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L'Aveugle Frélon et La romance du chien: construction et diffusion d'une image en abîme

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L’Aveugle Frélon et La romance du chien: construction

et diffusion d’une image en abîme

Florence Gétreau

To cite this version:

Florence Gétreau. L’Aveugle Frélon et La romance du chien: construction et diffusion d’une image en abîme. Musique, images, instruments, Paris: Ed. Klincksieck; Paris: Laboratoire d’organologie et d’iconographie musicale CNRS, 2008, Iconographie musicale : enjeux, méthodes et résultats 10, pp.120-133. �halshs-00293588�

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L’Aveugle Frélon et la Romance du chien :

construction et diff usion d’une image en abîme

Florence Gétreau

Redécouverte d’un tableau

En juin 1996, alors que nous préparions l’expo-sition Musiciens des rues de Paris qui a été présentée au Musée national des Arts et Traditions popu-laires l’année suivante 1, l’étude de Maître Cornette

de Saint-Cyr, mettait en vente à Paris un tableau intitulé Le repos du joueur de vielle 2. Dès le premier

examen, il nous apparut que le titre attribué à cette œuvre par le commissaire priseur était étrange (fi g. 1) 3. En effet, le musicien se présente jouant sa vielle à genoux, position peu ordinaire, et par ailleurs il est manifeste qu’il était aveugle. Curieux est aussi le fait que l’homme n’apparaisse pas très âgé, et qu’il soit vêtu très élégamment. Il est installé devant un mur de pierre, près d’une borne servant au stationnement des carrosses, sur laquelle son bâton est appuyé. Devant lui, son large chapeau est posé sur le sol et un petit chien en laisse, assis sur le train arrière, tient dans sa gueule une sébile pour recueillir quelque argent. Au premier coup d’œil aussi, nous remarquions au sol sous une pierre (fi g. 2) 4, une pile de feuillets de colportage imprimé

1. Florence GÉtreau (éd.), Musiciens des rues de Paris, Paris, cat. exp., musée national des Arts et Traditions populaires, Paris, Réunion des musées nationaux, 1997.

2. Vente publique, Paris, Hôtel Drouot, 3 juin 1996, Maître Cornette de Saint-Cyr, n°148.

3. Antoine-Pierre Mongin (1761-1827), L’aveugle

Frélon, huile sur toile, 74 x 60,5 cm, signée et datée

1814, Paris, musée national des Arts et Traditions popu-laires, 996.18.

4. A.P. Mongin, L’aveugle Frélon, détail de la feuille volante portant le titre d’une chanson : Romance du chien.

et nous déchiffrions sur la première Romance du chien. La signature (Mongin) et la date (1814) étant lisi-bles sur le tableau, mon premier réfl exe fut d’aller consulter les livrets du Salon de peinture du Louvre. Dans l’Explication des ouvrages […] des artistes vivans,

exposés au Musée Royal des Arts, le 1er novembre 1814 5,

sous le n°711 (p. 72), on peut lire :

L’aveugle Frélont. Il est représenté dans la place Louis XV ; il est accompagné de son chien qu’il a instruit à tenir dans sa gueule la liasse dans laquelle il reçoit les aumônes de passants.

Cette même année, Mongin exposa aussi Le

chien voulant sauver son maître entraîné dans un torrent

(n°709), sujet dont la connotation populaire et morale est très proche de celle de notre tableau et

Bénédiction de troupeaux partant pour les Alpes (n°710).

Antoine Mongin est connu pour ses paysages (souvent montagnards), ses scènes de batailles de l’épopée napoléonienne, et ses scènes de genre villa-geoises. De 1791 à 1824, il envoie régulièrement ses œuvres au Salon du Louvre.

Le catalogue de la vente publique de 1996 mentionnait l’existence d’une lithographie repre-nant la composition du tableau, exécutée par Engelmann, documentée par un article de Michel Mélot sur les premières lithographies françaises 6,

qui est en réalité le compte rendu de l’ouvrage de

5. Paris, Dubray, 1814, 140 p.

6. Michel Melot, « Les premières lithographies fran-çaises », Les Nouvelles de l’Estampe, 34-35, 1977, p. 64, reprod.

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Léon Lang sur Godefroy Engelmann, imprimeur

litho-graphe 7. Cet ouvrage, paru en 1977, se révèle d’un

grand intérêt pour éclairer les liens professionnels entre Mongin et Godefroy Engelmann : Mongin est en effet en rapport de travail avec la maison J. Zuber et Cie à Rixheim entre 1803 et 1827, puis-qu’il fournit des motifs de paysages pour les papiers peints panoramiques 8. En octobre 1815 – ils sont

tous deux déjà en contact– le jeune Engelmann présente d’ailleurs un rapport à la Société d’encou-ragement pour l’industrie nationale afi n de créer à Mulhouse l’Imprimerie lithotypique du Haut-Rhin.

7. Léon Lang, Godefroy Engelmann, imprimeur

litho-graphe. Les incunables, 1814-1817, Colmar, Alsatia, 1977.

Sur les relations de Mongin et Engelmann, voir les pages XIV, 24, 33, 34, 36, 39, 53. Ils présentent un rapport le 5 octobre 1816 à l’Académie des Beaux-Arts sur leur

Cours complet d’Etudes du dessin, pour lequel Mongin a

contribué à propos des paysages, Carle Vernet pour les chevaux, Demarne pour les animaux, Chrétien et Evariste Fragonard pour les fi gures et Engelman pour les fl eurs.

8. Les vues de Suisse (1805-1805) ; L’Arcadie (1811) ;

L’Helvétie (1813) ; Vues d’Italie (1818).

Mongin, qui est très bien implanté dans le milieu artistique parisien (il côtoie Girodet, Carle Vernet, Bertin), soutient le jeune imprimeur lithographe et lui permet de s’installer à Paris dès 1816. C’est la date que porte la lithographie d’après le tableau de Mongin (fi g. 3) 9 dont plusieurs exemplaires sont

conservés à la Bibliothèque nationale de France 10

et qu’Engelmann fait enregistrer au dépôt légal le 26 août 1816 en même temps que deux portraits de la Duchesse de Berry d’après Gérard, mais aussi Le

Cosaque à cheval de Carle Vernet, ainsi qu’une Tête d’étude d’après Regnault.

9. Godefroy Engelmann (1788-1839) d’après A. P. Mongin, Le Chien de l’Aveugle, lithographie, août 1816, Paris, BnF, Département des estampes et de la photogra-phie, SNR Mongin, et Ad 64 a fol.

10. Paris, BnF, Département des estampes et de la photo-graphie, SNR Mongin, et Ad 64 a fol.

2. A.P. Mongin, L’aveugle Frélon, détail de la feuille volante portant le titre d’une chanson :

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3. Godefroy Engelmann (1788-1839) d’après A. P. Mongin, Le Chien de l’Aveugle, lithogra-phie, 1816, Paris, BnF, Département des Estampes et de la Photographie.

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La lettre de la lithographie, qui a pour titre Le

chien de l’aveugle, mérite d’être relevée :

Donnez, donnez pour mon maître Que le malheur accabla

Il ne voit pas mais peut-être Quelqu’un, la haut, vous verra. Naguerre il nourrit ma jeunesse Ah ! tout pauvre chien que je suis, Quelle sera mon allegresse

Si grâce à vous je le nourris ! Qui ne plaindrait pas la misère Et ne serait consolateur

Du malheureux qui sur la terre, N’a que son chien pour protecteur Daignez seconder mon envie, Daignez lui prêter votre appuy Ce n’est pas pour moi que je prie : Je n’ai jamais faim qu’après lui.

Les mises en musique des quatrains

C’est grâce à la lettre de cette estampe que nous avons pu mettre ce texte en rapport avec une œuvre musicale portant le même titre. En effet, nous avons pu découvrir au Département de la musique de la BnF (fi g. 4) 11.

Le Chien de l’Aveugle, Romance (à voix seule et en Trio) avec Accompagnement de Piano ou Harpe, dédiée à Monsieur Cloiseau, Musique de VERNIER, 1ère Harpe de l’Académie Royale de Musique et Membre de la Société des Enfans d’Apollon.

Cette œuvre a été imprimée à Paris par Vernier, rue du Dauphin, n°8, ce qui, grâce aux travaux d’Anik Devriès et François Lesure sur les éditeurs de musique français, permet de la dater entre juin 1814

11. Jean-Aîmé Vernier, Le Chien de l’Aveugle, romance

à voix seule et en Trio avec Accompagnement de Piano ou Harpe, Paris, chez l’auteur, ca 1816-1817, Paris, BnF,

Département de la musique, VM 7 108025.

et octobre 1817 12. L’incipit présente les mêmes

paroles que celles de la lithographie d’Engelmann (fi g. 5). Par ailleurs une petite notice imprimée comme texte liminaire révèle l’auteur des vers. Elle est aussi d’un grand intérêt pour comprendre les circonstances de sa composition et de sa diffusion :

« Monsieur CREUZÉ DE LESSER, vivement ému du tableau que lui présentait un pauvre aveugle et son chien sollicitant de concert la pitié des passans, a conçu le projet de la Romance ingénieuse qu’il prête au fi dèle compagnon de cet infortuné : le succès de cette Romance a fait naître à l’auteur l’envie d’en faire imprimer un certain nombre au profi t de l’aveugle. Toutes les sociétés de Paris et notamment les sociétés littéraires se sont empressées de concourir à cette bonne œuvre, et les compositeurs ont rivalisé de zèle pour la mettre en musique. Mr. VERNIER de la société académique des Enfans d’Apollon, après l’avoir fait exécuter dans l’une des séances de la société (*) s’est déterminé à la faire également graver au profi t du pauvre aveugle et de son chien.

Tout porte à croire que ces secours réunis arracheront le respectable vieillard à l’état de mendicité auquel il était réduit. »

(*) Elle fut chantée par MM. Cloiseau, Plantade et Guichard.

Le baron Auguste-François Creuzé de Lesser (1771-1839) est un librettiste parisien très célèbre, auteur de poèmes chevaleresques, d’odes histori-ques, de contes de fées mis en vers, de comédies diverses mêlées de vaudevilles. Il cherche à obtenir les faveurs de l’Empire : il présente ainsi des « Vers à S.M. L’Impératrice, le jour de son arrivée à Compiègne », et des « Vers sur la mythologie d’Os-sian lus au premier Consul chez le Consul Lebran, le 23 vendémiaire an IX ». En 1809 il actualise le livret de Michel-Jean Sedaine pour Le Diable à

quatre ou la femme acariâtre, opéra-comique de Paul

Lesage et en 1813, aux côté de E.G.F. de Favières, il donne le texte d’un opéra-comique en un acte de Boïeldieu, Le Nouveau seigneur de village.

12. Anik Devriès, François Lesure, Dictionnaire des

éditeurs de musique français, Genève, Minkoff, 1979, vol. 1, Des origines à environ 1820, p. 155.

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4. Jean-Aîmé Vernier (1769 ?-après 1838), Le Chien de l’Aveugle, romance à voix seule et en Trio avec

Accompagnement de Piano ou Harpe, Paris, chez l’auteur, ca. 1816-1817, Paris, BnF, Département de

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Jean Aîmé Vernier (1769-après 1838), de son côté, est connu comme harpiste et compositeur (fi g. 7). Il est l’auteur d’une cinquantaine d’opus comportant de nombreux recueils d’airs avec accom-pagnement de harpe, de duos pour harpe et piano, d’airs variés pour la harpe, de romances dont il est l’auteur autant des paroles que de la musique mais aussi d’un quatuor et de deux trios avec harpe13.

Remarquons que l’une de ses premières œuvres est intitulée Le Tombeau de l’immortel Chevalier Gluck pour

le clavecin ou piano forte (Paris, chez Mme Baillon).

En 1814, il publie Vive Henri IV, un air varié pour la harpe. Quatre ans plus tard, il lance une «

sous-13. Cf. Joël-Marie Fauquet, Dictionnaire de la musique en

France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, p. 1268.

cription pour l’entretien de la Statue d’Henri IV » (11 août 1818) 14.

Membre de la Société académique des Enfants d’Apollon comme l’indique la note liminaire de la partition, il a été reçu membre de cette société en 1806. Selon ses statuts rédigés en 1814 15, cette

société, fondée en 1741, avait

pour but de son institution et pour objet de ses travaux, la culture des Lettres, des Arts, et spécialement de la Musique. Elle est composée de cent Membres résidants, de douze Membres honoraires, et de soixante Associés correspondants. Pour être admis, il faut présenter des titres connus, soit comme Musicien, soit comme Artiste, soit comme Homme de Lettres » 16.

Les membres de cette société se réunissent une fois par mois, le second dimanche, correspon-dances et délibération étant suivis de lectures et de musique. Une séance annuelle célébrant l’an-niversaire de sa fondation comprend un concert public, un discours et un banquet. Une commis-sion de musique composée de cinq musiciens, deux hommes de lettres et deux artistes non musiciens est chargée de l’organisation et de la direction de tous les concerts de la société. Les procès-verbaux des séances annuelles ont permis de conserver l’en-semble des programmes de ces séances, source très précieuse bien sûr pour l’histoire des concerts et du goût musical, mais aussi pour suivre la carrière des artistes sociétaires, leurs créations et leurs publica-tions, car elles font l’objet de comptes rendus régu-liers lors des assemblées.

Grâce aux procès verbaux, on remarque que Mongin, l’auteur de notre tableau, est comme Vernier, admis dans la Société en 1806. Vernier y interprète à plusieurs reprises, dans les séances hebdomadaires privées, des quatuors (1809, 1813, 1814) 17 et une fois en séance annuelle une de ses

14. Paris, BnF, Lettre autographe Vernier, j.a., 1.

15. Statuts de la société académique es enfants d’Apollon.

1814. 4e édition. 1837, Paris, Imprimerie de Terzuolo,

1837. Paris, BnF ZP 2752.

16. Articles 1er, II, III des statuts précités.

17. Maurice Decourcelle, La Société académique

des Enfants d’Apollon (1741-1880), Paris,

Durand-Schoenewerk, 1881, p. 13, 29, 31, 46, 124-126. Je remercie vivement Joël-Marie Fauquet d’avoir attiré mon attention sur cet ouvrage qui malheureusement n’ex-7. François Dumont (1751-1831) et J.-L. Benoist (ca.

1795-1850), Vernier, Professeur de Harpe, Membre de la société

académique des Enfans d’Apollon, Paris, BnF, Département

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8. Le Chansonnier des Grâces pour 1819. Avec les Airs nouveaux gravés, Paris, F. Louis, page de titre, Paris, BnF,

Département de la musique.

9. Le Chansonnier des Grâces pour 1819, p. 20. Le chien de

l’aveugle. Paroles de M. Creuzé de Lesser.

10. Le Chansonnier des Grâces pour 1819. Air n°28. Le

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compositions pour harpe (1811). Il en est même élu président de la société en 1815 et prononce les discours annuels en 1816 et 1818.

Nous avons bien sûr cherché à voir si ces comptes rendus annuels mentionnaient d’une façon ou d’une autre la composition des paroles et de la musique pour Le Chien de l’aveugle. Nous avons tout aussi vainement recherché mention du concert privé lors

ploite que les données concernant la musique et laisse de côté la participation des hommes de lettres et des artistes à cette société. Une série presque complète des Rapports annuels (1814-1904) est conservée à la BnF. 8° V 24400.

d’une séance mensuelle où l’œuvre fut interprétée par Cloiseau, Plantade (il s’agit du violoncelliste Charles-Henri Plantade, 1764-1839) et Guichard. Malheureusement ces documents restent muets à ce sujet. Seul un dépouillement fastidieux dans la presse pourrait éventuellement confi rmer cette exécution.

Intriguée par le faisceau de circonstances ayant permis la diffusion du tableau, de la lithographie et de la musique sur les mêmes vers à succès, nous avons bien sûr cherché si la Clef du caveau de Capelle (édition de 1816) comportait cette chanson. L’index des titres et celui des incipits n’a rien révélé. En revanche, le dépouillement d’un chansonnier annuel bien connu, Le Chansonnier des Grâces qui paraît de 11. Mélanie Marie d’Hervilly, Ayez-pitié du Pauvre aveugle,

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1797-1826, a révélé une nouvelle surprise 18. Le

volume de l’année 1819 (fi g. 8) 19, propose page

20 (fi g. 9) le poème de Creuzé de Lesser. La seule toute petite variante apparaît au cinquième vers : ici « Mon maître nourrit ma jeunesse » et dans la version de l’estampe d’Engelman mise en musique par Vernier « Naguère il nourrit ma jeunesse ». En revanche, la musique est cette fois nouvelle (fi g. 10).

Joseph-Agricole Moulet en est l’auteur et il est aussi un « maître de harpe », comme l’indique sa chanson guerrière La Paix de Tilsitt, « mise en musique avec accompagnement de pianoforte [ou harpe]20 ». Il est l’auteur de nombreuses romances,

ariettes, chant de circonstances en l’honneur de l’Empire (Le Décaméron impérial dédié aux armées

françaises, 1805 ; Ode sur le mariage de Napoléon avec Marie-Louise par Unger Des Essarts ; Le Retour du héros, La romance de Berthe sur des paroles de Creusé, Le troubadour royal et moral).

Cinq ans de notoriété, une diffusion dans des milieux variés, l’œuvre de Mongin va cependant connaître encore d’autres succès.

Réappropriation ou hommage ?

Deux nouvelles estampes

Même si sa composition est largement réinter-prétée dans cette lithographie de Mélanie Marie d’Hervilly, intitulée Ayez-pitié du Pauvre aveugle, publiée par Langlumé en 1823 21 (fi g. 11) 22, on

reconnaît qu’elle a certainement observé le tableau

18. Je remercie Joël-Marie Fauquet d’avoir procédé à cette vérifi cation dans sa précieuse collection et d’avoir révélé le contenu du volume du Chansonnier des Grâces. Un autre exemplaire fi gure dans la collection Weckerlin (B3) au Département de la musique.

19. Le Chansonnier des Grâces pour 1819. Avec les Airs

nouveaux gravés, Paris, F. Louis. Paris, BnF, Département

de la musique, Weckerlin B3. Page de titre.

20 . Paris, BnF, département de la Musique, Do 8491

(4).

21 . Jean Adhémar, Bibliothèque nationale. Département

des Estampes. Inventaire du Fonds français après 1800 par Jean Adhémar, Jacques Lethève et Françoise Gardey, Paris,

BnF, 1958, tome 10 Guillaume-Humbert, p. 379.

22 . Mélanie Marie d’Hervilly, Ayez-pitié du Pauvre

aveugle, lithographie, Paris, 1823, Bruxelles, coll. privée

et Paris, BnF, Département des estampes, SNR Mlle

d’Hervilly.

de Mongin ou la lithographie d’Engelmann : la position à genoux du joueur de vielle est trop unique pour n’en point provenir. On remarquera d’ailleurs que le musicien est ici en position inversée, mais sa vielle est du même modèle à volute et à caisse en forme de guitare. Le chien conserve sa sébile caractéristique. En tout cas le cadre est devenu misérabiliste, et la jeune accompagnatrice renforce le message larmoyant de cette nouvelle version au titre explicite.

Mlle d’Hervilly, à la carrière peu connue (née à

Bruxelles, elle est l’élève de Lethière et commence à exposer au Salon en 1822), a laissé quelques œuvres gravées d’inspiration variée, mais qui dénotent d’une formation traditionnelle : Leonidas

réveilles-toi ! Femme de pêcheur napolitain, La mouche (trois

garçonnets dans une grange), portrait de Lainé

de Villevêque en buste. Elle a surtout laissé un petit

opuscule théorique intitulé Du danger des nouvelles

doctrines sur la peinture paru à Paris en 1824. Elle

y défend « les principes de tous les arts, le goût et la vérité » qu’elle considère « attaqués par des novateurs ignorans et des maximes funestes favo-risant la médiocrité ». Cette défense de la tradition paraît alors que le Salon de peinture de 1824 a été le théâtre d’une rupture entre le néoclassicisme et le mouvement romantique : Ingres expose le Vœu de

Louis XIII, œuvre inspirée de Raphaël et Philippe

de Champaigne, propre à plaire à la dynastie des Bourbons, tandis que Delacroix présente ses Scènes

des Massacres de Scio, véritable manifeste de la

nouvelle école.

On peut dire, en tout cas, que son pauvre Aveugle atteste, comme elle le souhaite, que « La perfection ne

s’improvise pas » !.

Descendant plus rigoureux en tout cas, Tony Johannot (1803-1852) s’empare quelques années plus tard de la composition de Mongin et en donne une eau-forte (fi g. 12) 23 qu’il a intitulée fi dèlement Le chien de l’aveugle Frélon / Gravé d’après le Tableau de Mr Mongin. Cet artiste est surtout connu pour ses

gravures d’illustrations de livres à partir de 1829 24.

Il illustre environ 150 ouvrages et a laissé quelque

23. Tony Johannot (1803-1852) d’après A.P. Mongin,

Le chien de l’aveugle Frélon, eau-forte, ca. 1830, Bruxelles,

coll. privée.

24. Voir notamment ses illustrations pour Les Puritains

(14)

12. Tony Johannot (1803-1852) d’après A.P. Mongin, Le chien de l’aveugle Frélon, eau-forte, ca. 1830, Bruxelles, coll. Priv.

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3 000 vignettes. On peut toutefois se demander s’il n’a pas gravé cette composition l’année de la disparition de Mongin, procédant ainsi à une sorte d’hommage et profi tant de la notoriété de cet artiste que la Société des Enfans d’Apollon honore à titre posthume dans sa séance annuelle du 14 avril 1827 :

[…] M. Pierre Mongin, peintre de genre, l’un des plus fermes soutiens de l’école française, est mort le 19 de ce mois. Les musées royaux, les salons de nos amateurs distingués, possèdent trop de tableaux de M. Mongin, pour que je fasse ici le détail de ses produc-tions nombreuses ; je dois cependant rappeler à votre souvenir la Bénédiction des troupeaux en Suisse, et la Fin d’une tourmente sur le mont Saint Gothard, qui passent pour les chefs-d’œuvre de cet artiste estimable. M. Mongin, comme l’illustre Girodet, possédait le rare avantage d’être à la fois un peintre habile, un savant modeste, un écrivain spirituel, et même un musicien plein de goût. Il avait consacré son talent à sa patrie, il lui avait aussi offert son bras, car, au temps de l’orage révolutionnaire, quand le sol fran-çais fut menacé, il quitta la palette pour prendre les armes. Le dessin, la lithographie, doivent beaucoup à ce vieillard infatigable, qui, loin de repousser l’in-novation, l’implorait, la secondait de ses généreux efforts » 25.

25. Discours prononcé à la séance publique de la société

acadé-mique des enfans d’Apollon, Le jeudi 14 avril 1827, quatre-vingt-sixième année de sa fondation par M. Emile

Vander-Buch, Membre de la Société (Séance tenue aux Menus-Plaisirs, dans la salle du Conservatoire), à Paris, Plassan, 1827, p. 7-8. BnF 8° V 24400.

Chacun pourra juger de la « corruption » de cette seconde version en la comparant avec la litho-graphie d’Engelmann : elle n’en a ni la force, ni la précision même si elle en respecte la composition originale.

Au travers de ce parcours, on voit comment un motif iconographique populaire somme toute plus pittoresque que réaliste, et bien pensant, circule dans des cercles variés. La Société des Enfans d’Apollon et sa consubstantielle pluridisciplinarité (les arts oratoires, visuels et musicaux sont à la base de sa « culture ») a sans doute servi de vecteur à ses diffé-rentes incarnations, à sa circulation et à sa « recom-position ». Objet de modernisme au moment de sa création (elle incarne la « révolution » lithogra-phique), elle devient illustration (bien faible il est vrai) d’une théorie des arts et de leur tradition au moment du séisme artistique de 1824, pour fi nir comme citation mémorielle au moment où son premier auteur, un vieillard peintre, littérateur et musicien quitte la scène.

Reste que la Romance du chien dont le titre fi gure sur les feuilles volantes du tableau n’a pu été retrouvée. Etait-ce une vraie chanson de rue sur un timbre connu ? Une simple notation pittoresque du peintre sans réel fondement ? Elle reste en tout cas une énigme malgré l’étonnante vision en abîme qu’elle a suscité.

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