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Analyse structurelle des systèmes hydriques urbains en Europe : aspects organisationnels et défis patrimoniaux

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Academic year: 2021

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(1)

HAL Id: hal-01079092

https://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-01079092

Submitted on 31 Oct 2014

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Analyse structurelle des systèmes hydriques urbains en Europe : aspects organisationnels et défis patrimoniaux

Thomas Bolognesi

To cite this version:

Thomas Bolognesi. Analyse structurelle des systèmes hydriques urbains en Europe : aspects organi- sationnels et défis patrimoniaux. Revue d’économie industrielle , Éd. techniques et économiques ; De Boeck Université, 2014, 3 (147), pp.51-86. �hal-01079092�

(2)

Analyse structurelle des systèmes hydriques urbains en Europe:

Aspects organisationnels et défis patrimoniaux

Janvier 2013 Thomas Bolognesi PACTE-EDDEN UPMF-CNRS

Université de Genève – Institut des sciences de l’environnement, groupe POLET +41.22.379.08.14

Thomas.Bolognesi@unige.ch

Mots-clés : Économie institutionnelle ; Soutenabilité ; Gestion de l’eau ; Europe ; Ville Classification JEL : Q01 ; Q25 ; R11 ; O18

Cet article présente une analyse des déséquilibres à l’œuvre dans le secteur des eaux urbaines. Le processus de gouvernance influe significativement sur la dynamique du secteur, en particulier durant la phase de modernisation qu’il poursuit. Nous proposons alors une grille d’analyse rendant compte des interactions entre les composantes économique et institutionnelle au sein du secteur. Le système hydrique urbain (SHU) offre un aperçu élargi du secteur hydrique urbain et son application au cas des villes européennes abouti à des résultats originaux. L’article expose le cadre analytique puis présente des résultats empiriques afférant à l’infrastructure et à la soutenabilité des systèmes hydriques urbains en Europe.

This paper analyses imbalances of the European urban water sectors. The governance

process significantly affects the dynamic of the sector, especially during the current

modernization. Thus we propose an original framework taking into account economic and

institutional interactions of the sector. The urban water system (UWS) provides a global

insight of the urban water sector and its application to European cities gives some original

results. The paper sets out the framework then we presents empirical results focus on utilities

and on sustainability.

(3)

2 En conséquence de la dégradation de la qualité de la ressource et du patrimoine technique, la gestion de l’eau dans les villes européennes est actuellement insatisfaisante (WWF, 2006 ; Gerber et al., 2009).

Ce constat global d’échec dans la gouvernance hydrique urbaine en Europe sert de point de départ aux chercheurs qui se focalisent alors sur les moyens d’améliorer l’efficacité des politiques publiques. À ce titre, les questions de la tarification (Olmstead et al., 2007 ; Neverre et al., 2010) , de la participation (Borowski et al., 2008 ; Pahl-Wostl et al., 2010) ou des indicateurs statistiques (Bagheri et Hjorth, 2007 ; Palme et Tillman, 2009) sont particulièrement abordées. Mais, paradoxalement, cet intérêt des chercheurs pour la formulation de recommandations tend à évincer l’analyse de la nature même des dysfonctionnements à l’œuvre. Pour illustration, les données sur la gestion de l’eau en Europe sont relativement rares et difficilement comparables d’un pays à l’autre. Il en découle des lacunes dans la compréhension de l’objet et donc une réduction de la fiabilité des résultats prospectifs. Ces zones d’ombre de la connaissance freinent les politiques publiques dans la mise en œuvre d’une gestion soutenable (Barraqué, 2006). En amont de l’analyse du processus de gouvernance, l’enjeu réside donc également dans l’analyse des déséquilibres auxquels fait face la gestion de l’eau urbaine dans l’Europe des quinze.

Cet article s’inscrit dans ce dernier axe de recherche et construit une grille d’analyse originale, bâtie sur la notion de système hydrique urbain (SHU), afin de permettre la caractérisation de l’état de la gestion de l’eau dans les villes. Le SHU, en tant que grille descriptive, s’inscrit dans une perspective néoinstitutionnaliste (North, 1990 ; Ostrom, 1990 ; Saleth et Dinar, 2004). Il est défini comme une articulation dynamique entre les acteurs d’un cycle hydrique urbain et les institutions les coordonnant. La notion a été construite à partir de l’observation de la gestion de l’eau dans les villes européennes. L’apport de cette grille réside dans une représentation fine du fonctionnement du système en prenant soin de séparer les différents éléments internes. Dès lors, elle distingue les sources potentielles de dysfonctionnements et, si le cas des villes européennes illustre ici une utilisation possible, cette grille peut s’adapter à une variété de terrains.

La mise en œuvre de l’approche proposée procède selon une méthodologie transversale et la comparaison se cantonne à la zone infra-européenne, en particulier aux trois modèles de gestion européens (allemand, anglais et français) identifiés dans la littérature (Barraqué, 1995 ; Correia, 1998 ; Allouche et al., 2008 ; Ménard et Peeroo, 2011). La démarche adoptée confronte les composantes d’un SHU à des critères de durabilité.

L’avantage de cette démarche est double. D’abord, elle est reproductible à d’autres SHU que les seuls européens. Ensuite, par rapport à la littérature existante (Barraqué, 1993, 2005 ; Gerber et al., 2009), elle produit une information nouvelle en distinguant les différents dysfonctionnements des SHU en Europe (SHUE), et surtout en isolant leurs sources.

L’article s’organise autour de trois sections. La première présente la grille d’analyse.

Ensuite, la grille est appliquée au cas des SHUE afin de caractériser leur organisation puis d’appréhender la question du renouvellement patrimonial.

1 L

E SYSTEME HYDRIQUE URBAIN

:

UNE GRILLE D

ANALYSE INSTITUTIONNALISTE DE LA GESTION DES EAUX URBAINES

La construction du SHU s’appuie sur une conception néoinstitutionnaliste des

systèmes sociaux et réfère notamment au concept d’encastrement institutionnel. Ensuite, la

spécification des composantes d’un SHU passe par l’intégration des caractéristiques du

secteur hydrique urbain.

(4)

3 1.1 P

ERSPECTIVE NEOINSTITUTIONNALISTE

:

ONTOLOGIE ET JUSTIFICATION

La nouvelle économie institutionnaliste propose un ensemble de notions et concepts pertinents pour aborder notre question de recherche. D’abord, grâce à la conception prioritairement formelle des institutions et à la perception de l’existence de l’institution comme une réponse à un problème d’action collective, l’ontologie néoinstitutionnaliste permet d’analyser la gouvernance de l’eau dans les villes européennes. Les néoinstitutionnalistes définissent les institutions comme un ensemble de règles formelles et informelles et s’attellent principalement à l’étude des règles formelles. Cette focalisation sur la règle écrite permet de capter l’essentiel des facteurs motivant et encadrant les choix des acteurs intervenant dans le cycle hydrique urbain. En effet, la base de données des profils institutionnels construite par l’AFD montre le haut degré de formalisation des systèmes de régulations sociaux dans les pays européens (Meisel, Ould Aoudia, 2007). Dès lors, une analyse institutionnaliste des phénomènes sociaux de cette région gagne en pertinence si elle développe une réflexion sur les règles formelles. Ensuite, les institutions apparaissent par fonctionnalisme. L’activité économique engendre des problèmes d’action collective, comme les défaillances de marché par exemple, que les institutions tentent de résoudre. Ainsi, nous interprétons les SHU en termes de relations coordonnées par des institutions dont l’efficacité varie.

L’ontologie néoinstitutionnaliste amène à considérer l’organisation des SHU européens par l’intermédiaire de l’individu et ce faisant la rationalité, tout comme le calcul stratégique, occupe une place centrale. Cependant, les aspects culturels non expliqués par la théorie ne sont pas oubliés. En effet, leur existence est considérée et le système les incorpore sous forme de variables exogènes. Au-delà de cette vision de la réalité, c’est notre question de recherche qui nous pousse à adopter une démarche d’obédience néoinstitutionnaliste.

D’abord, la NEI comporte une visée universaliste, elle repère les régularités puis les extrapole afin de proposer des lois, des mécanismes normaux ou des schémas types (Théret, 2000 ; Nielsen, 2001). La visée universaliste de la NEI conduit à employer une unité d’analyse commune afin de ne pas discriminer les systèmes a priori. Cette unité, la transaction et ses coûts, permet une comparaison des SHU à partir d’une même échelle ; la mise à plat opérée facilite le rapprochement entre les causalités et les résultats identifiés. De la sorte, les résultats sont généralisables car chaque cas représente une variation d’une forme générique.

La méthodologie néoinstitutionnaliste analyse un système au sein d’un encastrement de quatre niveaux institutionnels (Williamson, 2000). Ces niveaux se distinguent à partir de leur rythme de changement, du plus lent au plus rapide et chaque niveau contraint le niveau inférieur (Tableau 1). Le premier niveau regroupe les dimensions informelles, les théories sociales le saisissent. L’environnement institutionnel se situe au deuxième niveau et l’économie des droits de propriété ainsi que les théories politiques positives l’appréhendent.

La structure de gouvernance constitue le troisième niveau et s’analyse au moyen de l’économie des coûts de transaction. Enfin, le quatrième niveau relève de l’allocation des marchés, évolue en permanence et fait l’objet de l’économie néoclassique. La NEI traite les trois premiers niveaux et leurs interactions. La méthode néoinstitutionnaliste part des individus puis remonte vers les objets collectifs, elle procède à rebours de la dynamique de l’encastrement institutionnel. Ainsi, l’analyse du niveau 3 vient avant celle du niveau 2, etc.

Cette méthode s’explique par un souci de pragmatisme, le plus proche est traité avant le plus

général.

(5)

4

Niveau Fréquence Théorie pertinente

Niveau 1 : Institutions informelles, coutumes, traditions, normes religieuses, etc.

100 à 1 000 ans Théorie sociale

Niveau 2 : Environnement institutionnel : droits de propriété, institutions politiques, etc.

10 à 100 ans Économie des droits de propriété, théorie politique positive

Niveau 3 : Gouvernance : structure de gouvernance, transactions, contrats, etc.

1 à 10 ans Économie des coûts de

transaction Niveau 4 : Allocation des ressources

et emploi : prix, quantités, incitations, etc.

Continu Économie néoclassique,

Théorie de l’agence

Source : Traduit de Williamson, 2000, p. 597.

1.2 D

EFINITION ET COMPOSITION D

UN SYSTEME HYDRIQUE URBAIN

Le SHU s’inscrit dans cette perspective néoinstitutionnaliste et sa construction s’appuie sur l’observation du secteur hydrique urbain. Un SHU comprend deux volets en interaction, les acteurs et les institutions (Schéma 1). Le premier volet, le cycle hydrique urbain, regroupe les acteurs du système et le second volet, les institutions de l’eau, représente l’ensemble des différents niveaux institutionnels agissant sur la gestion du secteur. Le cycle hydrique urbain est le processus de déviation de l’eau du cycle hydrique naturel, ou grand cycle de l’eau, ambitionnant la satisfaction des usages urbains en eau. Une phase d’approvisionnement (prélèvement, traitement, distribution) et une phase de collecte et traitement (eaux pluviales, assainissement) décomposent ce processus de déviation (Mailhot et Duchesne, 2005). Ce processus contient une dimension technique (les modalités de la fournitures) et correspond à l’offre de service visant à satisfaire les quatre types d’usages hydriques urbains : domestique, industriel, administratif et récréatif (Butler et Parkinson, 1997 ; Maksimovic et al., 2001).

Les institutions de l’eau régulent les comportements des acteurs du cycle hydrique urbain. Nous considérons comme « institutions de l’eau » l’ensemble des « règles qui définissent les situations d’action, délimitent l’éventail des actions possibles, fournissent les incitations et déterminent les résultats des décisions individuelles et collectives dans un contexte de développement, allocation, usage et gestion de l’eau » (Saleth, 2006). Référant aux travaux de Williamson (1985 ; 2000), les institutions de l’eau se composent d’un environnement institutionnel dans lequel s’imbriquent différentes structures institutionnelles.

Au sein de l’environnement institutionnel nous distinguons les caractéristiques territoriales (usages des sols, état de la ressource, etc.) des caractéristiques socio-économiques (système légal, développement, etc.). Trois formes génériques de structure institutionnelle coexistent : légale, politique et organisationnelle. Elles sont propres au secteur de l’eau et au SHU étudié.

De plus, elles pilotent directement le cycle hydrique urbain (normes, répartition des responsabilités, modalités de financement, etc.).

Tableau 1 : L’encastrement institutionnel dans la nouvelle économie institutionnaliste

(6)

5

Source : construction de l’auteur.

Ainsi, l’état de la gestion de l’eau dans les villes est le fruit de l’interaction entre les institutions de l’eau, d’une part, et les acteurs du cycle hydrique urbain, d’autre part. Nous retrouvons l’encastrement institutionnel identifié de manière générique par Williamson (Schéma 2). Les institutions de l’eau contraignent et régulent le cycle hydrique urbain parce que celui-ci pose des problèmes de coordination collective. Au sein même de ces institutions, les structures institutionnelles, sectorielles et spécifiques au SHU, s’insèrent dans un environnement institutionnel qui contribue à les modeler. De la sorte les institutions permettent d’offrir des solutions aux problèmes de coordination que connaissent les acteurs du cycle hydrique urbain. Les acteurs, offreurs et usagers interagissent durant l’échange des services hydriques urbains mais ils interagissent également avec le volet institutionnel. Par exemple, la dimension territoriale de l’environnement institutionnel donne la disponibilité de la ressource et, face aux attentes des acteurs, le thème de la sécurité hydrique apparait (Cook et Bakker, 2012 ; Bogardi et al., 2012). L’environnement institutionnel agit donc sur les acteurs comme une contrainte mais ces derniers peuvent, sur le long terme, infléchir sur cet environnement institutionnel.

Tout dysfonctionnement du SHU provient soit de la statique soit de la dynamique du système. Dans le premier cas, le problème est interne aux composantes du SHU. Une

Schéma 1 : Architecture d’un système hydrique urbain

SYSTEME HYDRIQUE URBAIN

Cycle hydrique urbain Institutions de l’eau

Processus de déviation

Environnement institutionnel

Structures institutionnelles

Appro. : - prélèvements - traitement

Collecte et traitement : - pluie

- assainissement Collecte Traitement Rejet

Domestiques

Récréatifs Industriels Administratifs

Territoire : - sols - ressources

Socio- économique : - développement - système légal - système pol.

- démographie

Organisationnelle : - struct. administrative - col. taxes/redevances - couches de gouv.

- capacité technique Politique :

- privatisation - recouv. des coûts - priorité d’usage - sélection de projet - transferts

-Déconcentration Légale :

- Droit

- responsabilité - résolution de conflits - responsabilité - espace pour participation privée Usages

urbains

(7)

6 modification de l’environnement institutionnel peut produire un choc exogène déstabilisant le bon fonctionnement du SHU (Saleth, Dinar, 2000). Un choc macro-économique, la ratification d’un accord international ou l’émergence d’un problème environnemental participent de ce type de choc. Par ailleurs, un mauvais fonctionnement interne, par exemple une administration trop lourde, ou un problème de coordination, illustré par une contradiction entre des politiques publiques et les droits de propriété, contribuent à créer des défaillances au sein de la structure institutionnelle, conduisant ainsi au dysfonctionnement du SHU. Enfin, les dysfonctionnements issus du cycle hydrique urbain sont de nature comportementale, notamment à cause de la rationalité limitée, ou technique, ne permettant alors pas la bonne marche des infrastructures.

L’observation des relations entre les composantes permet de repérer les

dysfonctionnements dus à la dynamique du SHU. Les problèmes émanant du lien entre

l’environnement institutionnel et la structure institutionnelle ou les acteurs du cycle hydrique

urbain provoquent une inadéquation entre ces composantes. Cette inadéquation apparait

inévitable suite à un choc exogène important produit par l’environnement institutionnel. En

effet, après un tel choc, les structures ou les acteurs doivent s’adapter au nouveau cadre. Ce

processus génère un dysfonctionnement frictionnel du SHU. Le temps de transposition de la

directive cadre sur l’eau dans le droit national puis l’adéquation du contenu des SAGE avec

celle-ci illustrent cette difficulté en France. La prise en compte par les politiques publiques

d’une dégradation de l’environnement offre un autre exemple (temps de prise en compte, de

policy making, etc.).

(8)

7

Source : Construction de l’auteur.

Schéma 2 : Organisation d’un système hydrique urbain

Domestique

Industriel

Administratif

Récréatif

Usage

Approvisionnement

Assainissement

Processus de déviation

Territorial Socio-économique

Environnement institutionnel

Légale Politique Organisationnelle

Structures institutionnelles

Gouvernance Développement

Préférences Stratégie

Cycle hydrique urbain

Institutions de l’eau

(9)

8 Le lien entre la structure institutionnelle et les acteurs peut également occasionner des dysfonctionnements du SHU. Ce lien représente la capacité des structures institutionnelles à infléchir le comportement des acteurs. Il fait défaut lorsque les règles sont inadaptées. Les difficultés de mise en œuvre et de contrôle des règles ainsi que la faible puissance incitative reflètent une faiblesse dans ce lien (Ostrom, 1990). Ces problèmes dans la mise en application des règles peuvent freiner l’investissement et le renouvellement des infrastructures. En effet, une mauvaise mise en application accroit le climat d’incertitude et freine la compréhension et l’assimilation des règles du jeu. Une faible capacité de contrôle peut engendrer des processus d’appropriation abusifs, menant à une surexploitation de la ressource par exemple.

L’ensemble de ces difficultés pose la question des modalités d’application de la règle. Qui produit la règle, la met en place et veille à son respect ? Ces interrogations invitent également à mener une analyse en terme de coûts de transaction afin d’entrevoir les incitations proposées par les règles et donc leur efficacité à orienter les comportements (Williamson, 2000).

Nous venons de présenter la méthodologie d’ensemble de la recherche qui consiste à décomposer la gestion de l’eau dans les villes via la notion de SHU pour ensuite distinguer et isoler les sources de dysfonctionnement dans la perspective d’un objectif donné, ici la soutenabilité patrimoniale. La section suivante applique cette démarche aux villes européennes.

2 A

NALYSE DE L

ORGANISATION DES

SHU

EN

E

UROPE

:

VARIATIONS AUTOUR D

UN MODELE EUROPEEN

Cette caractérisation procède en trois temps, chacun dédié à une composante d’un SHU. Ainsi, nous abordons d’abord le cycle hydrique urbain, puis l’environnement institutionnel et enfin les structures de gouvernance des SHU européens.

2.1 C

OMPARAISON INTERNATIONALE DES PRIX ET CONSOMMATIONS DU CYCLE HYDRIQUE URBAIN

Le prix, le volume et la qualité du service et des usages caractérisent l’échange au sein d’un cycle hydrique urbain. La notion de demande en eau transpose en termes économiques celle d’usage de l’eau (Gleick, 2003). Deux acceptions de la demande se côtoient. La première, traditionnelle, regroupe les demandes en approvisionnement et en collecte/traitement des eaux. La seconde, plus large, renvoie aux volumes prélevés et restitués au système de ressource.

L’estimation traditionnelle s’avère difficile à réaliser du fait de mesures non systématiques. Par exemple dans les SHUE, et en Angleterre notamment, de nombreux ménages ne sont pas connectés à un compteur. De plus, à cause d’un prix d’installation élevé, de nombreux nouveaux ménages ne souhaitent pas se procurer de compteur (ABS, 2010). Par conséquent, au niveau global, la conception élargie de la demande se mesure plus facilement.

De surcroît, l’écart estimé entre la consommation totale nette et le prélèvement d'eau varie de 5 à 15 % dans les zones urbaines, ce qui fait de la demande élargie un bon proxy (Aquastat

1

).

Ainsi, afin de rendre compte du volume des usages urbains d’eau, nous observons les volumes prélevés par la demande urbaine en eau

2

.

1 Cette estimation est issue de la méthodologie de construction de la base de données Aquastat, pour ce chiffre en particulier voir :

http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/glossary/search.html?termId=4251&submitBtn=s&cls=yes, consulté le 05-11-2013.

2 Malgré cela, la collecte et l’interprétation de données restent difficiles. « En comparaison avec les données sur le cycle hydrologique, comme les précipitations, l’écoulement et la température, les données sur les usages de l’eau sont insuffisantes et incomplètes, de plus les pressions conduisant à réduire la collection de données pour des raisons financières sont de plus en plus fortes » (Gleick, 2003, p. 281).

(10)

9 Gleick (2003) dénombre quatre principales difficultés d’accès à des données fiables.

D’abord, la collecte systématique de données demeure rare. La plupart des données traitent de l’état hydrologique de la ressource et non des usages satisfaits. Ensuite, une partie des usages ou besoins n’est pas mesurée ou pas quantifiable. Par exemple, l’évaluation des usages récréatifs ou des services écosystémiques rencontre de sérieux problèmes méthodologiques et pratiques. Troisième difficulté, il existe une forte disparité régionale de la qualité et de la quantité des données. Enfin, de nombreuses données sont estimées plutôt que mesurées.

Ajoutons à cette liste que la présente analyse se confronte également à un problème de comparabilité. En effet, nous souhaitons comparer différentes villes du monde, or il n’existe pas une harmonisation des définitions et modalités de calculs entre les différents indicateurs qui nous intéressent. Afin de composer au mieux avec ces difficultés, seuls les travaux de M.

Falkenmark et J. Rockström (2004) et la base de données Aquastat sont mobilisés. L’étude pionnière de M. Falkenmark et J. Rockström pose des bases méthodologiques de la comparaison internationale des usages de l’eau. La base de données Aquastat de la FAO est la seule recensant les volumes de prélèvement urbain dans les différents pays du monde jusqu’à aujourd’hui.

Falkenmark et Rockström (2004) montrent la place intermédiaire de l’Europe sur une échelle mondiale des niveaux de consommation en eau (hors agriculture). Selon leurs données, la consommation d’eau des SHUE n’apparait pas très élevée en moyenne et équivaut per capita au deux tiers de la consommation américaine en 2000. Ainsi, les européens figurent parmi les pays développés comme des consommateurs d’eau raisonnés. Les données récentes collectées au sein de la base de données Aquastat confirment ce premier constat.

Elles mesurent le volume total d'eau prélevé par le réseau public de distribution, ce qui peut inclure la partie des utilisateurs industriels qui sont raccordés au réseau communal. Sauf pour l’Australie où elles datent de 2000, ces valeurs des prélèvements d’eau au niveau urbain ont été réunies au cours de l’enquête 2007-2009 de la FAO. Il apparait que les pays d’Amérique du nord prélèvent plus de 200 m

3

/hab/an alors que la moyenne européenne oscille autour de 100 m

3

/hab/an, soit moins de la moitié des prélèvements américains.

La principale difficulté dans la comparaison internationale des prix de l’eau réside dans le fait que ceux ne se composent pas systématiquement de la même manière : taxes, process payés, part variable ou fixe changeantes, etc. (Fauquert, 2007 ; Fauquert, Montginoul, 2011). De plus, le mode contractuel organisant le processus de déviation impacte sur la structure des prix (Saussier et al., 2004). L’OCDE (2010) évalue les prix du service urbain d’approvisionnement et d’assainissement de l’eau appliqués aux ménages des pays développés. Comme dans le cas des volumes, la comparabilité internationale pose problème.

Ainsi, l’étude contient sept méthodes différentes de calcul, hormis les différents taux de change en parité de pouvoir d’achat du dollar retenus. Pour trois raisons, notre analyse la mobilise tout de même. D’abord, parmi les études accessibles à ce jour, il s’agit de la plus complète quant au nombre de pays pris en compte. Ensuite, le suivi historique s’étale sur dix ans et remonte presque au début de la dernière vague de réforme réglementaire connue par les SHUE. Enfin, les auteurs ont conscience de ces difficultés ; ils discutent et rendent compte des paramètres limitant la comparabilité des estimations pour enfin retraiter les données afin d’autoriser une comparaison internationale rigoureuse

3

.

3 Les données retenues sont exposées à partir de la page 109. La méthode utilisée pour mener l’enquête et analyser les données reconnaît que (OCDE, 2010, p. 36) : « les données sur la tarification, le coût et d’autres aspects des services liés à l’eau ont fondamentalement un caractère local, de sorte que toute agrégation ou tout calcul de moyenne entraîne une perte d’information […] les choix en matière d’échantillonnage et d’agrégation ont une incidence sur les valeurs nationales […] la plus grande prudence est donc de mise lors de la comparaison de ces variables entre pays ».

(11)

10 À nouveau, la moyenne des pays européens se détache de celle des pays d’Amérique.

Les données indiquent que le prix du m

3

d’eau facturé en Amérique avoisine le dollar. En Europe, seuls les pays méditerranéens se situent dans cet alentour. Pour les autres, le prix du m

3

dépasse les deux dollars, allant jusqu’à 8,61 dollars au Danemark. Ainsi, s’élevant à 2,76

$/m

3

le prix moyen de l’eau en Europe vaut presque le triple de celui du marché américain.

L’observation des coûts totaux (approvisionnement et assainissement) délivre le même enseignement. En effet, le prix moyen du m

3

américain, environ deux dollars, vaut la moitié de celui distribué en Europe, environ 3,5 dollars. À nouveau, les pays méditerranéens compensent le prix plus élevé en Europe du Nord en tirant la moyenne vers le bas. Ainsi, l’OCDE (2010, p. 50) note que : « Les données font apparaître d’importantes différences entre les pays : les prix peuvent varier de un à dix, voire plus. Ce résultat tient aux différences de coût de fourniture du service. Il reflète aussi les choix des pouvoirs publics ».

Le faible niveau des consommations européennes s’explique par la rareté historique de la ressource rapportée à la densité de la population (Barraqué, 2005). À l’inverse, les prix européens valent le double, voire le triple, de ceux pratiqués outre-Atlantique. Les isoquants des factures montrent ces différences dans la composition de la facture d’eau payée par les ménages des pays de l’Ocde (Graphique 1)

4

. En pondérant par pays, et non par la population urbaine, les factures annuelles moyennes s’élèvent à 316 dollars en Europe et 516 dollars en Amérique du Nord au cours l’année 2008. De plus, dans la moitié des pays européens les consommations en eau représentent moins de 300 dollars dans le budget des citadins.

Source : Construction de l’auteur à partir d’Aquastat, 2011 et OCDE, 2010.

4 En se risquant à des regroupements rapides, le graphique fait émerger un mode de consommation américain, méditérannéen, d’Europe du Nord et d’Europe occidentale.

Grèce Italie

Portugal

Pays-bas Suède Espagne

Autriche Finlande

Allemagne France

Etats-Unis

Royaume-Uni

Luxembourg Canada

Danemark Australie

0 50 100 150 200 250 300 350 400

0 2 4 6 8 10

m3/hab

$/m3 500 400 300 200 100 Graphique 1 : Approximation de la facture des services urbains d’eau dans différents pays de l’OCDE, en

$/m3 en 2008

(12)

11 Le processus de déviation des SHUE offre un service d’accès universel via un réseau infrastructurel mature, aussi, la qualité du service demeure homogène sur le territoire.

Barraqué (2007) attribue le fort taux de couverture du réseau européen à l’époque du municipalisme. Au cours du XVIII

ème

siècle, les municipalités ont développé l’infrastructure afin d’universaliser l’accès à l’eau, des subventions d’États ont pu soutenir cet effort (Pflieger, 2009). Le réseau urbain européen est donc étendu et vieux ; à l’image de l’ensemble des grandes villes européennes, plus de 75 % des canalisations des grandes villes anglaises sont centenaires (Water UK, 2011). Actuellement, le réseau d’approvisionnement mesure environ 878 000 km en France, 530 000 km en Allemagne et 335 000 km en Angleterre (Bolognesi, 2013a).

2.2 U

N ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL EN PARTIE PARTAGE ENTRE MODERNISATION SOCIO

-

ECONOMIQUE ET USAGES INTENSIFS DU TERRITOIRE

Le cycle hydrique urbain présenté, nous décrivons l’environnement institutionnel des SHUE. Éléments territoriaux de cet environnement, les sols européens sont soumis à un processus d’artificialisation. La maitrise des sols apparait comme un souci majeur pour le développement des sociétés européennes. Par exemple, au cours du 18

ème

siècle, le sol européen a été modifié pour favoriser le développement humain. Ainsi, en France le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) décide l’assèchement des marais de la République afin de stopper la reproduction des moustiques, des maladies qu’ils véhiculent et de développer l’agriculture pour nourrir les villes en essor (Mathevet, 2011). Le second pilier de la Politique agricole commune illustre la perpétuation de ce processus d’artificialisation. En effet, il reconnait la multifonctionnalité de l’agriculture et assigne un rôle d’entretien de la nature aux agriculteurs et présuppose que le bon état de celle-ci nécessite une intervention humaine. Par opposition, aux États-Unis la tendance va plutôt vers la création de grands parcs nationaux limitant toute empreinte humaine à travers la mise en place du programme Leave no trace.

Les résultats de l’analyse de Jenerette (et Larsen, 2006 ; et al., 2006) confirment notre propos. Les auteurs s’intéressent à l’empreinte hydrique de l’urbanisation et évaluent la surface nécessaire pour répondre aux usages en eau des villes de plus de 750 000 habitants, en termes de services écosystémiques. Selon leurs estimations, l’empreinte hydrique urbaine augmente dans le monde. Évaluée en moyenne à 29 937 km

2

par ville en 1950, elle s’étend sur 35 397 km

2

en 2000, soit une croissance de 18 %, et est estimée à 38 400 km

2

en 2015, soit une augmentation de 28 % par rapport à 1950. Globalement, l’élargissement de l’empreinte hydrique des mégapoles s’accélère. Régionalement, tandis que les villes indiennes et chinoises auront la plus grande empreinte en 2015, les villes européennes se situeront dans la moyenne basse. Cependant, comme les mailles du réseau urbain européen sont plus resserrées qu’ailleurs, il apparait que les mégapoles européennes marquent de leur empreinte hydrique l’ensemble du territoire de l’Europe occidentale (Bolognesi, 2013b). Ainsi, le territoire européens est plus sollicité, et donc plus artificialisé, que les territoires des autres régions du monde.

Les villes européennes se caractérisent également par un fort degré de centralité, i.e.

une structure centre/périphérie hiérarchise le territoire. Par conséquent, comme l’illustre

Lisbonne, Vienne et Paris, parmi les villes les plus centrales, le tissu urbain européen se

caractérise par sa macrocéphalie. Il se compose de peu de grandes villes constituant

d’importants pôles nationaux et de nombreuses villes petites à moyennes proches les unes des

autres (Wackermann, 2000 ; Carrières, 2008). La structuration du système de villes européen

confirme la thèse du maintien des villes européennes (Sassen, 1991 ; Bretagnolles et al., 2000,

Pumain, 2006 ; Le Gallès, 2011). Cette thèse défend l’idée selon laquelle le maillage urbain

européen conserve sa forme dans le temps. Ainsi, les villes importantes du moyen-âge restent

les centres d’aujourd’hui. Ensuite, du fait de cette stabilité et du caractère macrocéphale du

(13)

12 système, les villes européennes obtiennent de l’autonomie dans la gestion des affaires locales vis-à-vis de l’État.

Ces dynamiques s’accompagnent, depuis le début des années 1990, d’une généralisation de l’étalement urbain sur le territoire européen (EEA, 2006). L’espace occupé par les villes européennes croît en moyenne de 7,46 % alors que leur population n’augmente que de 0,34 %, entre 1991 et 2001 (Patacchnini, Zenou, 2009). L’étalement urbain ne touche pas uniformément le territoire européen. Le quartile des villes les plus peuplées tend à voir ses habitants partir, - 1,05 %, et sa surface stagnée, 0,30 %. Les villes du quartile opposé gonflent faiblement en population, 2,47 %, et fortement en superficie, 23,28 %. De cette manière, l’Europe occidentale se divise en deux zones selon l’intensité de l’étalement urbain en cours.

D’un côté, les villes du Nord, déjà grandes, évoluent peu. Les shrinking cities est-allemandes illustrent à l’extrême ce phénomène en allant jusqu’à la contraction. De l’autre côté, les villes du Sud de la zone, originellement plus petites, apparaissent très dynamiques.

Au niveau socio-économique de l’environnement institutionnel, le supranational s’impose de plus en plus aux États qui transposent dans leur législation la réglementation décidée par les instances communautaires. Trois générations de réglementations se succèdent (Allouche et al., 2008). La première génération (1973-1988) promulgue des règles protégeant la qualité des eaux utilisées par les hommes. Elle établit notamment des normes de potabilité et des seuils d’émission de substances polluantes. Ensuite, les réglementations de la deuxième génération (1988-1995) imposent des mesures poursuivant les efforts déjà consentis mais dans des domaines spécifiques (eaux usées urbaines, etc.). Elles promeuvent un mode de régulation de type command and control. Enfin, la génération actuelle (1995 à aujourd’hui) bouleverse le paradigme d’alors et prône une gestion intégrée des ressources en eau. Elle s’appuie largement sur la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE). À cause de se renversement et de l’impact de la DCE, nous considérons cette troisième génération de la règlementation européenne comme le principal élément constitutif de l’environnement institutionnel socio- économique actuel commun aux SHUE. En effet, elle structure les cadres réglementaires au sein desquels les institutions des SHUE évoluent. De plus, elle établit les principes organisationnels généraux de la gestion de l’eau en Europe (principe usager-payeur ; recouvrement total des coûts, etc.) (Albiac, 2009 ; Massardier, 2011).

2.3 U

NE DIVERSITE DE STRUCTURES INSTITUTIONNELLES CONTENUE ENTRE LES MODELES ALLEMAND

,

FRANÇAIS ET ANGLAIS

Au sein de cet environnement institutionnel, des structures institutionnelles singulières

émergent et trois modèles nationaux (allemand, anglais, français) les circonscrivent (Schéma

3). Lorrain (2005) distingue trois capitalismes urbains émergeant au cours du

XIXe

siècle; les

modèles allemand, français et anglais. Le modèle allemand se caractérise par un secteur

public local fort, le modèle français par un important rôle du politique et de la délégation, le

modèle anglais par la recherche d’un optimum fonctionnel. Ces caractéristiques des

capitalismes urbains se retrouvent effectivement dans les SHUE. En Allemagne, la gestion de

l’eau reste publique et ce sont les autorités locales qui en ont la charge à travers les

Stadtwerke. En France, les autorités publiques recourent à des opérateurs privés, notamment

les champions nationaux du secteur. Une décentralisation des pouvoirs de l’État central,

notamment à travers la gestion par bassin versant et les agences de l’eau, vise à contrôler au

mieux les prestataires privés. En Angleterre, la fourniture des services hydriques urbains a été

privatisée et ce sont des agences de régulation autonomes qui veillent au bon fonctionnement

du secteur. Ainsi, l’organisation des SHUE est décentralisée ; pour maintenir un contrôle

public en Allemagne et en France, et pour autonomiser les opérateurs en Angleterre.

(14)

13 C. Ménard et A. Peeroo (2011) expliquent cette diversité organisationnelle et d’évolutions du secteur par une imbrication d’institutions spécifiques (celles des SHUE) dans des institutions nationales partagées. L’éventail de micro-institutions présentes dans chaque SHU participe de cette diversité et assure la bonne mise en œuvre de la gouvernance (Ménard, 2009). Par exemple, en France, afin de faciliter la coordination des SHUE, des missions interservices de l’eau (MISE) sont créées pour améliorer l’articulation entre les acteurs face au processus de déconcentration, décentralisation (Keller, 2011)

5

.

Source : Construction de l’auteur.

Trois grandes phases de politique de l’eau conduisent à la gestion moderne l’eau en Europe (Aubin, 2007). Au cours du XIX

e

siècle, l’eau approvisionne l’essor agricole et industriel. De grands travaux servent à empêcher un manque quantitatif de la ressource. La seconde phase s’étale de 1900 à 1970, elle développe l’approvisionnement des populations.

Ainsi, de 1900 à 1945, l’hygiénisme améliore la qualité sanitaire des eaux. Ensuite, de 1945 à 1970, le développement des réseaux permet de partager cette qualité en levant les limites quantitatives. Enfin, de 1970 à 1990, les préoccupations environnementales émergent et construisent un nouveau rapport entre le service et la ressource. Par ailleurs, infléchie par la structure institutionnelle politique, la participation du secteur privé tend à augmenter.

Aujourd’hui, les institutions de l’eau en Europe s’organisent selon une structure multiniveau hiérarchisée comprenant au moins 3 échelons : le (supra)national, le régional et le local

6

. Comme le promulgue la structure légale, la commune représente le niveau initial de gestion des SHUE. Néanmoins dans la partie méditerranéenne, les gestionnaires renforcent l’échelon régional afin de s’accommoder de la variabilité du climat qui complique l’équilibre entre l’offre et la demande (Barraqué, 2005).

5 Les MISE sont des pôles de coordination entre les différents acteurs de la politique de l’eau. La circulaire du 22 janvier 1993 les crée et définit leurs objectifs. Elle est consultable à l’adresse suivante :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000545090&dateTexte=&categorieLien

=id, consultée le 11-06-2013.

6 Le cas anglais fait exception en mettant le niveau régional au cœur de la gouvernance et en supprimant le niveau local pour des raisons d’efficacité (Nahkla, 2013).

SYSTÈME HYDRIQUE URBAIN EUROPÉEN

Cycle hydrique urbain Institutions de l’eau

Processus de déviation

Environnement institutionnel

Structures institutionnelles

Réseaux :

- fort raccordement ; - vieillissant.

Qualité : - universalité ; - technologies.

- usages modérés ; - prix élevés.

- artificialisation ; - centralité ; - étalement urbain ; - formalisation ; - rôle Europe ; - libéralisation ; - décentralisation ; - ressource.

France : - gestion locale ; - partenariat public-privé ; - …

Allemagne : - gestion locale ; - corporatization ; - …

Angleterre : - gestion régionale ; - privatisation ; - …

Usages urbains

Schéma 3 : Caractéristiques des composantes des systèmes hydriques urbains européens

(15)

14 L’Allemagne opte pour une gestion locale avec une politique de recouvrement total des coûts. Cette caractéristique s’appuie sur une tradition de « gestion démocratique et pragmatique locale » (Lorrain, 2005 ; EAU&3

E

, 2011, p. 8). La fourniture des services revient aux Stadwerke ou aux Queverbunden, entreprises municipales transversales formellement privées mais demeurant sous contrôle public. Le fait que ces entreprises opèrent simultanément dans une variété de services locaux (énergie, eau, etc.) augmente leurs marges de manœuvre et améliore la qualité du service (garantie pour des taux préférentiels, stratégie de compensation intersectorielle, etc.). Cantonnées aux municipalités, ces entreprises sont petites et posent des problèmes de financement aux autorités locales. Alors, la privatisation est utilisée comme moyen de réponse mais celle-ci reste contenue et ne touche que les lands de Berlin, Rostock, Leuna et la ville de Gustrow (Mohajeri et al., 2003 ; OIEau, 2004). Les structures de gouvernance allemande dotent les SHU de quatre caractéristiques :

1. Gouvernance multi-scalaire à cinq échelons : le Bund (national), le bassin, le Land (régional), le canton et les collectivités locales ;

2. Gestion locale en vertu de l’article 28-2 de la constitution ; 3. Gestion municipale et publique ;

4. Mode de coordination négocié entre usagers-décideurs publics et opérateurs.

Le modèle français est déconcentré, décentralisé et laisse une grande place au secteur privé. En France, l’État central reste fort mais partage la gestion des services avec des

« champions nationaux » (la Saur, Suez et Véolia). La gestion des SHU français incombe principalement aux collectivités locales. Le cycle hydrique urbain s’organise selon différentes modalités contractuelles partageant et spécifiant le rôle et la responsabilité des opérateurs (publics et/ou privé). Ainsi, une organisation essentiellement publique se distingue de partenariats public-privé (PPP). Comme le montre Groenewegen (2011), ces alternatives contractuelles distribuent la propriété des actifs et les droits de décision (Tableau 2). En France, le secteur privé occupe une place centrale via les partenariats public-privés. Le partenariat public-privé se développe en France depuis 150 ans et représente aujourd’hui la majorité des services à l’usager (Lorrain, 1995 ; Audette-Chapdelaine, 2009). Pour illustration, les régies fournissaient 40 % de la population en 1980 contre 21 % en 2001.

Toutefois, la période récente est marquée par des retours en régie des SHUE. Cinq principes cadrent la gestion des services en France : l’équilibre budgétaire, « L’eau paye l’eau », l’usager responsable, la transparence et la gestion par bassin versant

7

. Notons que la France initie l’utilisation de cette unité de gestion désormais promue par les organisations internationales. Cinq traits caractéristiques schématisent le modèle français :

1. Une gouvernance multi-scalaire à quatre échelons : l’État, la région, le département et la commune ;

2. Une gestion locale et par bassins versants ;

3. Un fort développement des partenariats publics-privés ;

4. Le recours aux compétences des « Trois sœurs », entreprises leaders mondiales du secteur (la Saur, Suez, Véolia) ;

5. Un mode de coordination négocié entre usagers-décideurs publics et opérateurs.

7 La gestion par bassin versant est l’échelle consacrée à la gestion du grand cycle de l’eau dans lequel les SHU, à travers le processus de déviation du cycle hydrique urbain, s’insèrent. Les agences de l’eau constituent l’organisme liant ces deux cycles de l’eau.

(16)

15

Tableau 2 : Répartition des droits de propriété et de décision dans le cycle hydrique urbain, selon la forme générique des contrats

Structures de gouvernance Propriété des actifs Droit de décision 1. Gouvernance publique

Gestion directe Publique Organismes gouvernementaux et/ou

autorités publiques

Agences publiques Publique Autorité publique autonome

Entreprises publiques Publique Entreprise publique, droit possédé par un conseil relativement autonome 2. Partenariat public-privé

Service Publique Délégation limitée à entreprise privée

Gestion Publique Exploitation/entretien : privé

Investissement : public Affermage Publique pour le cœur de la

transaction, privée pour les investissements dans les transactions périphériques

Exploitation et gestion : privé Profits : privé

Buid, Operate, Transfer Déléguée à l’opérateur privé pour la durée du contrat

Exploitation : privé Design : privé Concession Déléguée à l’opérateur privé

pour la durée du contrat

Cœur de la transaction : privé

Exploitation : large autonomie de l’opérateur

3. Marché

Marché régulé Privée Concurrence dans le marché selon

régulation sectorielle spécifique

Marché concurrentiel Privée Concurrence dans le marché selon politique de concurrence générale Source : Groenewegen, 2011, p. 77.

En Angleterre, le Water act de 1973 initie un processus de décentralisation. Dix autorités publiques régionales voient le jour et prennent en main la gestion du secteur. Le pays connait ensuite une crise économique et une période d’austérité fiscale compliquant l’équilibre budgétaire. Le Water act de 1989 privatise alors ces autorités régionales afin d’assainir les comptes des opérateurs (Bakker, 2000). Depuis, 34 compagnies gèrent l’approvisionnement et la phase de collecte et traitement des eaux. L’État ne joue qu’un rôle de contrôle et les collectivités locales n’ont plus de responsabilité. Ainsi, les marchés organisent l’optimisation de la fourniture des services. La libéralisation de l’industrie de l’eau s’accompagne d’une privatisation totale des opérateurs mais, afin d’éviter une remise en question de l’intérêt général, une agence de régulation indépendante, l’Ofwat, régule et contrôle l’activité des opérateurs. L’Environmental Agency et le Drinking Water Inspectorate ont, respectivement, la responsabilité de la qualité des eaux et de l’eau potable. La structure institutionnelle anglaise présente quatre spécificités :

1. Gouvernance multi-scalaire à deux échelons : le national et le régional

8

; 2. Gestion essentiellement régionale ;

3. Propriété privée des infrastructures ;

8 Il est possible de considérer un troisième échelon, le local, du fait de l’existence des Highway Authorities qui assurent l’entretien des canalisations hors services public. Néanmoins, occupe une place minime dans les SHUE puisqu’il n’intervient pas ou peu sur le processus de déviation du cycle hydrique urbain tel que nous l’avons défini.

(17)

16 4. Mode de coordination recourant à une agence de régulation, l’Ofwat, et un

système de price-caping.

3 A

NALYSE DE LA GESTION PATRIMONIALE DES

SHUE :

UN PROBLEMATIQUE BESOIN DE RENOUVELLEMENT

Après avoir rappelé les paramètres de la question de la gestion patrimoniale, nous verrons que la notion de SHU permet de distinguer les différents problèmes en cours, d’en isoler les sources et d’identifier les interactions vectrices des difficultés identifiées.

3.1 É

TAT DU RENOUVELLEMENT DES INFRASTRUCTURES DES SYSTEMES HYDRIQUES URBAINS EN

E

UROPE

Le renouvellement des infrastructures répond à un besoin d’extension et de maintien de la qualité du réseau d’approvisionnement, de collecte et de traitement du SHU. Il s’agit d’un problème observable au sein du cycle hydrique urbain et dont la question du financement se révèle cruciale (Barraqué, 2006). En 2011, le réseau d’approvisionnement en eau potable européen mesure environ 3 500 000 km (Canalisateurs de France, 2011). La France, dotée d’une infrastructure extrêmement développée, représente le quart du réseau d’approvisionnement européen.

En France, le taux de renouvellement annuel du réseau d’approvisionnement décroit

de 0,72 % en 1998 à 0,56 % en 2008 et de 0,63 % à 0,50 % concernant le réseau de collecte et

traitement (Ifen, données Eider). Ainsi, le taux de conduites d’approvisionnement antérieures

à 1965 recule de 36,29 % à 30,5 %. En Angleterre, environ 1 % du réseau total, dont 0,8 %

pour l’approvisionnement, est annuellement renouvelé durant la dernière décennie (Ofwat,

2009). Sur la même période, le taux de renouvellement oscille localement entre 0,4 % et

1,2 % par an en Allemagne (Bdew, 2011). L’âge du réseau allemand correspond à celui de la

Franc ; 32 % de l’infrastructure datent d’au moins 50 ans. A ces rythmes, le renouvellement

complet de l’infrastructure durerait 166 ans en France, entre 100 et 125 ans en Angleterre et

entre 83 et 250 ans en Allemagne. Sachant que la durée de vie moyenne de l’infrastructure est

d’environ 60ans, ce rythme peut impacter négativement la qualité du service. D’ailleurs, en

parallèle, nous observons que les taux de fuite varient beaucoup entre les trois pays

(Graphique 4) et l’Allemagne fait figure d’exemple. Déjà faible en 1998 (8 %), le taux de

fuite descend à 6,5 % en 2007. Se situant autour de 20 % en France et en Angleterre, le taux

de fuite est supérieur. Les graphiques ci-dessous présentent le profil de l’infrastructure

d’approvisionnent des SHU français et celle de collecte et traitement des SHU allemand

(Graphiques 2,3).

(18)

17

Légende :

L’estimation évalue les parts du réseau par tranche d’âge du réseau à partir de l’historique proposé par J.M. Cador, la date de référence est 2000.

Source : à partir de Cador, 2002

Source : BDEW, 2011.

3,05% 4,67%

11,42%

25,07%

32,05%

17,83%

5,91%

>60 50-60 40-50 30-40 20-30 10-20 0-10

32%

36%

13%

9%

6% 4%

0-25 26-50 51-75 76-100

>100 ND

Graphique 2 : Profil de l’infrastructure d’approvisionnement des SHU français, en % par tranche d’âge en 2000

Graphique 3 : Décomposition de l’infrastructure de collecte et traitement des SHU allemands, en % par tranche d’âge en 2009

(19)

18

Sources : Construction de l’auteur à partir de Ofwat, 2009 ; Bdew, 2008 ; EEA, site internet.

3.2

LE MANQUE D

INVESTISSEMENT DANS LES CYCLES HYDRIQUES URBAINS ET L

EROSION DE LA VALEUR DU PATRIMOINE

En Allemagne, la dimension hydraulique du cycle hydrique urbain apparait pérenne.

Bien que le taux de renouvellement du réseau ne soit pas plus élevé qu’ailleurs, ce dernier n’a que peu de pertes. En France et outre-manche, la situation montre un réel besoin d’améliorer l’état des infrastructures. Nous pouvons dès lors supposer que les acteurs des cycles hydriques urbains allemands réalisent et financent les investissements nécessaires, l’hypothèse est inverse pour ceux présents dans les deux autres pays. Dans cette mesure, le renouvellement du réseau relève de la problématique d’efficacité du développement soutenable. Il s’agit d’organiser un SHU qui puisse réunir la capacité de financement nécessaire à ces investissements. Intuitivement, la situation allemande semble plus efficace grâce à des prix de l’eau plus élevés. Le même constat est fait au Danemark où le prix de l’eau est le plus cher et l’infrastructure la plus performante d’Europe (Keating, 2008).

En France, le Ministère de l’écologie s’intéresse à cette problématique patrimoniale et tente de construire des données afin de cerner l’étendue de la question (Cador, 2002 ; Ernst &

Young, 2012). La comparaison de valeur de la consommation de capital fixe (CCF) avec les montants d’investissement informe sur la dépréciation de l’infrastructure des SHU. Le tableau 3 réunit les paramètres utilisés dans l’étude d’Ernst & Young (2012) sur laquelle nous appuyons notre évaluation de l’état du patrimoine des SHU. Notons que, de par son calcul, l’évaluation de la CCF est particulièrement sensible à la durée de vie retenue.

0 5 10 15 20 25 30 35

1995 2000 2005 2010

%

France Allemagne

Angleterre et Galles Graphique 4 : Évolution du taux de fuite du réseau de 1998 à 2008

(20)

19

Actifs Durée de vie Coûts

Assainissement Linéaire rural 60-80 ans 235-300€/m

Linéaire urbain 60-80 ans 350-495€/m Stations d’épuration 20-30 ans 250-280€/EH

Branchements 30-40 ans 1400€/bch

Approvisionnement Stations de production 20-30 ans 1100-1440€/m3/j pour traitements complexes (A2, A3)

300-400€/m3/j traitements complexes (neutralisation, Te, Mn, As)

coût forfaitaire 13k€ par ouvrage de désinfection (indépendant de la capacité) Réservoirs 80-100 ans 220-300€/m3 de capacité

Linéaire rural 50-80 ans 130€/m

Linéaire urbain 50-80 ans 170€/m

Branchements 20-30 ans 1000-1400€/bch

Source : Ernst & Young, 2012.

L’estimation moyenne de la valeur du réseau français de collecte et traitement des eaux usées en 2009 est de 196 756 millions d’euros et de 170 231 millions d’euros pour celui d’approvisionnement en eau potable, dont respectivement 119 964,5 millions d’euros et 84 961 millions d’euros pour le réseaux linéaire urbain (Tableau 4)

9

. L’estimation moyenne de la dépréciation annuelle de ces deux infrastructures est de 7 515 millions d’euros. Or, la même année, les investissements pour le renouvellement de l’infrastructure étaient de 6 695 millions d’euros, soit 89,09 % des investissements nécessaires. Ainsi, selon l’estimation moyenne, le réseau français se déprécie à hauteur de 820 millions d’euros par an. Dans le cas de l’estimation haute, la dépréciation nette est de 2978 millions d’euros par an. Ces données illustrent et confirment l’importance du besoin d’investissement dans le renouvellement de l’infrastructure des SHU français. Elles montrent que le cycle hydrique urbain des SHUE ne récolte pas assez de recettes ou doit s’endetter dans le temps long pour réaliser les investissements nécessaires à la pérennité physique du réseau. Notons que la valeur de la CCF est très sensible à la durée de vie des actifs retenue.

Ces ordres de grandeur valent pour l’ensemble de l’infrastructure et toutes les données spécifiques au secteur urbain ne sont pas disponibles. Toutefois en enlevant les valeurs propres au linéaire rural, et donc hors SHU, et en conservant un niveau d’investissement identique, il apparait que la dépréciation de l’infrastructure est couverte à hauteur de 107 %.

Ainsi, même dans le cadre d’une hypothèse volontairement très optimiste, les SHU français assurent à peine le maintien de la valeur de leur infrastructure. Ainsi, le Comité national de l’eau note que les opérateurs des SHU français s’endettent à hauteur de 20% et reportent sur les générations futures la charge des investissements nécessaires à la pérennité des SHU (CNE, 2013).

Tableau 3 : Valeur de coûts et de durée de vie prises pour le calcul de la CCF

(21)

20

Assainissement Valorisation CCF

Basse Moyenne Haute Basse Moyenne Haute

Assainissement collectif

linéaire rural 25 998,00 29 593,50 33 189,00 325,00 439,00 553,00 linéaire urbain 99 379,00 119 964,50 140 550,00 1 242,00 1 792,00 2 342,00 stations épuration 23 466,00 24 874,00 26 282,00 782,00 1 048,00 1 314,00 Branchements 18 603,00 22 324,00 26 045,00 465,00 666,50 868,00

Total 167 446,00 196 756,00 226 066,00 2 814,00 3 945,50 5 077,00

Approvisionnement Valorisation CCF

Basse Moyenne Haute Basse Moyenne Haute

Production 9 923,00 11 284,00 12 645,00 331,00 481,50 632,00

Réservoirs 2 011,00 2 377,00 2 743,00 20,00 27,00 34,00

Linéaire rural 52 809,00 52 809,00 52 809,00 660,00 858,00 1 056,00 Linéaire urbain 84 961,00 84 961,00 84 961,00 1 062,00 1 380,50 1 699,00 Branchements 14 100,00 18 800,00 23 500,00 470,00 822,50 1 175,00 Total 163 804,00 170 231,00 176 658,00 2 543,00 3 569,50 4 596,00

Urbain

Total infrastructure 252 443,00 284 584,50 316 726,00 4 372,00 6 218,00 8 064,00

Couverture dépréciation 2 323,00 477,00 -1 369,00

% Couverture dépréciation 153,13 107,67 83,02

Rural + urbain

Total infrastructure 331 250,00 366 987,00 402 724,00 5 357,00 7 515,00 9 673,00

Couverture dépréciation 1 338,00 -820,00 -2 978,00

% Couverture dépréciation

124,98 89,09 69,21

CAF 2009 3 581,00

Subventions d'investissements et

dotations 1 763,00

Endettement 1 351,00

Investissement 2009 6 695,00

% autofinancement 0,79

Source : Construction de l’auteur à partir d’Ernst & Young, 2012.

La dimension territoriale de l’environnement institutionnel influe également sur le renouvellement des infrastructures. Ainsi, l’étalement urbain en augmentant les besoins d’extension peut créer un effet d’éviction pour le renouvellement. De plus, comme la densité diminue, la longueur et le coût de raccordement vers chaque usager supplémentaire augmente.

Maurel (2010) compare les coûts de raccordement au réseau en fonction de l’éloignement.

Pour un coût fixe de 100 euros, les coûts variables s’élèvent à 700, 2000 et 3000 euros pour des distances respectives de 7, 20 et 30 mètres. Plus généralement, Speir et Stephenson (2002) montrent que la taille des parcelles fait varier de 30 à 70 % les coûts d’adduction.

En France ce processus est à l’œuvre, les taux d’extension du réseau surpassent ceux de renouvellement (Ifen, données Eider). Cette tendance touche également l’Allemagne. Il est

Tableau 4 : Évaluation monétaire du patrimoine du cycle hydrique urbain français, en 2004

(22)

21 donc possible que la capacité allemande de renouvellement des infrastructures soit mise à mal durant la décennie à venir. Relativisons et soulignons que la forme compacte des villes européennes modère l’ampleur des investissements à réaliser.

3.3 U

N PROBLEME DE VIABILITE

:

DE FORTES TENSIONS ENTRE LES OBJECTIFS ENVIRONNEMENTAUX ET ECONOMIQUES

À travers le volume de consommation d’eau la question du renouvellement des infrastructures illustre parfaitement un problème de viabilité. Il s’agit d’un dilemme entre la satisfaction des besoins économiques et environnementaux (Bromley, 1990 ; Bithas, 2008).

L’accroissement du volume des consommations en eau, toute chose égale par ailleurs, engendre plus de recettes pour l’opérateur. Par conséquent, la capacité de financement augmente et/ou la durée d’amortissement diminue. Ainsi, une perspective de consommation stable ou évoluant à la hausse incite à l’investissement. À l’inverse, les considérations environnementales poussent à vouloir réduire les pressions sur la ressource. Dans cette perspective, le volume de consommation doit diminuer afin de réduire la pression quantitative sur la ressource (surexploitation, etc.) et qualitative (pollution, rejets, etc.). Les instances européennes poussent dans ce sens d’où la mise en œuvre d’une tarification au coût complet et du principe de l’usager payeur.

Globalement, les usages du cycle hydrique urbain diminuent dans les grandes villes de l’Europe occidentale et restent stables dans le sud de l’Europe (Poquet, Maresca, 2006 ; EEA, 2010). Le progrès techniques, la sensibilité au prix des gros consommateurs d’eau et une responsabilisation des usagers envers l’environnement et la ressource expliquent cette diminution des consommations (Poquet, Maresca, 2006 ; Barraqué, Nercessian, 2008). Ainsi, la source du problème viabilité identifié ici provient du cycle hydrique urbain en réaction à des règles émises au niveau de l’environnement institutionnel des SHUE et relayées par les structures institutionnelles.

L’environnement institutionnel des SHUE peut conduire à une baisse des consommations urbaines en eau via un autre mécanisme. Dans la plupart, des pays européens les perspectives de croissance démographique pour les prochaines décennies sont nulles, voire négatives (Bdew, 2011). De ce fait, si le volume individuel de consommation n’augmente pas, le réseau devra traiter moins d’eau car le nombre d’usagers diminue. Cette dynamique accroît le problème de financement du réseau. De plus, elle menace également la sanité des SHUE. À cause d’une utilisation en sous-régime du réseau, l’eau peut stagner et favoriser le développement de bactéries, etc. Dès lors, de l’eau doit être injectée dans le réseau afin de le rincer et d’éviter des problèmes sanitaires, ce qui accroît les coûts de l’opérateur.

Les villes d’Allemagne de l’Est sont déjà confrontées à ce type d’effet pervers d’une réduction trop importante des consommations en eau (Isnard, Barraqué, 2011). Lors de la réunification, en 1990, les autorités publiques ont considérablement investi dans les infrastructures est-allemandes afin que le taux de couverture et la qualité soit homogène sur le territoire. Cette politique volontariste endette considérablement les collectivités locales. Or, au même moment ces villes perdent des habitants des industries. Au final, les consommations ont diminué de 40 % par rapport à 1990 et les investissements pèsent encore lourdement dans le budget des municipalités ; ce phénomène des Shrinking cities pose donc un vrai problème à l’infrastructure (Bontje, 2004 ; Naumann, Wissen, 2007).

En parallèle, soulignons l’impact des structures institutionnelles (Marlow, 2010 ;

Werey et al., 2013). En effet, les opérateurs des SHU n’investissent pas selon les mêmes

modalités et perspectives. Par exemple, en Angleterre, l’OFWAT encadre strictement les

investissements via le système de price-capping et ses rapports annuels. En France, les

investissements sont principalement le fait d’acteurs publics tels que les agences de l’eau et

les collectivités locales (Pezon, 2009). Les agences de l’eau jouent un rôle clé puisqu’elles

(23)

22 sont en charge de la redistribution des ressources collectées et de l’orientation des dépenses

10

. De même, notons que du fait de l’instruction budgétaire et comptable M 49, le budget principal des communes et celui de l’opérateur du processus de déviation sont distingués et les transferts limités, ce qui peut complexifier l’atteinte de l’équilibre budgétaire du service (CGDD, 2012).

L’utilisation du SHU pose la question du renouvellement des infrastructures nécessaires à la fourniture des services hydriques urbains au niveau du cycle hydrique urbain en tant qu’inadéquation entre les attentes et besoins des usagers et des offreurs. Après avoir isolé les différents éléments du SHU, il apparait que l’environnement institutionnel et les structures institutionnelles contribuent à générer cette inadéquation : étalement urbain, DCE, privatisation, tarification au coût complet, etc. (schéma 4).

10 Les orientations définies par le 10e programme des agences de l’eau (2013-2018) sont: 1/la lutte contre les pollutions diffuses notamment agricoles et protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable ; 2/ la restauration des milieux aquatiques, zones humides et continuité écologique ; 3/la gestion des ressources en eau en anticipation au changement climatique ; 4/ les actions pour le littoral- Assainissement des petites communes.

(24)

23

Source : Construction de l’auteur.

Schéma 4 : Représentation du problème de renouvellement des infrastructures dans les SHUE

Domestique

Industriel

Administratif

Récréatif

Usage

Approvisionnement

Assainissement

Processus de déviation

Territorial : -Étalement urbain ; -Artificialisation des sols ; -etc.

Socio-économique : -Libéralisation ;

-Rigueur budgétaire ; -etc.

Environnement institutionnel

Légale Politique Organisationnelle

Structures institutionnelles

Privatisation, autonomisation ; règle usager payeur, etc.

Modernisation des ind.

réseaux ; DCE ; etc.

Préférence pour l’environnement ; performance du service ; etc.

Amendements de règles (coût complet ; subventions ; etc.)

Cycle hydrique urbain

Source de fi. ; baisse des conso. ; etc.

Extension du réseau ; qualité du service ; prix ; etc.

Problème de renouvellement

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