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Claudel et le paysage chinois

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La Societe Japonaise de Langue et Litterature Francaises

La SocieteJaponaise de Langue et Litterature Francaises

Claudel

et

le paysage

chinois

Dans un livrerev61ateur et trop rn6connu, l'Artpoe'tigue,Claudel

aMrma que lerecours h 1'analogien'est pas un simple proc6d6 d'6cri-

vain mais une m6thode sup6rieure de pens6e qui devra comp16ter,

sinon remplacer, lalogiquefbrmelle.L'ancienne logigue,dit-il," avait lesyllogisme pour organe, celle-ci a la m6taphore, le mot nouveau, 1'op6ration qui r6sulte de laseule existence coajointe et simultan6e de deux choses diffErentes". Et de poursuivre en comparant 1'ancienne logique h GIapremiere partiede lagrammaire qui d6termine lanature

et lafonctiondes differentsmots ", alors que la nouvelle logique en serait c comme lasyntaxe qui enseigne 1'artde lesassembler Di).

On assiste dans Cbnnadssancede l'Esth lamise en ceuvre de ces

propositions. Le tete-h-t6te avec la Nature chinoise permet de sur-

prendre des athnit6s essentielles entre 1'homme et son milieu, leveg6tal

et 1'animal,lemin6ral et 1'humain,lesproc6d6s du paysan et ceux de laNature. Regardons de presun texte comme Le Riz. I!est faitd'un

contrepoint d'analogies: le soleil qui faitmtirir les rizieres et le fbur,

le repiquage du riz et la fecondation,leseaux d'irrigationet leseaux

menstruelles, lamar6e haute et 1'allaitement,lamaturation des recoltes

et lacuisson chinoise du riz h lavapeur. Deux par deux lecomparant

et lecompar6 s'entrelacent, et laphrase finalesur Gla terre bonne h

manger "r6alise, comme une coda de fugue,lafusiondes deux ordres.

Les m6canismes de 1'analogieconferent htout ce texte son mouvement, sa structure et sa signification.

Ilest vrai que ce poeme appartient au dernierquart du recueil:

ildenote une maitrise d'ecriture qui est plus rare dans le premier.

Mais des las6quence de Changhai on trouve des exemples d'analogies

1) Art poetigue,dans le volume' de la collection de la Pleiade censacr6 aux

eeuvres po6tique de Claudel, p. 143. Nous d6signerons d6sormais ce volume par le

sigle Pl. IIr,et le volurne des CEuvres on prose par Pl.IV.

[70]

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obsessionnelles qui courent au long d'un texte et 1'orientent.Dans

Jardins

tout suggere des complicites occultes entre laNature et 1'esprit,

entre lesmat6riaux naturels et 1'artdu

jardinier

chinois, entre leslaby-

rinthes du

jardin

et G lacirculation de lar6verie b, entre 1'angledestoits et lesmouvements de ladanse,entre lastructure du

jardin

et lacom-

plexit6 de la nature. L'6criture est moins serree que dans leRi2,rnais

lachaine des analogies n'en donne pas moins une trame de fond, et

c'est elle qui nous conduit vers lavision finaledu

jardin-miscrocosme.

Dans Peinturelepoeteopere autrement, Ilne s'agit plus de 1'iso-

morphisme des Regnes de lacr6ation mais d'un faceh faceentre des

objets et un modele. Sous nos yeux on transforme un paysage que nous

ne voyons pas en un modele reduit h deux dimensions,qui degage les

traits structuraux :champs en labouret arbres, maisons et personnages, long chernin diagonal et reflet de lune dans une douve circulaire.

L'alternance du droit et du courbe, du plat et du vertical d6finitainsi Ie paysage, qui est structur6 en m6me temps que r6duit aux dimen-

sions d'une maquette.

Dans Dticembreleproc6d6 est plus complexe. L'auteur laisseen-

trevoir le paysage en m6me temps que la peinture qui le repr6sente.

Dans un premier brouillonil s'6tait content6 de d6crire un pan de

campagne d'hiver, mais dans la version d6finitive,ilfaitintervenir le lecteur qu'iltutoie et qui, avec sa main, ses doigts,sa paume, est invite h toucher un paysage r6duit aux deux dimensions d'une peinture imaginaire :

Balayant la contreeet ce vallon feuillu,ta main, gagnant les terres couleur de pourpre et de tan que tes yeux Ib-bas decouvrent, s'arrete avec eux sur ce riche brocard.

(...)

De lapaume caresse ces Iarges ornements

(..

.) des doigtsverifie ces detailsenfonc6s dans

latrame et labrume de ce

jour

hivernal...

Nous voici devant un plan double: un paysage r6el et une ma- quette. L'un et 1'autrepeuvent se decrire en termes d'architecte: un lieu clos, un "th6atre vide ) dont leplafbnd serait repr6sent6 par c une

sombre nu6e " qui G s'attache h 1'horizoncomme par des mortaises h,

dont lesdecors se definiraientpar des oppositions de masses et de

couleurs: noir sur hyacinthe, vert sur gris.La pr6sencedes acteurs et du drame est sugger6e par des infrasons imaginaires, le paysage tout

entier semblant c pr6ter attention hune voix si grele queje ne lasaurais

ouir ", et ce mirage accoustique communique un sens au theatre fan-

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t6me r6flechi sur un double miroir.

Ilarrive aussi que lepoetene se borne pas titater un simulacre :il

veut en prendre possession par une pratique d'envofitement,agir sur

un objet en s'emparant de son image. Dans laIVavigationnocturne il

guettelerRoment oti ilpourra pEcher avec 1'ancrede son bateau lere-

fletde la lune ; dans Nuit d la ve'randah ildispose un grand miroir

dans sa chambre, lanuit, pour capter lesetoiles;dans 71ristessede l'eau

une goutte de pluie faittrembler dans lavasque 1'image de lalune.

Dans Peinturequi-chose rare dans un recueil si riche en notations

colorees-se pr6sente comme un tableau monochrome, un lavis h

1'encrede Chine, la couleur intervientbrusquement aux dernieres lignes,et c'est letrait finalde la douve circulaire avec, dans a un mor- ceau d'azurau lieud'eau,Iestrois quartsd'une lune h peine

jaune

b

Dans un desseinaustere, ce rien de bleu et de safran n'apparait qu'au

moment oti succbde aux precisionsterrestres du miniaturiste une

echappee vers le cosmos, une rencpntre des deux mondes annoncee

par lereflet de 1'astre.

Mais c'est dans laDe'rivationque laf6eriedes rencontres entre le

microcosme et lemacrocosme est elevee h son plushaut niveau lyrique,

et lefleuveg6ant qui sert de cadre

ajoute

encore h 1'apparatdu cer6-

monial :

A 1'heureoti la sacree lumiere provoque h toute sa reponse l'om- bre qu'elledecompose, lasurface de ces eaux b mon immobile naviga-

tion ouvre le

jardin

sans fieurs.Entre ces gras replis violets, voici 1'eaupeintecomme du reflet des cierges, voici 1'ambre, voici levert leplus doux, voici lacouleur de I'or.Mais taisons-nous: cela que

je

sais est b moi, et alors que cette eau deviendranoire, jepossederai la nuit tout entiere avec lenombre int6graldes etoilesvisibles et in-

visibles.

On a remarque 1'importance, dans teus ces textes, de 1'id6ed'ap- propriation, de 1'image de l'explorateur qui s'approprie, possede, en-

voQte, entraine lelecteurdans des postures d'action, se meut dans un

espace oU lesobjects existent par eux-memes, oti lesetresdoivent lutter

ou composer avec eux pour acqu6rir lafamiliarited6sinvolte qui permet

au poete de tater du piedles 6toiles,dans laNuit d lave'randoh, et de

se situer sans efiloi dans lecosmos. L'eperation po6tique retrouve ici

lesd6marches de 1'op6ration magique.

*

(4)

73

Les analogies inspiratrices fourmillent dans ces pages au point que le Iecteur risque d'y chercher un code. Le poete se pr6teau

jeu.

Certains poemes - telsConst'derationtle lacite' - se

pr6sentent comme des r6ponses h un test de Rorschach. Au cours d'une promenade en

montagne, 1'auteur se laissefasciner par 1'accumulation des nuages au

couchant. Ily voit des coupoles, des tours, des cirques, des terrasses,

des basiliques-et Gcette nuance violac6e qui les assombrit, peut- 6tre,n'est que le deuil qu'une distanceirreparabley

ajoute

b.・Quelle

est donc cette cit6 a6rienne ?Partisde lacontemplation d'une mer de

nuages, nous sommes insensiblement conduits vers 1'image ctpeine in- diqu6e,mais n6anmoins intelligible,de la

J6rusalem

c61este.

Les arbres sont trait6s, eux aussi, comme des signes. Non qu'ils

soient reduits h 1'6tatde froidesal16gories ; Claudel pose sur la nature

un regard de naturaliste. Le cocotier, lebanyan, l'aloesou lepin sont

minutieusement d6crits,non seulement dans leur apparence, leurs

couleurs, et leurs formes, mais dans leurs modes de croissances et leurs

fdnctions.Dans lebanyan ilne voit pas seulement un Hercule v6g6tal

mais le regulateur du r6gime des eaux; pour lespins

japonais

ildis-

tingue 1'actiondes terrains et celle de 1'hygrom6triesur lesformes des branches et lesfeuillages,et ilanalyse minutieusement gl'elasticite charnue " qui lescaract6rise:

sous 1'effortdes gras cylindres de fibresqu'elle enserre, la gaine eclate,et 1'ecorcerude, diviseeen ecaillespentagonales par de pro-

fondes fissuresd'otisuinte abondamment laresine, s'exfolie en fbrtes

couches.

Tout cela nous prepare h comprendre lar6sistance en souplesse

du pin aux attaques du vent, laluttedes g6ants vegetaux qui, ade

1'effortg6min6 de leurs bras hercu16ens maintiennent d'un c6t6 et de 1'autrel'ennemi tumultueux qui lesbatb. Avec ces pins,ce vent, c'est

une image de la condition humaine qui nous est montree en trans- parence.

Il s'agit donc de conferer aux 6tres,aux situations, aux choses, une valeur de signe. La traversee de lamer de Chine dans La 71errevue

de la mer? Une aventure mythique, un "avancement au milieu de

1'6ternit6monstrueuse ". Les quartiersen ruine de 1'anciennem6tro- pole royale desertee,dans H7altesur lecanal.? Le symbole desvides qui

alternent avec les pleins dans la d6mographie chinoise, et du vide

taoi'ste tel qu'ilest d6finidans le Ttzo-tb'king.Dans Le 17leuve1'etage-

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ment des signifi ¢ations est encore plus marque. Des les premieres lignes on nous pr6sente une analyse du debit du Ya・ng-tseu qui pourrait

sortir de laplume d'un ing6nieurhydrographe:G... d'une aire donn6e

ayant trouve point le plus bas,un courant se forme, qui d'un poids

plus lourd fuitvers le centre plus profond d'un cercle plus 61argi- Celui-ciest immense par la fbrceet par la masse ". D6finies d'abord

en termes techniques lamasse et laforcesont alors transpos6es, situ6es

dans un milieu rnagique oU micrecosme et macrocosme se confondent :

le litdu fieuve,ses eaux, ses alluvions, s'anthropomorphisent et de-

viennent arteres, sang, plasma, La Terre maternelle offre son sein, et

lamorne vallee, au dernier paragraphe, evoque laM6sopotamie deserte

du lendemain de laCr6ation.Le poetenous a faitpasser suceessivement

par trois registres :le scientifique, lemagique et lemythique.

Devant cette abondance de signes, comment resister ctlatenta- tion du r6pertoire? Comment refuser de r6unlr, analyser, classer, les e16ments de cette fburmiliere d'analogies? Cette 6tude ne pourraitse limiter,pr6cisons-le, h Connaissancede l'Est.Elle devraits'etendre h

tous lestextes de la periode chineise; Le Ropos du septteme

four,

les

deuxiemes versions de la

1leune

.Pille17Volaineet de La 17ille,sans oublier

lestextes de

jeunesse

oU se trouvent lespremieres germes. Une telle

entreprise depasserait ce cadre, et elle risquerait, en outre, d'etre

mystifiante. Car d'un poeme h 1'autre,h 1'interieurde Connaissance de

l'Est,lesrapports entre signifiant et signifie se modifient, et lesg6n6rali-・

sations les plus facilement accept6es par des claud61iens avertis sont

parfbis lesplus contestables.

Amrouche ne voyait-il pas dans Connaissance de l'EstG une espece

d'identificationconstante du soleil comme figurev6ritable de Dieu "?

Il est vrai que l'attentede 1'aubeet de <d'intention de gloireD dans La Descenteet dans Lihation au

1onr jutur

peuvent etre interpret6scomme

le sentiment de 1'approchedu divin,que le Gsoleil de laPentec6te"

au milieu des montagnes qui siegent Gcomme cent vieillards" dans 1'Entr6e de laTerre, est plus qu'une indicationtemperelle, que 1'astre du Risgue de ki mer, ele Roi debout sur la crEte ultime, 1'ceilde nos

yeux" est une figure autant qu'une r6alit6 cosmique. Nourri des images de la Bible, Claudel ne pouvait rester sourd au message de Saint

Jean

:G Dieu est lumiereb, ni hlam6taphore du Soleilde Verite.

Ilen 6taitsi conscient que de son exil am6ricain, et ilecrivaith Potte-

cher, en 1894 : "souvent lematin, quand allant vers 1'estde laville,

je

vois lemagnifique soleil se lever,

je

me demande comrnent 1'onpeut

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75 vivre sans laconnaissance de lav6rit6 ; c'est comme d'habiterun lieu

noir et ferm6 "i).

Malgre ces recoupements, on feraitfausseroute en voyant dans lesoleilclaudelien un symbole univo que.Comment concilier leruisselle- ment divindu " soleil de IaPentec6te b avec lapremiere scene du Par- tage de Midi: sur lamer, Gvache terrassee que l'on marque au fer

rouge ", darde un soleil feroce:

... Lui, vous savez, son amant comme on dit,eh bien lasculpture

que 1'on voit dans Ies musees,

Baal,

Cette foisce n'e$t plus son amant, c'est lebourreau qui lasacri- fie!Ce ne sont plus des baisers,c'est lecouteau dans ses entrailles.

Ilserait difficilede trouver un Dieu d'amour dans ce bourreau lubrique.Or c'est ce rneme Baal qu'on retrouve dans Ardeur, oti il 6pouse laTerre en lapoignardant apres luiavoir faitsubir clesupplice de lalumiere"; ou dans Le Si'dentaire,quand le poete assieg6 par la

chaleur, mtirit "la pens6e de 1'holocauste "; dans tZYistessede l'eau oti

ilrefuse d'accuserde sa m61ancolie lesnuages sombres ou la pluie,

puisque c ladouleur est 1'6teet dans lafleurde lavie 1'6panouissement de la mort ".

On pourrait inyoquer ici1'ambivalencede la th6ologie claude-

lienne, 1'imagedu Dieu terrible grav6een creux dans lasaga des Con- fontaine.Mais cette explication, sans 6trefausse,ne rendrait pas compte de tous lesfaits.Car lesoleil est tant6t Dieu, tant6t Baal,1'anti-Dieu de laBible,ou bien lepoete lui-m6me

(Arovembre,

leP)'omeneur),qui

tant6t s'avance vers 1'astre

(La

Descente,Lthationau

lbur.fattur),

tant6t

luitourne ledos

(Octobre,

11emPe"te),ou bien le suit

(Le

Point,1'Arche

d'erdans la

fore"t).

Plut6t que de se laisserentrainer dans une herme-

neutique oU 1'ing6niosit6pourrait se deployersans limites,oublions un

instantla symbolique pour examiner de plus pres les systemes de

rapport que 1'ecrivainsuscite entre le soleil et lui.

Ilsvont au-devant 1'un de l'autredans La Descente: lepoete se re-

veille au point du

jour

sur un bateau de fleuve,et 1'avancement a sa

rencontre de 1'aurore le a trouble comme un amant " ;dans Lthation au 1'our

jutur,

c'est lepoete qui prend 1'initiative: ilmonte G au plus haut

de la montagne" et y arrive plus t6t que lesoleil afin de porter un

toast au

jour

futur. Dans une s6rie d'autres poemes, le promeneur et

1) Lettre de Claudel b Pottecher du t7 janvier1894, CPC I,p. 89.

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le soleil ont des trajectoires paralleles: dans lePoint la prornenade se

termine au moment precisoti lesoleil rouge du couchant y met un point final;dans 1'Arched'ordans la

fore"t,

a deux reprises, lelevantet le

couchant coincident Evvec le d6but et lafindu voyage en chemin de fer

et de 1'excursiondans lafor6tde Nikko ;dans Novembre lepromeneur

est accompagn6 h chaque etape du chemin du retour par 1'astrequi

d6c!ine. eJe suis lesoleil qui descend h ditlepoete, et apres avoir con- temp16 l'irradiationde 1'eaupar lalumiere frisantedes derniersrayons,

iltermine sa promenade au moment oti lalune se leve.Dans Le Aeo-

meneur 1'identificationavec 1'astreest encore plus complete. "Je suis

1'Inspecteurde la Cr6ation,leV6rificateur de la chose pr6sente h, d6-

clare lepoete, et c'est h 1'heurede midi qu'ilsp6n6trent1'unet 1'autre

dans laclairiere. Quand

je

pose, ajoute-t-il, Gma main sur la croupe brfilante du lourd rocher, 1'entr6e d'Alexandre h J6rusalemest com-

parable h 1'enormit6de ma constatation ".

Les rapports sont invers6sdans l'Entre'ede la Tkerre,leTlemple de

la Conscience et Conside'rationdb ld Cite'oti !atrajectoire du soleil et celle du promeneur vont en directionscontraires. Le poete fait1'ascen-

sion d'une montagne tandis que lesoleil d6cline.A lafoisspectateur

et efliciant de c1'auguste c6remonie de la

journ6e

Di), sa ferveur lui

faitg atteindre avec lacr6te du mont leniveau du soleil qui descend "2)

et contempler de haut lemoment oti " l'astretraverse tout le ciel d'un

rayon noir et vertical "3). Parfoisun ultime rituel d'616vationaccuse les divergences:gle soleil se couche,

je

gravisles marches de veiours

blanc que

jonchent

lespommes de pin ouvertes, telles que des roses "

conclut lepromeneur du Tkemplede ldconscience, et dans (;bnsidEration de la crte'leregard du poete va plus haut que 1'horizonoti le soleil

s'efuce,

jusqu'h

la cit6 de nuages au z6nith. En plaineou sur lamer

Ierituel repara2t sous d'autresformes;le voyageur tourne ledos encore

au soleil couchant, rmais pour se diriger vers Gcette lune largeet pale

qu'on voit pendant le

jour

"4), ou bienvers " une lune rouge en marche

par lanue " d'unjour d'orage5}.Et c'est de nouveau dans 1'espacecom-

pris entre latrajectoire des astres et celle du voyageur que lepoeme se

deploie.

1) L'Entre'e dle la Tlerre.

2) Consideration de la Cite.

3) L'Entree de la Tlerre.

4) Octobre.

5) Tlempete.

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Plus on compare entre elles ces differentescombinaisons, mieux

on mesure leur importance. Ellesdonnent h chaque texte une pers-

pective centrale et un mouvement, une directionet une structure

fondamentaleautour de laquelleepisodeset images viennent s'ordon-

ner un h un. A 1'int6rieurde ce dispositiflesoleil, par moments, peut devenir symbole mais un symbole dont lasignification est changeante et ne doit6tre interpretequ'h travers une structure, et par rapport h

elle. Au milieu de ces donn6es variables, 1'invariantest repr6sent6 par

lerituel du Mage dans leTemple cosmique, par lesregards et lesgestes

du ce16brant qui mesure, 6value,organise lesproportions d'un

jardin,

d'une ville, d'un monument, d'un paysagepour leconstituer en modele

r6duit du cosmos. On assiste tiun c6r6monial qui n'est pas sans rappeler

le ,Pbtrg-chouei des geomanciens chinois que, dans sa conf6rence de

Prague, Claudel d6finissaitcomme cune espece de physiognomonie

de lanature

(...)

1'artde Gall et de Lavater appliquee hun paysage

dont ilinterpretelesens profond et lesintentionslatents"i).

Mais le geomancien est mobile dans un cadre immobile-la la diff6rencede 1'astrologueimmobile qui regle lacirculation des astres.

Dans la campagne du Fou-kien, le poete-rnage regle sa demarche,

mobile contre mobile, en contrepoint de celle du soleil. Et nous sommes

alorsen pr6sence d'un spectacle qui devientaction, c'est h dired'une liturgie.

GOn doit sentir que derriere ce paysage il ya un drame qui passe ", confiait Claudel h Fr6d6ricLefevre2).Le drarneserait-il celui

que les critiques veulent retrouver h tout prix dans tous lescoins de

1'ceuvre claud61ienne, 1'histoirede Mesa et d'Yse? Certes non. Les huit-diziemesde Connaissancede l'Estont 6t6 6critsavant 1901 et la fatalerencontre sur lebateau. Seuls lesdernierspoemes - et surtout ledernier- nous renvoient un 6cho du Partagede Midi. C'estun tout

autre drame qu'on devine h 1'arriere-plan,celui de la fausse vocation

monastique. Pendant lesquatre annees du premier sejour en Chine,

Claudel ne cesse de ramhcher les conflits int6rieurs qu'on entrevoyait

dejh dans I71ersd'esca.G Sousjacent h tout mon travail artistique de

cette epoque-lb ", confiera-t-il h Amrouche, ail y arrait cette pens6e lancinante:qu'est-ce qui m'attend, qu'est-ce queje vais fairequand

je

rentrerai en France, vaisje essayer la vie monastique? C'est le

1) CL KLes Superstitions chinoises), Pl. IV, p. 1076.

2) Fr6deric Lefevre, Les Sources de Paul Ctaudel, p. 142.

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probleme que

j'ai

essay6 de r6soudre h mon retour, en 1900 bi).

Nous avons dejhrencontr6 1'undes avatars du theme obsessionnel

de lar6clusion, lemonologue du bonze de lamontagne. On peut en

voir un autre dans las6quence mediane de Heures dans le

ldrdin,

oU

lelecteurest prisdans 1'etaude c16tures en spirales qui vont se res-

serant. On nous offte, pour commencer, 1'image d'un

jardin

dont la

poterne est hermetiquement close eavec labarre et leverroub; au dessus du

jardin,

la esphere celeste h avec lesoleil au milieu ; dans le

ciel, un milan qui "plane en larges cercles dans 1'azurb ;dans le

jardin,

le"repli colch6aire de 1'al16eD conduit vers un point focal,Gtel qu'au

jeu

de 1'Oieb; et ce point focaln'est autre que lePuits,Gmenag6 h

travers 1'6paisseurde lacolline ". Arrive ) ladernierecase, lereclus se contente d'agiterle Gseau invisible": "Je ne bourgerai point pour ce

jour

D, conclut--il.

On trouveraun autre exemple de structure en spirale oU leresserre- ment progressif du d6cor mime lesphases de i'angoisse,dans lecourt poeme intitu16Vdsite.L'anecdote qui sert de point de d6part- lavisite

protocolaire que leconsul doitfaireau Vice-Roi de Fou-tcheou pour

negocier un accord sur le riz indo-chinois2)- est presqu'impercepti-

ble.La chaise h porteurs

("

la caisse ") conduit leconsul dans un nou-

veau trace de

jeu

de 1'Oie.Elle 1'arracheaux rumeurs des quartiers

commergants periph6riques de laville de Fou-tcheou et l'engagedans le quartier patricien de laMontagne Noire ; au milieu de ce quartier, le yamen mandarinal ; au milieu de la cour du yamen, un enclos de banyans ;h 1'ombredes banyans, lenoble toit de laR6sidence ;une fois

la porte de la maison franchie,lepetit salon d'attente; dans ce salon,

leconsul ne voit plus que lesbarreaux des fen6tresqui "1'excluentb etG1'aussurent par lededans ". Le motcseul ", qui denne au texte son

point d'orgue, ne faitque mat6rialiser le sentiment d'oppressionque donne au lecteurleresserrement du d6cor.

Aux debuts du sejour en Chine, lasolitude n'6tait par li6eh1'angoisse des d6cisionsimminentes mais aux images de rayonnement, et au lieu

de structure en spirale on nous offte dans Le Tbmple de la Conscience

un d6cor d'escalierset d'aur6olesconcentriques. On nous faitgravir

un chemin de montagne, un escalier rustique, et nous voici en pr6sence

d'un paillasson circulaire oU 1'ermite absent viendra bient6tm6diter.

1) Memoires improvise's, p.121.

2) Gilbert Gadoffre, Clandel et l'univers chinois (CahiersPaul Claudel, ne 8,

Gallimard, 1968), p. 193.

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