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Nécessité de distinguer deux définitions différentes de la
tension superficielle
Léon Brillouin
To cite this version:
NÉCESSITÉ
DE DISTINGUER DEUX DÉFINITIONSDIFFÉRENTES
DE LA TENSION SUPERFICIELLEPar LÉON BRILLOUIN.
SOMMAIRE. 2014 Si l’on examine la définition de la tension superficielle, soit en se plaçant à un point de vue
théorique, soit en discutant les méthodes expérimentales, on constate qu’il existe deux définitions bien dis-tinctes : on a souvent confondu, sous un nom unique, deux grandeurs différentes; appelant 03A8 l’énergie libre d’une molécule-gramme étendue en couche superficielle et 03A3 sa surface, la tension superficielle A représente
03A8
suivant la première définition et$$~03A8/~03A3
suivant la seconde; nécessité d’une distinction nette entre les deuxproblèmes.
1. Jntroduction. -
Ayant
eu à comparer etdiscuter récemment divers
problèmes
decapillarité
je
me suis trouvé conduit à remonter aux définitionsessentielles,
etj’ai
étésurpris
detrouver,
suivant lesauteurs,
deux définitionscomplètement
différentes pour la tensionsuperficielle.
La confrontation des deux définitions ne meparaît
pas avoir été claire-mentfaite,
et c’est ce queje
veux tenterici,
en mebornant volontairement aux
exemples
lesplus
simples.
J’espère
en dire assez pour montrer cequ’il
y auraità faire pour mettre de l’ordre dans les
problèmes
de tensionssuperficielles.
S’il y a tant demalentendus,
de discussions et depolémiques
à cesujet,
c’est queles divers chercheurs
appellent
du même nom desgrandeur
différentes.2. Tension
superficielle
d’unliquide
pur;première
définition. - Dupoint
de vueclassique,
les conditions d’observation de la tension
superfi-cielle sont ainsi définies : on considère une masse de
liquide,
occupant
un certain volume V limité par unesurface
S,
on constatequ’un
accroissement AS de la surface libres’accompagne
d’unchangement
d’énergie
libreA~,
et l’on définit une tensionsuper-ficielle A :
à structure constante de la couche
superficielle
L’expérience
doit être faite dans des conditions telles que la couchesuperficielle
aittoujours
la mêmestructure,
et soit enéquilibre
constant avec la massedu
liquide. Lorsqu’on
augmente
de AS la surfacelibre,
le mécanisme est le suivant : un certain nombrede molécules sont amenées de l’intérieur du
liquide
sur la surface AS et
s’y
arrangent
en reconstruisantune couche
superficielle
de structure semblable à celle du reste de la surface libre. Lafigure
1repré-sente
schématiquement
ce processus;j’ai figuré
par des cercles
gris
les moléculesqui
sont enjeu;
dans l’état initial certaines sont sur la surface et
d’autres dans la masse du
liquide ;
dans l’état finalquelques
molécules initialement situées dans lamasse sont venues
s’organiser
sur la surface OS.Fig. 1. - Définition
classique de la tension superficielle.
Précisons les
faits,
etparlons
thermodyna-mique :
Une
molécule-gramme
duliquide possède,
si elleest
prise
dans la masse duliquide,
uneénergie
libreW 0; si cette molécule gramme est
répandue
sur lasurface libre du
liquide,
ellepossède
uneénergie
libre TE et occupe une surface S.
Lorsque
nous
aug-mentons de AS la surface
libre,
nous faisons passerA Y, 8
molécules-grammes
de l’intérieur sur lasurface,
d’où une variationd’énergie
libre :et une tension
superficielle :
463
Cette tension
superficielle
A est celle dont il estques-tion dans la théorie de
Laplace
(H.
Poincaré,
«Ca-pillarité
», ch. 1 etII ; 1895)
etqu’on
mesure parl’ascension dans un tube
capillaire,
par la méthodede la
goutte,
par l’arrachement d’un anneau(Le-comte du
Noüy).
Les tensions interfaciales entredeux
liquides
différents se définissent de même.Cette définition
classique
est celle que donne aussitrès nettement G. Bakker
(Hdb.
der exper.Physik
(t.
6,
p.279,
éq.
10), qui distingue
bien les deux définitions queje
présente ici;
Bakker insiste sur le fait que cettepremière
définition est la seule correctepour la surface libre d’un
liquide; je n’y
ai pas trouvé aussi nettementindiqués
les cas de validité de la deuxième définition queje
veux examiner main-tenant.3. Lames minces; deuxième définition.
-On
parle toujours
des lames minces et desexpé-riences sur les bulles de savons, à propos de
capilla-rité ;
lesexpériences
sont trèsdémonstratives;
ellesse
rapprochent
à certainségards
de celles sur lestensions
superficielles ;
enfait,
ils’agit
pourtant
làde tout autre chose : de membranes où s’exercent des
pressions
à deux dimensions(Marcelin),
etBou-asse
rapproche justement
cesproblèmes
de ceuxdes membranes et toiles tendues.
La
figure
2rappelle
les conditionsd’expérience :
sur un cadre ABCD est tendue une lame mince de
Fig. 2. - Pression à deux dimensions.
liquide
(sans
aucun contact avec une réserve deliquide
en
volume);
un côté AB durectangle
estmobile,
etsoumis à une force
F,
par unité delongueur;
si la barre AB sedéplace
de 1 à 2 la force extérieure effec-tue un travail :où dS est
l’augmentation
desurface;
ce travaild~,
effectué àtempérature
constantereprésente
l’ac-croissementd’énergie
libre dUr de la surface. Pré-cisons encore : unemolécule-gramme
occupe unesurface S de la lame
mince,
etpossède
uneénergie
libre
Tr, ;
admettons poursimplifier,
que notre lame mince contiennejustement
unemolécule-gramme
et nous aurons :surface
à structuremodifiée
par la tractioti.Cette formule est à
rapprocher
de celles donnant la force de traction sur un filélastique
ou la tension(pression
changée
designe)
d’un fluide ou solideélas-tiqu e
à 3 dimensions :tension d’un
fil; 1
dimension., ,..
tension d’un
fluide;
3 dimensions.Le terme
qui
convient lemieux,
pour caractériser lagrandeur
F,
est(au
signe
près)
celui depression
à 2 dimensionsqu’emploient
de nombreux auteurs.Je trouve la définition
(5)
très nettementprécisée
par Rideal enplusieurs
travaux,
par N. H. Frank(Introduction
to Mechanics andHeat,
M. GrawHill,
New-York,
1934,
p.199)
ou par G. Bruhat(Méca-nique
physique,
Masson,
Paris, 1934,
p.463).
Ce n’est
pas la
tensionsuperficielle
d’unliquide,
car dans la transformation
représentée,
figure 2,
la
quantité
de matièrerépandue
sur la surface resteconstante ;
dans lapremière
définition,
cettequan-tité de matière
varie,
la surface se reconstituantaux
dépens
du volume. Dans la secondedéfinition,
la structure de la surface est modifiéepar
l’allonge-ment,
qui
écarte les molécules les unes desautres ;
dans la
première
définition,
la surfacegarde
unestructure
fixe,
avec un écartement constant entreles molécules distribuées sur la
superficie.
Dans le
premier
type
d’expériences,
la tensionsuperficielle
A resteconstante,
quel
que soitl’allon-gement
donné à la surfacelibre;
dans le second cas, la force Fdépend
de l’extension de lasurface,
commes’il
s’agissait
d’une membrane de caoutchouc oud’une lame d’acier que l’on tendrait.
Le
premier
type
deproblème
présente
quelque
analogie
avec unepression
de vapeur saturante; c’est la transformation volume ~ surfacequi
main-tient constante la tension
A,~
comme latransforma-tion
liquide
~ vapeur conserve constante lapression
de vapeur saturante. Il ne faudrait pas poussertrop
loin cetteanalogie,
car les conditionsd’équilibre
sont très différentes dans les deux cas.4. Tension
superficielle
d’une solution; pre-mière détinition. -Lorsque
nous passons du cas d’unliquide
pur auproblème
d’unesolution,
lamême distinction
s’impose
commeindispensable.
La
première
définitionjouera,
toutes les fois que nous étudierons une solution en étatstable,
dans des conditions telles que la surface soit constammenten
équilibre
avec la masse duliquide.
Ici interviendraexplicitement
lefacteur
de temps, car diversesexpé-riences de Lecomte du
Noüy
ont nettement montré quel’équilibre
entre surface et solutionpeut
être trèslong
às’établir,
et ce fait ne doit pas noussurprendre,
464
diffusion des molécules dissoutes de la surface vers
l’intérieur ou inversement.
Les définitions
thermodynamiques
me semblentdevoir être
précisées
de la manière suivante : Unemolécule-gramme
du solvantpossède,
dans lamasse de la
solution,
uneénergie
libreW 0;
sur lasurface
libre,
elle occupe une surface E etpossède
uneénergie
libre4’s;
pour le corpsdissout,
unemo-lécule-gramme
en solutionpossède
uneénergie
libre~,;
sur la surfacelibre,
elle occupe une surface 6avec une
énergie
libre~,;
la tensionsuperficielle
Asera :
formule
analogue
à(3)
et tenantcompte
des deux constituants enprésence.
Les conditions de mesure sont celles
précisées
au §
1 et schématisées par lafigure
1.C’est à ces conditions
d’équilibre,
et à elles seules ques’applique
la célèbreformule
deGibbs;
soit cla concentration moléculaire du corps
dissout,
dans la masse duliquide,
et C l’excès de concentrationsuperficielle;
en admettant que la solution ait lespropriétés
d’un gazparfait,
on obtient la condition :qui
montre dansquel
sens doit varier la tensionsuperficielle lorsqu’on
augmente
la concentration c.’
5. Lames monomoléculaires sur un
liquide :
expérience
deLangmuir :
deuitième définition. -L’expérience
deLangmuir,
schématisée sur lafigure
3 seprésente
sous une formeanalogue
àl’expé-Fig. 3. -
Expérience de Langmair.
~
rience de traction d’une lame
liquide,
de lafigure
2.
Sur la surface libre d’un
liquide
(de l’eau,
parexemple)
on
dispose
un corps de pompe à deuxdimensions;
à l’intérieur de celui-ci se trouve
déposé
sur l’eau un fllm d’une substance àétudier,
sa concentrationsuperficielle
estCi;
à l’extérieur du corps de pompe, la surface de l’eau resteinaltérée,
la concentration de la substance étudiée y estC2 -
0. Cettesubs-tance est insoluble
(c
=0)
ou si l’onemploie
unesubstance
légèrement soluble,
onopère
assezrapi-dement pour
qu’elle
n’ait pas letemps
de sedissoudre,
de diffuser à l’intérieur de
l’eau,
et de venir formerun film
C2 #-
0 à l’extérieur du corps de pompe.Il
n’y a
paséquilibre
entre la solution et le filmsuperficiel,
car si cetéquilibre
était réalisé les deux concentrationsCI
etC2
seraientégales;
laformule
de Gibbs n’est donc pasapplicable
à cetype
d’expé-riences et c’est à tort que certains auteurs ont cru
pouvoir
l’utiliser dans ce cas; la force F par unité delongueur
dupiston
est unepression
à deuxdi-mensions,
définie par une formule différentielle(5);
ce n’est pas la tensionsuperficielle
d’une solutionsuivant la
première
définition. La variation desur-face libre d’une
solution,
avec reformation de lasur-face aux
dépens
du volume sereprésenterait
sché-matiquement
par lafigure
1,
où les cerclesgris
repré-senteraient maintenant les molécules du corps dissout. Aucontraire,
l’expérience
deLangmuir correspond
au schéma de la
figure
4,
où l’on voit unepellicule,
Fig. 4.
composée
d’un nombre constant de moléculesétran-gères,
et que l’oncomprime
ou distend à la surface d’une cuveremplie
d’eau pure.J’avais