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À propos de Non et Non ou Non ? Entretiens entre un philosophe, un grammairien et un logicien, de Jean-Marie Zemb

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Submitted on 17 Jul 2019

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À propos de Non et Non ou Non ? Entretiens entre un philosophe, un grammairien et un logicien, de

Jean-Marie Zemb

Françoise Daviet-Taylor

To cite this version:

Françoise Daviet-Taylor. À propos de Non et Non ou Non ? Entretiens entre un philosophe, un gram- mairien et un logicien, de Jean-Marie Zemb. Nouveaux Cahiers d’Allemand : Revue de linguistique et de didactique, Association des Nouveaux Cahiers d’Allemand, 2007, pp.339-341. �hal-02186353�

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À propos de

Non et Non ou Non ? Entretiens entre un philosophe, grammairien et un logicien

de Jean-Marie Zemb

Jean-Marie Zemb (1928-2007) a consacré sa vie au service de la même ambition : rendre au grammairien sa vraie stature et à la grammaire sa vraie grandeur, leur rendre le respect que ces deux figures imposaient aussi bien chez les Grecs et les Latins que chez les philosophes médiévaux. La Grammaire a chez ce linguiste-philosophe hors pair les mêmes honneurs qu’elle trouve sur l’une des baies du fameux portail royal de la cathédrale de Chartres.

Non et non ou non ? — une suite de dix « entretiens entre un philosophe, un grammairien et un logicien » — est le point d’orgue d’une œuvre dont la profondeur et la rigueur attendent encore d’être comprises. Si l’on en fait, en remontant le temps, une relecture inversée, les grandes lignes de cette œuvre apparaissent d’une extrême précocité. Les objets de questionnement, la méthode d’approche, les principes dégagés, tous ces constituants incontournables et essentiels d’une recherche sont présents dès 1968, quand Jean-Marie Zemb publie sa thèse, Les Structures logiques de la proposition allemande. L’auteur a quarante ans. La négation y est posée d’entrée de jeu comme problème, et l’amplitude de la réflexion est déjà donnée par le sous-titre : Contributions à l’étude des rapports entre le langage et la pensée. La négation forme à nouveau l’interrogation première de Non et Non ou Non ?, publié aujourd’hui à titre posthume. Entre ces deux livres, période où paraissent en 1972 Métagrammaire et Satz, Wort, Rede, suivis par les deux volumes de la Vergleichende Grammatik (1978, 1984), c’est la proposition qui offre le cadre de toute une recherche grammaticale, sémantique, logique et philosophique. La triade Pensée, Langue, Philosophie était présente dès le début : « Die Sprache ist ein Gedankometer » proclame l’épigraphe (de Novalis) choisie pour Les Structures logiques de la proposition allemande. Juste en dessous, l’autre épigraphe, elle aussi de Novalis, est celle-ci : « Auch die Grammatik ist philologisch zum Teil ; der andere ist philosophisch. »

Dès le début aussi, dans les écrits de Jean-Marie Zemb, un « ton » est immédiatement reconnaissable. Son style, foisonnant d’arguments et d’objections, de reparties, de schémas (la pyramide du genre et de l’espèce, par exemple), d’analogies (souvent culinaires ou architecturales), de mots drôles, d’expressions latines (comme celle qui scande ce nouveau livre :

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Jean-Marie Zemb. Non et Non ou Non ? 2

« repetitio mater studiorum ») et de métaphores (comme celle de la toile d’araignée), a ceci de paradoxal que l’auteur tient avant tout à être au service du principe de cohérence. Ce sont les idées qui doivent être proprement éclairées, par autant de projections lumineuses qu’il est nécessaire, et l’auteur de Kognitive Klärungen (1994) fait constamment appel, dans tous ses livres, non seulement aux expériences de tous les jours (qu’il observait avec passion), mais aussi aux théories et aux résultats de nombreux domaines scientifiques. Sa préoccupation centrale était l’accès au réel, à la réalité ; c’est le leitmotiv de Non et non ou non ?.

« La mauvaise poésie est fausse, mais rien n’est plus vrai que la vraie poésie », a dit Charles S. Peirce il y a un siècle.

Jean-Marie Zemb aurait sans doute enchaîné : « la mauvaise grammaire est fausse, mais rien n’est plus vrai que la vraie grammaire. » Autant le philosophe américain que Jean-Marie Zemb se sont beaucoup penchés sur la philosophie médiévale (Guillaume d’Ockham, Duns Scot), et leurs écrits en ont été influencés quant à leur conception de la logique et de la pensée.

Le grand objectif de ces deux penseurs était de dégager les interrelations entre logique et grammaire, avec le critère sine qua non de « véridicité » — comme le rappelle d’ailleurs le logicien Dubrain, l’un des personnages des entretiens animés de Non et Non ou Non ? (p. 17). Pour accomplir cette tâche de restaurer la grammaire, ces débats servent à cultiver un champ laissé « en jachère » depuis les Anciens, à savoir l’espace intermédiaire entre le lexique, les textes et leurs propositions.

C’est ainsi que « l’horizon de la grammaire [peut être élargi] à celui du Texte » (p. 268). Cette pédagogie de la conversation philosophique, à la fois socratique, scolastique et dix- huitiémiste, a déjà été amplement utilisée par Jean-Marie Zemb.

Dans Kognitive Klärungen notamment, les points grammaticaux eux-mêmes revêtent chacun un masque et deviennent des « personnes », dotés qu’ils sont d’un nom propre et de la parole ; ainsi Virgule, Thema, ou Parenthèse (pour ne mentionner qu’eux) dissertent-ils au même titre que Klopstock, Abélard ou Rivarol. Dans Métagrammaire c’est un « itinéraire » que nous propose l’auteur pour mettre au point 65 questions en 65 étapes. Ce sont les arguments eux-mêmes qui donnent lieu aux échanges d’objections et de ripostes.

Repérer l’erreur où qu’elle soit ; pour les trois personnages de Non et Non ou Non ?, la « dyade propositionnelle » – Sujet-Prédicat – constitue l’une des cibles de leur chasse aux confusions. Et pour avoir participé lui aussi à la rectification de cette erreur concernant l’interprétation dyadique, Peirce est cité à la page 151, en l’exact milieu

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d’ouvrage (est-ce un hasard, le phème se trouvant entre le thème et le rhème dans la triade propositionnelle ?), par un

« confrère », Bientassé, clairement l’alter ego de Jean-Marie Zemb. Bientassé participe à ces Entretiens en tant que philosophe. Il nous rappelle que Peirce a donné à son « liant » entre un concept (le rhème) et un percept (le thème) les deux noms de dicent et de phème, et que lui, Bientassé, préfère retenir celui de phème par « goût de la rime ». Progressant dans sa réplique au grammairien « Lorvair » (anagramme de Rivarol) — c’est le troisième personnage important —, Bientassé ajoute que cette image du lien phématique, « plus abstraite » que celle de

“pont” de la triade statutaire » est préférable au « couvercle » de Jean Fourquet. Bientassé en expose la raison :

cette métaphore [du couvercle] risque d’évoquer une casserole complète, entière, déjà forgée, alors que l’image plus abstraite du lien ne comporte pas cet inconvénient tout en symbolisant la totalité.

Nous avons déjà une idée de la teneur des entretiens, de la vivacité et de l’ambition de ces trois personnages, réunis pour débattre de questions toutes complexes, qu’elles portent sur le syllogisme, le prédicat, l’accord de l’attribut ou sur l’un des

« trois types de négation », soit la Récusation, la Privation et la

« Négation proprement dite », c’est-à-dire la « Négation propositionnelle ». Sont exposées au fil des entretiens aussi bien les erreurs elles-mêmes concernant tous ces points que leur histoire. Quand Bientassé aborde l’histoire du sujet casuel, par exemple, il constate que celui-ci a « malencontreusement et intempestivement accaparé » le thème (p. 57). Et afin de conduire à bon terme la réflexion, il poursuit non sans ironie :

Les difficultés ne tardèrent pas à se présenter [découlant d’une mauvaise réception de la conception triadique de la proposition de Platon et que Bientassé nous retrace en détails]. « Accepteriez-vous, dit-il, s’adressant à Lorvair, une lecture dyadique de [cette proposition ] : En 1870, il ne manquait pas un bouton de guêtre à l’armée française et de [cette autre] Pas un bouton de guêtre n’était censé manquer à la meilleure armée du monde en imaginant un Sujet qui serait – au choix ? – un bouton de guêtre ou pas un bouton de guêtre qui, selon le cas, manquerait ou ne manquerait pas ? » (p.

58).

Tout Jean-Marie Zemb est là dans ce ton moqueur et incisif. L’auteur et son double, Bientassé, savent rendre évidentes les questions oubliées ou occultées, mais essentielles de la grammaire. En ce qui concerne la grammaire allemande, Lucien Tesnière et Jean Fourquet sont interpellés et leurs

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Jean-Marie Zemb. Non et Non ou Non ? 4

théories font l’objet d’un examen critique rigoureux. Jean-Marie Zemb se démarque de ces deux linguistes quant à des questions clés et, plus généralement, met en cause la façon dont les manuels de grammaire transmettent les égarements de l’analyse.

« Le doute n’est rien de négatif », affirme Bientassé. Et Dubrain d’ajouter :

Si je suis réfractaire à tout argument d’autorité, je reste curieux de tout argument véritable. Exposez-nous les tenants et les aboutissants de cette affaire. Je ne me prononcerai qu’après. (p. 142)

La mise en scène de ces conversations ne les empêche nullement d’être un authentique traité de grammaire, assorti d’exercices, comme les 25 énoncés qui illustrent des difficultés de la négation et que Lorvair sort tout à coup de sa poche, lors du huitième entretien, et distribue à ses deux amis. Le seizième exemple est particulièrement riche : « Personne n’en vit jamais d’aussi curieux nulle part ». Le dix-huitième n’est autre que le célèbre refrain d’Édith Piaf : « Non, rien de rien, Non, je ne regrette rien ! ». Et le douzième propose une variante d’occurrences de négations (« Non, non et non ! ») bien plus simple que ne l’est celle du titre « Non et Non ou Non ? », où s’entremêlent magistralement problèmes de logique, de sémantique et de prosodie.

Comme l’ont fait les historiens des autres grandes sciences, Jean-Marie Zemb propose un « inventaire objectif » (p.

126), par le biais de ces conversations, des grandes erreurs de l’analyse grammaticale. C’est cette qualité d’éclaireur que le linguiste-philosophe assume, celle que Dubrain comme Lorvair reconnaissent à Bientassé, lequel nous confie la

chronologie de ses interrogations, lesquelles sont toutes surgies de la conscience aux deux sens du mot, de l’enseignant qui ne veut pas et ne peut pas enseigner comme sûres des doctrines qui lui paraissent d’abord douteuses et ensuite […] carrément fausses. (p. 143)

En écoutant débattre ces trois penseurs, nous comprenons à quel point la grammaire traditionnelle a failli, n’ayant pas accordé assez d’attention ni de réflexion à la définition du sujet, à la désignation, à la négation, à l’identification du phème, ou encore à ce qu’est un jugement.

Juger est en effet un acte, et avant de juger, il n’y a pas (encore) de lien. La grammaire scolaire n’a pas non plus clarifié les notions de niveau, d’incidence, de délimitation, de portée, comme par exemple dans le cas du pronom dont « l’usage […]

dépasse souvent le cadre de la phrase et est soumis à des lois autrement plus amples » (p. 173). Ce qui semble être à première

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vue des vétilles ou des points minimes ne méritant pas d’être observés et étudiés longuement se révèle dans Non et Non ou Non ? être cruciaux, car porteurs de riches enseignements. Le traitement de la virgule en est un cas époustouflant.

Rien n’est dogmatique, tout est soumis aux approches critiques, car le but du livre est d’offrir aux grammairiens un outil « convenable », c’est-à-dire qui sied au matériau qu’ils travaillent : des langues particulières, certes, mais qui chacune rend compte du réel et de la pensée.

Françoise DAVIET-TAYLOR CIRPALL, EA 7457, Université d’Angers, SFR Confluences, 5bis bd Lavoisier, 49045 ANGERS FRANCE

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