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La théorie de la sélection naturelle présentée parDarwin et Wallace

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Bibnum

Textes fondateurs de la science  

Sciences de la vie

La théorie de la sélection naturelle présentée par Darwin et Wallace

Timothée Flutre, Thomas Julou et Livio Riboli-Sasco

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/bibnum/622 ISSN : 2554-4470

Éditeur

FMSH - Fondation Maison des sciences de l'homme Référence électronique

Timothée Flutre, Thomas Julou et Livio Riboli-Sasco, « La théorie de la sélection naturelle présentée par Darwin et Wallace », Bibnum [En ligne], Sciences de la vie, mis en ligne le 01 décembre 2009, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/bibnum/622

Bibnum est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage

dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

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La t héor ie de la sélect ion nat ur elle pr ésent ée par Dar w in et Wallace

par Tim ot hée Flut r e, doct orant en bioinfor m at ique ( I NRA – Univer sit é Par is Dider ot ) , Thom as Julou, doct orant en biologie de l'évolut ion ( École Nor m ale Supér ieur e) , Livio Riboli- Sasco, doct orant en biologie t héor ique ( Univer sit é Par is Descar t es)

en collaborat ion avec Michel Morange, pr ofesseur d’hist oir e et philosophie des sciences à l’École Nor m ale Supér ieur e

Les t ext es com m ent és ici sont ext rait s du Jour nal of Pr oceedings of t he Linnean Societ y ( vol. I I I , 1859) ; ce sont quat r e t ex t es consécut ifs :

- Let t r e du 30 j uin 1858 de Char les Lyell et Joshua Hooker pr ésent ant les docum ent s qui suivent .

- Ext rait d’un t ravail non publié sur les Espèces par C. Dar w in.

- Ext rait d'une let t r e de Char les Dar w in à A. Gray ( Bost on) , 5 sept em br e 1857.

- Ar t icle de févr ier 1858 d'Alfr ed Wallace.

I nt r oduct ion

Le pr em ier j uillet 1858, lor s d'une r éunion de la Sociét é Linéenne de Londr es, les vues novat r ices de deux nat uralist es, Char les Dar w in et Alfr ed Wallace, sont pr ésent ées dans t r ois t ext es int r oduit s par une let t r e de Char les Lyell et Joshua D. Hooker, ém inent s scient ifiques de l'époque. Cet t e let t r e explique que la nouvelle t héor ie, la sélect ion nat ur elle, concer ne la pr oduct ion de var iét és, races et espèces, et a ét é indépendam m ent découver t e par les deux scient ifiques. Cependant , l'accent est subt ilem ent m is sur la cont r ibut ion de Dar w in. Pour quoi donc cet t e t héor ie suscit e- t - elle auj our d'hui encor e t ant d'at t ent ion ? Et pour quoi le nom de Dar win est - il si connu à not r e époque ? Si les hom m es ont t ouj our s cher ché à com pr endr e l'or igine de l'éblouissant e diver sit é d'êt r es vivant s qui les ent our ent , c'est pr incipalem ent au XVI I I e siècle que les pr em ier s t ravaux sy st ém at iques fur ent m enés. La pensée dom inant e est expr im ée alor s par Linné : les êt r es vivant s sont r egr oupés en espèces, celles- ci ét ant fixes, ident iques depuis leur cr éat ion par Dieu. Cependant , cet t e t héor ie va subir les assaut s r épét és des nat uralist es de l'époque pour finalem ent céder devant la puissance explicat ive de la fam euse t héor ie

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dit e de la « sélect ion nat ur elle ». Cet t e j our née de l'ét é 1858 est donc bien un évènem ent m aj eur dans l'hist oir e de la science en général et de la biologie en par t iculier.

Pour la pr em ièr e fois, une t héor ie rat ionnelle dét aillant un m écanism e concis ex pliquant l'or igine et la diver sit é des espèces obser vées est pr ésent ée devant une assem blée de scient ifiques.

Nous pr oposons ici d'analyser l'ar gum ent air e de Dar w in et Wallace, t el qu'énoncé lor s de cet t e pr em ièr e publicat ion. Bien que l'hist oir e ait r et enu ces t héor ies, leur for m ulat ion a changé au cour s du t em ps : par exem ple, le m ot « évolut ion » r elevait à l’époque du vocabulair e m ilit air e et désignait le m ouvem ent des t r oupes qui changeaient de posit ion st rat égique et le t er m e « sélect ion nat ur elle » ne sera int r oduit que plus t ar d.

Relir e ces t ex t es per m et de m ieux com pr endr e le cont ex t e social et t héor ique qui a per m is l'ém er gence de cet t e pensée. Nous pr ésent er ons dans un pr em ier t em ps les concept s scient ifiques t els qu'énoncés par les deux aut eur s. Nous r eplacer ons ensuit e cet t e pensée dans le cont ext e des avancées scient ifiques qui ont pu inspir er Dar w in et Wallace ainsi que dans le cont ext e social du m onde de la science de l'époque.

Figu r e 1 : Le voya ge de D a r w in su r le H .M .S Be a gle ( décem bre 1831 – oct obre 1836) .

Dar w in, Wallace et la sélect ion nat ur elle

La cont r ibut ion m aj eur e de ce docum ent est la t héor ie de la sélect ion nat ur elle.

Expr im ée dans sa for m e la plus clair e par Dar w in, cet t e t héor ie considèr e que l'évolut ion des espèces se fait par des var iat ions aléat oir es d'une générat ion à la suivant e, var iat ions hér édit air es sur lesquelles opèr e ensuit e une sélect ion par les condit ions

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3 env ir onnem ent ales ( p. 49) :

Dès lor s, peut - on m et t r e en dout e, à par t ir de la lut t e que m ène chaque individu pour sa sur vie, que chaque var iat ion m inim e dans sa st r uct ur e, ses habit udes ou ses inst inct s, qui r ésult e dans leur m eilleur e adapt at ion à de nouvelles condit ions, pour r ait r évéler sa vigueur et bonne sant é ? En lut t ant , il aur ait une m eilleur e chance de sur vie ; et ceux de sa descendance qui aur aient hér it é de cet t e m odificat ion, m êm e t r ès légèr e, aur aient égalem ent une m eilleur e chance de sur vivr e.

Par souci de clar t é, nous pr ésent er ons la st r uct ur e ar gum ent at ive ut ilisée dans le deuxièm e docum ent , d'une clar t é et d'une concision except ionnelles, en enr ichissant cer t ains point s avec des ext rait s des deux aut r es docum ent s. Nous allons égalem ent ét udier en quoi le discour s de Wallace défend le m êm e point de vue ou pr ésent e des diver gences.

P RESEN TATI ON ET JUSTI FI CATI ON D E LA SELECTI ON N ATURELLE

À par t ir de ses obser vat ions sur les prat iques agr onom iques dit es « d'élevage sélect if » ( « [ …] alor s que nous nous souvenons de ce que Bakew ell a r éalisé sur les bovins et West er n sur les m out ons en ut ilisant le m êm e pr incipe de sélect ion ») , Dar w in

affir m e que « la sélect ion agit seulem ent par accum ulat ion de var iat ions plus ou m oins im por t ant es pr oduit es par les condit ions ext er nes, ou par le sim ple fait que, au cour s des générat ions, les descendant s ne sont pas ex act em ent sem blables à leur s par ent s ».

Dar w in insist e sur le caract èr e ext er ne des élém ent s qui condit ionnent la sélect ion, les condit ions env ir onnem ent ales dans la nat ur e, le choix du sélect ionneur dans le cas de la sélect ion ar t ificielle, et qui dans cer t ains cas aussi induisent les var iat ions:

Le « désher bage », com m e les pépiniér ist es appellent le fait de dét r uir e les var iét és de plant es qui ne cor r espondent pas à celles qu’ils désir ent fair e pousser , est une form e de sélect ion.

Bien que l'ar gum ent air e de Dar w in r epose essent iellem ent sur des prat iques agr onom iques, il a l'audace d'ét endr e ses conclusions à l'ensem ble du vivant . Ces prat iques d'élevage ont t r ès for t em ent cont r ibué à la com pr éhension par Dar w in des m écanism es de sélect ion nat ur elle, on peut égalem ent supposer qu'elles ont dét er m iné la t er m inologie em ployée. Pour différ encier les prat iques agr onom iques des m écanism es nat ur els on par lera plus t ar d de « sélect ion ar t ificielle » 1 et de « sélect ion nat ur elle ».

Dar w in applique ainsi les m écanism es ut ilisés dans l'élevage et l'agr icult ur e aux espèces

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Le t er m e « sélect ion ar t ificielle » désigne l’int er vent ion de l’hom m e dans la m odificat ion des condit ions

env ir onnem ent ales qui condit ionnent l’évolut ion d’une espèce.

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sauvages, en faisant deux hy pot hèses dét er m inant es: un sélect ionneur om niscient et un t em ps t r ès long.

Concer nant la sélect ion, Dar w in hausse sa pr oposit ion t héor ique à l'ét at de

« pr incipe » et , pour se j ust ifier, s'appuie sur deux r éfér ences. D'un côt é, la sélect ion nat ur elle serait une ext ension de la vision du com bat pour la vie pr oposée par Candolle ( p.46) ainsi que Lyell et Her ber t ( p.51) . Chez ces aut eur s, ce concept r envoie à des var iat ions dém ographiques en fonct ion des condit ions envir onnem ent ales et de la com pét it ion ent r e espèces, pour aut ant l'im pact en t er m es évolut ifs n'est pas soupçonné.

La sélect ion par les cont raint es de l'envir onnem ent , d'une cer t aine façon r éduit l'ensem ble de ces var iat ions possibles. D'un aut r e côt é, la pensée de Malt hus, développée pour décr ir e les populat ions hum aines, est ét endue aux aut r es espèces.

Dar w in conclut que la dém ographie serait t r ès différ ent e sans sélect ion puisque la cr oissance d'une populat ion, fût - elle faible, est géom ét r ique. I l donne à ce pr opos de nom br eux exem ples ( p.47- 49) :

Supposons dans un endr oit dét er m iné qu’il y ait huit pair es d’oiseaux, et que seulem ent quat r e d’ent r e elles, donnent naissance annuellem ent ( en incluant les doubles pont es) , à seulem ent quat r e oisillons, et que ceux- ci cont inuent à donner naissance selon le m êm e t aux de pr ogr ession, alor s au bout de sept ans ( …) il y aur a 2048 oiseaux, au lieu des seize init iaux.

Figu r e 2 : Le s pin sons de D a r w in . ( Darwin, 1845 : Journal of researches int o t he nat ural hist or y and geology of t he count r ies visit ed dur ing t he voyage of H.M.S. Beagle

r ound t he wor ld, under t he Com m and of Capt . Fit z Roy, R.N. 2d edit ion) . C’est le nom donné à une douzaine d’espèces différ ent es m ais apparent ées que Char les Darw in a r ecensées dans la faune des îles Galápagos dur ant son voyage sur l'HMS Beagle. Ces oiseaux sont t ous de la m êm e t aille : ent r e 10 et 20 cm . Les plus im por t ant es différ ences ent r e ces espèces se t rouvent dans la t aille et la form e de leur s becs. Dar w in pr endr a conscience que chaque espèce occupe une île différ ent e et

que l'isolem ent géogr aphique a pu m ener à la for m at ion d'espèces dist inct es à part ir d'ancêt r es com m uns. I l ét ablira un lien dir ect ent r e la végét at ion et donc le r égim e

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alim ent air e de chaque espèce et leur s car act ér ist iques m or phologiques, la for m e du bec not am m ent .

Concer nant le fact eur t em por el, s'il est possible d'envisager les effet s des prat iques des éleveur s, il peut êt r e plus difficile dans le cont ex t e hist or ique d'envisager l'im pact de la sélect ion sur les espèces nat ur elles. Dar w in essaie donc de facilit er la com pr éhension de ce pr ocessus par analogie avec les m écanism es géologiques m is en lum ièr e par Lyell.

Ce der nier a pr oposé que des st r uct ur es vast es et appar em m ent im m uables com m e les m assifs m ont agneux ét aient en fait en évolut ion ( par exem ple que les vallées se for m ent sous l'act ion des glacier s et des cour s d'eau) . Dar w in par le donc d'un « t em ps quasi- illim it é » et de « m illions de générat ions » au cour s desquelles les var iat ions s'accum ulent et sont t ransm ises :

La not ion de t em ps est quasi illim it ée, seul un géologue de t er r ain peut com pr endr e cela t out à fait . Pensez à l’èr e Glaciair e lor s de laquelle la m êm e espèce de coquillages a exist é ; il y a dû avoir pendant cet t e pér iode des m illions et des m illions de génér at ions.

Finalem ent , Dar w in r écapit ule et m et en scène son scénar io d'évolut ion : ét ant donné l'im m ense diver sit é des for m es vivant es obser vées, il ne peut pas ne pas y avoir de var iat ions – r em ar quer la r elat ion de causalit é qui est en fait post ulée – en par t iculier quelques var iat ions qui confèr ent un avant age par rappor t à l'envir onnem ent ( p.52) . Les individus ainsi for m és r em placer ont ceux qui ont gar dé les caract èr es de leur s par ent s : c'est la sélect ion nat ur elle.

L ES V UES D ' UN PRECURSEUR

Dans ses deux t ext es, Dar w in pr ésent e des idées qui se r évéler ont par t iculièr em ent clair voyant es et ont sans dout e cont r ibué à sa r enom m ée. La fin du pr em ier t ext e ( p.50) , pour t ant assez pr écoce, pr ésent e déj à la dist inct ion ent r e sélect ion nat ur elle et sélect ion sexuelle. Dar w in y fait un cont rast e ent r e l'im pact sélect if de condit ions ext er nes, envir onnem ent ales, et l'im pact sélect if de prat iques liées au choix des par t enair es r epr oduct ifs.

Ce t ype de sélect ion, cependant , est m oins sévèr e que la pr écédent e ; elle n’im plique pas la m or t des m oins chanceux, m ais ne leur assur e qu’une m oindr e descendance.

De plus, dans le der nier paragraphe du deuxièm e t ext e ( p.53) , Dar w in évoque une possible r epr ésent at ion de l'évolut ion sous for m e d'ar br e qui va bien au- delà de la hiérar chie fix ist e :

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[ …] car les êt r es or ganiques sem blent t ouj our s se diviser en br anches et en sous- br anches, com m e les r am ificat ions d’un ar br e qui par t ir aient d’un t r onc com m un, les br indilles qui fleur issent et qui diver gent dét r uisant les m oins vigour euses, et les br anches m or t es r epr ésent ant gr ossièr em ent les genr es et les fam illes dispar us.

Figu r e 3 : Cr oqu is de D a r w in , 1 8 3 7 . Son prem ier croquis d’un arbre de l’évolut ion, issu du Fir st Not ebook on Transm ut at ion of Species ( 1837) [ Museum of Nat ur al

Hist or y, New - Yor k] .

La classificat ion sous for m e d'ar br e r epr ésent e désor m ais les liens hist or iques ent r e espèces, leur phylogénie. I l dépasse par ces concept s les hiérar chies décr it es par Linné et int ègr e la par ent é ent r e espèces, c'est - à- dir e l'hist oir e évolut ive, dans un nouveau m ode de classificat ion du vivant . Cet t e idée fera l'obj et d'une des rar es figur es du livr e

« L'Or igine des Espèces » m ais sera sur t out r epr ise et développée par Haeckel apr ès 1860. I l est égalem ent int ér essant de not er que Dar w in por t e une at t ent ion par t iculièr e à l'im pact de l'envir onnem ent sur les or ganes r epr oduct eur s ( p. 49) :

I l a ét é m ont r é pr écédem m ent que de t els changem ent s, par leur act ion sur le syst èm e de r epr oduct ion, pousser aient pr obablem ent l’or ganisat ion des êt r es vivant s qui ont ét é les plus t ouchés à se m odifier , com m e s’ils avaient ét é dom est iqués.

Aurait - il l'int uit ion que ce sont les m odificat ions dans les cellules ger m inales qui sont seules t ransm ises? En effet il sera bien confir m é plus t ar d par Weism ann à la fin du XI Xe siècle que les m odificat ions acquises dans la lignée som at ique ne peuvent êt r e t ransm ises à la descendance. Finalem ent , Dar w in pr opose une vision t r ès souple de la

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7 sélect ion nat ur elle dans laquelle le t aux de var iat ion pour rait changer en fonct ion des condit ions envir onnem ent ales ( p.49) . Sa for m ulat ion bien qu'im pr écise sur ce point a l'avant age de laisser une place aux concept s de « m ut at eur s » et d'« évolvabilit é » développés r écem m ent ( voir encadr é) :

de t els changem ent s, par leur act ion sur le syst èm e de r epr oduct ion, pousser aient pr obablem ent l’or ganisat ion des êt r es vivant s qui ont ét é les plus t ouchés à se m odifier 2 , com m e s’ils avaient ét é dom est iqués.

M u t a t e u r s e t é v olva bilit é

Ces concept s m oder nes explicit ent des m écanism es évolut ifs dit s de second or dr e. Dans cer t aines condit ions, sous l'influence d’allèles dit s « m ut at eur s », un or ganism e voit son t aux de m ut at ion génét ique augm ent er ou dim inuer.

Ces allèles m ut at eur s cor r espondent à des alt érat ions des syst èm es de copie ou de r éparat ion de l'ADN dont la fidélit é dim inue. De nom br euses er r eur s vont subsist er suit e à leur passage.

Ce m écanism e découver t chez les bact ér ies a r évolut ionné la façon de considér er le rappor t du vivant à l'évolut ion. On doit considér er que dans des condit ions de st r ess env ir onnem ent al par exem ple, la var iabilit é des individus d’une espèce donnée sur laquelle va s'effect uer la sélect ion nat ur elle peut elle- m êm e var ier. L'am plit ude de ces m écanism e est alor s t raduit e en t er m e

« d'évolvabilit é ».

Si la pensée de Wallace sur ces quest ions n'a pas, à coup sûr, la m êm e por t ée, on not era l'analogie ét onnam m ent m oder ne ent re la sélect ion nat ur elle et le syst èm e de r égulat ion de la m achine à vapeur ( p. 62) :

L'act ion de ce pr incipe est exact em ent analogue à celle du gouver nail cent r ifuge d'un m ot eur à vapeur , qui const at e et cor r ige t out e ir r égular it é pr at iquem ent avant qu'elle devienne not able.

De plus, Wallace int r oduit un concept absent chez Dar w in et qui sera souvent r epr is, celui de t endance à la com plexificat ion des espèces du fait de la sélect ion nat ur elle. Cet t e quest ion est auj our d'hui t ouj our s suj et t e à débat .

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« se m odifier » est expr im é dans le t ext e par « becom e plast ic », qui sous ent end que Dar w in ne considèr e pas que la

plast icit é est nécessairem ent const ant e.

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Figu r e 4 : le r é gu la t e u r ce n t r ifu ge ( 1 7 8 8 ) de la m a ch in e à va pe u r de W a t t . C’est un m écanism e de r ét r oact ion : plus l’arbre du m ot eur t our ne vit e à gauche, plus

les boules s’écar t ent , et viennent obt ur er le m écanism e d’adm ission de vapeur à dr oit e, ce qui r égule la vit esse de l’ar br e m ot eur .

L ES D I FFI CULTES D U TEX TE

Tout en r econnaissant l'excellence des avancées concept uelles que l'on t r ouve dans l'ar gum ent air e de Dar w in et de Wallace, il est im por t ant d'ident ifier cer t aines faiblesses du t ext e, not am m ent les élém ent s qui ser ont par la suit e m odifiés par ces m êm es aut eur s et par les générat ions à venir d'évolut ionnist es.

Dar w in const r uit t out e son ar gum ent at ion à par t ir de ses obser vat ions sur ce qui sera appelé la « sélect ion ar t ificielle » et en post ulant que des changem ent s d'im por t ance sem blable doivent pouvoir êt r e engendr és par la sélect ion nat ur elle. Pour t ant , il ne pousse pas l'analogie j usqu'à im aginer que les vit esses d'évolut ion puissent êt r e com parables, auquel cas des changem ent s im por t ant s pour raient êt r e obser v és par des êt r es hum ains chez des espèces à r epr oduct ion rapide, com m e des m icr oor ganism es. Au cont rair e, il insist e à plusieur s r epr ises sur la t r ès grande dur ée nécessair e en se r et ranchant im plicit em ent der r ièr e le cr édit de Lyell. On pour rait y voir là une incohér ence avec son raisonnem ent , considérant que les deux pr ocessus sont de nat ur es différ ent es. Par ailleur s, m algr é l'at t ent ion por t ée par Dar w in à la dém ographie, il ne veut pas envisager que les individus élim inés par la sélect ion nat ur elle puissent êt r e obser vés ( « [ …] il ne faut pas êt r e sur pr is de ne pas êt r e capable de dét er m iner le fr ein à la cr oissance aussi bien pour les anim aux que pour les plant es. ») . Ce point de vue et le pr écédent r endent ses vues im possibles à t est er car t r op lent es et sans effet

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dém ographiques visibles. Pour t ant quelques décennies plus t ar d, Dallinger dém ont r era la sélect ion à l'œuvr e sur des algues unicellulair es dans une expér ience qui dur era sept ans, de 1880 à 1887.

Cependant , le point le plus faible de la t héor ie de la sélect ion nat ur elle t elle que pr ésent ée ici par Dar w in et Wallace concer ne l'hér édit é. Aucun des deux aut eur s n'a de t héor ie de l'hér édit é et ils discut ent donc sur cet t e sélect ion qui cr ible les or ganism es, favor isant ceux qui hér it ent de leur s par ent s de caract ér ist iques avant ageuses sans que l'on sache com m ent ces caract ér ist iques sont t ransm ises d'une générat ion à l'aut r e. À la m êm e époque, le t chèque Gr egor Mendel ( 1822- 1884) a pr oposé une explicat ion m ais Dar w in n'eut pas connaissance de ses t ravaux. I l faudra at t endr e le XX e siècle pour voir l'avènem ent de la génét ique, pr oposant des explicat ions solides des m écanism es d'hér édit é en j eu et per m et t ant d'unifier ces point s de vue dans un cadr e concept uel global.

Dans la vision de Dar w in ém er ge l'idée que les espèces peuvent at t eindr e un opt im um évolut if dans un envir onnem ent donné. Pour aut ant , il considèr e qu'une espèce adapt ée à un cont ext e donné peut per dr e sa place « opt im ale » si l'envir onnem ent est alt ér é. I l n'exist e donc des espèces de « qualit é » que dans un cont ex t e donné. Les for m ulat ions m oder nes de la sélect ion nat ur elle considèr er ont de la m êm e façon des opt im isat ions locales t ant d'un point de vue envir onnem ent al que t em por el. Aussi, depuis, des ét udes com parat ives et expér im ent ales ont m ont r é que la sélect ion n'ét ait pas dir igée et pouvait about ir à des solut ions qui ne sont pas for cém ent avant ageuses sur le long t er m e.

De m êm e, Dar w in m ent ionne que des « pet it es » et des « grandes » m odificat ions peuvent int er venir m ais il n'est pas clair em ent ex plicit é si elles peuvent avoir des r ôles différ ent s. Rien n'est non plus dit sur le t aux auquel ces m odificat ions sur viennent : les pet it es sont - elles plus fr équent es que les grandes ? Ces quest ions font encor e l'obj et de r echer ches act uelles.

Une t héor ie qui s’inscr it dans son hist oir e

La pensée de Dar w in et Wallace ne s'est pas for gée dans l'isolem ent m ais plut ôt dans un cont ext e scient ifique t r ès pr olixe. A cet t e époque, de nom br euses pr oposit ions t héor iques t ent ent d'expliquer de façon plus ou m oins solide la diver sit é des êt r es v ivant s

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et par fois leur évolut ion. D'une cer t aine façon, Dar w in r éussit à com biner de nom br euses idées énoncées sépar ém ent par différ ent s scient ifiques. De m anièr e générale, il est auj our d'hui considér é que les grandes innovat ions scient ifiques ém er gent du fait de la com binaison d'un pet it nom br e d'idées pr éex ist ant es m ais sépar ées dans des cham ps disciplinair es dist inct s. Ainsi, pour m ieux com pr endr e les avancées concept uelles ex pr im ées dans ce docum ent , il est im por t ant de com pr endr e l'ét endue des idées sur lesquelles Dar w in et Wallace ont pu s'appuyer.

D E LA FI X I TE OU D E L ' EV OLUTI ON D ES ESPECES

La t héor ie de la sélect ion nat ur elle, par essence, est une t héor ie évolut ionnist e. Mais avant elle, bien d'aut r es t héor ies ont ét é pr oposées, chacune avec l'am bit ion d'expliquer la diver sit é des espèces nat ur elles.

Le fixism e considèr e que chaque êt r e v ivant n'appar t ient qu'à une et une seule espèce et que ces espèces sont fixes : pas de t ransfor m at ion et donc pas de spéciat ion.

Les espèces n'évoluent pas et ce depuis leur cr éat ion. Par conséquent , il exist e une classificat ion du m onde v ivant t el qu'il a ét é conçu, la m et t r e à j our augm ent era not r e connaissance du vivant . La t ax inom ie du suédois Linné ( 1707- 1778) est la r éfér ence au sein de cet t e t héor ie. I l ét ablit une hiérar chie ( classes, or dr es, genr es, espèces, var iét és) ainsi qu'une nom enclat ur e binom iale, encor e ut ilisées auj our d'hui, dans son ouv rage Syst em a nat ur ae dont la pr em ièr e édit ion paraît en 1735. Linné considèr e ainsi que

« nom ina si nescis, per it et cognit io r er um », si t u ignor es le nom des choses, m êm e leur connaissance dispar aît . Le bot anist e français Jussieu ( 1748- 1836) pour suit ce t ravail en am éliorant la classificat ion linéenne. Pour cela, il ut ilise un plus grand nom br e de caract èr es.

Aux obser vat ions qui lui posent pr oblèm e t elles les var iét és de plant es agr icoles qui diffèr ent des espèces t r ouvées dans la nat ur e, le fixism e r épond en les envisageant com m e des changem ent s accident els m ais r éver sibles per m et t ant selon l'envir onnem ent de r evenir à l'espèce init ialem ent conçue. Cependant , les ar gum ent s fix ist es sont par fois plus ar t ificiels, ad hoc, voir e déist es, que rat ionnels. Par exem ple, Linné st at ue en 1737 dans son livr e Gener a plant ar um qu'« il exist e aut ant d'espèces différ ent es que l'Êt r e infini a cr éé de for m es différ ent es au com m encem ent ». De plus, dans son t ravail de classificat ion, il sera am ené à diviser l'espèce hum aine en différ ent es « races ». Pour ces idées, il sera com bat t u par des philosophes et nat uralist es français, par m i lesquels

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Dider ot , Buffon et Mauper t uis.

Cer t ains scient ifiques r essent ir ent le besoin d'am ender la t héor ie fixist e, m ais n'osèr ent pas l'ébranler plus en avant . Dans ses ét udes d'anat om ie com par ée, Cuvier ( 1769- 1832) obser ve que les fossiles des couches pr ofondes diffèr ent plus des espèces act uelles que ceux des couches r écent es. I l r em ar que égalem ent que des for m es d'or ganism es ne sont plus obser vées dans les couches supér ieur es. I l envisage ainsi plusieur s épisodes de cr éat ion ent r ecoupés de cat ast r ophes pendant lesquelles cer t aines espèces disparaissent . Cependant , au sein de chaque épisode il m aint ient le cadr e de pensée fixist e.

D'aut r es penseur s n'hésit ent pas à at t aquer le fixism e suggérant que les espèces évoluent dans le t em ps, not am m ent Mauper t uis ( 1698- 1759) qui s'int ér esse à l'hér édit é.

Ses idées, r em ar quables pour l'époque, en font un pr écur seur loint ain de la génét ique : une sér ie de m ut at ions for t uit es et r épét ées peut engendr er de nouvelles espèces. I l énonce ses int uit ions dans Vénus physique en 1745 :

C’est ainsi que dans une car r ièr e pr ofonde, lor sque la veine de m ar br e blanc est épuisée, l’on ne t r ouve plus que des pier r es de différ ent es couleur s qui se succèdent les unes aux aut r es. C’est ainsi que des r aces nouvelles d’hom m es peuvent par oît r e sur la t er r e, & que les anciennes peuvent s’ét eindr e.

Buffon ( 1707- 1788) , quant à lui, pr opose une t héor ie de la dégénérat ion. Cer t aines espèces sont issues de la dégradat ion d'espèces init iales « de qualit é », com m e l'âne peut êt r e issu du cheval. Les espèces dégénér ées peuvent néanm oins r evenir à l'espèce init iale lor squ'on les place dans des condit ions adéquat es.

C'est avec Lam ar ck ( 1744- 1829) que l'idée d'évolut ion des espèces se pr écise net t em ent . Ses nom br eux t ravaux appor t er ont beaucoup aux sciences du vivant . Out r e la cr éat ion du m ot « biologie », il pr opose une t héor ie de l'évolut ion basée sur deux pr incipes, qui sont la t endance à la com plexificat ion et l'influence du m ilieu. Les espèces évoluent par t ransm ission des m odificat ions acquises au cour s de la v ie – c'est l'hér édit é des caract èr es acquis ( Recher ches sur l'or ganisat ion des cor ps v ivant s, 1802) :

Or , chaque changem ent acquis dans un or gane par une habit ude d’em ploi suffisant e pour l’avoir opér é, se conser ve ensuit e par la génér at ion, s’il est com m un aux individus qui dans la fécondat ion concour ent ensem ble à la r epr oduct ion de leur espèce. Enfin ce changem ent se pr opage et passe ainsi dans t ous les individus qui se succèdent et qui sont soum is aux m êm es cir const ances, sans qu’ils aient ét é obligés de l’acquér ir par la voie qui l’a r éellem ent cr éé.

Dans cet t e voie, il sera not am m ent suivi par Geoffr oy Saint - Hilair e ( 1772- 1844) qui

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affr ont era Cuvier dans des discussions épiques devant l'Académ ie des Sciences.

Out r e- Manche égalem ent les scient ifiques s'int er r ogent sur ces quest ions. En 1795, le géologue écossais Jam es Hut t on ( 1726- 1797) pr opose que la Ter r e se soit for m ée graduellem ent , par couches successives. Pour le gradualism e, t out changem ent pr ofond est le r ésult at de l'accum ulat ion de pr ocessus lent s, par pet it es ét apes; cet t e concept ion s'oppose donc au cat ast r ophism e. Char les Lyell ( 1797- 1875) incor por e cet t e idée dans sa t héor ie de l'unifor m it ar ism e, t héor ie selon laquelle les pr ocessus géologiques à l'œuvr e dans un passé loint ain s'exer cent encor e à l'heur e act uelle.

L E COM BAT POUR LA V I E

Un aut r e ar gum ent essent iel à la t héor ie de la sélect ion nat ur elle est l'im pit oyable lut t e pour la vie obser vée par de nom br eux nat uralist es, bien loin de la vision har m onieuse pr ésent ée par cer t ains. Le bot anist e August in de Candolle ( 1778- 1841) t ravaille avec Lam arck sur la Flor e fr ançaise.

Figu r e 5 : Le bot a n ist e su isse Au gu st in Py r a m e de Ca n dolle ( 1 7 7 8 - 1 8 4 1 ) . I l est cit é à plusieur s r epr ises par Darw in.

I l ét udie not am m ent les effet s de l'envir onnem ent physique ( sol, t em pérat ur e, soleil, eau, alt it ude) sur la dist r ibut ion géographique des plant es ainsi que le r ôle de la com pét it ion int er- espèces pour les r essour ces ( Essai élém ent air e de géogr aphie bot anique,1820) :

[ ...] considér ons sous ce r appor t les plant es d’un m êm e pays qui offr e une gr ande var iét é de localit és; t out es ces plant es sont dans un ét at de guer r e cont inuel; les pr em ièr es qui s’ét ablissent dans un lieu en excluent les aut r es, les gr andes ét ouffent les pet it es, les vivaces ét ouffent celles dont la dur ée est plus cour t e, les plus fécondes chassent celles qui se m ult iplient plus difficilem ent [ ...]

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Pour aut ant il r est e fixist e:

I l est facile de voir que t out es ces discussions sur les lois de la dist r ibut ion des végét aux dans le m onde r eposent essent iellem ent sur l’opinion de la per m anence des espèces, opinion qu’appuyent de nom br eux ar gum ent s et qu’on ne peut at t aquer qu’en négligeant les fait s bien connus et en se r ej et ant dans les fait s m al connus.

Dans la m êm e veine, influencé par les m auvaises r écolt es de 1794 et 1800 en Anglet er r e, l'économ ist e Malt hus ( 1766- 1834) s'est fait connaît r e par ses t ravaux sur le rappor t ent r e cr oissance de la populat ion et cr oissance de la pr oduct ion. I l exposa ses r éflex ions dans son liv r e « An Essay on t he Pr inciple of Populat ion » publié anonym em ent en 1798 et dont l'édit ion finale, la six ièm e par ue en 1826, influença Dar w in et Wallace. I l y écr it not am m ent :

La cr oissance de la populat ion, sans cont r aint e, est géom ét r ique. La cr oissance des m oyens de subsist ance, quant à elle, est ar it hm ét ique. [ ...] Selon la loi de la nat ur e qui r end la nour r it ur e nécessair e à la vie hum aine, les effet s de ces deux phénom ènes inégaux doivent êt r e gar dés égaux. Cela im plique une cont r aint e for t e et const ant e qui opèr e sur la populat ion r elat ive à la difficult é de subvenir à ses besoins.

Figu r e 6 : L' a r gu m e n t de M a lt h u s. La cr oissance ar it hm ét ique ( droit e r ouge) décr it selon Malt hus la cr oissance des m oyens de subsist ance alor s que la cr oissance

géom ét r ique ( cour be noir e) décr it celle de la populat ion.

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U N E PEN SEE QUI RASSEM BLE

Les idées de Dar w in que nous avons exposées dans le pr em ier paragraphe se nour r issent nat ur ellem ent des concept s pr ésent és ci- dessus et des obser vat ions qui en ét aient à la base. I l est par exem ple évident que Dar w in im por t e les idées de Candolle concer nant la lut t e ent r e individus pour leur sur vie puis il y aj out e les idées évolut ionnist es de Mauper t uis et Buffon, et com bine finalem ent le t out à la façon de Malt hus. Lor squ'il aj out e à cela l'obser vat ion des prat iques dit es « d'élevage sélect if », on conçoit aisém ent a post er ior i qu'il soit ar r iv é à énoncer le pr incipe de la sélect ion nat ur elle.

Dar w in a égalem ent su r éunir des obser vat ions in sit u, des int er pr ét at ions de fossiles, des concept s m at hém at iques, des t héor ies concer nant les anim aux, d'aut r es concer nant les végét aux, t ous ces appor t s venant de penseur s t ravaillant dans des cont ext es différ ent s, voir écr ivant dans des langues différ ent es. C'est ensuit e à sa r éflexion inlassable et à sa capacit é d'abst ract ion qu'il r evient d'accor der le m ér it e de synt hét iser une m ult it ude d'obser vat ions et d'idées épar ses en une t héor ie concise et lim pide.

Des post ur es scient ifiques différ ent es

Le t ravail d'ancrage dans un cont ext e de savoir s ne peut se passer pour aut ant d'un ancrage dans la sociét é des scient ifiques de l'époque. Auj our d'hui, un cher cheur peut difficilem ent aller de l'avant sans dédier un t em ps considérable à la discussion avec ses pair s, à l'évaluat ion du t ravail d'aut r ui. La science est un m onde avec ses r ègles et ses valeur s. I l est ainsi fondam ent al de savoir expr im er des for m es de grat it ude enver s les scient ifiques sans lesquels nous ne pour r ions fair e d'ult ér ieur es r echer ches. I l est bon aussi de savoir cr it iquer le t ravail d'aut r ui, en se basant sur des ar gum ent air es solides et t out en ne m anquant j am ais de r espect . Le m onde académ ique peut par fois êt r e cr uel enver s ceux qui dév ient des nor m es sociales et ceci quelle que soit la valeur scient ifique de leur s idées.

La por t ée des pr oposit ions m ises en avant par un scient ifique et leur accept at ion va dépendr e en grande par t ie de sa place au sein de la com m unaut é scient ifique, de la façon de s'expr im er, et ce quelle que soit l'époque ou la discipline. Ainsi, au delà des quest ions liées à l'ar gum ent at ion scient ifique, Dar w in et Wallace diffèr ent de façon im por t ant e pour ce qui a t rait à leur post ur e scient ifique, ce qui a pu avoir un im pact

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significat if sur la per cept ion de leur s t héor ies.

P LACE SOCI ALE AU SEI N D E LA COM M UN AUTE SCI EN TI FI QUE .

Dar w in à t raver s son t ext e s'int ègr e dans une lignée de grands scient ifiques. I l fait r éfér ence non pas dir ect em ent aux conclusions de leur s t ravaux m ais im por t e m ét aphor iquem ent les dim ensions concept uelles issues des t ravaux de ses pair s. I l r éinj ect e par exem ple en biologie une nouvelle dim ension t em por elle, for m ulée par Lyell en géologie, expliquant que les paysages obser vés r ésult ent de m illions d'années d'act ion de l'eau et du vent . I l en est de m êm e au sein du vivant , les for m es obser vées ne peuvent êt r e com pr ises qu'à t raver s de t elles échelles t em por elles.

Le cham p des disciplines invoquées par Dar w in est bien plus lar ge que dans le t ex t e de Wallace ( géologie, épidém iologie, biologie, agr onom ie, et c.) . Dar w in se place ainsi dir ect em ent sur une dim ension t héor ique qui t ir e sa puissance de pr incipes qui vont au delà de l'obser vat ion dans le dom aine du vivant . I l int ègr e ensuit e ces pr incipes dans une nouvelle façon de penser les sy st èm es nat ur els.

Wallace at t aque de façon dir ect e Lam ar ck, sans diplom at ie, ce que Dar w in ne s'avent ur e pas à fair e:

[ Wallace] L'hypot hèse de Lam ar ck selon laquelle les changem ent s pr ogr essifs dans les espèces sont pr oduit s par les t ent at ives des anim aux d'augm ent er le développem ent de leur s organes, et ainsi m odifier leur st r uct ur e et leur s habit udes - a ét é r éfut ée de m anièr e r épét ée et sans difficult é par t ous les écr ivains at t elés au suj et des var iét és et des espèces.

Figu r e 7 : Alfr e d Ru sse ll W a lla ce ( 1 8 2 3 - 1 9 1 3 )

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Wallace, cer t es en confiance avec ses pr oposit ions, r essent pour aut ant le besoin de s'opposer à d'aut r es concept ions. Dar w in lui, ne cher che pas à cont est er qui que ce soit . On r essent , au t raver s de la for m e de son discour s, qu'il pr opose ses concept s com m e allant de soit , ce que cer t ains pour raient int er pr ét er com m e une for m e de pr ét ent ion, qui sera d'une cer t aine façon j ust ifiée par l'hist oir e.

Figu r e 8 : La m é da ille ( r e ct o- ve r so) D a r w in - W a lla ce , 1 9 0 8 . Elle est ém ise par la Sociét é Linéenne cinquant e ans après la présent at ion de leur s t r av aux en 1858 ( t ex t es

de la Sociét é Linéenne com m ent és ici)

D ES STYLES CON TRASTES

Les deux aut eur s peuvent égalem ent êt r e cont rast és en t er m e de st y le d'écr it ur e, r eflét ant là encor e leur post ur e scient ifique. Dar w in est concis, voir ellipt ique, les enchaînem ent logiques sont m is en avant par une num ér ot at ion clair e ( num ér ot at ion des ar gum ent s, dont la st r uct ur e sera d'ailleur s r epr ise dans L'or igine des espèces, 1859) . Le t ext e est ext r êm em ent fluide. On r essent une pr ofonde m aît r ise du suj et . On r essent égalem ent qu'il pour rait dir e bien plus, que les conséquences t héor iques des élém ent s appor t és vont bien au delà des dom aines à par t ir desquels Dar w in for ge sa t héor ie. Alor s que Wallace se cant onne dans une analy se r igour euse basée pour l'essent iel sur des obser vat ions des var iét és ut ilisées en élevage, Dar w in expose des obser vat ions fait es

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chez différ ent s anim aux ainsi que des végét aux.

En out r e, il est im por t ant de r em ar quer que Dar w in ut ilise des m ét aphor es, à ce que nous pour r ions im aginer en dehor s de ce qui est dit dans le t ext e. Aussi, il fait appel à des m odèles m at hém at iques ( m odèle de cr oissance géom ét r ique) et donne des exem ples num ér iques ( « 2048 oiseaux » p.47) , prat ique j usqu'alor s peu courant e dans les sciences du v ivant .

I l est int ér essant de se dem ander s'il serait possible de t r ouver auj our d'hui dans la lit t érat ur e scient ifique un t ext e avec une por t ée com parable à celui de Dar w in. Aucun aut eur scient ifique ne pour rait ainsi exposer de façon si ellipt ique une t héor ie radicalem ent nouvelle t out en adm et t ant en avoir par lé avec de nom br euses per sonnes et n'avoir r ien publié depuis des années. Aussi l'on dem anderait à ce que cela soit basé sur des obser vat ions expér im ent ales plus r igour euses ou que du m oins l'aut eur fasse des pr édict ions des r ésult at s de fut ur es expér iences qui viendraient cor r obor er ou non les pr oposit ions t héor iques. On pour rait t out efois t r ouver ce genr e de pr oposit ions t héor iques dans des liv r es, m ais avec de plus nom br euses cit at ions se r éférant à des t ravaux ex pér im ent aux.

P OURQUOI LA POSTERI TE RETI EN T - ELLE D ARW I N ?

À la lect ur e de ces t r ois t ext es on peut d'une cer t aine façon se rassur er du fait que l'hist oir e a pour l'essent iel r et enu les pr oposit ions de Dar w in. Ret enir Dar w in c'est r et enir une puissance de pensée t héor ique qui s'em bar rasse bien peu des cont raint es d'un for m alism e scient ifique naissant . C'est r et enir égalem ent une pensée scient ifique qui s'avent ur e au delà des seuls dom aines dans lesquels elle s'est for gée. Si Dar w in est nat uralist e, il com pr end la géologie ou la dém ographie et s'at t ache à bât ir une cohér ence ent r e les bases t héor iques de ces disciplines. I l ne voit pas en quoi il y aurait des fonct ionnem ent s radicalem ent différ ent s.

Conclusion

Au XX e siècle, la biologie voit l'unificat ion de plusieur s sous- disciplines en ce qui for m e désor m ais la synt hèse évolut ive m oder ne, afin d'expliquer le plus com plèt em ent possible l'évolut ion des or ganism es vivant s. La sélect ion nat ur elle y occupe une place im por t ant e, confir m ée not am m ent par les t ravaux en génét ique des populat ions et en

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écologie. Les pr ém isses de la concept ion act uelle de l'évolut ion, énoncés au XI X e siècle, sont donc t ouj our s d'act ualit é.

Cependant , bien qu'ayant pr oposé une t héor ie solide de l'or igine et de la diver sit é des espèces, Dar w in a laissé à ses successeur s une t âche im m ense et posé quant it é de nouvelles quest ions. Com m ent m esur er les effet s de la sélect ion, not am m ent com m ent changent - ils au cour s du t em ps ainsi qu'en fonct ion de la t aille de la populat ion ? Quels sont les liens ent r e l'im pact des var iat ions ( les m ut at ions) et leur t aux d'occur r ence ? Com m ent la sélect ion opèr e- t - elle à chaque niveau d'or ganisat ion d'un syst èm e dit

« com plexe »?

Le XXI e siècle ar r ivant avec son lot d'innovat ions t echnologiques per m et t ra sûr em ent d'aller encor e un peu plus loin dans not r e com pr éhension de ces phénom ènes, en suivant la voie ouver t e aut our de Dar w in.

( décem bre 2009)

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