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Compte rendu de l'ouvrage suivant: Michel Feuillet, L’Évangile en majesté. Jésus et Marie sous le regard de Duccio, Paris, Mame, 2019, 171 pages.

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Submitted on 11 May 2021

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Compte rendu de l’ouvrage suivant: Michel Feuillet, L’Évangile en majesté. Jésus et Marie sous le regard de

Duccio, Paris, Mame, 2019, 171 pages.

Brigitte Urbani

To cite this version:

Brigitte Urbani. Compte rendu de l’ouvrage suivant: Michel Feuillet, L’Évangile en majesté. Jésus et

Marie sous le regard de Duccio, Paris, Mame, 2019, 171 pages.. 2020, pp.250-253. �hal-03219087�

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Michel Feuillet, L’Évangile en majesté. Jésus et Marie sous le regard de Duccio, Paris, Mame, 2019, 171 pages.

Historien de l’art italien, spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance, Michel Feuillet a déjà offert à un vaste lectorat de splendides ouvrages illustrés dont le grand mérite réside avant tout dans l’analyse soignée des images, toujours gouvernée par un fil conducteur. Des analyses remarquables par l’extrême clarté du propos qui les met à la portée de tous et reflète l’enseignant qu’il fut, soucieux de convaincre les étudiants de l’extraordinaire richesse de l’art religieux du lointain passé et de leur faire partager l’émotion que ressentaient les commanditaires de ces œuvres et le public de conventuels ou de fidèles auxquelles elles étaient destinées. Un constant souci didactique de partage, puisque les prestigieux ouvrages analytiques (sur les Annonciations de Fra Angelico, les représentations de François d’Assise, les relations de Botticelli et Savonarole etc.) alternent avec les petits manuels, plusieurs fois réédités, que sont, dans la collection « Que sais-je ? », le Vocabulaire du christianisme et le Lexique des symboles chrétiens, indispensables à la bonne intelligence de l’art du Moyen Âge et de la Renaissance.

Les ouvrages de Michel Feuillet se distinguent des traditionnels livres d’art dans la mesure où l’examen du corpus choisi est toujours guidé par la démonstration minutieuse d’une idée directrice. En 2015 il nous a proposé François d’Assise selon Giotto, en 2017 L’enfance de Jésus selon Fra Angelico, deux ans après, voici un « Évangile selon Duccio ». Il ne s’agit là aucunement d’un catalogue des œuvres parvenues jusqu’à nous du premier grand peintre de l’École siennoise, Duccio di Buoninsegna (v. 1255-v. 1319), mais de la minutieuse analyse de la célèbre Maestà, qu’il nous invite à contempler dans ses riches détails.

En effet, tout voyageur qui s’est rendu à Sienne a visité le Museo dell’Opera del Duomo et s’est arrêté un moment devant le grand retable au fond d’or de la Vierge en majesté entourée d’anges et de saints, puis, attiré par une multitude des touches aux couleur éclatantes, a jeté un rapide coup d’œil aux quarante-cinq « petites » scènes (pas si petites que cela, tout de même) figurant à l’origine sur le recto du retable et sur les prédelles et les couronnements avant que le chef-d’œuvre, considéré comme démodé, ne soit démembré au XVIII

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siècle et dispersé (quarante-cinq sont restées à Sienne, huit autres appartiennent à des musées hors d’Italie, trois ont disparu). Après avoir lu l’ouvrage de Michel Feuillet, le visiteur qui à nouveau se rendra à Sienne ne pourra plus se limiter à un simple coup d’œil.

Michel Feuillet, en effet, après une introduction claire et synthétique où il souligne l’intérêt de ce retable exceptionnel, le contextualise, en rappelle les circonstances d’exécution, fournit quelques éléments essentiels quant à la technique de réalisation, puis mentionne les « heurs et malheurs de la Maestà », entreprend de nous expliquer chronologiquement – telle était l’intention du peintre – le déroulé des événements représentés sur les 53 « petites » scènes qui ont traversé le temps. Un déroulé qui passe forcément par le grand panneau de la Vierge en majesté – soigneusement décrite – mais ne s’y attarde pas, car tel n’est pas l’objectif du livre.

Le but, comme l’indique son titre, est bien de nous donner à voir l’Évangile tel qu’il est mis en images, de façon précise et minutieuse, par le peintre médiéval.

Chaque scène fait l’objet d’un chapitre où, citations des Évangiles à l’appui, non seulement l’action principale mais aussi les moindres détails sont élucidés, si bien que le lecteur, qu’il soit croyant ou non, ne peut qu’en être émerveillé. Car à la minutieuse description des scènes représentées s’ajoutent de précieuses indications concernant aussi bien l’histoire de Jésus et de Marie (qui aujourd’hui en connaît tous les détails ?) que le contexte contemporain de l’artiste.

Deux exemples. Pour quels motifs Jésus a-t-il été arrêté et condamné à mort ? Pourquoi les

grands prêtres lui en voulaient-ils ? Pourquoi Pilate a-t-il été contraint de s’en mêler ? Duccio

consacre onze scènes (onze !) à la comparution du Christ devant les autorités et Michel Feuillet

nous en explique tous les ressorts, à l’aide de détails iconographiques éclairés par le recours

aux sources principales de l’artiste (les quatre Évangiles canoniques), mais aussi au contexte

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historique (la Judée appartenait à l’empire romain mais Hérode, tétrarque de Galilée, jouissait d’un pouvoir local). Autre exemple, la scène de la Pentecôte : pourquoi les apôtres étaient-ils réunis ce jour-là ? Ainsi apprenons-nous que la Pentecôte, avant d’être une fête chrétienne, était une fête juive qui avait lieu cinquante jours après la Pâque et célébrait le moment où Moïse reçut les Tables de la Loi. En somme, le lecteur va de découvertes en surprises.

Quant au contexte contemporain de l’artiste, il se mêle intimement à la mise en images des Évangiles. Par nombre de détails logistiques d’abord : les murs d’enceinte, les portes, les édifices religieux, les palais des villes représentées sont largement inspirés de la ville de Sienne, de même que la scène des Noces de Cana évoque un repas de noces médiéval et les étoffes des nappes, les couteaux, les écuelles de bois de la Cène reproduisent des objets couramment utilisés à l’époque, le Christ de la rencontre à Emmaüs est vêtu comme l’étaient les pèlerins qui se rendirent à Rome pour le jubilé de 1300. Mais surtout deux phénomènes concomitants parcourent la totalité des images : le nouveau culte dédié à la Vierge et une nouvelle piété envers un Christ souffrant.

La « com-passion », la participation du public à la Passion du Christ, explique que la totalité du recto de la Maestà détaille en vingt-six images la semaine qui va de l’entrée de Jésus à Jérusalem (l’actuel dimanche des Rameaux) à la Résurrection (le dimanche de Pâques), et Michel Feuillet a soin de souligner combien, à chaque fois, le peintre, par l’image qu’il donne de Jésus et des nombreux personnages qui l’entourent, invite le spectateur à une participation émotionnelle. Quant au nouveau culte marial, il est perceptible dans la présence de la Vierge dans nombre de scènes où les Évangiles ne la mentionnent pas, dans l’extrême douceur de sa figure et de ses gestes (la Déposition, notamment), ainsi que, sur la partie antérieure du couronnement, dans les scènes de sa vie après l’Ascension, dérivées non plus des Évangiles canoniques mais du Livre du passage de Marie et de la Légende dorée, et alimentées depuis 1239 par l’officialisation du culte de la « Vierge des sept douleurs ». Et là aussi, que de détails iconographiques étonnants comme ce vilain personnage qui, lors des funérailles de Marie, tente de renverser le lit funèbre porté par les apôtres !

L’abondance des scènes et l’extraordinaire quantité de détails, jamais gratuits, dont elles sont garnies, résultent strictement de la lecture minutieuse de chacun des quatre Évangiles – qui se complètent – mais aussi, parfois, de textes apocryphes devenus trop populaires pour être oubliés et reproduits dans la Légende dorée. C’est pourquoi, nous explique Michel Feuillet, on peut relever l’absence des douze stations du chemin de croix, non mentionnées par les Évangiles, une « théâtralisation » qui ne serait officialisée que plus tard.

Mais outre les multiples détails présents dans les textes sacrés et reproduits par l’artiste, Michel Feuillet nous éclaire sur nombre d’autres éléments symboliques que notre regard ne perçoit pas, par ignorance ou par accoutumance. La présence d’un vase de lys dans une scène d’Annonciation est pour nous naturelle : or nous apprenons que Duccio a été le premier à le faire figurer, avec, bien entendu la très forte charge symbolique qu’il contient (bien au-delà de la commune mention de pureté). Nous mesurons également la portée d’éléments a priori infimes comme un linge blanc accroché à une tringle, les plats de poisson grillé sur la table des apôtres, la petite porte ouverte au bas de l’Entrée à Jérusalem, et mille autres choses, dont certaines sont très hautement symboliques dans leur apparente insignifiance, comme le motif sculpté (une fleur au centre d’un carré et d’un quadrilobe superposés) sur la paroi de la salle où le Christ lave les pieds des apôtres.

Mais ce qui surtout frappe et éblouit, c’est l’impression de vie que l’artiste a su rendre avec

tant de vérité. Michel Feuillet nous montre à quel point chaque scène est animée, à quel point

les dialogues – conciliabules, disputes, interrogations – sont traduits par le dessin et le pinceau

– expressions du visage, gestes – si bien que le spectateur les reconstitue sans peine. Il examine

attentivement ce qu’il appelle les « arrêts sur image », mais nous invite aussi à regarder certains

moments décomposés en une sorte de série filmique, comme par exemple le miracle du

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changement de l’eau en vin lors des Noces de Cana où l’on perçoit distinctement, du tonnelet à la jarre, à l’aiguière et enfin au verre, la transformation de l’eau en vin.

En somme cet ouvrage ouvre cent portes, délivre mille petits secrets. Il offre une narration illustrée et analytique de la vie de Jésus et de Marie, mais surtout, tant par la richesse et la qualité des images que par les commentaires qui les accompagnent, il suscite chez le lecteur la même émotion que celle qu’éprouva le maître à composer son œuvre, et celle que le public ressentit, d’abord quand le retable fut triomphalement transporté de la bottega de l’artiste à la cathédrale de Sienne, puis quand il contempla l’œuvre installée sur le maître-autel (même si le recto du retable n’était visible que des religieux). Une œuvre bien loin de s’adresser aux analphabètes, comme on considère souvent – non sans raison – les fresques narratives de l’histoire sainte, visant à éveiller la participation émotionnelle des fidèles, invités à vivre eux aussi la Passion du Christ et à sentir dans leur âme les sept douleurs qui percèrent le cœur de Marie.

Interprétant de façon à la fois fidèle et personnelle les quatre Évangiles et quelques textes populaires de la tradition, s’écartant de la rigide iconographie byzantine mais conservant la lumière des fonds d’or et le vêtement chrysographié du Christ ressuscité, Duccio, comme l’écrit Michel Feuillet en conclusion de son ouvrage, « fait resplendir l’Évangile en majesté ». Et Michel Feuillet lui-même, grâce à sa patiente et généreuse exégèse, par ce beau livre d’art le met à notre portée.

Brigitte Urbani, Aix Marseille Université, CAER

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