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Des collections méconnues : étude comparative des procédés de mise en valeur des collections des Etats romands et de l'Etat de Berne

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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1 Université de Neuchâtel

Faculté des lettres et sciences humaines Institut d’histoire de l’art et de muséologie Espace Louis-Agassiz 1

2000 Neuchâtel

Des collections méconnues

Étude comparative des procédés de mise en

valeur des collections des Etats romands et de

l’Etat de Berne

Mémoire de Master en études muséales Sous la direction de M. Thomas Schmutz Travail remis le 18 août 2019

Axelle Bianchi Beaux-Arts 6 2000 Neuchâtel +41 32 724 08 13 +41 79 475 94 04 axelle.bianchi@unine.ch

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Table des matières

Remerciements ... 4

Nota bene ... 5

Introduction ... 6

1. Historique ... 9

1.1 Histoire des collections ... 9

1.1.1 Synthèse de l’histoire des collections ... 17

1.2 Histoire du statut de l’artiste ... 18

1.2.1 Synthèse de l’histoire du statut de l’artiste ... 27

1.3 Modèles ... 29

1.3.1 Le modèle français ... 29

1.3.2 Le modèle fédéral ... 33

1.3.3 Le modèle cantonal ... 36

2. Présentation des collections cantonales ... 38

2.1 Collection cantonale d’œuvres d’art du canton de Berne ... 38

2.2 Fonds d’acquisition de l’Etat de Fribourg ... 42

2.3 Fonds cantonal d’art contemporain de Genève ... 46

2.4 Collection jurassienne des beaux-arts ... 51

2.5 Collection d’art contemporain du canton de Neuchâtel ... 55

2.6 Fonds cantonal d’art contemporain du Valais ... 59

2.7 Collection des Beaux-Arts du canton de Vaud ... 63

2.8 Tableau de comparaison ... 68

3. Analyse comparative et nouvelle stratégie de communication ... 71

3.1 Analyse comparative des collections ... 71

3.2 Proposition d’une nouvelle stratégie ... 75

3.2.1 Communication culturelle ... 75

3.2.2 Stratégie de gestion ... 75

3.2.3 Stratégie de communication ... 76

3.3 Critique du concept de collection d’Etat ... 86

3.4 Synthèse ... 89 3.4.1 Analyse comparative ... 89 3.4.2 Nouvelle stratégie ... 89 3.4.3 Critique ... 91 Conclusion ... 92 Bibliographie ... 95 Historique ... 95

Histoire des collections ... 95

Histoire du statut de l’artiste ... 95

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Présentation des collections cantonales ... 97

Canton de Berne... 97 Canton de Fribourg ... 97 Canton de Genève ... 98 Canton du Jura ... 99 Canton de Neuchâtel ... 99 Canton du Valais ...100 Canton de Vaud ...101

Analyse comparative et nouvelle stratégie de communication ...102

Annexes ...103

Questionnaire à l’intention des responsables des collections ...103

Analyses SWOT ...105 Etat de Berne ...105 Etat de Fribourg ...106 Etat de Genève ...107 Etat du Jura ...108 Etat de Neuchâtel ...109 Etat du Valais ...110 Etat de Vaud ...111

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de mémoire, le Docteur Thomas Schmutz, d’avoir accepté de suivre ce travail ainsi que de m’avoir donné des conseils avisés qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Je remercie également toutes les personnes qui m’ont chaleureusement accueillie lors des sept entretiens réalisés pour ce mémoire : Madame Christine Wyss, responsable de l’unité Commissions culturelles de la Section des activités culturelles de l’Office de la culture du canton de Berne, Madame Marion Rime, collaboratrice scientifique du Service de la culture du canton de Fribourg, Monsieur Denis Decrausaz, chargé de l’inventaire du Fonds cantonal pour le Musée d’art et d’histoire de Fribourg, Madame Diane Daval, responsable du Fonds cantonal d’art contemporain du canton de Genève, Madame Christine Salvadé, cheffe de l’Office de la culture du canton du Jura, Madame Zsuzsanna Béri, cheffe du Service de la culture du canton de Neuchâtel, Madame Hélène Joye-Cagnard, conseillère culturelle et cheffe de la Section de l’encouragement des activités culturelles du Service de la culture du canton du Valais et enfin Monsieur Nicolas Gyger, chef adjoint du Service des affaires culturelles du canton de Vaud. Les informations qu’ils m’ont transmises se sont révélées essentielles pour la rédaction de ce mémoire.

Enfin je tiens à remercier ma mère, Christiane Bianchi, pour sa précieuse relecture ainsi que son soutien sans faille. Je remercie aussi ma sœur, Mélanie Bianchi, pour ses encouragements et son soutien inconditionnel qui m’ont été d’une grande aide. Je tiens également à remercier Virgile Popote pour ses conseils, son soutien ainsi que son amitié. Je remercie enfin mon entourage de m’avoir soutenue lors de la rédaction de ce mémoire, en particulier mes amies Paloma Toedtli et Mandy Garcia.

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Nota bene

Avant d’entamer la lecture de ce mémoire, je tiens à préciser que les ouvrages de référence pour la rédaction de celui-ci sont les suivants :

• Les informations présentées au sous-chapitre Histoire des collections, sauf mention contraire, sont issues du texte « Collection : une typologie historique » de Krzysztof Pomian (cf. bibliographie, p. 84).

• Les informations présentées au sous-chapitre Histoire du statut de l’artiste, proviennent essentiellement de l’ouvrage « Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs » de Nathalie Heinich (cf. bibliographie, p. 84).

• Les notions de marketing introduites dans le sous-chapitre Proposition d’une nouvelle stratégie sont issues du cours de Monsieur Thomas Schmutz, Communiquer et promouvoir le musée, ainsi que du séminaire de Monsieur Patrick Cotting, Théories et pratiques de la promotion culturelle.

Je tiens également à expliquer mon choix d’images pour la page de titre. Il n’existe pas réellement de figures permettant d’illustrer le sujet de ce mémoire. Pour cette raison, j’ai décidé d’opter pour des cadres vides afin de représenter les collections d’Etat, qui sont très particulières. Ces cadres permettent d’une part de symboliser des collections constituées d’œuvres d’art obtenues, par le passé, sans réelle stratégie d’acquisition. D’autre part, l’absence de contenu des cadres me semble adéquat pour illustrer le fait qu’un avenir est à construire pour ces collections, aujourd’hui bénéficiaires d’un nouveau souffle.

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Introduction

Dans le cadre du Master en études muséales, il est demandé aux étudiants de clore leur parcours académique par la réalisation d’un mémoire. Lorsqu’il a fallu trouver un sujet, j’ai eu l’envie d’exploiter les connaissances acquises lors d’un stage réalisé au Service de la culture du canton de Neuchâtel en 2015. Le travail qui m’avait été confié au cours des six mois passés à l’Etat consistait à proposer une stratégie d’inventaire ainsi que de réaliser le recensement des œuvres d’art de la collection cantonale. Avant cette expérience, je n’avais aucune idée de l’existence même de cette collection. J’ai ainsi eu l’envie d’entamer, dans le cadre du mémoire, une réflexion sur celle-ci. Il fallait alors choisir par quel angle j’allais aborder cette recherche pour qu’elle puisse s’insérer dans le cadre d’études muséales. Contrairement aux collections des musées, la collection de l’Etat de Neuchâtel ne dispose d’aucun lieu d’exposition et les œuvres, pourtant publiques, ne sont pas présentées à la population.

De ce fait, comment mettre en valeur une collection inaccessible ? Forte de notions de communication acquises lors de mon Bachelor en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Neuchâtel et des enseignements de la première année de Master, j’ai ressenti l’envie de m’intéresser à la communication liée à la collection du canton de Neuchâtel.

Pour cette raison, j’ai contacté le professeur Thomas Schmutz, chargé de l’enseignement du cours Communiquer et promouvoir le musée pour le Master en études muséales. Ensemble, nous avons décidé d’élargir le champ de réflexion en proposant une analyse comparative de différentes collections cantonales. En effet, chaque canton suisse possède un fonds cantonal d’art ou une collection d’œuvres d’art. Afin de rendre le travail réalisable dans le cadre d’un mémoire et sur les conseils avisés de mon directeur de mémoire, j’ai décidé de porter mon attention sur sept collections. Ce nombre, qui peut sembler ambitieux, est toutefois nécessaire pour la réalisation d’une analyse comparative pertinente. Dans le but de proposer un choix cohérent, les collections sélectionnées ont été celles des cantons romands, à savoir Fribourg, Genève, le Jura, Neuchâtel, le Valais et enfin Vaud. De plus, il a été décidé d’inclure le canton de Berne. En effet, ce canton, bilingue, offre un pied en Suisse alémanique, en plus de représenter la capitale et d’être lié au canton de Neuchâtel par le biais de l’espace BEJUNE (Berne-Jura-Neuchâtel).

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Dans ce mémoire seront ainsi présentés les différents systèmes permettant la gestion et la conservation des collections, ainsi que la mise en valeur de ces différents patrimoines. Les informations figurant dans le deuxième chapitre ont été récoltées par des recherches préalables ainsi que par des entretiens réalisés par moi-même auprès des responsables de chacune des sept collections concernées. Ces discussions ont été menées sur la base d’un questionnaire personnalisé, envoyé préalablement à la personne concernée. Un exemplaire général de celui-ci est disponible en annexe pour consultation.

Ces différentes présentations seront ensuite analysées à l’aide d’outils de communication, notamment des analyses SWOT1. Cette recherche me permet d’élaborer au troisième chapitre une proposition d’une nouvelle stratégie de communication ainsi qu’une stratégie de mise en valeur pour ces différentes collections. Je précise que, dans cette étude, je me contenterai de proposer une stratégie globale de communication, dans la mesure où une stratégie propre à chaque canton dépasserait le cadre d’un travail de master, en allongeant considérablement son contenu. Par ailleurs, ce chapitre me permet également de réaliser une critique du concept même de collection d’Etat.

En effet, la problématique que pose ce mémoire est le fait que des collections en mains publiques sont méconnues, si ce n’est inconnues de la population. J’ai pu constater dans mon entourage que la majorité n’en connaissait pas l’existence et les recherches présentées dans ce mémoire ont tendance à confirmer cette hypothèse. Or, il semble essentiel que ce patrimoine public, qui ne revêt pas toujours, il est vrai, une grande importance au niveau du prestige des œuvres, soit accessible à la population.

De plus, la constitution, la gestion, la conservation ainsi que la valorisation de ces biens sont souvent confiées à des services qui n’ont pas nécessairement les compétences requises. Est-ce vraiment raisonnable de confier cette mission à ces organismes alors que des musées possèdent justement ces compétences ?

En plus de ces deux chapitres, ce mémoire propose en introduction un historique présentant divers points essentiels à la compréhension du sujet. Ainsi, la première

1 Analyse SWOT : elle permet de mesurer les forces (Strenghts), les faiblesses (Weaknesses), les

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partie présentera l’histoire des collections afin de comprendre l’origine de cette pratique et sa réalisation en Suisse. Ensuite, une deuxième partie s’intéressera au statut de l’artiste. Effectivement, le point de départ des différentes collections présentées concerne le statut de l’artiste. Les artistes étaient alors souvent considérés par l’Etat comme des individus « nécessiteux » que la collectivité se devait d’aider. Si aujourd’hui cette vision a évolué, la mission principale des différents cantons est de poursuivre le soutien aux artistes de sa région par le biais d’acquisitions. Il semblait donc intéressant de présenter un historique de la vision de la classe que constituent les artistes dans la société. Enfin, ce premier chapitre se conclut sur la présentation de différents modèles de gestion de collections publiques. Tout d’abord, il a semblé pertinent de présenter l’histoire ancienne et contemporaine de la collection nationale française ainsi que des collections régionales, similaires aux collections cantonales. Ce modèle voisin, et pourtant différent, pourra s’avérer utile pour l’analyse comparative. De plus, ce mémoire présentera également l’histoire ainsi que la gestion actuelle de la collection de la Confédération. Ce choix a été opéré afin d’étoffer la matière permettant une analyse comparative.

Ce mémoire a donc pour objectif de proposer une présentation complète des différents modèles et collections cantonales sélectionnées. En effet, ces informations, dispersées et parfois difficiles d’accès, servent ici une analyse qui permettra peut-être aux cantons concernés d’améliorer la valorisation de ces patrimoines publics.

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1. Historique

1.1 Histoire des collections

Le nom « collectionneur » apparaît officiellement pour la première fois dans la septième édition du dictionnaire de l’Académie française en 17902. Il y désigne « celui ou celle qui fait des collections ». Les collections sont alors définies comme un ensemble d’objets liés entre eux par un rapport. Il peut s’agir aussi bien de tableaux, d’antiquités, que de plantes ou de médailles. Pourtant, la pratique des collections est bien antérieure à cette définition. En effet, celle-ci trouve ses origines dès l’Antiquité. Les rassemblements d’objets dans les tombes des pharaons peuvent en quelque sorte être considérés comme des collections.

Aujourd’hui, il existe toujours une multitude de collections diverses. Cependant, le terme collectionneur est fréquemment associé aux collections d’art. Celles-ci sont particulières. La collection d’œuvres d’art se différencie des collections d’objets divers dans la mesure où elle joue un rôle majeur dans son domaine. Le collectionneur d’art contemporain peut avoir un impact, parfois important, sur le marché de l’art ainsi que sur la création artistique elle-même. Sans collectionneurs, le travail des artistes semble compromis. En effet, la vente d’œuvres d’art offre à celles-ci une visibilité ainsi qu’une reconnaissance qui seraient impossibles sans la constitution du marché de l’art, créé par les relations entre les artistes et les collectionneurs. Enfin, les collections d’art sont propriétés de deux types principaux de collectionneurs, à savoir les collectionneurs privés (particuliers ou fondations) et les collectionneurs publics. Ces derniers peuvent se décliner sous la forme de musées ou d’institutions mais également en tant que collection nationale, propriété de la nation, et par conséquent du peuple (Moureau, 2015). Les prochains paragraphes tenteront donc de présenter une brève histoire de cette pratique millénaire.

Krzysztof Pomian définit les collections comme un « ensemble d’objets naturels ou artificiels, maintenus temporairement ou définitivement hors du circuit d’activités économiques, soumis à une protection spéciale et exposés au regard dans un lieu clos aménagé à cet effet, la collection est un fait universel, coextensif dans le temps à Homo

2 MOUREAU Nathalie et al., « Collectionneurs d’art contemporain : des acteurs méconnus de la vie

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sapiens et attesté, fût-ce sous une forme rudimentaire, dans toutes les sociétés humaines. »3

Selon cet auteur, le premier type de collection qui peut être reconnu en tant que tel date du VIe siècle, dans l’Occident médiéval. La collection est donc considérée comme un trésor. Ce dernier peut se présenter sous deux formes, la première, sacrée, détenue par les pouvoirs ecclésiastiques et la seconde, profane, propriété princière. Ces trésors sont alors possédés plutôt par une institution que par un individu et n’expriment pas le goût de son propriétaire. L’objectif principal est ainsi d’afficher sa richesse et sa puissance. Il s’agit ici d’un signe de protection divine (Pomian, 2001). Une particularité du trésor, qui peut être considérée comme l’ancêtre de la notion de prêt dans les collections, est qu’il est possible d’emprunter des éléments afin de les présenter au peuple lors des cultes, notamment. Le contenu des trésors peut également servir de moyens de paiement. En effet, les pièces ayant subi des dommages ou ne correspondant plus aux goûts du moment, peuvent être détruites afin d’en utiliser la matière première à d’autres fins.

Dès le début du XIIIe siècle, lors des croisades de Constantinople, un intérêt grandissant pour les antiques fait passer de mode les trésors. Ainsi Oliviero Forzetta (1300-1373) est considéré par Pomian4 comme le premier collectionneur de type moderne. Cependant ce dernier, qui n’est ni prince, ni membre du corps ecclésiastique, ne parvient pas à imposer sa pratique, véritable innovation culturelle, comme une pratique répandue. Sa collection ne correspond pas aux trésors dans la mesure où son contenu est constitué exclusivement d’antiquités, réunies par leur propriétaire pour son propre plaisir. Le cas de Forzetta fait exception et il faudra attendre le début du XIVe siècle pour que les collections particulières fassent leur apparition en Europe. Ces collections, principalement d’antiquités, sont constituées par les cours princières ainsi que les hommes de lettres. Contrairement aux trésors, ce nouveau type de collection, en plus d’attester de la richesse de son propriétaire, témoigne de son goût et de son savoir. Elles permettent à autrui de constater que celui-ci est capable de distinguer « les

3 POMIAN Krzysztof, « Collection : une typologie historique. », in : Romantisme, n°112, La collection

2001, p.9.

4 POMIAN Krzysztof, « Collection : une typologie historique. », in : Romantisme, n°112, La collection

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choses vraiment belles de celles qui portent l’empreinte indélébile de la barbarie »5. Le modèle des collections d’antiques poursuivra son cours jusqu’à la seconde moitié du XVe siècle.

En Italie et en Flandre, le nouvel intérêt des collectionneurs se porte sur les tableaux. Une distinction, alors nouvelle, fait son apparition pour la première fois dans le monde des collections. Il existe dès lors deux types d’artefacts. Dans un premier temps, certains objets tiennent leur valeur de leur matière première, c’est le cas pour les trésors du Moyen-Âge. Dans un second temps, une nouvelle catégorie prend en compte le travail réalisé. Les tableaux apparaissent comme l’élément idéal pour la constitution d’un nouveau type de collection à l’époque où les érudits vouent une véritable admiration à la virtuosité d’exécution des artistes peintres. Les œuvres d’art créent une nouvelle rupture avec le trésor. En effet, si les pièces de ces derniers étaient conservées à l’abri des regards et montrées qu’à de rares occasions, les collections de tableaux sont présentées par leur propriétaire afin de témoigner de leur bon goût. Au cours du XVe siècle, on peut dénombrer trois types de catégories d’artefacts : les antiquités, les tableaux et enfin les plantes vives ou les éléments de la nature comme des minéraux. Dès le XVIe siècle, les collections sont devenues si présentes qu’une nouvelle forme architecturale voit le jour, afin de permettre de les exposer. La galerie est conçue pour présenter les tableaux ainsi que les sculptures, le studio ou le cabinet pour les objets, aussi bien artistiques que naturels, et enfin le jardin pour les plantes vives et certaines œuvres d’art. En parallèle, les Kunst- und Wunderkammern, que l’on pourrait traduire par cabinet de curiosité, font leur apparition. Si de prime abord, ces dernières possèdent de nombreuses similitudes avec les trésors du Moyen-Âge, l’objectif est différent : outre le fait de prouver la puissance et la richesse du propriétaire, les cabinets de curiosité ont une véritable ambition encyclopédique. Ils servent à présenter les mystères du monde dans un studio entièrement voué à la recherche. Ainsi, les collections sont réparties en quatre catégories principales : les artificiala, qui présentent des objets créés par l’Homme, les naturalia, composées de créatures et d’objets naturels, les exotica, soit les plantes et animaux exotiques et enfin les scientifica, représentant les instruments scientifiques. De plus, contrairement aux 5 POMIAN Krzysztof, « Collection : une typologie historique. », in : Romantisme, n°112, La collection

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trésors, les cabinets de curiosité ne sont plus l’apanage des plus puissants. Par conséquent, aussi bien les détenteurs du pouvoir ecclésiastique, les princes, les nobles, que des bourgeois plus modestes, possèdent des collections. Le nombre de collectionneurs augmentant, un marché se crée et des innovations scientifiques, comme des instruments d’observation et de mesure, voient le jour (Pomian, 2001). Autre évolution, la valeur historique des objets prime sur la valeur esthétique.

Il faudra attendre l’arrivée de la Nouvelle Science, à la fin du XVIIe siècle, pour que les collections encyclopédiques des cabinets de curiosité passent de mode. Tout en restant passionnés par l’exceptionnel, les collectionneurs de naturalia se tournent, au cours du XVIIIe siècle,vers des objets issus de la faune et de la flore, non plus exotiques mais locales. Ces collections constituent le fondement des sciences naturelles. Au XVIIIe siècle, une véritable volonté de classifier le monde, et par conséquent les collections, fait son apparition. Celles-ci doivent se montrer plus claires et donc plus utiles. En parallèle du développement de l’histoire naturelle, l’histoire de l’art voit le jour grâce notamment à l’archéologue prusse Johann Joachim Winckelmann (1717-1768). Passionné d’art grec et antiquaire, Winckelmann place l’esthétique grecque comme modèle absolu de beauté.6 Les valeurs défendues par les penseurs du Siècle des Lumières ont la volonté de faire sortir le peuple de l’obscurantisme. Une des façons de permettre cela est l’accès au savoir par le plus grand nombre. Auparavant, les collections particulières étaient par définition privées et par conséquent accessibles qu’à un nombre restreint de personnes. Ainsi, l’on constate l’arrivée des premiers musées, comme on les connaît aujourd’hui. Un exemple frappant est l’ouverture du Museum des arts, présentant au public des collections de tableaux et d’antiquités ayant appartenus à la couronne, au Louvre, en 1793. Tout au long du XIXe siècle, une multitude de musées voient le jour, aussi bien dans les grandes villes que dans des régions plus rurales et ce, dans toute l’Europe. Ces derniers sont principalement des musées de beaux-arts, même si les spécificités se diversifient. Les musées deviennent des institutions publiques, propriétés symboliques du peuple, indispensables à la vie culturelle du pays. En parallèle, les collections privées se démocratisent et se diversifient, même si leur nombre décroît avec l’arrivée des grands musées. L’Etat

6 FONTANNAZ Didier, « Pillage et trafic des biens culturels : la Suisse, paradis des collectionneurs ? », in :

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n’utilise plus seulement la collection pour prouver sa richesse et sa puissance mais aussi pour instruire le peuple.

Du XIXe siècle à nos jours, les collections ne cessent de prouver leur importance ainsi que leur influence, notamment sur le marché de l’art et la création artistique. Les musées, les particuliers ainsi que les Etats, comme le présente ce travail de mémoire, sont propriétaires de collections d’œuvres d’art. Même si la notion de soutien est particulièrement mise en valeur, on peut penser que certaines notions comme la richesse, le pouvoir et le bon goût n’ont pas réellement disparu depuis les trésors du Moyen-Âge, notamment auprès des collectionneurs privés.

En Suisse, le concept de collection nationale a pris plus de temps pour être mis en place. Cependant, suite à la création d’un Etat dit moderne au XIXe siècle, la Confédération tente d’encourager la création d’œuvres d’art réalisées par des artistes suisses, et donc de définir un art helvétique. Cette collection avait pour objectif de constituer un patrimoine artistique national. Les responsables de celle-ci sont alors chargés d’inventorier, de classer, de conserver ainsi que d’étudier des œuvres d’art suisses. Cette volonté de créer un patrimoine national est motivé par la nécessité politique de développer une identité commune, susceptible de souder la population7.

Des projets visant à développer l’histoire de l’art suisse ont cependant eu lieu antérieurement. En effet, à la fin du XVIIIe siècle, le ministre des Arts et des Sciences de la République helvétique, Philippe Albert Stapfer, déclare que « Toutes les nations européennes furent une patrie pour les artistes helvétiques, excepté la Suisse elle-même »8. Il décide dès lors de développer un programme d’éducation nationale ainsi que de constituer une Bibliothèque nationale et un Musée national. De plus, il souhaite créer un bureau de la culture nationale dont la mission serait d’organiser des expositions et de réaliser des inventaires du patrimoine artistique et archéologique. Cependant, le manque de moyens financiers et le contexte politique difficile empêchent la concrétisation de la majorité des projets du ministre. Ceux-ci ne sont néanmoins pas abandonnés et le Gouvernement considère que l’Etat est responsable d’assumer une

7 CHESSEX Pierre, « Les beaux-arts et la construction de l’identité nationale », in : Partenariat Passé

simple – notreHistoire, 2017 (lien disponible dans la bibliographie).

8 CHESSEX Pierre, « Les beaux-arts et la construction de l’identité nationale », in : Partenariat Passé

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politique culturelle. Le premier élément mis en place pour proposer une politique culturelle active est l’organisation d’expositions d’art et d’industrie dans les villes de Berne et de Zürich en 1804. Un patrimoine est également constitué par l’acquisition de collections particulières. A l’initiative de sociétés savantes fondées par des bourgeois et des patriciens au XVIIIe siècle, des musées des beaux-arts sont créés dans différentes villes de Suisse. Le premier a été inauguré à Genève en 1926. Malgré cet élan envers la culture, les tentatives de créer un patrimoine restent cantonnées aux villes et par conséquent, elles demeurent régionales. Il n’y a pas réellement l’instauration d’une notion d’Etat national pouvant unir les différents cantons. En effet, les initiatives sont mises en place par des sociétés privées et non par la Confédération.

En 1806, le zurichois Martin Usteri développe la Société suisses des artistes, rebaptisée en 1839 comme Société suisse des beaux-arts (Chessex, 2017). Cette dernière est constituée aussi bien d’artistes que d’amateurs d’art. Dès 1840, la société réalise chaque année des expositions itinérantes présentant des œuvres d’artistes suisses. Ces manifestations, nommées Turnus, rencontrent un important succès auprès de la population helvétique. Les œuvres sélectionnées correspondent toutes aux mêmes critères esthétiques. Leur iconographie représente majoritairement des paysages alpestres ainsi que des lieux ou des représentations historiques typiques de la Suisse. Ces œuvres instillent donc chez les visiteurs une conscience nationale collective. Les trois thèmes majoritaires de l’art dit suisse sont donc les paysages helvétiques, l’histoire légendaire de la Confédération, le conte de Guillaume Tell par exemple, et la vie rurale. En 1866, une nouvelle société voit le jour, la Société des peintres et des sculpteurs suisses. Cette dernière est constituée uniquement d’artistes qui souhaitent se distancer de la Société suisse des beaux-arts, qui, selon eux, présente des œuvres consacrées uniquement à la « glorification patriotique »9.

La Suisse, contrairement à ses voisins européens, est un pays alors profondément rural et les arts ne sont pas une priorité pour la Confédération. Comme le souligne l’homme politique suisse Hans Conrad Escher von der Linth, « Chez nous, il ne faut pas se laisser engourdir par les délices des beaux-arts (…) et un juge honnête au service de la société

9 CHESSEX Pierre, « Les beaux-arts et la construction de l’identité nationale », in : Partenariat Passé

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vaut mieux qu’un Raphaël »10. Il faut attendre 1887 pour que l’Assemblée fédérale crée un arrêté culturel concernant notamment les arts plastiques, ainsi que la constitution d’une Commission fédérale des beaux-arts. A ses débuts, les acquisitions réalisées par la Commission ne font qu’intensifier les clivages entre la Société suisses des beaux-arts et la Société des peintres et des sculpteurs suisses. La Confédération peine donc à créer une identité nationale.

La situation actuelle est différente. En effet, la collection d’art de la Confédération, présentée au chapitre 1.3.2, a su prendre de l’importance. L’Etat considère également l’impact de l’art et de la culture dans une société. En Suisse, les collections d’œuvres d’art détenues par des entreprises ou par les collectivités publiques jouent un rôle primordial sur la scène artistique nationale. Depuis quelques années, de plus en plus d’institutions comme des banques, des assurances ou même des entreprises de commerce, constituent des collections d’art et jouent alors un rôle déterminant dans le paysage culturel suisse.11 Cependant, leur impact reste méconnu, comme le souligne Philippe Kaenel, professeur d’histoire de l’art contemporain et directeur des sciences historiques et de la culture à l’Université de Lausanne, « Aucune étude n’a été réalisée sur leur existence. Nous n’avons aucune vision d’ensemble. Or, ces collections constituent un des aspects significatifs de l’histoire de l’art et certaines comprennent des œuvres d’importance souvent considérables ».12 Ce sujet suscite cependant de l’intérêt puisqu’un premier symposium consacré aux collections en mains publiques a été organisé par l’Institut suisse pour l’étude de l’art et l’Université de Lausanne en mai 2018.

Désormais des entreprises privées gèrent des collections d’œuvres d’art. Celles-ci sont souvent exposées de manière permanente dans les locaux de l’entreprise, c’est le cas notamment pour de nombreuses banques. Certaines institutions, plus surprenantes, comme le CHUV (centre hospitalier universitaire vaudois), présentent ainsi leur patrimoine dans leurs locaux. Si leurs espaces ne le permettent pas, certaines entreprises n’hésitent pas à réaliser des expositions dans des institutions culturelles. 10 CHESSEX Pierre, « Les beaux-arts et la construction de l’identité nationale », in : Partenariat Passé

simple – notreHistoire, 2017 (lien disponible dans la bibliographie).

11 BUCHS Jean-Philippe, « L’art, un enjeu lié au prestige et à l’identité », in : Bilan, 2018 (lien disponible

dans la bibliographie).

12 BUCHS Jean-Philippe, « L’art, un enjeu lié au prestige et à l’identité », in : Bilan, 2018 (lien disponible

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Les collections des entreprises privées servent également le prestige de l’entreprise en possédant des œuvres d’artistes confirmés et internationaux. Or, les banques cantonales ou les collectivités publiques, plus centrées autour d’une notion de soutien, ont tendance à privilégier des artistes plus jeunes et issus du pays.13 Le rôle de ces collections est donc déterminant pour le développement de la création artistique suisse. Cependant, ces fonds d’art ne sont pas toujours conservés et gérés dans des conditions optimales. Ces dernières années, une prise de conscience s’est fait sentir et la gestion des collections des différents cantons suisses a tendu à se professionnaliser. De plus, l’association KIK//CCI, association des curatrices/teurs de collections d’art institutionnelles de Suisse, a été fondée en 2012 dans le but de proposer une plateforme d’échange permettant d’élaborer une ligne de conduite et des normes communes. Si les conditions de conservation ont été améliorées, il s’agit aujourd’hui d’agir quant à leur mise en valeur.

13 BUCHS Jean-Philippe, « L’art, un enjeu lié au prestige et à l’identité », in : Bilan, 2018 (lien disponible

dans la bibliographie). Les propos présentés ici sont issus de la réflexion d’Olivier Moeschler, sociologue des arts et de la culture et chercheur au laboratoire capitalisme, culture et sociétés à l’Université de Lausanne.

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1.1.1 Synthèse de l’histoire des collections Antiquité Pratique attestée des collections

Moyen-Age

Premier type de collection : le trésor, sacré ou profane Signe de richesse et de puissance

Signe de protection divine Apanage des princes et du clergé

Intérêt grandissant pour les antiques au détriment des trésors (XIIIe siècle)

Renaissance

Apparition des collections particulières en Europe

Collections d’antiquités attestant la richesse mais aussi le goût et le savoir du propriétaire

Apparition des collections de tableaux (XVe siècle)

XVIe siècle

Apparition de formes architecturales pour exposer les collections : galerie, studio, cabinet, jardin

Apparition des cabinets de curiosité Nouvel objectif : le savoir encyclopédique Démocratisation de la collection

Primauté de la valeur historique sur la valeur esthétique XVIIe siècle Essoufflement des cabinets de curiosité

XVIIIe siècle

Volonté de classifier le monde et donc les collections Naissance de l’histoire de l’art

1790 : Première apparition du terme « collectionneur » dans le dictionnaire de l’Académie française

Apparition des premiers musées

XIXe siècle Multiplication des musées et des collections privées

Impact important des collections sur le marché de l’art et la création artistique

Propriétaires des collections : musées, fondations, entreprises, privés et Etats.

XXe siècle

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1.2 Histoire du statut de l’artiste

L’histoire des artistes, et plus particulièrement la façon dont ils ont été considérés dans la société, a connu de nombreux changements au cours de ces derniers siècles. En effet, le statut de l’artiste est composé de différents éléments, comme le souligne la sociologue de l’art Nathalie Heinich. Ainsi, les conditions de travail, le statut juridique, l’encadrement institutionnel, la position hiérarchique, la catégorie d’appartenance, la fortune, le mode de vie, l’accès à la notoriété, les critères d’excellence, la représentation que la société se fait des artistes, voire même leur caractère ou leur aspect physique14, constituent les différents éléments qui permettent de définir le statut de l’artiste. Ce dernier englobe aussi bien les conditions réelles de ce métier, que l’imaginaire fantasmé par la société à l’égard de ces êtres particuliers.

Si l’histoire peut attester que l’Homme a cherché à créer depuis le paléolithique, à l’image des peintures murales retrouvées dans des grottes, il est plus difficile de définir à quel moment les artistes ont été considérés comme tels. Effectivement, ces peintures ne sont pas réellement considérées comme des œuvres d’art et leur auteur n’est pas forcément un artiste. Il faudra attendre la Renaissance pour que la notion d’artiste se dégage, les artistes de l’Antiquité et du Moyen-Âge ne bénéficiant que d’un statut marginal, voire inexistant. A vrai dire, ils étaient même considérés comme des êtres inférieurs, au plus bas de l’échelle sociale.

La peinture et la sculpture étaient alors des métiers et non des arts. De plus, ils étaient réservés aux personnes de la classe inférieure. Sous peine de déshonneur, les nobles ou les bourgeois ne pouvaient pratiquer ces activités qu’en tant que loisir. Cette pratique était d’ailleurs très répandue dans les cours royales dès la Renaissance. Le métier de peintre ou de sculpteur ne pouvait s’exercer que dans le cadre d’une corporation. Ce dernier nécessitait un apprentissage. L’objectif de celui-ci était de conférer à l’apprenti une habileté technique lui permettant d’exercer cette profession. La fin de l’apprentissage était symbolisée par la réalisation d’un chef-d’œuvre qui permettait un accès à la maîtrise. Celle-ci donnait la possibilité au peintre d’ouvrir son propre atelier, de former de nouveaux artisans ainsi que de réaliser ses propres travaux rémunérés. En effet, le travail de peintre était alors un travail manuel, effectué 14 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

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contre paiement, contrairement aux arts dits libéraux qui eux étaient considérés comme une pratique culturelle ne nécessitant pas nécessairement de rémunération, ou alors celle-ci n’était pas déterminée de façon stable. L’art avait à cette époque une valeur marchande. Les tableaux ou les sculptures s’achetaient directement dans les ateliers ou par le biais de commandes, aussi bien de la part de privés que du clergé. Les princes avaient également recours aux peintres. Dans ce cas, ils devenaient des mécènes et considéraient l’artisan comme un membre de sa cour. Les artistes étaient donc des artisans et la notion de création propre était quasiment inexistante. Le client, commanditaire de l’œuvre, devenait de ce fait le décideur de son contenu.

Cependant, les « arts de l’image » bénéficiaient d’un statut particulier. La corporation des peintres était considérée comme supérieure au sein de l’artisanat et leurs membres disposaient de quelques privilèges, comme une exemption de certains impôts. Ils ont donc commencé à s’émanciper dès la Renaissance. Cette émancipation est notamment caractérisée par le fait que certains artisans, jugés meilleurs, ont pu sortir de leur statut médiocre, en travaillant pour des princes ou même des papes. Ces derniers développèrent un goût certain pour la peinture. Cet intérêt ne tarda pas à apparaître dans différentes classes de la société et les premiers collectionneurs privés firent leur apparition. Ce nouvel intérêt permit à quelques peintres ou sculpteurs une ascension sociale. Cette évolution marque le premier changement considérable dans le statut de l’artiste. Les peintres, aussi bien individuellement que collectivement, sont de ce fait valorisés.

La perception du statut d’artiste à la Renaissance peut être faussé par les quelques figures majeures passées à la postérité, comme Raphaël ou Michel-Ange. Cependant, il ne faut pas négliger l’importance des artisans tombés dans l’oubli. Effectivement, comme aujourd’hui, la notion d’artiste comprenait diverses catégories, aussi bien des artistes célèbres, que de simples artisans anonymes. Ces derniers étaient chargés de la production d’images pieuses en série ou encore de peintures de décor. Entre ces deux extrêmes, il existait également des artistes plus importants, travaillant pour des clients prestigieux et bénéficiant d’une certaine renommée. Le mode de vie de l’artiste oscillait donc entre l’artisan, le commerçant et le courtisan. A cette époque, le statut d’artiste n’étant pas encore reconnu comme tel, celui-ci commence à être dérangé par ces inégalités. En effet, il est à la fois tout et rien, il ne se reconnaît plus dans le statut

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d’artisan. De plus, les rémunérations des différents artistes sont arbitraires. Certains, jugés plus talentueux, sont mieux payés que d’autres. Or, le talent est difficilement quantifiable.

Individuellement, certains artistes sortent donc du lot et quittent le statut de simple artisan. En parallèle, une union entre les différents peintres tend à une transformation du statut de leur activité. Le statut se légitimise et s’émancipe de certaines contraintes liées à la pratique du métier en corporation. La représentation du créateur d’images subit donc des changements organisationnels (Heinich, 1996).

Le travail de l’artiste tend peu à peu à s’intellectualiser. Ce changement crée l’apparition, dès le XVIIe siècle, de traités pratiques et théoriques ainsi que des critiques d’art, vers la fin du XVIIIe siècle. Ces derniers sont engendrés par la création en France des Salons, organisés par le système académique. Ces Salons montrent des œuvres, hors de toute valeur mercantile. Celles-ci, non plus considérées comme des biens marchands, se dotent d’une toute nouvelle forme intellectuelle. Les images montrées dans les Salons permettent alors à des connaisseurs d’apprécier des œuvres. Ce mouvement académique confère une image prestigieuse et cultivée à l’art, qui se libère de la notion d’artisanat. Le métier de peintre se transforme en profession « libérale ».15 Son activité est dès lors redéfinie. Il existe dorénavant des amateurs et des professionnels. L’artiste dit professionnel doit, de ce fait, correspondre à quatre critères principaux, « l’activité doit être rémunérée plutôt que désintéressée, pratique plutôt que spéculative, spécialisée plutôt qu’encyclopédique, et soumise à des normes collectives plutôt que laissées à l’arbitraire individuel »16. La peinture est alors considérée comme une profession et non un métier que l’on apprend par le biais d’un apprentissage. L’artiste possède des compétences, à la fois techniques et intellectuelles. Le peintre, à l’image du médecin ou de l’architecte, entretient une relation de service avec sa clientèle. Ce nouveau statut lui confère une autorité sur celle-ci. La notion de relation de service s’ajoute au rapport marchand.

Suite à cette évolution, la rémunération des peintres et des artistes se complexifient, dans la mesure où, auparavant, les artisans étaient payés au mètre, donc selon la 15 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

Klincksieck, 1996, p.23.

16 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

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superficie de la toile, ou à la journée. Ces barèmes standardisés permettaient de définir des coûts précis. Ce système se poursuivit longtemps dans le cadre des commandes d’Etat. Cependant, l’apparition d’une élite de plasticiens apporta un nouveau critère à prendre en compte lors de la rémunération : la valeur personnelle de l’artiste. Celle-ci était déterminée, comme aujourd’hui, par les spécialistes ainsi que les amateurs. La renommée du peintre entre désormais en jeu lors de la rémunération.

Les artistes bénéficient dès lors d’une renommée et leur nom prend de l’importance : les maîtres signent leurs toiles. Une œuvre signée prend donc plus de valeur. L’unicité d’une œuvre devient également un critère de qualité. Ces deux éléments sont essentiels dans la conception de la création artistique contemporaine de nos jours. L’artiste est dès lors anobli. Celui-ci, ainsi que sa personnalité, deviennent aussi importants que son œuvre. Cependant, il est essentiel de se rappeler que cet anoblissement ne concerne qu’une infime partie des praticiens.

Les arts du dessin deviennent officiellement des arts libéraux en 1667. Les activités artistiques sont reclassifiées lors de la seconde moitié du XVIIe siècle : les lettres, les sciences, les arts appliqués et les « beaux-arts ». Les beaux-arts sont plus prestigieux que les arts appliqués. En effet, leur « inutilité » leur confère un caractère plus luxueux. Il faudra attendre le cours du XVIIIe siècle pour qu’un nouveau terme apparaisse afin de définir le praticien des beaux-arts. Le terme « artiste » fait alors sa première apparition en 1776 dans un dictionnaire biographique de l’abbé de Fontenay : le Dictionnaire des artistes.17 Ce dernier mot impose progressivement sa présence en

parallèle de la prise d’importance du statut. La notion d’artiste évolue, englobe des pratiques plus larges et s’associe même en quelque sorte à un titre de noblesse. On trouve ici l’origine du statut d’artiste, avec les connotations positives ou négatives qu’il véhicule encore aujourd’hui.

Après la Révolution française et la dissolution de l’Académie royale, il n’existe plus d’institution rassemblant l’ensemble de la profession de peintre et permettant un contrôle et une protection de celle-ci. Les intérêts du métier ne sont plus protégés comme ils l’étaient lors des corporations. Au cours du XIXe siècle, le régime « néo-académique » s’instaure. Celui-ci est constitué de nombreuses similitudes avec le 17 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

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système académique du XVIIe siècle mais en accentuant encore les rigidités de ce système. Le régime néo-académique comprenait une organisation institutionnelle réservée à une minorité d’artistes privilégiés ainsi qu’à une masse de peintres toujours plus imposante. En effet, dû à la valorisation du statut d’artiste, le nombre de peintres avait connu une augmentation significative depuis la Révolution française. En plus des peintres professionnels, les évolutions du matériel (peinture en tubes, toiles montées) démocratisent la pratique de la peinture qui devient une activité prisée des amateurs. Cette démocratisation engendre un amenuisement de la frontière entre professionnel et amateur. De nouvelles formes d’art, comme la lithographie ou la caricature, font leur apparition et permettent à des artistes débutants de vivre de leurs œuvres. Malgré l’élargissement des catégories, la peinture classique conserve son statut privilégié, méprisant les arts mineurs comme l’artisanat ou les arts appliqués. En plus de l’apparition d’amateurs utilisant la peinture comme loisir, des peintres à succès se déclarent autodidactes et s’affranchissent des normes académiques. En parallèle, le marché de l’art se développe ainsi que l’importance des critiques d’art qui ajoutent une valeur de reconnaissance, en plus de la valeur monétaire.

Le régime néo-académique est donc scindé en deux : le régime professionnel, académique et le régime « vocationnel »18. Ce second volet est principalement mis en valeur par les marchands et les critiques d’art. La notion de vocation signifie que l’artiste exerce cette profession par passion, par destin et non pour correspondre à des convenances ou à des obligations. La vocation innée est alors totalement inédite dans le statut de l’artiste. Or, ce régime transforme la vocation comme une condition essentielle du métier. Cette image perdure encore aujourd’hui. Contrairement aux autres professions, le métier d’artiste-peintre ne nécessite plus forcément une formation professionnelle mais un talent. De plus, la carrière de l’artiste devient aussi importante que son œuvre. Il s’agit ici d’un changement majeur dans le statut de l’artiste au XIXe siècle. Le régime vocationnel s’est imposé dès ce siècle comme une norme populaire.

Cette mise en valeur de l’artiste et non plus seulement de l’œuvre contribue à la construction de la figure idéalisée de l’artiste romantique. Celui-ci est désormais

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associé à une vie de bohème. Ceci influe également sur la nouvelle perception de son statut. Or, il est important de préciser que celui-ci est aussi composé de mythes, d’idéaux qui ne représentent qu’une faible partie de la réalité. Le statut d’artiste est, encore aujourd’hui, associé à une vie libre, exempte de contraintes et rebelle. Comme le précise Théophile Gautier (1811-1872), « le mot artiste excusait tout, et chacun, poète, peintre ou sculpteur, suivait à peu près son caprice ».19 En effet, une des caractéristiques de l’artiste romantique est l’opposition. Ce dernier est considéré comme un génie précurseur et révolté par la société qui l’entoure. Les avant-gardes se démarquent par leur excentricité (bohème ou dandysme) qui s’oppose à la moralité bourgeoise. De ce fait, les artistes ne s’opposent plus seulement à l’autorité que pouvaient exercer les normes académiques ou l’Etat, mais ils se rebellent également contre une entité floue que représente la société.

La pratique de la peinture devient dès lors une activité noble bénéficiant d’un statut bien plus prestigieux que celui auquel elle avait droit au cours des siècles précédents. C’est ainsi que des personnes issues de la bonne société, comme Eugène Delacroix (1798-1863) ou Edouard Manet (1832-1883), décident de suivre leur vocation et par ce fait, de s’opposer à la vie bourgeoise.

Par la suite, le statut moderne de l’art va se construire sur le nouveau système de l’avant-garde (XIXe siècle). Ainsi, les artistes considérés comme excentriques deviennent des éclaireurs, des chefs de file de nouveaux mouvements. Ce statut deviendra unique à partir de la Seconde guerre mondiale. Ce changement est marqué par l’acquisition d’œuvres d’artistes innovants et contemporains par des musées ainsi que par l’instauration d’aides à la création octroyées par les Etats. L’histoire de l’art du XXe siècle est marquée par le constant besoin d’innover. Preuve en est la multiplication des mouvements artistiques. De plus, les figures marquantes de l’art ne seront plus seulement des œuvres d’art ou des carrières, mais aussi des personnalités. L’artiste ne doit plus seulement innover par sa création artistique mais aussi se singulariser par son attitude, son mode de vie. La personne peut donc devenir aussi célèbre, voire même plus, que son art. Le statut de l’artiste est marqué par cette excentricité, cette

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singularité de l’artiste qui renforcent son image comme celle d’un être à part. Cette évolution se fait notamment sentir par l’apparition au XXe siècle de manifestes.

L’évolution de ce statut au XXe siècle est également marquée par de nouvelles acceptations. Celles-ci peuvent être illustrées par différents artistes d’importance, comme le fait Nathalie Heinich20. En effet, la figure nouvelle de l’artiste « incompris », dont le génie n’est compris que trop tard, est incarnée par Vincent Van Gogh (1853-1890). Comme le dit l’auteure, « il incarnera alors le mythe fondateur de l’artiste maudit, dont la déchéance au présent atteste la grandeur future en même temps qu’elle témoigne de la petitesse du monde (‘’la société’’) coupable de ne pas le reconnaître21 ». Cet exemple témoigne de l’importance d’une vie dramatique qui donne de la valeur aux œuvres. De plus, les canons de beauté s’effacent au profit de l’innovation et de la modernité. De ce fait, une œuvre ne doit plus être jugée « belle » pour pouvoir être reconnue. La personnalité de l’artiste devient ici presque indissociable de son œuvre. Contrairement au modèle de Van Gogh, Marcel Duchamp (1887-1968) incarne lui une nouvelle forme de singularité. Avec le mouvement dadaïste et les ready-made, Duchamp dépersonnalise son travail et marque l’histoire de l’art en montrant que c’est son statut d’artiste qui permet de transformer un simple objet en œuvre d’art. A l’opposé, le surréaliste Salvador Dali (1904-1989) construit une image de lui-même très personnalisée et travaillée, qui fait de son propre mode de vie une œuvre d’art. Enfin, un troisième modèle, encore reconnu aujourd’hui, est l’artiste « star » de son vivant. Pablo Picasso (1881-1973) en est un parfait exemple : de par sa carrière prolixe, Picasso est devenu un artiste connu et reconnu de son vivant. Décédé multimillionnaire, il constitue une figure faisant rêver les artistes contemporains, désireux d’atteindre un tel succès de leur vivant.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, au terme d’artiste vient s’ajouter le terme de « plasticien » qui permet d’être moins réducteur. En effet, l’artiste n’est plus seulement un peintre ou un sculpteur mais il revêt bien d’autres spécialisations. Les termes d’« installation » et de « performance » font également leurs apparitions. Ceux-ci

20 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

Klincksieck, 1996, pp. 65-72.

21 HEINICH Nathalie, Être artiste – Les transformations du statut des peintres et des sculpteurs, Paris :

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permettent de définir des catégories qui s’affranchissent des genres. Ainsi, la musique, la vidéo, la scénographie, les paysages (land art) peuvent être utilisés par les artistes. Les changements apportés par le XXe siècle au statut de l’artiste le rendent difficilement définissable. La notion de professionnalisation devient un critère difficile pour déterminer qui est un amateur ou non, car il existe de nombreux artistes professionnels autodidactes ainsi que ceux qui ne sont pas reconnus, bien qu’ils aient eu une formation dans une école de beaux-arts. Malgré ces difficultés, la « profession » d’artiste est considérée comme une profession intellectuelle supérieure. Un critère de revenu (« est-ce que l’artiste vit de son art ?») a été pris en compte pour définir un artiste professionnel, mais celui-ci ne s’avère pas réellement convaincant. En réalité, un artiste reconnu est un artiste considéré comme tel par les professionnels (galeristes, conservateurs de musées, critiques d’art) et par ses pairs.

Le statut d’artiste est difficile et particulier à définir, la pratique de l’art n’étant pas homogène et les critères de sélection pouvant sembler arbitraires. De plus, ce statut englobe aussi bien des artistes peinant à vivre de leur art que ceux reconnus internationalement. La particularité du métier d’artiste est l’écart parfois considérable entre les revenus des différents membres de la profession. Pour cette raison, les Etats mettent en place différentes aides et bourses à la création dès la seconde moitié du XXe siècle. Cette différence par rapport à d’autres professions s’explique par la précarité dans laquelle se trouve de nombreux artistes. De plus, des erreurs ont été commises par le passé par des conservateurs de musée, en France notamment, qui n’ont pas su déceler le talent de quelques artistes et certaines œuvres majeures ont donc quitté le territoire national de l’artiste. Par conséquent, l’Etat prend la responsabilité de la construction du patrimoine en réalisant des acquisitions auprès de jeunes artistes. Aujourd’hui, le statut de l’artiste ne se limite pas à une profession ou à des normes administratives. Il joue également un rôle important dans l’image qu’il véhicule. L’artiste est visualisé dans l’inconscient collectif comme un être fantasque qui peut se permettre toutes les excentricités grâce à son statut. L’histoire du statut de l’artiste a également sans doute une influence non négligeable sur la production des œuvres d’art et par conséquent sur l’histoire de l’art tout entière.

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Au début du XXIe siècle, le nombre d’aspirants artistes ne cesse de croitre. Effectivement, les techniques se sont multipliées et Internet permet une diffusion plus facile et plus importante. Le statut d’artiste semble toujours faire rêver. Les artistes contemporains comme Jeff Koons ou Damian Hirst, vendant des œuvres à plusieurs millions de francs, ne font qu’augmenter le fantasme de l’artiste célèbre. Cependant, les inégalités dans les revenus et la reconnaissance sont particulièrement marquées dans le milieu artistique.

En plus de possibles profits financiers importants, le statut d’artiste véhicule une image d’une « vie d’artiste » marginale, sans contraintes, passionnée et passionnante. Ce statut possède en effet de nombreux avantages mais aussi de multiples inconvénients et il est difficile d’accès. L’Etat suisse, et c’est le cas dans la majorité des pays européens, a mis en place divers moyens pour soutenir les artistes, jugés, pour grossir le trait, comme nécessiteux. En plus des bourses, prix et aides financières diverses, des collections d’art sont constituées.

En Suisse, comme le souligne une étude réalisée en 2007 par la Confédération helvétique22, la majorité des créateurs vivent avec de faibles revenus et leur sécurité sociale laisse à désirer. Il est vrai que la situation des artistes est particulièrement difficile pour les plasticiens, les écrivains et les compositeurs musicaux, du fait de leur statut d’indépendant. Le système d’assurances sociales suisse a été élaboré pour des salariés, ce qui entraine que les indépendants doivent s’assurer par leurs propres moyens. Les artistes indépendants pourraient donc se retrouver en difficulté.

La Confédération, consciente du problème, a révisé la Loi fédérale sur l’encouragement de la culture (LEC) en 2013, en vue d’une amélioration de la sécurité sociale de l’ensemble des acteurs culturels. La modification principale concerne les aides financières accordées par l’Office fédéral de la culture (OFC) ou Pro Helvetia. Un montant de 12% est versé à la caisse de pension ou au troisième pilier de l’artiste concerné. L’étude de 2007 relevait un nombre élevé de difficultés relatives au statut de l’artiste en Suisse. Des modifications ont été apportées. Cependant, d’autres mesures doivent encore être envisagées afin d’améliorer la qualité de vie des artistes suisses.

22 S.N., « La sécurité sociale des artistes en Suisse », in : Suisse culture, 2007 (lien disponible dans la

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1.2.1 Synthèse de l’histoire du statut de l’artiste Antiquité Statut marginal, voire inexistant

Peinture et sculpture : métiers et non arts Peinture : apparition de la notion de loisir Exercice du métier de peintre en corporation Apprentissage imposé

Travail manuel (par opposition à intellectuel), effectué contre paiement

Valeur marchande

Artiste considéré comme artisan

Notion de création propre inexistante, œuvres réalisées uniquement sur commande

Apparition de la notion d’artiste Moyen-Age

Renaissance

Emancipation de l’artiste mais toujours pas de reconnaissance sociale

Premier changement considérable : ascension sociale pour certains

Artiste considéré comme artisan, commerçant ou courtisan XVIe siècle Légitimation progressive du statut d’artiste

Apparition de traités pratiques et théoriques

Reconnaissance des arts du dessin comme arts libéraux XVIIe siècle

XVIIIe siècle Apparition du mot artiste (1776)

Nouvelle image plus prestigieuse et cultivée de l’art Libération de la notion d’artisanat

Reconnaissance en tant que profession libérale Différenciation entre amateurs et professionnels Apparition de la notion de relation de service Considération en tant que profession et non métier Renommée de l’artiste

Instauration du régime néo-académique Valorisation du statut

Création des Salons XIXe siècle

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28 Apparition des critiques d’art

Amenuisement de la frontière entre amateur et professionnel par l’apparition de peintres autodidactes

Opposition du régime professionnel et du régime vocationnel Apparition de la notion de talent

Importance de la carrière autant que de l’œuvre Artiste romantique (vie de bohème, être à part) XXe siècle Apparition des aides à la création

Multiplication du nombre d’artistes et de mouvements Importance de la personnalité de l’artiste

Apparition des termes plasticien, installation et performance Considération en tant que profession intellectuelle supérieure Croissance du nombre d’artistes

Fortes inégalités des revenus et de la reconnaissance Statut difficile à définir

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1.3 Modèles

1.3.1 Le modèle français

Comme la Suisse, la France possède une collection d’art nationale ainsi qu’une multitude de collections régionales. Ce système possède des similitudes avec le système suisse mais également de nombreuses différences. A titre de comparaison, ces dernières peuvent s’avérer utiles afin de proposer une nouvelle stratégie pertinente. Tout d’abord, la République française possède un Fonds national d’art contemporain, géré par le Centre national des arts plastiques (CNAP). Ce dernier a comme mission de soutenir ainsi que de promouvoir la création artistique contemporaine dans les différents domaines des arts plastiques. Le CNAP constitue l’un des principaux opérateurs mis en place par le ministère de la Culture et de la Communication, en ce qui concerne l’univers des arts visuels. Il est chargé de nombreuses tâches, comme l’attribution de bourses, la médiation auprès d’écoles et le soutien aux institutions culturelles. L’une de ses tâches principales demeure la gestion et l’enrichissement du Fonds national d’art contemporain. En effet, en tant que collectionneur public, il acquiert des œuvres d’art pour le compte de l’Etat. Il se charge également de la mise en valeur de la collection par l’organisation d’expositions en France ou à l’étranger, ainsi que la publication d’ouvrages. La collection rassemble aujourd’hui plus de 100'000 œuvres, représentatives des diverses techniques artistiques et couvrant les courants artistiques depuis le XVIIIe siècle. Effectivement, le Fonds national d’art contemporain est composé d’une collection historique rassemblant des œuvres de la fin du XVIIIe siècle au début des années 1900, d’une collection d’art moderne, couvrant le XXe siècle jusqu’aux années 1960, ainsi que d’une collection contemporaine des années 1960 à nos jours. Cette dernière est divisée en plusieurs sections : arts plastiques, photographies, audiovisuel, vidéo et nouveaux médias, design et arts décoratifs et enfin maquette de la commande publique.

Le fait que cette collection couvre aussi bien des œuvres contemporaines que des œuvres du XVIIIe s’explique par la longévité du Fonds national d’art contemporain. En effet, l’origine du fonds remonte à la Révolution française de 1789. Cette dernière, à la fin du siècle des Lumières, engendre la notion de patrimoine commun et permet à la République de se structurer. En 1791, l’Etat crée la division des Beaux-Arts, des Sciences et Spectacles, anciennement nommée Surintendance royale. Cette division

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bénéficie alors d’un budget propre qui lui permet de réaliser des acquisitions dans le but de créer une collection susceptible d’éduquer le peuple ainsi que d’encourager les artistes vivants. Au fil des années, la division ne cesse de poursuivre son objectif tout en affinant ses missions. En 1962, elle se transforme en Service de la Création artistique, inclus au ministère des Affaires culturelles. Enfin, en 1987, le Centre national d’art contemporain est fondé et il prend dès lors en charge la gestion du Fonds national d’art contemporain, baptisé ainsi en 1976.

Le CNAP est responsable de nombreuses missions et il constitue une véritable référence dans le domaine des arts visuels. En plus de la conservation et de la restauration du fonds historique, le centre est chargé notamment de l’acquisition d’œuvres d’art afin d’enrichir le Fonds national contemporain. Il existe ainsi différentes commissions en fonction des catégories (arts plastiques, arts décoratifs et photographies). La politique d’acquisition suit deux orientations principales. Tout d’abord, l’objectif est de soutenir la jeune création artistique par une méthode prospective d’acquisition. Ensuite, ces œuvres contemporaines viennent constituer le futur patrimoine français. Enfin, le second objectif est de renforcer la présence d’œuvres d’artistes confirmés dans les collections. Ceci permet de constater l’évolution d’un artiste ou même d’un courant artistique. Ces acquisitions permettent au Fonds national d’art contemporain d’être l’une des plus importantes collections publiques d’Europe, comprenant plus de 100'000 œuvres. En plus de ces acquisitions, le CNAP commande des œuvres inédites à des artistes. La commande publique permet donc la réalisation de projets ambitieux et innovants. Ces œuvres sont destinées aussi bien à des espaces physiques, comme des lieux d’exposition ou des lieux publics, qu’à des espaces artificiels comme Internet ou la radiodiffusion.

Le CNAP a également la responsabilité de rendre visible la collection. Pour ce faire, le centre réalise des prêts d’une durée de cinq ans dans l’administration nationale et des représentations diplomatiques françaises à l’étranger, ainsi qu’auprès des musées, dans le cadre d’expositions temporaires. Actuellement, plus de la moitié des œuvres du fonds sont en prêt. En plus des prêts, la collection est disponible en ligne à l’aide d’une importante base de données. Celle-ci regroupe, en plus des œuvres, des ressources iconographiques, des catalogues d’exposition, des dossiers d’œuvres et d’artistes ainsi que des ouvrages généraux. Ces informations complémentaires sont accessibles sur

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demande pour les chercheurs et les professionnels. Par ce biais, le CNAP tente de favoriser la recherche sur la collection. Celle-ci est analysée par des professionnels lors de colloques organisés par le centre. Les thèmes abordés sont aussi divers que la sociologie, l’économie, l’histoire des politiques culturelles et évidemment, l’histoire de l’art. Le CNAP propose également des bourses de commissariat d’exposition afin de valoriser à la fois la recherche et la mise en valeur de la collection.

En plus des acquisitions, le centre national d’art contemporain a développé divers moyens de soutien. Ils soutiennent également les galeristes, éditeurs et maisons de production de l’audiovisuel, considérés comme des acteurs économiques et culturels à part entière dans le champ de la création artistique contemporaine. En parallèle, le CNAP soutient les artistes, les restaurateurs d’art, les théoriciens ainsi que les critiques d’art. Il s’agit ici d’un moyen d’encourager la recherche et la production artistique. Le CNAP est également responsable de valoriser et de promouvoir l’art contemporain en France. Pour y parvenir, son site présente chaque semaine des centaines d’événements sur l’actualité de l’art contemporain. Il propose également au public un annuaire dans lequel sont répertoriées plus de 2'300 institutions. Outre l’information au public, le site possède aussi une plateforme chargée de renseigner les acteurs de la création artistique. En effet, le CNAP fournit diverses informations sur les droits d’auteur, le régime social et la fiscalité notamment. Des guides téléchargeables donnent des renseignements, quant à eux, sur les formations en arts visuels, les résidences, les bourses ou les prix existants en France. Enfin, il relaie également les candidatures et offres d’emplois. En parallèle, il existe également une application mobile qui permet au public de réaliser sa propre exposition virtuelle à l’aide des œuvres du fonds.

Dès 2022, le CNAP déménagera dans de nouveaux locaux dans le quartier de la Défense, à Paris. Ce bâtiment permettra de regrouper l’ensemble des équipes, ainsi que des réserves qui offriront des conditions de conservation optimales aux œuvres. Ce nouvel espace de 25’000m2 constitue une preuve de l’importance que le ministère confère aux acteurs culturels français. Il permettra également de créer une nouvelle infrastructure ouverte aux professionnels de l’art. Il s’agira aussi bien d’un laboratoire que d’un centre de documentation et de recherche.

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