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L'accès aux terrains du « Un chez-soi d'abord » : pour quelles contre-parties participatives ?

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Academic year: 2021

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L’accès aux terrains du « Un chez-soi d’abord » : pour quelles contre-parties

participatives ?

Lola Vives

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Résumé

Mon travail de thèse porte sur la mise en œuvre du programme « Un chez-soi d’abord ». Cette action publique est en direction de sans-abri souffrant de troubles psychiatriques ; elle consiste à leur permettre d’accéder rapidement à un logement personnel et de s’y maintenir. Une équipe, aux pratiques « innovantes », les accompagne en mettant en œuvre un « suivi intensif ».

Le début de ma recherche coïncide avec la temporalité particulière de cette action publique. Expérimentale pendant six ans dans quatre grandes villes française (Paris, Lille, Marseille, Toulouse), elle a été pérennisée fin 2016. L’année 2017 a été consacrée à la modélisation de cette action publique -les sites existants devant se conformer à un cahier des charges- qui oriente les réponses à l’appel à projet concernant les futurs sites où elle sera déployée.

Dans l’objectif de mener une ethnographie de l’action publique (Dubois, 2012), mon corpus se constitue principalement à partir de « participantes observantes » (Soulé, 2007). D’une part, au sein de l’équipe d’accompagnement de Marseille, site expérimental et pérennisé, où j’accompagne les professionnel·le·s dans leur travail quotidien et où je coordonne la commission d’inclusion. Et d’autre part au sein de réunions de travail à Lyon et à Grenoble, où des structures du champ médical et de l’action sociale s’organisent pour répondre au futur appel à projet, où je suis repérée comme « l’experte du Housing First ».

Je propose dans cette communication d’interroger dans quelle mesure ma participation à l’action publique conditionne mon accès aux terrains d’enquête et quelles sont les formes que prennent cette participation. Tout d’abord, à partir du terrain marseillais, je décrirai ce que j’ai identifié comme des conditions favorables à l’accueil de la chercheuse, à savoir succéder à un programme de recherche. Ensuite, je montrerai comment, en Rhône-Alpes, j’ai acquis une légitimité à être parmi les acteurs candidats grâce au terrain marseillais.

Les conditions favorables à l’arrivée d’une jeune chercheuse

Le programme était, dans sa phase expérimentale, associé à un vaste programme de recherche quantitative et qualitative maintenant terminé. Il a réuni un grand nombre de chercheur·se·s et d’enquêteur·e·s pour une évaluation quantitative permettant de juger des effets du programme d’action sur les bénéficiaires en suivant leurs trajectoires d’une part, et de la réduction des coûts, d’autre part. Les chercheur·se·s de l’évaluation qualitative -un·e sur chaque site- se sont plutôt focalisé·e·s sur les équipes. Comme me l’a expliqué le sociologue en charge de la coordination de l’évaluation qualitative et enquêteur sur le site marseillais, il s’agissait plus d’un travail d’accompagnement à la mise en œuvre opérationnelle que d’une évaluation, notamment à partir de nombreux « focus group » menés au sein de l’équipe. Sa présence était très bien perçue et bon nombre le présente encore comme un ami. Son engagement auprès de l’équipe, sa réputation de « gars qui n’a pas peur », jusque dans les temps informels de détente a participé à ce qu’il soit apprécié et même attendu, notamment pour ses qualités de prises de recul et de questionnements.

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Ainsi, les professionnel·le·s étaient sensibilisé·e·s à la présence d’un·e sociologue et mon arrivée à participé à exercer une continuité en incarnant la « relève de la recherche » à bas coûts. De plus, mon engagement personnel à mener l’enquête, le fait de venir deux semaines par mois sur Marseille alors que je réside à Lyon, et ma manière de mener l’enquête, selon elles et eux « en mouillant le maillot », en participant aux différentes activités professionnelles comme les visites à domicile, les visites à l’hôpital ou encore les déménagement, m’a inscrite comme membre au sein de de l’équipe.

Pour autant, incarner la relève du précédent enquêteur signifiait également poursuivre l’accompagnement à l’opérationnalité. C’est ainsi que les négociations des modalités de terrain m’ont mené à accepter le rôle de coordinatrice des commissions d’inclusion nouvellement mises en place. Cette commission vise à déterminer quelles sont les personnes qui vont entrer dans le programme « Un chez-soi d’abord ». L’enjeu est de trouver comment choisir ces personnes là en accord avec les participant-e·s de cette commission et selon des principes souhaités de justice, d’équité et de transparence. Ces participant·e·s, qui ont également fonction d’orientateur·trice·s, ont un engagement professionnel et moral vis-à-vis de personnes qui sont souvent dans des situations d’urgence.

Cette position m’engage alors directement dans « le bricolage » de la modélisation, faisant de moi une participante à l’action publique, tout en ouvrant mon terrain d’enquête marseillais. Je me suis ainsi « engagée » depuis le mois d’avril à venir régulièrement à Marseille jusqu’en décembre 2017, pour animer la commission d’inclusion. Globalement, mes fonctions se résument à réceptionner les dossiers de candidatures via une adresse mail, préparer un ordre du jour à partir d’informations transmises par l’équipe et à animer le temps de réunion, avant de transmettre les décisions prises en commission à l’équipe et d’écrire un compte-rendu. Ce nouvel espace d’enquête me permet de rencontrer de nouveaux acteurs, les équipes d’orientations, et d’accéder à certaines de leurs pratiques professionnelles. Néanmoins deux enjeux sous-jacents à cette commission peuvent également expliquer le fait que ce soit un membre extérieur et non professionnel qui endosse ce rôle. D’une part, l’équipe dédiée et ses coordinateurs ne voulaient en aucun cas s’engager dans cette commission, en partie pour conserver leur philosophie d’accompagnement qui repose sur le non-jugement et laisse la liberté aux personnes de communiquer les informations qu’elles souhaitent. D’autre part, en jouant le rôle d’intermédiaire entre les membres de la commission et l’équipe dédiée, les tensions interpersonnelles qui se traduisent en conflits entre structures se neutralisent en partie dans cet espace qu’est la commission.

Devenir spécialiste du « Housing First »

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toujours en communiquant des données factuelles recueillies sur le terrain marseillais, tant sur les avancées de la modélisation qu’en donnant des exemples d’opérationnalité sur le site expérimental. J’emploie également cette stratégie à Marseille lorsqu’on me demande notamment « comment avance ma thèse ? ». En transmettant des informations et des expériences entre mes terrains d’enquête, dont les temporalités d’action publique sont différentes, j’ai peu à peu gagné en légitimité notamment auprès de cette personne chargée de la promotion du « Un chez-soi d’abord ». De plus, avec la valorisation de la recherche dans le programme, ma présence sur ces sites candidats est considérée comme un atout. Je suis alors présentée dans les réunions comme la « spécialiste du Housing First » et tenue au courant car maintenant perçue comme une alliée dans la promotion du « Un chez-soi d’abord ». Néanmoins cette place ne va pas sans une contre-partie, celle d’une participation plus engagée, dont les modalités restent encore indéterminées, au sein des groupes de travail.

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Pour reprendre les mots de Michel Naepels, « ce qu’il est possible ou non de voir est fonction tout à la fois des contextes » et « des modalités de l’engagement de soi dans les situations considérées » (Naepels, 2012, p.86). Ainsi, mon engagement à participer à l’action publique, que cela soit dans la mise en œuvre opérationnelle avec la commission d’inclusion ou dans la conception territoriale du dispositif, m’a ainsi permis d’accéder à de précieux espaces pour mon enquête. De plus, au-delà des apports pour ma recherche, procéder à une « ethnographie multi-située » (Marcus, 1998) a par ailleurs participé à légitimer ma présence.

Bibliographie :

Dubois V., (2012) « Ethnographier l'action publique. Les transformations de l'Etat social au prisme de l'enquête de terrain », Gouvernement et action publique, n°1, pp. 9-40.

Marcus G., (1998) « Ethnography in/of the World System: The Emergence of Multi-sited Ethnography », in Ethnography through thick and thin, Princeton (N. J.), Princeton University Press, pp. 79-104. Naepels M., (2012), « L’épiement sans trêve et la curiosité de tout », L’Homme, 203-204, pp. 77-102. Soulé B., (2007) « Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches qualitatives, 27 (1), pp. 127-140.

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