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Traduction sous contrainte d’un livre mythique

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01468426

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01468426

Submitted on 21 Feb 2017

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Martin Ringot

To cite this version:

Martin Ringot. Traduction sous contrainte d’un livre mythique : Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco. Cahiers d’Etudes Romanes, Centre aixois d’études romanes, 2014, Oser métamorphoser, �10.4000/etudesromanes.4667�. �hal-01468426�

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29 | 2014

Oser métamorphoser

Traduction sous contrainte d’un livre mythique

Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco

Martin Ringot

Édition électronique URL : http://

etudesromanes.revues.org/4667 DOI : 10.4000/etudesromanes.4667 ISSN : 2271-1465

Éditeur

Centre aixois d'études romanes de l'université d'Aix-Marseille Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2014 Pagination : 269-283

ISBN : 978-2-85399-987-8 ISSN : 0180-684X

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Référence électronique

Martin Ringot, « Traduction sous contrainte

d’un livre mythique », Cahiers d’études romanes [En ligne], 29 | 2014, mis en ligne le 06 avril 2016, consulté le 15 février 2017. URL : http://etudesromanes.revues.org/4667 ; DOI : 10.4000/

etudesromanes.4667

Ce document a été généré automatiquement le 15 février 2017.

Cahiers d'études romanes est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Traduction sous contrainte d’un livre mythique

Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco

Martin Ringot

C’est le propre des mythes d’être sans cesse réinterprétés1.

1 Si l’on devait définir la limite entre le mythe et le texte, on la situerait au niveau de l’écriture, c’est-à-dire la réalisation, l’actualisation d’un élément culturel dans le langage.

Ainsi le mythe se caractériserait-il par son impossibilité non pas à être dit, mais à être fixé dans le dire. En 2006, dans Lei dunque capirà, Claudio Magris fait au fond la même chose que ce que fera Anaïs Mitchell en 2010 avec son album Hadestown : tous deux relisent et réécrivent le mythe d’Orphée et d’Eurydice en le modelant selon la réalité qui les entoure.

Aussi peut-on parler de polymorphie, voire de polymorphie potentielle. Car les différentes formes du mythe ne constituent pas un réseau fermé, mais bien toute une série de branches issues du même tronc, de la même souche, dont la graine, disparue, reproduirait ses caractères génétiques dans chaque branche et chaque feuille nouvelles.

Le mythe est donc indicible, inexistant en soi, et c’est bien pour cette raison qu’il peut être dit de toutes les manières possibles ; sans quoi, sa réinterprétation serait impossible.

2 Dès lors que nous considérons le mythe sous cet angle, comment pourrait-on aborder les Exercices de Style de Raymond Queneau autrement que par leur éternelle réécriture ? Ce recueil, imaginé dès les années 30 suite à l’écoute de L’Art de la fugue de Bach, et paru en 1963 dans sa version définitive, regroupe quatre-vingt-dix-neuf façons différentes de raconter la même anecdote : le narrateur est dans le bus S, et voit un jeune homme qui se met en colère contre un autre passager, lequel est accusé de lui marcher sur les pieds à chaque arrêt. Le jeune homme finit par aller s’asseoir sur une place laissée vide ; le narrateur le retrouve une heure plus tard en train de parler avec un ami.

3 Cette histoire, sans intérêt en soi, en trouve dans sa réécriture : théâtrale, poétique, vulgaire, logique, mathématique, selon une certaine figure de style et dans tous les sens.

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Quelques années après sa parution, le recueil fait l’objet d’une adaptation théâtrale, et dans une de ses éditions, chaque exercice est accompagné d’un dessin qui enrichit le texte et l’interprète à sa façon. Ajoutons enfin que le recueil paraît dans une période charnière de la vie littéraire de Queneau qui, cofondateur de l’Oulipo2, verra dans les Exercices un moyen de légitimer les travaux du jeune groupe créatif, qui accueillera plus tard Georges Perec ou Italo Calvino.

4 Exercices de style est donc un recueil de la réécriture, considéré très tôt comme tel, si bien que sa première parution dans les années quarante incitait déjà le lecteur à prendre la plume : l’ouvrage était en vente avec un bandeau publicitaire qui affichait « C’est en écrivant que l’on devient écriveron », et contenait en fin de volume une liste d’

« exercices possibles » qui invitaient tout lecteur à poursuivre un travail d’écriture dont on perçoit difficilement une quelconque fin. C’est donc dans leur réécriture que les Exercices de style sont nés, ont grandi – par leur nombre comme par leur importance – et continuent d’exister, dans les pastiches, les écoles, les théâtres, et aujourd’hui sur internet :

le principe de l’œuvre, d’origine musicale, est intrinsèquement potentiel et cette potentialité ne se cantonne ni au texte, ni au livre… elle exploite toutes les possibilités expressives et médiatiques. Ses caractéristiques ludiques et humoristiques en font un objet littéraire jubilant… particulièrement vivant.3

5 Dès lors, cette histoire si facile à retenir et donc à réécrire constitue un mythe ; le degré zéro du mythe, sans doute, qui se contente des caractéristiques minimales requises, mais un mythe quand même. Et ce d’autant plus qu’il ne se limite pas aux frontières francophones et a connu de nombreuses traductions – précisément en trente-et-une langues –, de l’anglais en 1958 au berbère kabyle en 2010, en passant par l’italien en 1983.

Traductions que l’on peut voir sans peine comme autant de réécritures. La traduction d’Umberto Eco à ce sujet est un cas intéressant, dans la mesure où la version du sémioticien accentue la nécessité d’appropriation du mythe au détriment d’un texte inexistant car multiple, pour la composition d’un nouveau recueil. En effet, les Esercizi di stile se distinguent non pas par leur fidélité au texte-source, mais par le parti-pris de liberté et d’éloignement nécessaire vis-à-vis de celui-ci, l’auteur italien ayant dû, pour une vingtaine de textes, procéder à un « remaniement radical » (« rifacimento radicale »).

6 Les Exercices de Queneau ne font pas tant l’objet d’une traduction que d’une réécriture en vertu d’un respect de la contrainte choisie par l’auteur pour chacun des textes ; ce phénomène est d’autant plus frappant quand il s’agit d’une traduction. Mais jusqu’à quel point sommes-nous autorisés à parler, justement, de « traduction » ? Il s’agira tout d’abord de montrer dans quelle mesure traduction et réécriture vont de pair, et ce d’autant plus au sein de l’Oulipo, et comment ce rapport trouve sa pleine réalisation dans les Exercices de style. Suite à quoi nous observerons comment Umberto Eco s’est employé à remanier ces exercices, pour quelles raisons, et quelles ont été ses limites.

Traduction et littérature potentielle

7 Le terme qui rapproche les Exercices de style, la traduction, la réécriture et le mythe est bien la potentialité. Nous présenterons donc succinctement ce qui caractérise la littérature potentielle et montrerons ses affinités avec la traduction.

8 On peut diviser la littérature potentielle en deux grands domaines, deux tendances : la tendance synthétique et la tendance analytique. La première est créative et concerne la

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recherche de nouvelles formes de littérature ; on l’appelle aussi « synthoulipisme ». La seconde regarde la transformation de textes déjà existants : « La tendance analytique travaille sur les œuvres du passé pour y rechercher des possibilités qui dépassent souvent ce que les auteurs avaient soupçonné »4, explique François Le Lionnais dans le premier manifeste de l’Oulipo. On appellera cette tendance un anoulipisme, et elle concerne l’actualisation de formes potentielles contenues dans des textes déjà existants. Lorsqu’il est écrit de Voyelles de Rimbaud une version sans le e, c’est une forme potentielle du texte déjà existant qui est actualisée : il s’agit donc d’un anoulipisme5. C’est la tendance analytique qui nous intéresse ici, dans la mesure où elle a à faire avec la réécriture et la transformation textuelle. Pour chaque anoulipisme, il existe un texte déjà existant qui lui servira de base.

9 L’Oulipo travaille en fonction des contraintes, que l’auteur doit s’imposer pour la composition du texte. La contrainte peut être structurelle (certaines règles mathématiques ordonnent la composition du texte dans sa structure) ou formelles, qu’elles soient de composition ou de modification. Les différents types de textes oulipiens liés aux différents types de contraintes par le tableau suivant :

Oulipème6

Anoulipisme Synthoulipisme

Contrainte

Structurelle ×

Formelle

Composition ×

Modification ×

Types de contrainte selon l’oulipème

10 Une autre discipline implique le texte de base, transformation textuelle et contrainte : il s’agit de la traduction. Or, d’un unique texte, il peut exister une multitude de traductions possibles dans la mesure où la traduction, la version fidèle en tous points, ne peut pas exister : la lettre est en conflit avec le sens, l’équivalence lexicale entre deux langues n’est jamais parfaite, si bien qu’un seul texte peut être lu, interprété et retranscrit de multiples manières. Selon la langue d’une part, mais aussi – et surtout – dans une même langue. Car nous ne limitons pas la traduction au simple passage d’une langue à l’autre, mais aussi, au sein d’une même langue, d’un langage7 à un autre : c’est ce que Jakobson appelle

« traduction intralinguistique »8. Dès lors, la traduction est réécriture, tout comme la littérature potentielle, ou, plus particulièrement, l’anoulipisme.

11 Le cas des Exercices de style est en cela emblématique et contient dans la composition même du texte, ainsi que dans sa diffusion, les différents phénomènes que nous avons décrits. Tel qu’il a été composé par Queneau, le texte est une série d’oulipèmes dont l’original est une anecdote anodine au point qu’elle peut être racontée de n’importe quelle manière. En tant qu’anoulipisme, il suppose l’interprétation et la réécriture selon des codes différents (littéraires, linguistiques, sociaux, esthétiques) qui impliquent autant de langages, tous illustrés à travers cette anecdote. En ce sens, les Exercices de style peuvent être vus comme un manuel de traduction intralinguistique. Ce qui double le

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processus de transformation quand les exercices subissent une traduction d’une langue à l’autre.

Une vitrine littéraire

12 Le livre s’ouvre sur l’unité minimale de narration à travers le premier exercice,

« Notations » qui a fonction de point de départ. A partir de quoi on rencontre des Exercices assez variés. La plupart répond à une contrainte formelle, allant du changement de ton, de registre ou de genre à la stricte transformation textuelle. On y retrouve un jeu sur le genre du texte, qui est plus ou moins littéraire (de l’« analyse logique » à la « comédie », en passant par « prière d’insérer »). Le registre du texte est lui aussi exploré, et on peut se retrouver face à un « paysan » comme un personnage « injurieux », sans oublier le narrateur « vulgaire »9, ou celui qui s’exprime en « Exclamations ». Les Exercices de style seront aussi le lieu de l’exploration lexicale, avec des textes liés à divers champs, comme les couleurs (« Arc-en-ciel »), les cinq sens (« Olfactif », « Gustatif », « Tactile », « Visuel »,

« Auditif »), le jardin (« Botanique ») ou la médecine (« Médical »). Certains jouent avec les mots (« Distinguo », « Homophonique ») alors que d’autres exercices relèvent de la transformation textuelle chère à l’Oulipo.

13 La transformation textuelle concerne une vingtaine d’exercices du recueil, des textes qui ont subi une modification à partir d’un autre texte, dont la nature peut varier. Ainsi,

« Anagrammes » reprend « Notations », à quelques variations près. « Aphérèses » (figure qui consiste à couper le début d’un mot) et « Apocopes » (figure inverse) se partagent le même texte que l’on peut reconstruire en « recollant » les morceaux de chacun des textes, mais présentent quelques variations par rapport à « Syncopes » (perte du milieu d’un mot). Au contraire, les deux permutations (« Permutations par groupes croissants de lettres » et « Permutations par groupes croissants de mots ») ainsi que les trois exercices relatifs à l’ajout de lettres (« Prothèses », « Epenthèses », « Paragoges ») sont construits à partir du même texte-base, inspiré de « Récit », que l’on peut restituer comme suit :

Texte-base

Un jour vers midi, sur la plate-forme arrière d’un autobus de la ligne S, j’aperçus un jeune homme au cou trop long qui portait un chapeau entouré d’un gallon tressé. Il interpella soudain son voisin en prétendant que celui-ci faisait exprès de lui marcher sur les pieds chaque fois qu’il montait ou descendait des voyageurs. Il abandonna d’ailleurs rapidement la discussion pour se jeter sur une place libre.

Quelques heures plus tard je le revis devant la gare Saint-Lazare en grande conversation avec un camarade qui lui disait de faire remonter un peu le bouton supérieur de son pardessus.

14 Les autres textes, comme « Métathèses », « Par devant par derrière », partent d’un texte évoquant tantôt « Notations », tantôt le texte base que nous avons reconstitué. Tous les textes présentent des éléments de discours en commun ainsi que la structure générale du récit, mais diffèrent par certains détails, comme des verbes de perception, la description du jeune homme qui est plus ou moins détaillée, ou la description de l’altercation avec l’autre personnage.

15 D’autres exercices sont considérés comme les produits d’une transformation textuelle dans la mesure où il s’agit de parodies ou de traductions. Ainsi, « Anglicismes » et

« Italianismes » illustrent l’influence sur le français de la langue concernée. La parodie est présente aussi lorsque l’auteur imite les accents français, comme le « paysan » et ses fautes de conjugaison, ou le « vulgaire » qui parle ce néo-français cher à Queneau.

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Traduction ou réécriture ?

16 C’est dans une attitude de détachement par rapport à l’Oulipo qu’Umberto Eco a entrepris la traduction des Exercices de style de Queneau. Ce qui ne veut pas dire que sa traduction ait été conventionnelle. Son premier choix a été en effet d’utiliser les deux éditions qui coexistent aujourd’hui, celle de 1947 et celle de 196310, afin d’établir un recueil qui mélange les deux. Ainsi, en commentant les changements opérés entre les deux versions, il considère que « Réactionnaire » (le narrateur interrompt son récit pour se plaindre et fustiger les autres personnages) n’était pas à jeter et le remet à l’ordre du jour, à la place de « Loucherbem » qui, trop jargonnant et caractéristique de la langue-source, ne pouvait rien donner en italien. Son autre suppression a été celle d’« Homophonique » parce que, selon lui « le français est riche en homophones et pas l’italien »11. À la place, il a rajouté une deuxième version d’« Alors », qui est un exercice sur les intercalaires du discours (« Alors l’autobus est arrivé. Alors j’ai monté dedans. Alors j’ai vu un citoyen qui m’a saisi l’œil »12, etc.) sous prétexte que les Italiens « sont plus imaginatifs lorsqu’il s’agit de tourmenter son prochain avec d’insupportables intercalaires »13. Ainsi, le travail d’Eco n’a pas été qu’un travail de traduction, mais aussi d’édition.

17 Lorsqu’il met la main sur les Exercices de style, Umberto Eco lit le recueil de Queneau comme une série d’exercices de rhétorique ; chacun des textes n’est pas tant une expérimentation littéraire qu’un exemple d’élément de rhétorique :

Pour commencer, les Notations sont un exemple de sermo manifestus, c’est-à-dire de discours plat et explicite. En partie double est un exercice sur les synonymies et sur la paraphrase, comme d’autre part Définitionnel, Rétrograde exemplifie l’hysteron proteron, Surprises est un échantillon d’exclamations, Hésitations et Maladroit sont un exercice sur la dubitatio (vu que dans la dubitatio l’orateur demande au public des conseils sur comment coordonner son discours, étant donnée la difficulté de la matière). […] Les Hellénismes sont un cas classique d’oratio emendate, Réactionnaire use sans vergogne le locus communis, Anglicismes invente des néologismes.14

18 Queneau expérimente selon Eco « de tout » de l’ars rhetorica et présente à chaque exercice une facette de plus de cette discipline qui « ne se limite pas aux seules figures »15. Cette lecture aura une conséquence intéressante sur certains choix de traduction.

19 Mais ce qui nous intéresse avant tout, c’est de voir comment Eco a fait pour traduire les exercices qui ont fait l’objet dès la version originale d’une transformation textuelle. Ces textes, Umberto Eco les appelle des « métaplasmes », et il a décidé pour les restituer en italien de reconstituer un « testo base » que voici :

Un giorno verso mezzogiorno sopra la piattaforma posteriore di un autobus della linea S vidi un giovane dal collo troppo lungo che portava un cappello circondato d’una cordicella intrecciata. Egli tosto apostrofò il suo vicino pretendendo che costui faceva apposta a pestargli i piedi ad ogni fermata. Poi rapidamente egli abbandonò la discussione per gettarsi su di un posto libero.

Lo rividi qualche ora più tardi davanti alla Gare Saint-Lazare in gran conversazione con un compagno che gli suggeriva di far risalire un poco il bottone del suo soprabito.16

20 La ressemblance avec le texte base que nous avons constitué est frappante. Les seules différences lexicales ne sont que des nuances qui peuvent advenir au moment de la traduction d’un texte, afin de le rendre moins lourd à la lecture dans la langue-cible. En effet, on peut supposer que « chaque fois qu’il montait ou descendait des voyageurs »

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pouvait être abrégé sans en altérer le sens ; quant au reste, il ne s’agit que de précisions et variations peu choquantes. Les différences syntaxiques ne regardent que l’inversion de certaines parties de la phrase selon les besoins esthétiques de la langue-cible. On peut donc voir dans le « testo base » d’Eco une traduction du texte base quenien qu’Eco a reconstitué à partir des mêmes textes que nous avons identifiés comme provenant de la même « matrice ». Par souci de rigueur, Eco a généralisé à tous les textes qui s’y prêtaient le processus de transformation textuelle concernant cinq textes dans la version originale.

Les onze textes concernés répondent à des règles de modification à l’échelle de la lettre, comme « Anagrammes », « Permutations », « Apocopes », etc.

21 Parmi les 99 exercices, les deux tiers ont fait l’objet d’une traduction proprement dite de la part d’Umberto Eco. Par exemple, « Ensembliste » n’a pas posé de problème particulier de traduction, et encore moins « Parties du discours », deux textes déconstruits pour lesquels une traduction mot-à-mot suffit. Trente-cinq textes, au contraire, font l’objet de ce qu’Eco appelle « rifacimento radicale »17 (« remaniement radical »), c’est-à-dire la reproduction de tout le processus créatif qu’a suivi l’auteur du texte-source, du fait de l’impossibilité de rendre le même effet en effectuant une simple traduction du signifiant.

Plusieurs types de textes sont concernés, et par conséquent plusieurs stratégies de remaniement radical : certains textes sont remaniés pour coller à la langue-cible, d’autres aux aspects culturels du pays d’accueil, et d’autres encore par défi. Ce sont les trois catégories (« Langue-cible », « Culturel », « Défi ») qui nous intéressent.

22 Ainsi, « Langue-cible » correspond à des choix de traduction répondant aux besoins de la langue-source pour rendre l’effet qui a été recherché dans le texte. Cela peut regarder les expressions utilisées comme le lexique, qui parfois varie, comme dans « Hésitations »18.

Les Exercices réinterprétés

23 « Culturel » concerne les textes qui ont été modifiés, aussi dans leur forme, parce que l’effet que produit l’exercice dans la version originale dépend fortement de l’atmosphère culturelle dans laquelle il est perçu. Selon Eco, ces exercices

sont possibles en français parce que le français de Queneau reflète une civilisation et renvoie à un contexte social (la France, Paris) et à une époque précise.

Si on les traduisait littéralement, il arriverait ce qu’il arrive aux traducteurs de romans policiers américains, lesquels s’efforcent de rendre par d’improbables transcriptions pseudo-littérales, des situations, des habitudes argotiques, des progressions, des façons de parler typiques d’un autre monde. […]

Or, le traducteur de policiers ne peut pas transformer Los Angeles ou Dallas en Rome ou Milan. Mais dans une certaine mesure le traducteur de Queneau peut le faire.19

24 En ce sens, plusieurs exemples gagneraient à être approfondis : « Filosofico » (« Philosophique ») remet la parodie de discours philosophique au gout des années quatre-vingt ; les versions italiennes de « Sonnet » et « Précieux » exploitent le patrimoine littéraire de la langue-cible, en l’occurrence Dante pour le sonnet et D’Annunzio pour « Précieux » ; « Vulgaire » passe du français parlé – qu’on retrouve dans certains de ses romans comme Le Chiendent ou Zazie dans le métro – au stéréotype du parlé romain.

25 « Maladroit », qui chez Queneau semble écrit par quelqu’un qui n’a pas « l’habitude d’écrire », devient chez Eco un « Maldestro » qui a du mal à faire un discours face à une

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assemblée estudiantine décourageante des années soixante-dix. L’exercice a pu susciter de nombreuses interrogations, notamment par Eliana Vicari20, qui voit dans la version italienne un échec par rapport aux intentions initiales de l’auteur.

26 Cependant, rappelons que le traducteur italien voit les Exercices de style comme autant d’exercices de rhétorique, et par conséquent approche le texte comme destiné à l’exploitation orale. Le parti-pris d’Eco a donc été celui d’une maladresse de discours oral, et non écrit. Auquel cas, de nouvelles données sont à prendre en compte, notamment au niveau du déroulement du discours : le narrateur ne peut plus se perdre en commentaires autoréférentiels – c’est-à-dire commenter ses propres phrases – et son discours n’est pas destiné à être lu plus tard, mais il est soumis au jugement immédiat de l’auditoire qui, face à un maladroit, l’interrompt avec questions et railleries. Les conditions du discours sont tout autres, ce qui explique la lourdeur des répétitions et des détours – car à moins d’être préparé, un discours est le lieu de la parole qui se crée sans autre médiation que la réaction des auditeurs21 – au lieu de la réflexion tâtonnante dans la plume du

« Maladroit ». Le choix d’Eco était donc logique.

27 Quant à « Défi », il résulte d’une surenchère de la part du traducteur qui entend « battre le record » de l’auteur22. C’est la catégorie qui nous intéresse le plus étant donné que nous y trouvons le plus d’exercices liés à l’Oulipo, et qu’elle illustre clairement la dimension ludique qu’Anna Paliczka voit dans l’activité de l’Oulipo23.

Le défi de la réécriture

28 La traduction s’apparente à un jeu dans la mesure où le traducteur, guidé par les règles de l’auteur, est amené à faire aussi bien que son prédécesseur. La notion de jeu peut être d’ailleurs modulée de différentes façons. Soit un jeu de plateau, comme Eco tend à l’imaginer quand il parle de « mouvements »24 qu’il entend faire en réponse à ce qu’a fait Queneau ; soit, et surtout dans le cadre de la traduction oulipienne, un jeu de construction, dont le mode d’emploi reste le même mais où le matériel change de pays en pays. Dans le cas de la traduction des Exercices de style, Eco a tenté plusieurs réponses à la partie jouée par l’auteur français. Certains de ces exercices remportent le défi.

29 Alors que pour « Contre-petteries », Queneau propose un texte gratuit, dans la mesure où les contrepèteries n’aboutissent à des double-sens que fortuitement (comme tous les autres exercices de rhétorique, Queneau exacerbe cette pratique et ainsi en neutralise la portée), Eco a motivé le choix des mots pour la contrepèterie. Les deux auteurs ont donc respecté la même contrainte dictée par le titre, mais alors que l’un s’est contenté d’opérer une transformation textuelle – à partir d’un texte proche du texte-base –, l’autre a travaillé en amont un texte afin d’en favoriser le double-sens25 au moment de la transformation.

30 Suivant cette logique, Eco joue de surenchère face à l’auteur français. Ainsi, pour

« Homéotéleutes »26, le sémioticien se vante d’avoir composé deux textes d’une trentaine de mots chacun, alors que l’original n’en comportait qu’un, doté de 27 mots. De même pour « Paréchèses »27 : là où Queneau n’avait fait un texte que de 34 mots, Eco le double et monte à 67.

31 Dans la même logique, Eco a composé cinq lipogrammes28 (un pour chaque voyelle) contre

« un seul lipogramme en E »29 pour Queneau. Nous n’en montrerons qu’un :

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« Lipogramme » « Lipogrammi »

Voici.

Au stop, l’autobus stoppa. Y monta un zazou au cou trop long, qui avait sur son caillou un galurin au ruban mou. Il s’attaqua aux panards d’un quidam dont arpions, cors, durillons sont avachis d’un coup ; puis il bondit sur un banc et s’assoit sur un strapontin où nul n’y figurait.

Plus tard, vis-à-vis la station saint-Machin ou saint-Truc, un copain lui disait : « Tu as à ton raglan un bouton qu’on a mis trop haut ».

Voilà.30

Lipogramma in u

Era mezzogiorno, e sopra la piattaforma posteriore del veicolo collettivo di linea S vedo il giovinotto : collo non certo corto, cappello con cordicella intrecciata. Egli apostrofa il vicino dicendo che gli pesta i piedi ad ogni fermata e ad ogni discesa di passeggero. Poi si calma, tace, e va a prendere il posto che si è appena appena liberato.

Non molto tempo dopo lo rivedo alla stazione Saint-Lazare, che parla con un altro amico della stessa pasta, che gli consiglia di far risalire il bottone del soprabito.31

32 L’exercice de traduction est louable, et les cinq lipogrammes sont la meilleure réponse à un lipogramme en une seule voyelle. Mais observons l’exercice quenien de plus près.

S’agit-il, comme l’affirme Eco, d’un lipogramme en e ? « il bondit sur un banc et s’assoit sur un strapontin ». La critique s’accorde à dire que le maintien de la conjonction « et » est conscient de la part de l’auteur. Ce sont les raisons qui divergent. On pense d’abord qu’il s’agit d’un hommage au titre de la contrainte32, mais dans ce cas, la contrainte elle- même n’est pas respectée. Pour quelle raison, autre que le clin d’œil, Queneau a-t-il maintenu cette conjonction de coordination qu’il aurait pu éviter ? Selon Bartezzaghi, la réponse serait à trouver dans le clinamen ; mais le clinamen est un écart à une règle d’écriture pour satisfaire, justement, à la contrainte proposée. En fait Emmanuël Souchier fait remarquer que le lipogramme n’est pas en e, mais en j, k w et z : tout en respectant virtuellement la contrainte classique du lipogramme en « e » (vu que la seule lettre présente peut être facilement évitée), Queneau réussit aussi à faire un lipogramme en quatre lettres. Eco a donc fait fausse route.

33 C’est d’autant plus frappant dans « Translation », qui est un exemple de méthode lescurienne33. Face à un tel texte, deux approches de traduction sont possibles : soit partir d’un texte-base et procéder à la même transformation mathématique, soit traduire le résultat, dont l’incongruité sémantique reste intacte. Qu’a fait Eco ?

« Translation » « Sostituzione »

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Dans l’Y, en un hexagone d’affouragement. Un typhon dans les trente-deux anacardiers, chapellerie modeste avec coréopsis remplaçant la rubellite, couchette trop longue comme si on lui avait tiré dessus. Les gentillesses descendent. Le typhon en quêteur s’irrite contre un voiturier. Il lui reproche de le bousculer chaque fois qu’il passe quelqu’un, tondeur pleurnichard qui se veut méchant. Comme il voit une placette libre, se précipite dessus.

Huit hexagones plus loin, je le rencontre dans la courbe de Roncq, devant la gargouille de Saint-Dizier.

Il est avec un cambreur qui lui dit : « Tu devrais faire mettre un bouton-pression supplémentaire à ton pare-chocs. » Il lui montre où (à l’échantillon) et pourquoi.

Sul battello della linea Z, in un poligono di tiro, un tifone di almeno ventisei anacardi, con una poma dal corimbo al posto del viticcio, accarezza un entomologo che gli avrebbe macinato i coleotteri. Come poi vede un imbuto libero vi si getta dentro.

Otto poligoni più tardi, a place de la Concorde, rieccolo con un giocatore d’azzardo che gli dice : « Dovresi mettere una bottiglia supplementare al tuo paraurti ». Gli mostra dove, e cioè sullo stipite, e gli dice perché.34

34 Rappelons que « Translation » est un S + 6 à partir de « Notations ». Les mots ne sont pas choisis par l’auteur qui ne recherche aucun sens particulier – après, si a posteriori on retrouve un sens au texte d’arrivée, c’est là que se trouve le ressort comique de l’exercice.

Mais si le choix des mots ne dépend pas de l’auteur, il ne dépend pas non plus d’un coup de dés : le système de permutations est rigoureux.

35 Face au texte italien, il est permis de s’interroger sur la manière dont a procédé Eco.

Certains mots, comme « typhon », « anacardier » et « pare-choc », sont restés les mêmes,

« hexagone » est devenu un « polygone ». Les substantifs ne sont pas les seuls à avoir subi de modification, mais certains verbes y sont passés aussi : « accarezza » (« caresse ») et

« macinato » (« moulu »). Le texte ne suit manifestement pas une quelconque méthode lescurienne, étant donné que les substantifs ne sont pas le produit d’une translation constante. Reste à supposer qu’Eco a suivi sa propre imagination en ignorant la contrainte.

36 En effet, une variation en M ± n présente un intérêt de traduction dans la mesure où l’on peut soit traduire le résultat de la contrainte, soit reproduire la contrainte du texte, qui, du fait de l’indice dans la lettre de l’autobus, n’était pas difficile à déceler. Ici, ni l’un ni l’autre : le traducteur a gardé ce qui lui plaisait et changé le reste à sa sauce, en créant même une cohérence dans le champ lexical qui n’avait pas nécessairement lieu d’être. Il s’agit donc ici d’un faux pas de la part du traducteur qui avait pourtant fait le bon choix en composant a priori un texte-base pour ce genre d’exercices.

37 Il est permis de s’interroger sur la justesse de ce que le volume d’Einaudi des Esercizi di stile annonce quand il est question de « traduction ». À la lumière de ce que nous avons observé, il serait plus pertinent de parler de « version » – comme l’ont précisé Ruggero Campagnoli et Yves Hersant quand ils ont traduit en italien la première œuvre collective de l’Oulipo – voire d’« édition », dans la mesure où Eco ne s’est pas contenté de rendre accessible le texte d’origine en Italie, mais bien de le proposer sous une forme différente.

38 Quoi qu’il en soit, et malgré les quelques faux pas du sémioticien, les Esercizi di stile constituent une version italienne réussie de l’œuvre de Queneau, et non moins légitime que si Eco s’était cantonné au texte-source. Car ce n’est pas tant la lettre des Exercices de

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style qui constitue l’œuvre en soi –nonobstant la qualité du style de Queneau –, que la variation sur celle-ci.

39 C’est pourquoi les Exercices de style doivent être plus réécrits que traduits, parce qu’ils désignent un mythe. Mythe que nous pourrions appeler « l’incident de l’autobus » ou « le jeune homme au long cou », et dont la constante réinterprétation souligne l’universalité – et la potentialité – de l’anecdote.

40 Enfin, les Exercices (et les Esercizi) mettent en lumière le rôle du traducteur qui n’est pas un simple passeur, mais bien un auteur chargé de la réélaboration, de la reconstruction d’un texte dont les pièces ne peuvent tenir à la même place. La traduction n’est pas un miroir du texte d’origine – ni même un miroir déformant, comme on pourrait le penser – mais un portrait de ce dernier : certains traits peuvent être grossis, d’autres gommés, et face au même sujet chaque peintre proposera une toile bien différente.

NOTES

1. Ann Daphné GRIEVE, « FRANKEINSTEIN », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 octobre 2014. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/frankenstein/.

2. L’Ouvroir de Littérature Potentielle (Oulipo) a été cofondé par Raymond Queneau et François Le Lionnais en 1960. Le travail proposé par le groupe est d’explorer les potentialités de la littérature, c’est-à-dire aussi bien les formes littéraires inexplorées – parfois insoupçonnées –, que la redécouverte, par la réécriture ou la transformation, de ce qu’un auteur n’a pas encore pensé faire dire à son œuvre. L’Oulipo se base sur des règles scientifiques, le plus souvent mathématiques, et compose selon diverses contraintes.

3. Emmanuel SOUCHIER, Archéologie de l’Oulipo en Exercices chez Queneau pour une approche communicationnelle du fait littéraire , dans La Licorne, n° 100, 50 ans d’Oulipo : de la contrainte à l’œuvre, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 52.

4. François LE LIONNAIS, La Lipo (premier manifeste), dans OULIPO, La littérature potentielle (créations re- créations récréations), Paris, Gallimard, 1973, p. 19-22.

5. Notons toutefois que certains critiques considèrent l’anoulipisme comme étant simplement la tendance encyclopédique de l’Oulipo : le groupe se propose en effet de rechercher dans l’Histoire littéraire tous les auteurs qui ont pratiqué la littérature potentielle sans que la discipline soit institutionnalisée. On parle dans ce cas de « plagiaires par anticipation ». Pour ce qui nous concerne, nous avons intégré dans « anoulipisme » le travail sur un texte pour en actualiser des possibilités ignorées par son auteur, afin d’opérer une distinction entre deux types de textes oulipiens, ce qui nous sera utile dans notre développement.

6. Selon la classification de Genette, un oulipisme est un texte partageant des caractéristiques avec la littérature potentielle, tandis qu’un oulipème est un texte produit en rapport avec l’Oulipo. Cf. Gérard GENETTE, Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982.

7. Le langage étant une manière d’employer la langue en question selon le milieu social, professionnel, culturel, etc. Le langage parlé est différent du langage écrit ; le langage philosophique du langage poétique, à leur tour divisibles en différents langages selon l’auteur.

8. Roman JAKOBSON, Aspects linguistiques de la traduction, dans Essais de linguistique générale, trad.

Ruwet, Nicolas, Paris, Minuit, 1963.

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9. Terme à entendre dans son sens étymologique, rattaché à « vulgus », le peuple.

10. L’édition de 1947 reprend la version originale du texte accompagnée d’illustrations ; toute une série de changements est opérée dans l’édition de 1963, notamment la suppression ou le remplacement de certains exercices dans le but de gommer les affleurements historiques et autobiographiques présents dans la première édition.

11. Umberto ECO, « Introduzione », dans Raymond QUENEAU, Esercizi di stile, trad. UmbertoEco, Turin, Einaudi, 2008, p. VII. Nous traduisons ; il en va de même pour les autres citations issues de cette « Introduzione ».

12. Raymond QUENEAU, Exercices de style, Paris, Gallimard, 1963, p. 61.

13. Umberto ECO, op. cit., p. VII.

14. Ibidem, p. VIII-IX.

15. Ibidem, p. X.

16. Ibidem.

17. Umberto ECO, Dire quasi la stessa cosa : esperienze di traduzione, Milano, Bompiani, 2003, p. 300.

18. Exercice dans lequel le narrateur hésite à chaque étape du récit en se proposant plusieurs solutions absurdes avant de trouver le bon mot.

19. Umberto ECO, « Introduzione », op. cit., p. XVI-XVII.

20. Eliana VICARI, dont la thèse C’est en traduisant qu’on devient traduiseron, soutenue le 19 décembre 2013 à l’université Paris Ouest Nanterre, est en cours de publication.

21. C’est d’ailleurs une des composantes essentielles de la rhétorique depuis la Grèce antique : l’

ethos, la prise en compte de celui qui écoute.

22. « Queneau avait tenté une expérience quand le jeu était inédit, alors que comme on le sait, les courses améliorent les races, et qu’après que quelqu’un a battu un record, on peut en tenter un autre », Umberto ECO, « Introduzione », op. cit., p. XVII. Nous traduisons. Ajoutons que notre découpage de l’œuvre correspond sur certains points à celui d’Eco, mais qu’en certains cas, nous rangeons sous « Culturel » ce que le traducteur considère comme un « Défi ».

23. Cf. Anna PALICZKA, Traduction est un jeu d’oulipien ou sur le caractère ludique et oulipique de la traduction, dans Romanica Silesiana, n° 4, 2009, p. 213-230.

24. « Disons que Queneau a inventé un jeu et en a explicité les règles au cours d’une partie, splendidement jouée en 1947. Fidélité voulait dire comprendre les règles du jeu, les respecter, et puis jouer une nouvelle partie avec le même nombre de mouvements », ibidem, p. XIX.

25. On voit dans la version italienne certaines modifications, comme « di buona mattina » (« de bon matin » ; alors que l’anecdote se passe invariablement « un jour vers midi » dans le reste du recueil) afin d’obtenir la contrepèterie « di mona battina », mona étant un régionalisme qui se traduirait par « con ».

26. Figure qui consiste à finir chaque mot par la même syllabe.

27. Figure qui consiste à commencer chaque mot par la même syllabe.

28. Le lipogramme consiste à écrire un texte en évitant d’utiliser une ou plusieurs lettres.

29. Umberto ECO, « Introduzione », op. cit., p. XVIII.

30. Raymond QUENEAU, Exercices de style, op. cit., p. 111.

31. ID., Esercizi di stile, trad. Umberto Eco, op. cit., p. 163.

32. Cf. Aina LÓPEZ MONTAGUT, Sur les Exercices de style de Raymond Queneau, dans Monique GÜELL, (dir.), Les traductions vieillissent-elles ?, Bulletin Hispanique, 115, n° 2, décembre 2013, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2013, p. 702.

33. La méthode lescurienne (due à l’oulipien Jean Lescure), ou M ± n, est une technique de transformation d’un texte qui consiste à prendre chaque mot donné (substantif, adjectif, etc.) et de le remplacer par le nième mot qui le suit ou le précède dans le dictionnaire.

34. Raymond QUENEAU, Esercizi di stile, trad. Umberto Eco, op. cit., p. 167.

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RÉSUMÉS

Nous nous proposons ici d’explorer les notions de mythe et de réécriture en les mettant en relation avec la littérature potentielle et la traduction. Ces deux derniers concepts entretienent un rapport étroit : alors que la traduction est l’art d’explorer les potentialités d’un texte existant, la littérature potentielle est un lieu propice à la traduction d’un langage ou d’un genre à un autre.

Dès lors, une œuvre comme les Exercices de style, traduite en italien par Umberto Eco ne peut passer inaperçue : par leur constante réécriture et/ou traduction, les Exercices en viennent à créer à leur tour leur propre mythe.

Proponiamo qui di esplorare le nozioni di mito e riscrittura mettendole in relazione con la letteratura potenziale e la traduzione. Questi ultimi due concetti sono strettamente legati : mentre la traduzione è l’arte di esplorare le potenzialità di un testo già esistente, la letteratura potenziale è un luogo propizio alla traduzione da un linguaggio o da un genere ad un altro. Perciò non può essere trascurata un’opera come gli Exercices de style, tradotta in italiano da Umberto Eco : per la loro costante riscrittura e/o traduzione, gli Esercizi vengono a creare a loro volta un mito proprio.

INDEX

Mots-clés : traduction, Oulipo, Queneau (Raymond), Eco (Umberto), littérature potentielle Index géographique : Italie, France

Parole chiave : traduzione, letteratura potenziale Index chronologique : XXe

AUTEUR

MARTIN RINGOT ENS LSH Lyon

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