaines années, alors que le vieillissement de la population entraînera une augmentation des besoins de soins, les projections laissent augurer une diminution de l’offre médicale en médecine de ville, surtout en soins primaires. Ces tendances risquent de dégrader encore l’accessibilité dans les zones les moins attractives.

La situation de la France n’est pas unique. La répartition géographique des effectifs médicaux est inégale dans tous les pays, à des degrés divers. Partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, notamment éloignées ou isolées, ou les zones urbaines défavorisées. Répondre aux besoins sur l’ensemble du territoire et mieux équilibrer la distribution de l’offre sont des préoccupations largement partagées, dont plusieurs rapports internationaux se sont fait l’écho dans les années récentes (respectivement des rapports de l’Organisation mondiale de la santé [OMS]1, de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE]2 et de la Com- mission européenne3).

Pour remédier à ces difficultés, des stratégies variées ont été déployées au cours des dernières décennies. L’objectif de ce Dossier de la DREES est, à partir d’une analyse de la littérature internationale, de décrire ces politiques, de rassembler les éléments d’évaluation de leurs impacts et de dégager quelques réflexions pour alimenter le débat sur la situation française.

Ce dossier comporte également un état des lieux des préférences des médecins dans leur choix d’installation et des princi- paux déterminants de leur installation et de leur maintien sur leur lieu d’exercice, autant de leviers potentiels pour l’action publique.

Cette littérature est abondante, mais il faut en garder à l’esprit ses limites. Elle reflète essentiellement l’expérience d’un petit nombre de pays (les États-Unis, l’Australie et le Canada représentent 80 % des références). Les contextes d’organisation du système de santé, mais aussi les caractéristiques géographiques (vastes étendues très peu peuplées, avec des probléma- tiques d’éloignement, d’isolement et de conditions climatiques, auxquelles s’ajoute parfois la question des peuples autoch- tones) ne sont pas comparables avec la situation française. La problématique est en général centrée sur les zones rurales, la question des zones urbaines défavorisées est beaucoup moins abordée. Par ailleurs, le niveau de preuve sur l’efficacité des politiques est modeste, faute d’évaluations robustes (par exemple avec des expérimentations « randomisées »). Il faut donc se garder de transpositions hâtives. Pour autant, un certain nombre d’enseignements peuvent être dégagés de cet ensemble d’expériences qui, même si elles s’inscrivent dans des contextes spécifiques différents du nôtre, amènent à des réflexions convergentes et de portée assez universelle.

Les multiples déterminants de l’installation d’un médecin : facteurs personnels, conditions d’exercice et un rôle très variable des aspects financiers

Il ressort de la littérature internationale, mais également des études sur la situation française, que le choix de s’installer dans une zone mal desservie est lié en premier lieu à un ensemble de facteurs personnels : les liens qu’on peut avoir avec ce type de territoire, parce qu’on y a grandi ou qu’on y a des attaches familiales ou amicales, le souhait d’exercer la médecine de famille. La formation (par des contenus ou des lieux de stage spécifiques) peut contribuer, dans des proportions difficiles à estimer, à renforcer ces orientations. L’évolution avec le temps de ces facteurs personnels, et en particulier de la situation familiale, influe sur la décision de rester ou de partir au bout d’un certain nombre d’années d’exercice.

Au-delà des facteurs personnels, les conditions d’exercice, notamment la possibilité de maîtriser la charge de travail et surtout de ne pas être isolé professionnellement sont aussi, et de plus en plus, déterminants dans le choix d’un lieu de pratique ; l’expérience vécue sur ce plan a un poids important dans la décision de continuer à exercer dans ce territoire.

Les aspects financiers ont aussi leur importance. Mais celle-ci est variable selon les caractéristiques des systèmes de santé et des zones concernées, et leur poids apparaît secondaire par rapport aux autres conditions de l’épanouissement professionnel.

1 World Health Organization (2010). Increasing Access to Health Workers in Remote and Rural Areas Through Improved Retention: Global Policy Recommendations.

World Health Organization.

2 Ono, T., Schoenstein, M., Buchan, J. (2014). Geographic Imbalances in Doctor Supply and Policy Responses. OECD Health Working Papers, Vol. 69.

3 Barriball, L., Bremner, J., Buchan, J., et al. (2015). Recruitment and Retention of the Health Workforce in Europe: Final Report.

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Enfin, le contexte du territoire lui-même, les commodités et la gamme de services éducatifs, culturels, récréatifs qu’il peut fournir pèsent dans les décisions d’installation, et peuvent prendre une importance plus ou moins grande en fonction du moment du cycle de vie.

Au final, augmenter l’offre de soins et améliorer sa répartition territoriale passe à la fois par des politiques d’incitation à l’installation et par des politiques de soutien aux professionnels exerçant dans des zones défavorisées.

Selon des études sur les préférences des médecins, les aspects financiers sont moins importants que d’autres aspects du métier de médecin comme le lieu d’exercice

Pour mieux comprendre les déterminants du choix d’installation des médecins des études ont été menées dans six pays4, dont cinq européens, visant à expliciter la valeur que les médecins accordent à différents aspects de leur vie professionnelle (essentiellement le niveau de revenu, l’environnement rural ou urbain, la durée de travail, les permanences de soins). Ces travaux cherchent ce que les économistes appellent la « disposition à payer », c’est-à-dire la somme que l’on est prêt à sacrifier en échange d’un avantage non monétaire – ou, à l’inverse, le montant de revenu supplémentaire qui serait de nature à compenser un désavantage.

Il ressort de l’interrogation de médecins sur des situations fictives5 que le niveau de revenu est un aspect qui importe certes, mais que d’autres aspects non pécuniaires de l’exercice professionnel revêtent une valeur encore plus importante à leurs yeux. En conséquence, influer sur leurs choix par le biais d’incitations financières nécessiterait des augmentations de revenu extrêmement élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavanta- geuses (nombre d’heures élevé, permanences nombreuses, localisation dans une zone peu dense…). Les politiques visant l’amélioration de la répartition territoriale ne peuvent donc pas se fonder sur le seul levier des incitations financières mais doivent agir sur l’ensemble des conditions d’exercice des médecins.

Quels sont les politiques d’amélioration de la répartition de l’offre de soins et leurs résultats au vu des expériences internationales ?

L’analyse de l’expérience internationale permet de dégager quatre grands registres d’intervention pour attirer et garder des médecins dans les zones mal pourvues : les incitations financières, la formation initiale, la régulation (contraintes sur le choix de localisation) et le soutien professionnel et personnel.

Les incitations financières, largement mises en œuvre, ont plutôt des résultats décevants

Les incitations financières ont été souvent les premières mesures mises en œuvre pour tenter de corriger les déséquilibres géographiques et sont un des leviers les plus utilisés. S’il n’y a pas d’évaluations précises, l’expérience commune d’un certain nombre de pays ou provinces qui ont initié très tôt des politiques reposant sur des incitations financières est que celles-ci n’ont pas eu les résultats escomptés. Notamment, les dispositifs de soutien financier aux étudiants en contrepartie d’engagements de service permettent en général d’accroître l’offre à court terme mais avec des résultats discutables à plus long terme.

La formation initiale, un levier puissant, mais à long terme

Augmenter les capacités de formation a également pu apparaître comme une solution simple pour corriger les déséquilibres géographiques, avec le raisonnement suivant : si on forme de plus en plus de médecins, les zones urbaines favorisées finiront par être saturées, et ils iront combler les besoins non couverts dans les zones mal desservies. Ce raisonnement est néanmoins contredit par la réalité des évolutions constatées, comme le soulignent beaucoup d’auteurs. À noter cependant que si former plus de médecins ne règle pas ipso facto les problèmes de distribution géographique, ce peut être néanmoins une condition nécessaire dès lors qu’il y a un manque global d’effectifs.

En revanche, les résultats convergents des études sur l’influence de l’origine des médecins sur les choix d’installation ainsi que le succès de plusieurs expériences, menées notamment aux États-Unis, ont conduit plusieurs pays à s’appuyer davan- tage sur la formation pour accroître la présence médicale dans les zones mal desservies. Le levier principal est la sélection des étudiants admis en école de médecine, pour augmenter la part de ceux qui sont issus de communautés défavorisées en termes d’accès aux soins.

4 Australie, Allemagne, Danemark, Écosse, Norvège et Portugal.

5 Le principe de ces études est de proposer aux médecins enquêtés un ensemble de scénarios, en leur demandant de choisir à chaque fois l’un des deux. Ces scénarios sont caractérisés par un certain nombre d’attributs, qui peuvent prendre des valeurs différentes. Ceux-ci sont déterminés à partir des résultats d’enquêtes antérieures et testés sur quelques médecins.

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les Dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 Pour atteindre cet objectif, une démarche de décentralisation des lieux de formation a été mise en œuvre, complétée par des démarches proactives vis-à-vis des élèves du secondaire et des processus de sélection adaptés pour donner la priorité, à performance égale, aux étudiants issus de zones moins favorisées ou qui souhaitent y exercer.

Cette stratégie de sélection est combinée avec des programmes et des modalités de formation qui mettent l’accent sur les situations d’exercice propres à la médecine rurale ; ceux-ci ne sont pas, en eux-mêmes, déterminants pour les choix d’installation, mais ils donnent aux futurs médecins les compétences nécessaires à un exercice qui présente des spécificités.

Ces mesures (sélectionner les étudiants, inclure la santé rurale dans les programmes) font partie des recommandations fortes de l’OMS dans son rapport de 2010.

La régulation de l’installation : une distribution plus équilibrée qui n’évite cependant pas les pénuries locales

Une autre stratégie, plus contraignante, consiste à restreindre la liberté de choix. Un certain nombre de pays recourent à une forme de régulation de ce type, selon des modalités variables que l’on peut classer en deux grandes catégories :

 Un passage obligé d’exercice dans des zones déficitaires fléchées, pendant une durée déterminée, pour certaines catégories de médecins.

 Une restriction plus globale de la liberté d’installation, les médecins exerçant leur choix dans le cadre d’un nombre limitatif de places (ou de postes, ou de contrats) défini par zone géographique.

Les exemples internationaux vont plutôt, globalement, dans le sens d’un impact positif d’une politique de régulation des installations sur l’équité de la distribution géographique, celle-ci étant appréciée à un niveau assez agrégé, le niveau régional en général. S’agissant de savoir si, en tout point du territoire (à un niveau infrarégional), l’accès au médecin est assuré de façon satisfaisante, et si la régulation des installations permet d’éviter les pénuries localisées dans les zones peu attractives, la réponse est moins affirmative. Les publications disponibles sur l’impact des dispositifs récents de régulation dans des zones peu attractives qui ont été mis en œuvre en Allemagne ou au Québec sont peu nombreuses, et ne permettent pas d’en apprécier de manière fine les résultats. ll faut souligner enfin que la régulation s’inscrit à chaque fois dans un contexte spécifique et dans une politique d’ensemble.

D’autres actions de soutien sont mises en place mais peu sont évaluées

Des mesures de soutien aux professionnels en place ont également été déployées dans différents pays telles que :

 l’organisation et le financement de remplacements pour permettre aux praticiens de s’absenter ;

 des facilités pour la formation, le développement professionnel continu et l’acquisition de compétences nouvelles (com- pensation de la perte de revenu, prise en charge de frais de transport) ;

 un aménagement des conditions de travail pour les médecins seniors, par exemple avec une réduction ou une suppres- sion des gardes et astreintes ;

 des stratégies de soutien et des interventions ponctuelles pour améliorer la santé et le bien-être psychologique des médecins ruraux.

Il y a toutefois peu d’évaluations de l’impact de ces mesures, qui sont d’ailleurs en général là aussi un élément d’une straté- gie d’ensemble incluant d’autres dimensions.

En France, de nombreuses incitations sont déjà mises en œuvre, mais quelques améliorations sont suggérées par l’analyse de la littérature internationale

Globalement, l’expérience internationale montre l’efficacité limitée de mesures isolées, et l’on constate dans plusieurs pays une évolution vers des stratégies plus globales, combinant différents leviers. Cette importance d’une politique d’ensemble, à adapter au cours du temps, est soulignée par tous les rapports internationaux. Une large palette de mesures a déjà été mise en place en France depuis une quinzaine d’années pour lutter contre les déserts médicaux. Au vu de l’expérience internationale, et sans prétendre à l’exhaustivité, quelques pistes complémentaires peuvent être évoquées.

L’origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pourrait être plus diversifiée pour équilibrer à terme leur répartition sur les territoires. Pour aller en ce sens, quelques démarches ponctuelles de délocalisation de lieux de formation ont été mises en œuvre. Toutefois, elles peuvent entrer en contradiction avec les orientations nationales qui poussent fortement les établissements d’enseignement et de recherche, au contraire, à se rapprocher et à concentrer leurs moyens pour améliorer la position de la France dans la compétition internationale. En amont de l’entrée en formation médicale, des démarches plus proactives pourraient également être développées en direction des élèves du secondaire, à l’instar des initiatives prises par quelques collectivités territoriales.

L’effort pour proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes pourrait être accru. La politique de promo- tion des structures d’exercice collectif mise en place en France depuis une dizaine d’années est un pilier majeur de la stratégie d’attractivité des territoires. L’expérience montre cependant que, s’il est facile de rejoindre une équipe déjà exis-

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les Dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

tante, la création d’une structure reste compliquée. L’accompagnement des professionnels sur le terrain, par des mesures de soutien visant à améliorer leur cadre de vie et de travail, pourrait certainement être encore développé. Il serait sans doute utile, de ce point de vue, d’analyser de manière plus approfondie le contenu et les modalités de mise en œuvre des dé- marches décrites dans la littérature internationale, mais aussi des nombreuses initiatives mises en œuvre localement en France.

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 1

SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 3

LES CHOIX DE LOCALISATION DES MÉDECINS : DE MULTIPLES FACTEURS À L’ŒUVRE ... 6

Les facteurs personnels pèsent fortement dans les choix d’installation ... 6

Le rôle du contenu de la formation médicale est débattu ... 7

Les conditions d’exercice et l’environnement du territoire sont déterminants ... 8

Au-delà de l’installation, la question se pose du maintien dans la durée ... 9

Les mêmes déterminants ressortent des enquêtes menées en France ... 9

DES RÉSULTATS CONVERGENTS DES ÉTUDES RÉCENTES MENÉES SUR LES PRÉFERENCES DES MÉDECINS ...13

QUELLES SONT LES POLITIQUES EFFICACES AU VU DE L’EXPÉRIENCE INTERNATIONALE ? ...19

Une grande diversité de mesures mises en œuvre pour corriger les déséquilibres géographiques ...19

Les stratégies reposant sur la formation initiale ...22

Augmenter le nombre de médecins formés accroît l’offre globale sans garantie d’une meilleure répartition sur le territoire ... 22

La sélection des étudiants apparaît comme une des stratégies efficaces ... 22

Par quels moyens cette sélection des étudiants s’opère-t-elle ? Quels sont les facteurs qui la permettent ou la favorisent ? ... 24

Adapter les contenus de formation n’est pas une stratégie en soi, mais fait partie d’une politique globale reposant sur la formation ... 27

Les incitations financières ...29

Les dispositifs de soutien financier aux étudiants en contrepartie d’engagements de service permettent en général d’accroître l’offre à court terme, avec des résultats discutables à plus long terme ... 29

Les incitations financières sont largement utilisées, mais le recours à ces mesures de manière isolée ne suffit pas à attirer et à retenir les médecins... 31

La régulation de l’installation ...33

L’obligation temporaire d’exercice en zone sous-médicalisée est une solution de court terme, qui dans certains cas peut être contre-productive à long terme ... 33

La régulation de l’installation conduit sans doute à une distribution géographique plus équitable, sans pour autant éviter les pénuries dans certaines zones ... 34

Les actions de soutien ...43

LES RÉFLEXIONS ET RECOMMANDATIONS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ...45

Organisation mondiale de la santé (2010) : Increasing Access to Health Workers in Remote and Rural Areas through Improved Retention. Global Policy Recommendations ...45

OCDE (2014) : Geographic Imbalances in Doctor Supply and Policy Responses ...47

Commission européenne (2015) : Recruitment and Retention of the Health Workforce in Europe ...48

QUELLES RÉFLEXIONS TIRER DE CES EXPÉRIENCES POUR LA FRANCE ? ...50

Quelques réflexions issues des expériences étrangères ...50

Mise en perspective avec la situation française ...52

BIBLIOGRAPHIE ...57

Annexe 1. Enseignements et limites de la littérature publiée ... 64

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2 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

Des limites à prendre en compte ...64

Peu d’évaluations robustes des actions mises en œuvre ... 64

Études portant essentiellement sur la pratique en zone rurale... 65

Interventions majoritairement conduites dans quelques pays ... 65

Caractérisation des zones variable et souvent implicite ... 65

Pas d’explicitation de la notion de pénurie ... 66

Malgré ces limites, des enseignements utiles ...66

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 3

INTRODUCTION

Depuis une vingtaine d’années, la référence de plus en plus fréquente aux « déserts médicaux » dans les médias et le débat public traduit la préoccupation croissante de la population concernant l’accessibilité aux soins de médecins. Même si ce terme recouvre une réalité qu’il est difficile d’objectiver, il est indéniable que l’évolution de la démographie médicale, notam- ment pour la médecine générale, a accru les tensions dans les territoires qui étaient déjà les moins bien desservis. Les nombreux départs à la retraite n’y sont pas compensés par les nouvelles installations, en raison de l’effet prolongé des numerus clausus appliqués au cours des dernières décennies. Les difficultés d’accès croissantes dans ces territoires sont attestées par les indicateurs disponibles (voir encadré 1 pour un état des lieux des inégalités et une analyse des outils de mesure pour les objectiver).

Dans les prochaines années, alors que le vieillissement de la population entraînera une augmentation des besoins, les projections laissent augurer une diminution de l’offre médicale en médecine de ville, surtout en soins primaires (encadré 2).

Ces tendances risquent de dégrader encore l’accessibilité dans les zones les moins attractives.

La situation de la France n’est pas unique. La répartition géographique des effectifs médicaux est inégale dans tous les pays, à des degrés divers6. Partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, notamment éloignées ou isolées, ou les zones urbaines défavorisées7. Mieux équilibrer la distribution de l’offre et répondre aux besoins sur l’ensemble du territoire sont des préoccupations largement partagées, dont plusieurs rapports internationaux se sont fait l’écho dans les années récentes (World Health Organization 2010 ; Ono, et al., 2014, Barribal, et al., 2015)8.

Pour remédier à ces difficultés, des stratégies variées ont été déployées dans les dernières décennies. Les travaux de recherche français qui en rendent compte datent aujourd’hui d’une quinzaine d’années et n’ont pas été actualisés (Bourgueil, et al., 2005). C’est l’objectif de ce Dossier de la DREES qui vise, à partir d’une analyse de la littérature internationale, à décrire ces politiques, à rassembler les éléments d’évaluation de leurs impacts et à dégager quelques réflexions pour alimenter le débat sur la situation française.

Cette littérature est abondante, mais il faut en garder à l’esprit les limites. Elle reflète essentiellement l’expérience d’un petit nombre de pays (les États-Unis, l’Australie et le Canada représentent 80 % des références). Les contextes d’organisation du système de santé, mais aussi les caractéristiques géographiques (vastes étendues très peu peuplées, avec des probléma- tiques d’éloignement, d’isolement et de conditions climatiques, auxquelles s’ajoute parfois la question des peuples autoch- tones) ne sont pas comparables avec la situation française. La problématique est en général centrée sur les zones rurales, la question des zones urbaines défavorisées est beaucoup moins abordée. Par ailleurs, le niveau de preuve sur l’efficacité des politiques est modeste faute d’évaluations robustes. Il faut donc se garder de transpositions hâtives.

Malgré ces limites, qui sont analysées plus en détail en annexe 1, l’analyse de l’expérience internationale peut utilement alimenter la réflexion. Elle permet tout d’abord de mettre en évidence des résultats convergents sur les facteurs qui influen- cent les choix des médecins. Elle montre aussi que les stratégies relèvent partout des mêmes grands registres, et que des diagnostics similaires sont portés sur l’impact de certaines mesures.

Ce dossier s’attachera tout d’abord à mettre en évidence les déterminants des choix de localisation des médecins, ainsi que les préférences qu’ils expriment concernant différents aspects de leur vie professionnelle (parties 1 et 2). Une troisième partie présentera les registres d’intervention mis en œuvre dans différents pays, les stratégies d’action déployées et les éléments d’évaluation disponibles. Après avoir évoqué les leçons tirées de cette littérature dans les recommandations internationales (partie 4), on tentera de dégager quelques enseignements au regard de la situation française (partie 5).

6 Pour un panorama de la densité des professions médicales dans les pays de l’OCDE voir : Gonzalez, et al. (2021). Les dépenses de santé en 2020. Résultats des comptes de la santé. DREES, coll. Panoramas de la DREES-Santé. .

7 En France, 60 % de la population concernée par des difficultés d’accessibilité aux médecins généralistes vivent dans des territoires ruraux et près de 30 % dans une grande aire urbaine, dont 21 % dans la banlieue parisienne (Legendre, 2021).

8 Ces rapports et les recommandations qu’ils formulent sont analysés en partie 4.

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4 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 Encadré 1 • Inégalités territoriales et déserts médicaux, la situation en France

Pour mesurer les disparités d’accès au médecin, la densité médicale, qui rapporte le niveau d’offre d’un territoire à la population concernée, a longtemps été le principal indicateur. Au 1er janvier 2021, les densités régionales de médecins (anciennes régions) varient de 1 à 1,8 entre la Guyane, région la moins dotée, et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), région la plus dotée (carte A). En France métropolitaine, l’écart est de 1 à 1,6 entre régions, de 1 à 5,3 entre départements.

Carte A • Densités régionales de médecins (anciennes régions) au 1ᵉʳ janvier 2021 ̶ Ensemble des médecins [Anguis, et al, 2021]

Champ > Ensemble des médecins. France entière (hors Mayotte).

Sources > ASIP-Santé RPPS, Insee, traitement DREES.

La distance d’accès est l’autre indicateur généralement mobilisé. La distance au service le plus proche permet de mettre en évidence des seuils au-delà desquels l’accès à une spécialité devient difficile, et de localiser et quantifier les populations qui vivent loin des soins. En calculant la distance par la route pour chaque commune française, on montre ainsi que 98 % de la population française peut accéder, en voiture, à un médecin généraliste libéral en moins de 10 minutes, et que plus des trois quarts de la population résident à moins de 20 minutes de médecins spécialistes en accès direct (pédiatre, psychiatre, gynécologue et ophtalmologue) [Vergier et Chaput, 2017].

Il y a une dizaine d’années, un nouvel indicateur plus pertinent a été développé, l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL) [Barlet, et al., 2012]. Il permet de mesurer à la fois la proximité et la disponibilité des professionnels de santé, et il est donc plus fin que les indicateurs usuels de densité ou de temps d’accès. Calculé par commune, il s’exprime comme un nombre de consultations de médecine générale auquel les habitants ont accès, compte tenu de l’offre et de la demande dans la commune, mais aussi dans les communes environnantes. À un niveau relativement agrégé9, il apparaît bien corrélé avec la perception qu’ont les personnes du manque de médecins généralistes ou spécialistes (Castell et Dennevault, 2017).

Mesurée à l’échelle du territoire de vie-santé10, la part de la population française vivant en zone sous-dotée en médecins généralistes libéraux et salariés de centres de santé, telle qu’appréciée par cet indicateur, est de 5,7 % en 2018 (cartes B). Elle n’était que de 3,8 % en 2015. La baisse de l’accessibilité est plus marquée dans le centre de la France, et de nouveaux territoires sont concernés par la sous-densité, notamment du centre de la France vers le nord-ouest (Legendre 2020). Selon les dernières données, l’accessibilité aux médecins généralistes en 2019 est restée identique par rapport à 2018 (Legendre, 2021).

9 Quartiles de l’indicateur APL pour les médecins généralistes et spécialistes. Les indicateurs d’APL aux médecins sont calculés séparément pour les généralistes, les ophtalmologues, les gynécologues, les psychiatres et les pédiatres. Aucun indicateur d’APL ne mesure l’accessibilité globale à l’ensemble des spécialistes. Ainsi, pour comparer l’accessibilité ressentie et objective aux spécialistes, le choix a été fait dans cette étude d’utiliser l’accessibilité aux ophtalmologues, spécialité consultée par la grande majorité de la population (au contraire des gynécologues et des pédiatres). La comparaison entre indicateurs objectif et subjectif est réalisée au niveau du type de communes.

10 Le « territoire de vie-santé » est un agrégat de communes autour d’un pôle d’équipements et de services, constitué selon une logique proche du découpage en

« bassins de vie » de l’Insee. Ce découpage vise à délimiter le territoire le plus resserré possible au sein duquel les habitants ont accès aux équipements et services considérés comme les plus courants.

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 5

Cartes B • Accessibilité potentielle localisée (APL) moyenne aux médecins généralistes à l’échelle du territoire de vie-santé en 2015 et en 2018 (en consultations par an et par habitant)

Champ > Médecins généralistes libéraux et salariés de centres de santé. France entière (hors Mayotte).

Sources > SNIIRAM 2015-2018 (CNAM) ; distancier Metric 2015-2019, populations municipales 2013-2016 (Insee) ; calculs DREES (Legendre, 2020).

Encadré 2 • Projections d’effectifs de médecins

La DREES a publié récemment des projections d’effectifs de professionnels de santé à l’horizon 2050. Le scénario tendanciel, fondé sur des hypothèses de prolongement des comportements constatés actuellement et d’entrées en formation à hauteur de 8 700 étudiants par an, projette une diminution des effectifs jusqu’en 2024. À cette date, le nombre de médecins atteindrait un point bas de 209 000 médecins en activité, soit 2,7 % de moins qu’en 2020. Ce recul est le reflet des numerus clausus faibles des années 1990 et des cessations d’activité de générations nombreuses, entrées avant ce resserrement. Les effectifs projetés retrouvent le niveau actuel à l’horizon 2030.

La diminution des effectifs projetés de médecins se cumulant à l’augmentation et au vieillissement de la population, la densité standardisée baisserait de façon plus prononcée et ne retrouverait son niveau de 2021 qu’en 2035. La baisse la plus marquée concerne les médecins généralistes.

Graphique 1 • Effectifs, densité et densité standardisée pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, projetés entre 2021 et 2050 (Anguis, et al., 2021)

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6 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

LES CHOIX DE LOCALISATION DES MÉDECINS : DE MULTIPLES FACTEURS À L’ŒUVRE

Les travaux de recherche ont cherché à évaluer les effets des stratégies et interventions menées pour corriger les déséqui- libres géographiques dans l’offre médicale, mais aussi à mieux comprendre les déterminants des choix de localisation des médecins, et notamment du choix d’exercer dans des zones peu attractives. Les deux approches sont évidemment liées, puisque les interventions ont d’autant plus de chances d’être efficaces qu’elles agissent sur les bons leviers.

Dans les deux cas, il est important de noter que la littérature internationale distingue systématiquement les problématiques de « recrutement » (attirer des médecins pour qu’ils s’installent dans des zones mal desservies) et de « maintien » (faire en sorte qu’ils restent en exercice dans ces zones, éviter qu’ils ne repartent au bout d’un certain temps). La seconde est apparue majeure, à l’expérience, dans un certain nombre de pays qui ont mis en œuvre très tôt des politiques volontaristes pour favoriser les installations dans les zones sous-denses, mais qui ont été confrontés à un turnover important. Or les études montrent que les facteurs qui influencent les choix d’installation, d’une part, les décisions de rester ou de partir après un certain nombre d’années d’exercice, d’autre part, ne se recoupent pas complètement, et que les stratégies pour assurer l’accès aux soins dans tous les territoires doivent en tenir compte.

Par la suite, la première notion sera désignée sous les termes d’installation ou de recrutement, et la seconde, sous ceux de maintien ou de rétention (terme utilisé au Québec).

Parmi les déterminants du choix de s’installer ou de rester dans des zones mal desservies, les publications distinguent :

 les facteurs personnels (tels que le milieu d’origine, le sexe…) ;

 les facteurs liés à la formation médicale (cursus suivi, lieux de stages…) ;

 les facteurs professionnels (contenu et charge de travail, modalités d’organisation, possibilité de développement profes- sionnel, rémunération…) ;

 les facteurs contextuels et environnementaux (équipements et services présents dans le territoire, intégration à la communauté, opportunités professionnelles pour le conjoint…).

Les facteurs personnels pèsent fortement dans les choix d’installation

Comme cela a été évoqué en introduction, la majorité des études sur les facteurs prédisposant les médecins à s’installer dans des zones sous-médicalisées est centrée sur les territoires ruraux11.

De manière constante, les travaux de recherche concluent que l’origine rurale du médecin est le facteur essentiel et le meilleur prédicteur de l’installation en zone rurale : être né en milieu rural, y avoir grandi, y avoir fait sa scolarité ressortent, dans tous les pays, comme des déterminants majeurs du choix d’exercer dans cet environnement. C’est d’ailleurs sur ce levier que certains pays se sont appuyés, comme par exemple l’Australie avec une politique proactive de sélection des étudiants en médecine.

L’impact est quantitativement important : dans 12 études publiées entre 1973 et 2001, la probabilité de s’installer en zone rurale est deux à trois fois plus élevée si le médecin est d’origine rurale ou y a été scolarisé12 (Laven et Wilkinson, 2003).

Le facteur « origine » ne joue pas uniquement pour la ruralité. Une étude menée en 2000 aux États-Unis fait ressortir que les médecins appartenant à une minorité ethnique moins favorisée en matière d’accès aux soins (Noirs, Hispaniques, Améri- cains natifs) ou ayant grandi dans des zones déshéritées, rurales ou urbaines, ont deux à trois fois plus de probabilités d’exercer auprès de populations défavorisées13 (Rabinowitz, et al., 2000). Ces résultats sont confirmés par d’autres études conduites aux États-Unis (Goodfellow, et al., 2016), non seulement pour la médecine générale, mais pour l’ensemble des spécialités (Odon Walker, Moreno, et Grumbach, 2012). Ces résultats, il faut le souligner, sont issus de travaux menés dans le contexte nord-américain.

11 Et souvent dans des pays où ces territoires sont très différents, en matière d’échelle et de caractéristiques, de la situation de la France et de la plupart des pays européens.

12 Odds ratio compris entre 1,7 et 3,9 dans 10 études sur 12, et dans la plupart des cas se situant environ entre 2 et 2,5.

13 Sont considérés dans cette étude comme servant des populations défavorisées des médecins qui déclarent : - soit exercer dans une zone désignée officiellement comme défavorisée ;

- soit avoir 40 % ou plus de patients indigents (Medicaid, non assurés…) dans leur patientèle ; - soit avoir 40 % ou plus de patients pauvres.

(17)

Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 7 La plupart des études, mais pas toutes, concluent à l’influence du genre sur le choix du lieu d’établissement, avec une

probabilité plus grande de s’installer en milieu rural pour les hommes.

Au-delà du médecin lui-même, son environnement familial influe sur ses choix de localisation : l’origine du partenaire (notamment l’origine rurale), ses préférences à l’égard du milieu de vie, mais aussi ses opportunités de carrière dans le territoire ont été largement investigués et peuvent jouer en faveur ou en défaveur de l’installation dans des zones éloignées ou défavorisées (Asghari, et al., 2020 ; Bilodeau et Leduc, 2003).

Le souhait d’exercer en soins primaires est également un facteur souligné dans certaines études14, ce qui paraît assez logique puisque les soins primaires sont pour une large partie exercés en dehors des grandes villes.

Des études ont aussi cherché à savoir si la situation financière au moment des études ou l’endettement lors de la formation influençait le choix de localisation des jeunes médecins, sans que les résultats soient très clairs. Cet aspect est souvent exploré via la participation à des programmes qui accordent un soutien financier en contrepartie d’une période d’exercice dans des zones sous-denses, et les possibles biais d’autosélection des étudiants sont rarement pris en compte. Par ailleurs, la première affectation est par définition non choisie.

Le rôle du contenu de la formation médicale est débattu

De nombreuses études ont été menées pour comprendre si les modalités de la formation médicale – telles qu’une université localisée en zone rurale, une orientation des programmes vers l’exercice en milieu rural, des stages pendant les premières années de médecine ou une immersion en milieu rural pendant l’internat – peuvent influer sur le choix d’exercer en zone rurale.

Beaucoup de ces études, notamment les plus anciennes, ne contrôlent pas les biais de sélection, notamment le fait que les étudiants d’origine rurale et/ou qui souhaitent exercer en milieu rural sont plus enclins à choisir des formations adaptées ou des postes d’interne en zone rurale, et donc ne permettent pas de conclure sur l’incidence de la formation en tant que telle (Pathman, 1996 ; Ranmuthugala, et al., 2007 ; Wilson, et al., 2009).

Les effets sont d’autant plus difficiles à départager que les expériences qui servent de référence dans ce domaine jouent à la fois sur la sélection des étudiants et sur le contenu des programmes et des stages : des chercheurs analysant en 2004 une dizaine de ces expériences, aux États-Unis, mais aussi au Japon et en Norvège, concluent d’ailleurs que cette combinaison est une des clés de la réussite (Hsueh, Wilkinson et Bills, 2004).

Parmi les études qui contrôlent les biais de sélection, les résultats sont contrastés.

Une étude menée dans les années 1990, concernant les diplômés d’une université canadienne, a trouvé qu’effectuer des stages de deuxième cycle ou d’internat dans des zones rurales n’avait aucune influence sur la probabilité d’installation dans ces zones, contrairement au fait d’avoir grandi à la campagne (Easterbrook, et al., 1999). Une conclusion similaire ressort d’une enquête auprès d’un échantillon aléatoire de médecins aux États-Unis, publiée à la même période : les facteurs personnels évoqués supra (origine, niveau socio-économique de la famille, intérêt avant la formation médicale pour ce type de pratique) sont de très forts prédicteurs de l’exercice en zone sous-médicalisée, urbaine ou rurale, mais pas le fait d’avoir eu des stages cliniques ou d’internat dans ce type d’environnement (Xu, et al., 1997). Concernant le choix de la spécialité (une question un peu différente de celle de la localisation, mais non sans rapport), plusieurs études randomisées réalisées aux États-Unis n’ont pas non plus montré d’effet d’expériences visant à faire connaître la médecine de famille de façon plus approfondie, ou plus tôt dans les études, sur le choix de cette orientation (Pathman, 1996).

Néanmoins, les résultats d’autres expériences suggèrent que la formation médicale initiale reçue peut jouer un rôle.

C’est le cas par exemple du Physicians Shortage Area Program (PSAP) du Jefferson Medical College, en Pennsylvanie, déjà cité supra, qui, depuis 1974, sélectionne et forme des médecins pour l’exercice en zone rurale, et a fait l’objet de plusieurs évaluations rigoureuses depuis sa création. L’une d’entre elles, publiée en 2001, a comparé le devenir des étu- diants inscrits dans le PSAP et celui des autres étudiants formés par le Jefferson Medical College, pour les générations diplômées de 1978 à 1993. Elle conclut que le programme a un impact propre, une fois pris en compte les facteurs person- nels (origine rurale des étudiants, orientation vers la médecine de famille) dont on a vu qu’ils avaient une forte influence sur la probabilité d’exercer en zone rurale. L’étude montre en effet que les étudiants qui ne sont pas dans le programme PSAP, mais qui ont grandi en zone rurale et ont le souhait d’exercer en soins primaires ont environ 75 % de chances, comparative- ment aux étudiants PSAP, de s’installer en zone rurale et d’y rester. Les auteurs concluent que si la composante la plus

14 L’analyse du devenir de vingt générations de médecins formés au Jefferson Medical College en Pennsylvanie fait apparaître que c’est, après l’origine rurale, la deuxième caractéristique qui influe significativement sur le choix de s’installer en zone rurale (Rabinowitz, Diamond, Hojat, et al. 1999).

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8 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

importante du PSAP est sans aucun doute la sélection des étudiants, l’écart de 25 % pourrait être la marque du succès du programme15 (Rabinowitz, et al., 2001).

Une enquête menée au Canada dans les années 2000 auprès de jeunes généralistes installés en zone rurale conclut également positivement sur le rôle de la formation initiale : les médecins d’origine urbaine (qui forment la majorité de ces médecins ruraux) étaient 19 % à déclarer que la formation en médecine rurale était le facteur qui avait le plus influencé leur choix de la pratique rurale (significativement plus que les médecins d’origine rurale, 9 %) [Chan, et al., 2005].

Concernant l’orientation vers la médecine de famille, si l’on a vu précédemment que des études randomisées concluaient à l’absence d’impact de certaines expériences de sensibilisation des étudiants à cette discipline, d’autres aboutissent à des résultats différents, montrant par exemple qu’un stage long (une année) à mi-temps en deuxième cycle ou un programme spécifique sur quatre ans avec des modalités multiples peuvent influer fortement sur l’orientation choisie pour l’internat (Erney, Allen et Siska, 1991 ; Harris, Coleman et Mallea, 1982).

Ces résultats contrastés reflètent sans doute pour partie la variabilité des modalités testées dans les expériences évaluées, et notamment l’intensité du programme, qui peut aller de quelques cours et stages brefs à des expériences très structurées prévoyant une immersion prolongée dans la pratique clinique spécifique en milieu rural. Ils semblent montrer que des programmes multidimensionnels sur une longue période peuvent avoir une certaine efficacité (Pathman, 1996). L’expérience de facultés de médecine rurales en Australie va dans le même sens, soulignant qu’une rotation sur des stages courts est moins efficace pour attirer les jeunes dans la pratique rurale que des stages longs, qui permettent une meilleure accultura- tion et intégration à la communauté (Denz-Penhey, et al., 2005). Certaines enquêtes suggèrent également, toujours pour l’installation en milieu rural, que l’impact est plus important à la fin des études qu’au début (Wilkinson, et al., 2003).

Sans aller jusqu’à l’influence sur les choix d’orientation ou d’installation, de nombreuses publications font état en tout cas d’une évolution de la perception des étudiants. On a ainsi observé, à la suite de la mise en place d’un stage long en zone rurale en cinquième année de médecine par l’université d’Otago, en Nouvelle-Zélande, une augmentation significative de la part des étudiants ayant une perception positive de cet exercice et en envisageant la possibilité pour eux-mêmes (William- son, et al., 2003). Des travaux de recherche qualitatifs en Australie et au Canada montrent également que l’expérience vécue par les étudiants durant ces stages est importante, pouvant conforter des choix d’installation ultérieurs si elle est positive, mais aussi avoir un effet repoussoir si elle est négative, ce qui, là encore, renvoie aux conditions concrètes d’organisation (accueil, tutorat, liens avec l’université…) [Viscomi, Larkins et Gupta, 2013].

Ces constats en demi-teinte expliquent sans doute que les conclusions dégagées par les revues de littérature soient elles- mêmes partagées dans leur appréciation de l’influence qu’ont les programmes de formation initiale sur les choix d’installation. Certaines font valoir qu’il n’y a pas de démonstration robuste de l’efficacité de politiques intensives de stages pour les étudiants, qui ont un coût non négligeable (Ranmuthugala, et al., 2007). D’autres considèrent, et c’est par exemple l’analyse de l’OMS qui a publié des recommandations sur ce sujet en 2010, que les contenus des programmes ont un rôle à jouer en tant qu’élément d’une politique globale mobilisant la formation initiale. Même s’il n’est pas certain qu’ils aient un effet propre, dans la mesure où la pratique en milieu rural éloigné est spécifique, préparer les étudiants en leur donnant les compétences pour ce type d’exercice est nécessaire (World Health Organization, 2010).

Les conditions d’exercice et l’environnement du territoire sont déterminants

Les conditions de travail sont un facteur crucial dans le choix du lieu où les médecins s’installent, comme le montrent les enquêtes menées dans tous les pays (Ono, Schoenstein et Buchan, 2014). Elles font apparaître que l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, la maîtrise des horaires et de la charge de travail, les possibilités d’échanges avec des collègues sont des éléments qui pèsent fortement dans les décisions des étudiants et jeunes médecins.

Les conditions de travail anticipées dans les zones sous-médicalisées – isolement, charge de travail importante, mobilisation fréquente pour la permanence des soins, difficulté de remplacement – constituent donc une perspective peu attractive pour des jeunes médecins. De fait, les données objectives montrent qu’en zone rurale le nombre d’heures de travail est plus élevé, ainsi que la fréquence des gardes et astreintes (Ono, Schoenstein et Buchan, 2014). Les enquêtes réalisées dans plusieurs pays confirment que la charge de travail, le nombre élevé de patients à traiter, les contraintes qui en découlent sur les durées de consultation sont des sources d’insatisfaction pour les médecins installés.

À l’inverse, l’autonomie, le champ étendu de la pratique clinique et des responsabilités (les médecins exerçant dans des zones où le recours au spécialiste est limité assurent eux-mêmes des actes qu’ils ne réalisent pas en milieu urbain) sont des sources de satisfaction professionnelle pour les praticiens qui ont ce type d’exercice (Viscomi, Larkins et Gupta, 2013 ; McGrail, et al., 2010).

15 Néanmoins, ils notent qu’il peut rester un biais non observable d’autosélection des étudiants qui s’inscrivent dans le programme.

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 9 Les perspectives de revenu sont aussi une variable importante, qui peut jouer différemment selon les contextes géogra-

phiques et organisationnels. Dans des zones à très faible densité de population, les médecins rémunérés à l’acte peuvent craindre de n’avoir pas assez de patients pour atteindre un niveau de revenu suffisant. Ceci a d’ailleurs conduit à des politiques de modes de rémunération alternatifs dans ces zones, ou de garantie de revenus. Mais la situation peut être inverse : le nombre important de patients à traiter dans les zones moins bien pourvues se traduit dans plusieurs pays par des niveaux de revenus supérieurs dans ces zones, au prix d’horaires de travail plus importants. C’est le cas en France, mais aussi en Australie, au Canada ou aux États-Unis (Ono, Schoenstein et Buchan, 2014). Exercer dans une zone défavo- risée sur le plan socio-économique peut également affecter négativement le revenu des praticiens au travers des tarifs et/ou de la participation financière des patients.

Enfin, au-delà des conditions d’exercice, l’environnement du territoire lui-même et la qualité de vie qui y est attendue sont aussi déterminants. La présence de services, d’infrastructures, d’opportunités professionnelles pour le conjoint, d’activités culturelles ou récréatives conditionne l’attractivité des territoires, et ces facteurs se retrouvent dans tous les contextes nationaux.

Il y a cependant là encore une part d’équation personnelle et de préférences concernant le style de vie et les loisirs. Les enquêtes montrent que le fait d’apprécier ce mode de vie et les activités récréatives qu’il permet est un facteur important du choix des médecins installés en milieu rural, y compris d’ailleurs pour ceux qui sont d’origine urbaine (Chan, et al., 2005).

Cet atout ne se retrouve pas en revanche dans les zones urbaines défavorisées.

Au-delà de l’installation, la question se pose du maintien dans la durée

Plusieurs études constatent que l’origine, la familiarité avec le type de territoire, les aspirations en début de carrière, qui sont des prédicteurs des choix d’installation, ne jouent pas sur les décisions des médecins de se maintenir ou de quitter le territoire après un certain nombre d’années d’exercice.

Ainsi l’étude déjà citée sur le devenir de vingt générations de diplômés du Jefferson Medical College constate que ni l’origine rurale ni l’intérêt pour la médecine générale au moment des études, deux variables significativement associées à l’installation en zone rurale, ne sont prédictives du maintien. En s’appuyant sur des enquêtes, les auteurs en concluent que les conditions de l’exercice professionnel, charge de travail, revenu, deviennent prédominantes avec le temps (Rabinowitz, Diamond, Hojat, et al., 1999).

De manière intéressante, une recherche ultérieure plus poussée a fait apparaître que le fait d’avoir participé au programme de formation spécifique mis en place par cette université (PSAP) était significativement associé au maintien en exercice après une dizaine d’années (Rabinowitz, 2001). Certains auteurs considèrent d’ailleurs que ce programme est un des rares à avoir réussi à la fois sur le plan du recrutement et de la rétention (Ballance, Kornegay et Evans, 2009). De fait, plusieurs travaux font ressortir que, sur ce plan, la formation peut jouer un rôle, en préparant les étudiants à un exercice qui est spécifique par rapport à celui qu’on peut avoir là où l’offre de soins est importante. Une étude aux États-Unis montre que le fait de rester en zone rurale est significativement associé au sentiment qu’ont les médecins d’avoir été préparés à la fois à la vie dans ce type d’environnement et à la pratique spécifique en milieu rural ; parmi les différents aspects de la formation, les stages d’internat ressortent comme l’élément principal qui permet cette préparation (Pathman, et al., 1999)16.

La problématique du maintien a aussi été investiguée par plusieurs chercheurs australiens et canadiens. Tous concluent que la décision de rester ou de partir est d’abord liée à l’expérience professionnelle vécue, positive ou négative. Le manque de soutien par les pairs, par d’autres professionnels ou par l’hôpital, la charge de travail, la lourdeur de la permanence des soins sont déterminants, quels que soient les facteurs personnels et les aspirations initiales. S’y ajoutent l’évolution des besoins familiaux, notamment concernant l’éducation des enfants au fur et à mesure qu’ils grandissent, et la qualité de l’intégration sociale et culturelle dans la communauté (Humphreys, et al., 2001).

Les mêmes déterminants ressortent des enquêtes menées en France

Des enquêtes d’opinion menées en France auprès de médecins installés et d’internes en médecine générale montraient déjà, il y a une dizaine d’années, les mêmes critères de choix : en dehors des attaches antérieures sur un territoire, qui restaient le premier déterminant d’implantation, la qualité du cadre de vie, l’existence d’un projet professionnel collectif sur le territoire, les possibilités d’emploi du conjoint étaient les facteurs d’attractivité le plus souvent cités. La présence d’une offre de soins environnante était aussi un aspect important (CGET, 2015).

16 Là encore, les travaux publiés sont centrés sur la problématique rurale, mais on peut penser que préparer des professionnels de santé à un exercice dans des zones urbaines défavorisées est également important.

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10 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

Une enquête a été réalisée plus récemment, en 2019, par la commission jeunes médecins du Conseil national de l’Ordre des médecins auprès d’un échantillon de médecins installés, internes ou remplaçants (Conseil national de l’Ordre des médecins, 2019). Elle montre que :

 si la proximité familiale est le critère le plus souvent cité comme un critère de choix, il l’est à égalité avec l’existence de services publics (61 % et 62 % respectivement) ; ce deuxième aspect est même plus important pour les médecins déjà installés ;

 82 % des internes et 87 % des remplaçants considèrent la question des horaires et du rythme de travail comme « tout à fait » ou « plutôt » déterminante ;

 dans les mêmes proportions, ils déclarent déterminante pour l’installation la présence sur le territoire d'autres profession- nels de santé ou d'un hôpital. Parmi les médecins installés, ce critère apparaît avoir été pris en compte de manière plus importante pour les jeunes générations que pour les praticiens plus âgés.

Les analyses menées par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) à partir du Panel d’observation des pratiques et conditions d’exercice en médecine générale17 mettent en évidence de manière encore plus frappante les effets de génération. La possibilité d’un exercice collectif a motivé le choix du lieu d’installation actuel pour 73 % des médecins de moins de 40 ans, et seulement pour 27 % des 60 ans ou plus (graphique 3). La présence d’une offre de soins dans le territoire est également plus souvent un critère de choix (56 %, versus 48 %), de même que les facilités pour la famille (71 %, versus 57 %) (Chaput, et al., 2020).

En référence au débat évoqué plus haut sur l’influence de la formation, on peut noter également que 53 % des jeunes médecins français (moins de 40 ans) mettent en avant, parmi les motivations de leur choix, une première expérience sur le territoire en tant qu’interne ou en tant que remplaçant (contre seulement 29 % des 60 ans ou plus).

Un autre résultat de cette enquête, qui met bien en évidence l’importance, au-delà de l’installation, de la question du main- tien des professionnels qui exercent dans des zones sous-denses est que, face à la perspective d’une baisse de l’offre de soins sur leur territoire, 18 % font part de leur intention de s’installer ailleurs et 13 %, de changer d’activité professionnelle (Chaput, et al., 2020).

17 Le quatrième Panel d’observation des pratiques et conditions d’exercice en médecine générale est une enquête menée en France, hors Mayotte, par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), les observatoires régionaux de la santé (ORS) et les unions régionales des professions de santé-médecins libéraux (URPS-ML) des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et Pays de la Loire, auprès de 3 300 médecins généralistes libéraux, installés au 1er janvier 2018, ayant au moins 200 patients dont ils sont le médecin traitant et sans mode d’exercice particulier exclusif (comme homéopathe ou acupuncteur).

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 11 Graphique 3 • Motivations du choix du lieu d’installation actuel, selon l’âge du médecin

*

* *

En résumé, tel que vu dans la littérature, le choix de s’installer dans une zone mal desservie est lié en premier lieu à un ensemble de facteurs personnels : les liens qu’on peut avoir avec ce type de territoire, parce qu’on y a grandi ou qu’on y a des attaches familiales ou amicales, le souhait d’exercer la médecine de famille. La formation peut contribuer, dans des proportions difficiles à estimer, à renforcer ces orientations. L’évolution avec le temps de ces facteurs personnels, et en particulier de la situation familiale, influe sur la décision de rester ou de partir au bout d’un certain nombre d’années d’exercice.

Au-delà de cette équation personnelle, les conditions d’exercice, notamment la possibilité de maîtriser la charge de travail et surtout de ne pas être isolé professionnellement sont aussi, et de plus en plus, déterminants dans le choix d’un lieu de pratique ; l’expérience vécue sur ce plan a un poids important dans la décision de continuer à exercer dans ce territoire. Les aspects financiers ont leur importance, variable selon les caractéristiques des systèmes de santé et des zones concernées, mais leur poids apparaît secondaire par rapport aux autres conditions de l’épanouissement professionnel.

Enfin le contexte du territoire lui-même, les commodités et la gamme de services éducatifs, culturels, récréatifs qu’il peut fournir pèsent dans les décisions d’installation, et peuvent prendre une importance plus ou moins grande en fonction du moment du cycle de vie.

On retrouve les mêmes déterminants dans tous les pays, et la France ne fait pas exception, comme le montrent les en- quêtes réalisées auprès de médecins installés ou en voie d’installation.

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12 ■ Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021

Il est important de prendre en compte ce facteurs pour élaborer des stratégies visant à lutter contre la désertification de certaines zones géographiques. Ils le sont évidemment d’autant plus dans un contexte de liberté totale d’installation, mais ils jouent aussi dans des pays où cette liberté est restreinte ; car cet encadrement de la liberté de choix ne va jamais jusqu’à affecter autoritairement un médecin dans un territoire précis, sauf de façon temporaire (comme condition pour obtenir la licence, pour se spécialiser, en contrepartie d’un soutien financier aux études de médecine, etc.). Aussi, même dans les pays qui ont une régulation de l’installation, il y a des zones qui ont du mal à être pourvues en médecins (cf. plus loin, l’exemple de la Norvège).

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Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques > Les dossiers de la DREES n° 89 > décembre 2021 ■ 13

DES RÉSULTATS CONVERGENTS DES ÉTUDES RÉCENTES MENÉES SUR LES PRÉFÉRENCES DES MÉDECINS

Des travaux de recherche récents ont cherché à expliciter la valeur que les médecins accordent à différents aspects de leur vie professionnelle en faisant appel à des méthodes de choix discrets. Ces méthodes ont pour objectif de faire révéler à des acteurs leurs préférences, en leur demandant de choisir parmi des scénarios hypothétiques dans lesquels on fait varier plusieurs caractéristiques ; elles servent notamment à estimer ce que les économistes appellent la « disposition à payer », c’est-à-dire la somme que l’on est prêt à sacrifier en échange d’un avantage non monétaire – ou, à l’inverse, le montant de revenu supplémentaire qui serait de nature à compenser un désavantage.

Il s’agit donc là non pas d’évaluations d’interventions réellement mises en œuvre, mais de modélisations à partir des réponses obtenues dans des enquêtes auprès de médecins ; ceux-ci sont invités à choisir entre des options caractérisées par un niveau de revenu plus ou moins élevé, un environnement rural ou urbain, une durée de travail plus ou moins longue, une charge de permanence des soins plus ou moins lourde, etc. Même si elles sont fondées sur des choix hypothétiques, ces démarches apportent un éclairage sur l’efficacité potentielle de mesures destinées à influencer les choix professionnels. Elles sont d’ailleurs promues par l’Organisation mondiale de la santé et par la Banque mondiale dans le cadre des stratégies de recrutement de professionnels de santé dans les zones rurales isolées (Ryan, et al., 2013 ; Araujo et Maeda, 2013). En outre, elles présentent l’intérêt d’avoir été menées dans des contextes nationaux variés, notamment dans plusieurs pays européens.

Encadré 3 • Exemple d’une expérimentation de choix discrets

Le principe est de proposer aux médecins enquêtés un ensemble de paires de scénarios, en leur demandant de choisir à chaque fois l’un des deux. Ces scénarios sont caractérisés par un certain nombre d’attributs, qui peuvent prendre des valeurs différentes. Ceux-ci sont déterminés à partir des résultats d’enquêtes antérieures et testés sur quelques médecins.

L’exemple ci-dessous est tiré d’une étude réalisée en Australie en 2013 (tableau 1). L’objectif de cette étude était de comprendre à quelles conditions (notamment financières) les médecins généralistes déjà en exercice accepteraient d’aller s’installer dans des zones rurales.

L’enquête est donc réalisée auprès de cette population (Scott, et al., 2013).

Les scénarios proposés sont des situations professionnelles caractérisées par un type de localisation, une évolution des revenus, du temps de travail, une charge de gardes et d’astreintes, et d’autres caractéristiques telles que la composition de l’équipe de soins, la durée de la consultation, la plus ou moins grande facilité à se faire remplacer, l’insertion sociale. La question posée est formulée comme suit :

Tableau 1 • « On vous propose deux situations professionnelles. Que choisissez-vous ? A, B ou je reste là où je suis. »

Situation A Situation B

Évolution des revenus 15 % d’augmentation Pas de changement

Évolution du nombre d’heures de travail Pas de changement 10 % d’augmentation

Permanence des soins 1 jour sur 4, appels fréquents 1 jour sur 2, appels fréquents

Localisation Petite ville côtière Centre régional important

Interactions sociales Très limitées Très bonnes

Facilité à se faire remplacer Assez difficile Assez facile

Composition de l’équipe Généralistes, infirmiers, accueil Généralistes, infirmiers, accueil, gestionnaire

Les caractéristiques des scénarios sont évidemment adaptées aux questions que l’on cherche à explorer. Ainsi, par exemple, dans une étude menée au Danemark auprès de jeunes médecins en cours de spécialisation en médecine générale, l’objectif est de tester entre autres les préférences des médecins pour des groupes de taille plus ou moins importante, et cet attribut est mis en balance avec le niveau de rémuné- ration, le nombre d’heures travaillées, etc. (L. B. Pedersen et D. Gyrd-Hansen, 2014).

Les deux exemples ci-dessus font partie de l’ensemble des études présentées dans le tableau 2.

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