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REMEUBLER VERSAILLES

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Academic year: 2022

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REMEUBLER VERSAILLES

Presque tombeau vivant dans mes appartements Qui respire, et sur qui l'éternité s'écoute.

P A U L V A L É R Y .

Remeubler Versailles ? Ce fut un beau projet. Reviendra-t-il un jour au premier plan de nobles préoccupations ? Souhaitons-le.

Essayons dans les pages qui suivent de faire la genèse des recherches sur l'ancien mobilier de Versailles et d'examiner quelques-uns des problèmes que soulève le « remeublement » du château.

Ce que d'autres pays ont tenté en faveur de leurs résidences historiques ne peut-il être repris à l'égard de Versailles ? Jadis, ce furent les reconstitutions de Potsdam. La Russie, dit-on, a fait un effort analogue dans quelques-uns des anciens palais impé- riaux. Tout récemment, nos amis suédois ont recrée, dans le char- mant pavillon de Haga, aux portes de Stockholm, le cadre exact et précieux où vécut Gustave III.

E n France, depuis dix ans, M M . Vergnet-Ruiz et Terrier à Compiègne, Terrasse à Fontainebleau ont entrepris un travail de remise en place de l'ancien mobilier, dans deux châteaux où les meubles du x i xe siècle, en majeure partie maintenus depuis la disparition des Cours, pouvaient être retrouvés à l'aide des inventaires. Avant eux, Charles Mauricheau-Beaupré avait réussi un regroupement analogue pour un château dont le mobilier du x i Xe siècle était en grande partie resté sur place, le Grand Trianon.

Ces reconstitutions du x i xe siècle peuvent, au premier abord, paraître aisées. Les meubles, à quelques malheureuses exceptions près, n'ont pas été vendus, mais certains ont été transférés dans la masse du Mobilier national, et leur recherche est souvent ardue.

Après vingt ans d'efforts, Mauricheau-Beaupré n'avait pu retrouver le lit de Napoléon Ie r à Trianon et le replacer dans le décor qu'il s'appliquait à recomposer de la chambre de l'Empereur. U n peu partout des tapis ont été découpés, les soieries se sont usées et bien des problèmes délicats doivent être résolus. E n revanche, les inventaires permettent d'abondantes découvertes et, parmi

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elles, il en est d'inattendues. Les conservateurs de Compiègne ont ainsi retrouvé dans la Chapelle, placés en anges, aux côtés de l'autel, les deux génies de hois doré qui, primitivement, retenaient les draperies de part et d'autre du lit de l'impératrice Marie-Louise.

Les meubles du xvn° et du x v me siècle, ceux de Versailles en particulier, soulèvent bien d'autres difficultés. L a principale réside dans leur recherche.

Supposons un instant que rien n'ait été détruit, que rien ne se soit usé du mobilier de Louis X I V , de Louis X V ou de Louis X V I à Versailles ; la remise en place et, au préalable, la découverte de ces meubles entraîneraient déjà bien des complications. Faire revenir un meuble n'est pas toujours aisé ; l'identifier l'est moins encore ; c'est par là pourtant qu'il faut commencer. Or les ventes ont de tout temps dispersé les meubles de Versailles.

On accuse le gouvernement révolutionnaire'd'avoir vendu à l'encan le mobilier de Versailles èt celui des Trianons. C'est exact dans l'ensemble, mais i l faut apporter à cette affirmation quelques nuances. Certes la vente qui, à Versailles même, se poursuivit du 25 août 1793 au 11 août 1794, sans autres interruptions que celles des dimanches ou des décadis, fut l'opération massive, légale, inexorable, qui vida le château et ses dépendances. Pour- tant Louis X V avait déjà ordonné la vente, au Louvre, en 1751, de quelques-uns des plus extraordinaires cabinets de Louis X I V , considérés comme démodés ou trop délabrés pour être conservés.

Louis X V I toléra de même la vente de certains meubles des époques précédentes, parmi lesquels se trouvait au moins un meuble qui pourrait aujourd'hui nous manquer cruellement, le fauteuil de bureau de son grand-père.

L a Commission des Arts fit réserver en 1793, pour les exposer au Louvre, un certain nombre de meubles parmi les plus précieux des collections royales. On pourrait penser qu'ils furent sauvés et restèrent dans les collections nationales. L a Commission du Commerce s'en servira bientôt pour des échanges avec les fournis- seurs de la République et, dès ce moment, ces meubles partiront pour l'Italie, pour l'Allemagne et même pour les Etats-Unis. Ce qui demeura dans des bureaux ou bientôt passa dans les appartements des Directeurs est minime.

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Mentionnons, en outre, sous la monarchie, l'usage de laisser au premier gentilhomme ou à la première dame d'honneur le mobilier de la « chambre » du souverain, du prince ou de la princesse qu'il servait.

On arrive à cette conclusion que, dès les environs de 1800, le mobilier de Versailles, et surtout ses maîtresses pièces, était éparpillé en France ou à l'étranger, sorti du domaine national.

A u x dispersions s'ajoutent, hélas ! les destructions. Elles aussi marquent toutes les époques et sont importantes. Elles sont le plus souvent causées par l'usure et concernent principalement les soieries, ainsi que toutes sortes d'autres meubles qui se ruinent ou se cassent : meubles de Boulle, cabinets faits pour Louis X I V aux Gobelins sont dépecés ou transformés sous Louis X V . Elles peuvent être le fait de la cupidité : des visiteurs de Versailles, tout au long du x v me siècle, volèrent de riches passementeries ou bro- deries dans les appartements royaux, continuant en cela un fâcheux usage qui s'était instauré dès le règne du Grand Roi. Louis X V , à la fin de son règne, et Louis X V I donnèrent l'autorisation de brûler, pour en tirer l'or et l'argent, quelques-uns des meubles d'étoffe les plus somptueux créés sous Louis X I V , notamment le lit de la Grande Chambre du Roi et le meuble brodé de la Salle du Trône. Louis X I V avait envoyé à la fonte, de son vivant même, tout son mobilier d'argent. L a Révolution détruisit par fanatisme des tissus chargés d'emblèmes royaux. Lorsque le Directoire fit brûler, pour en tirer ce que l'on croyait de l'or et qui n'était que de l'argent doré, certaines des tapisseries « tissées d'or », les plus pré- cieuses des anciennes collections royales, ce n'était là, poussée à l'absurde, que la continuation d'habitudes déplorables.

Qu'advint-il tout au long du x i xe siècle des meubles sauve- gardés ? Les particuliers furent, semble-t-il, plus respectueux que l'Etat ; chaque fois que, à tort ou à raison, une origine versaillaise s'attachait à un meuble, i l était, dans nombre de familles, surtout en Angleterre et en France, voire en Pologne, pieusement conservé.

Mais dans l'immense remue-ménage causé par la Révolution, bien souvent le souvenir se perd et l'origine reste ignorée. De plus, quel que soit le prix attaché à un meuble, les guerres, des incendies, des accidents ont pu causer de nouvelles pertes.

Si l'on fait ici un premier bilan de ce qui devrait subsister de l'ancien mobilier de Versailles, on peut affirmer que, dans l'ensemble, une grande partie a dû survivre, sauf quelques meubles

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fragiles ou trop précieux de matière, mais que l'Etat n'en possède aujourd'hui presque plus rien. C'est au monde entier qu'il faut faire appel pour remeubler Versailles.

Partir comme un pèlerin à la quête de tous ces meubles rares et dispersés devrait être considéré comme déraisonnable et uto- pique. Certes i l faut une foi tenace, surtout à certains moments.

Mais nous possédons maintenant tant de découvertes heureuses et nous avons en mains un fil conducteur si solide, si éprouvé, que nous sommes sûrs du résultat. Ce guide se trouve dans les marques que possèdent les meubles de Versailles, d'une part, dans les archives de l'ancien garde-meuble royal, d'autre part.

Il faut une parfaite ignorance du sujet pour affirmer que l'on peut remeubler Versailles sans connaître, autrement que par les travaux déjà publiés et les découvertes déjà faites, l'ancien mobilier du château. Nous avons expliqué ailleurs le mécanisme qui nous a permis nombre d'identifications. Il est à craindre que le libéralisme qui est de règle aux Archives nationales et surtout les imprudences de certains débutants, impatients d'étaler une science toute fraîche, n'apportent de fâcheux déboires. On peut faire, en ce domaine, un gâchis irréparable. Des communications intempestives, des renseignements donnés à la légère peuvent nous conduire à de désagréables surprises.

L'étude du mobilier de Versailles ne peut être, contrairement à d'autres travaux, l'œuvre d'une équipe, tout au moins pour le x v me siècle. Elle doit être personnelle et discrète. Connaîtrait-on les noms de tous les acquéreurs des meubles à la fin du x v me siècle,

— ce qui est généralement possible, — i l subsistera un hiatus d'au moins un quart de siècle, le plus souvent davantage, entre la vente de ces meubles et leur réapparition dans les grandes collections de France ou de l'étranger au cours du x i xe siècle.

Ainsi, dès le départ, on va à l'aventure, en apparence tout au moins.

L a mémoire à ce moment intervient ; elle permet en lisant une description d'archives, de rapprocher du texte tel meuble, tel bronze, jadis vu ici ou là, et vice versa, elle ressuscite devant un meuble telle description précédemment enregistrée. Les marques ou les étiquettes viennent compléter le travail.

Il serait puéril de croire que des microfilms remplaceraient ici le cerveau. Certes nous n'avons pas hésité, après de longues heures passées aux Archives nationales, à faire microfilmer personnelle-

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ment en 1941 tout le Journal du Garde-Meuble de Louis X I V à Louis X V I ou à faire établir, grâce à l'obligeance de M . Charles Braibant et de ses services et à la parfaite compréhension de la Direction des Musées de France, les microfilms des documents les plus utiles des x v i ne et x i xe siècles. Mais l'atout principal réside dans le travail et la chance du chercheur, dans sa ténacité aussi.

Cette lente poursuite de l'ancien mobilier de Versailles comporte un autre élément dont il faut tenir compte : la certitude du succès Champeaux, le premier, rapprocha deux meubles d'anciennes descriptions portées sur les inventaires. Mauricheau-Beaupré fit de même pour les commodes « mazarines », en s'aidant des numéros inscrits sur ces meubles ; i l y ajouta l'éclatante réussite de la réfec- tion, documents en mains, de la Chambre de la Reine. Ayant établi le rapport entre les numéros peints au revers des meubles et les divers documents fournis par les archives, nous avons pu, depuis 1935, retrouver plus de deux cents meubles qui proviennent des anciennes collections royales. L a progression se poursuit et, tout récemment, nous avions la satisfaction de retrouver des meubles du x v i ie siècle que nous désespérions d'atteindre. Nous avons acquis de la sorte l'assurance que l'essentiel du mobilier de Versailles existe. On doit pourtant faire ici quelques réserves et, avant de s'interroger sur ce qu'il est possible de reconstituer, examiner ce qui a jadis existé.

* *

Trois règnes s'écoulèrent à Versailles, amenant chacun leur part dans la décoration et dans l'ameublement.

Du règne de Louis X I V subsistent, outre l'ensemble des bâti- ments, les riches décorations du Grand Appartement, de la Galerie, de la Chambre du Roi et de ses antichambres, quelques parties de l'appartement de la Reine. Le mobilier d'argent, alors la plus grande splendeur de Versailles, fut anéanti du temps même du Grand Roi. Soieries et somptueuses broderies marquaient aussi la grande opulence de cet ameublement ; elles s'usèrent ou dispa- rurent au cours du x v me siècle, ou du x i xe pour celles qui avaient pu franchir l'épreuve révolutionnaire. Les meubles d'ébénisterie qu'on rencontre, surtout à la fin du règne, à Marly ou à Trianon, restèrent exceptionnels à Versailles. Des pieds de tables, des gué- ridons, des sièges, aux bois profondément sculptés, principalement

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faits pour remplacer les meubles d'argent envoyés à la Monnaie, telle est la majeure part du mobilier de Louis X I V qui peut s'être conservée.

Louis X V arriva tout jeune à Versailles ; son règne enrichit le château de ces belles décorations, d'un aspect nouveau bien que toujours précieux, qui ornent encore la Chambre de la Reine, tout l'appartement intérieur du Roi depuis sa Chambre jusqu'à son Cabinet de travail ou à sa nouvelle salle à manger, le Cabinet du Conseil, les appartements de Mesdames, du Dauphin, de Mme de Pompadour, de Mme Du Barry. Le mobilier correspondait aux boiseries ; il était fait en même temps qu'elles et pour elles.

Des ébénisteries claires, simples mais parfaites, peu nombreuses en chaque pièce, et décorées de bronze fantasques, jouaient avec les beaux brocarts lyonnais tout chargés de fleurs. Sièges et consoles alliaient le décor rocaille à l'élément floral, stylisé d'abord, puis d'un réalisme charmant. Le bois des sièges était le plus souvent doré, surtout pour le Roi, parfois délicatement verni de couleurs assorties aux nuances des soieries ou de la boiserie. Les porcelaines de France, d'Allemagne ou de Chine, ajoutaient leur note claire à tout cet ensemble.

Cadre et mobilier offrirent une même cohérence sous Louis X V I . Dans la bibliothèque et dans le salon de jeux du Roi, dans les petits appartements de Marie-Antoinette, le dessin un peu rigide des panneaux fut atténué par une exquise fantaisie ; médaillons brodés sur les soieries, sculptures prodiguées sur les sièges, bronzes ciselés avec une finesse extrême, draperies compliquées où se déve- loppa l'art du tapissier entretinrent à Versailles un climat de grâce légère.

Devant cette diversité du cadre, on admettra dès l'abord qu'il faut tendre, autant que possible, à recomposer chaque pièce selon le style dominant de son décor. Ne parviendrait-on qu'à rendre à Versailles son mobilier de 1789, le résultat serait déjà appréciable ; mais ce qui serait exact, du moins pour cette date précise, 1789, ne nous procurerait pas une harmonie parfaite. On conçoit que, dans la pratique, i l sera parfois difficile de retrouver les meubles du règne de Louis X I V , car ce qui en subsiste se réduit à peu de chose. Cependant i l sera presque toujours possible, au moins pour le x v me siècle, de replacer le meuble contemporain de la boiserie.

Mais avant d'envisager le terme de cet effort, i l nous faut aborder nu problème épineux, celui des copies.

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Trop de meubles ont été usés ou détruits, d'autres se trouvent immobilisés dans des musées ou dans d'inaccessibles collections, certains meubles d'une paire ou d'un ensemble ne nous sont encore connus que par un seul exemplaire. Faudra-t-il laisser un vide, abandonner la partie, ou mettre une copie ? De bons esprits s'indi- gneront : le faux à Versailles ! L'hésitation est légitime, avant d'adopter un parti, qui, pris sans discernement, pourrait être fort dangereux, sinon ridicule.

Nous n'étions pas complètement d'accord avec Mauricheau- Beaupré sur ce point. Il avait, comme nous, le culte du meuble authentique. E n 1934, quand, avec M . Brière et grâce au bienveillant appui de M . Julien Cain, i l parvint à faire rentrer dans leur ancien domaine les deux commodes « mazarines », que fit Boulle pour Louis X I V en 1709, il s'écria : « Ce sera toujours une sorte de victoire sur la mort que de pouvoir replacer dans nos salles un débris de l'ancien mobilier de la couronne. » D'instinct, i l s'indignait contre la copie, et pourtant peu à peu s'y résignait. Il en fit lui- même, pour les soieries, la plus brillante des démonstrations dans la Chambre de la Reine. Il étudiait, à la veille de sa mort, grâce aux crédits que lui avait ouverts M . Arturo Lopez, une reconstitution du lit de Louis X I V . Il hésitait encore pour les meubles proprement dits.

Nous estimons, pour notre part, qu'on devra se décider à placer une copie chaque fois qu'il sera impossible, momentanément ou définitivement, d'obtenir le meuble original. Nous nous empres- sons d'ajouter, fort de l'expérience que nous avons acquise, que ce seront là des cas exceptionnels, le plus souvent des expédients provisoires.

E n cette question d'ailleurs, on doit établir, un peu comme au x v me siècle, une distinction entre les diverses catégories de meubles.

Sur le chapitre des soieries, la preuve est maintenant faite et l'accord général. Lyon travaille aussi bien qu'au x v me siècle. Si les dessins des anciennes soieries existent, ce qui est un cas fréquent, i l n'y a qu'à les faire à nouveau tisser. On devra probablement agir de même dans les très rares cas où les meubles ont gardé leurs anciennes garnitures : celles-ci sont alors, à deux ou trois excep- tions près, dans un état si pitoyable qu'une copie fidèle s'impose.

Les passementeries, qui ajoutaient au meuble un élément de

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richesse que peu de gens soupçonnent aujourd'hui, pourraient de même être aisément reconstituées par des ateliers où se sont conser- vées, avec les anciens documents, les traditions d'autrefois.

Pour les broderies, le problème est plus délicat. Lorsqu'on lit dans les documents d'archives les poids d'or qui existaient dans les grands meubles de Louis X I V , on est étonné de leur lourde richesse et l'on a peine à les imaginer. Certains meubles conservés en Bavière paraissent s'en rapprocher, mais comportent d'inévi- tables altérations. C'est un domaine où une particulière prudence devra être observée, non seulement dans l'exécution, mais plus encore dans le dessin.

Peu de tapisseries venant de Versailles nous manquent aujour- d'hui. Il n'en va pas de même pour les tapis de Savonnerie, mais nous en connaissons presque tous les modèles et, lorsqu'un original ne pourra être obtenu, une copie faite dans les ateliers des Gobelins, où se continue l'ancienne technique, offrira un remplacement aisé, la question des couleurs ayant été, au préalable, soigneusement étudiée.

Les meubles de bois sculpté ne présentent guère de difficulté majeure. Il existe encore aujourd'hui d'habiles artisans et même de trop ingénieux faussaires. On ne peut refuser au meuble ce qu'on accorde à la boiserie, c'est-à-dire faire recopier et égaliser par la patine les parties manquantes d'un ensemble. Or c'est ainsi que se présente d'ordinaire ce problème : nous retrouvons quelques pièces d'un ensemble dont le reste est, pour l'instant, perdu ; pourquoi ne pas le compléter, au moins provisoirement ?

Les meubles d'ébénisterie, surtout à cause de leurs bronzes dorés, donnent à la question un tour plus angoissant. Quelques artisans — de grands artistes — subsistentv dont le travail étonnant nous trompe aisément. Combien de temps dureront-ils dans notre monde où tout veut être économique ? E t pourtant, ne serait-ce pas le rôle de Versailles d'entretenir, en chaque branche des arts déco- ratifs, des artisans au travail parfait, qui referaient pour Versailles, lorsque ce serait nécessaire, le même ouvrage que leurs devanciers de l'époque de Louis X V ou de Louis X V I , qui pourraient aussi main- tenir devant le monde entier une indéniable supériorité technique ?

E n somme, tout reste encore possible. L a main est là, si on lui donne le document exact à recopier. E t ceci n'est encore qu'un pis aller, puisque la copie ne doit intervenir, nous le répétons, que dans des cas désespérés. Replacer le meuble exact, le meuble original, celui qui a « vu » tant de choses et que le temps a patiné

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et vieilli comme le décor môme du château, tel est le but que l'on devrait s'efforcer d'atteindre.

Les possibilités de Versailles sont immenses. Mort et désert, le château attire encore, et de plus en plus, les foules. Que serait-ce s'il était remeublé !

Les pouvoirs publics, et tout spécialement M . André Cornu, ont su pousser le cri d'alarme et trouver les crédits nécessaires à la remise en état du bâtiment. Ils ne semblent pas avoir compris qu'il était en même temps possible de remeubler Versailles.

Certes une commission a été créée dans ce dessein, en accord avec Mauricheau-Beaupré, i l y a un an. Tout semble indiquer qu'elle aura peu d'efficacité. Un premier programme que nous avions proposé à Mauricheau-Beaupré aurait permis, en quatre ans, des aménagements substantiels, qui se seraient ensuite déve- loppés. Il est abandonné, tandis que quelques-uns, pour mettre le problème à leur portée, souhaiteraient placer dans le château des « meubles d'époque », comme dans une demeure vulgaire.

Cette période n'aura peut-être qu'un temps. Le travail est prêt. Les meubles attendent, dans bien des cas, chez de fervents amateurs, un geste qui leur permettra de rentrer au bercail. Déjà, M . Richard Penard y Fernandez a spontanément, voici trois ans, un après-midi d'hiver, exposé lui-même dans la cheminée du Salon de la Paix les grands chenets de bronze que nous avions retrouvés chez lui, et Mme Barbara Hutton, sur les instances de M . René Varin, a, presque au même moment, dans un geste royal, donné pour la chambre de la Reine le grand tapis de Savonnerie que nous n'avions pu faire acheter avant la guerre. Versailles peut être remeublé.

Verrons-nous un jour ce prodigieux spectacle ? Ou bien Versailles doit-il rester un immense et séduisant tombeau ? N ' y a-t-il le choix qu'entre des manifestations indignes de notre pays, de Versailles, du public auquel elles croient plaire, ou la mort ? Il faudrait si peu de chose pour faire revivre le château, à peine endormi ! Une sorte de fatalité pèserait donc sur le grand domaine abandonné ?

P I E R R E V E R L E T .

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