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Perspectives sur l'au-delà et sur la mort dans le monde judéo-israélite ancien

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Academic year: 2022

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Perspectives sur l'au-delà et sur la mort dans le monde judéo-israélite ancien

MACCHI, Jean-Daniel

Abstract

Les représentations et les attentes liées à l'au-delà et les pratiques rituelles associées à la mort et aux morts ont toujours joué un rôle central dans la façon dont les hommes et les femmes ont conçu et géré les relations avec leur environnement, leurs proches et finalement avec eux-mêmes. Même au sein de sociétés relativement «cohérentes» au plan socio-culturel, des systèmes de convictions et de pratiques aussi fondamentaux que ceux liés à la mort peuvent varier tant au cours du temps qu'entre les différents milieux qui composent ces sociétés. Dès lors, il n'est guère surprenant qu'une certaine diversité ainsi qu'une série d'évolution aient marqué les pratiques et les conceptions liées à la mort dans l'Israël ancien.

Les Judéens et Israélites de l'époque monarchique, et sans doute aussi dans une large mesure ceux des époques qui suivirent, partageaient avec leurs voisins proches orientaux des convictions et des pratiques assez similaires par rapport à la mort. Les rites d'enterrement et l'entretien des sépultures étaient perçus comme essentiels dans la mesure où ils étaient [...]

MACCHI, Jean-Daniel. Perspectives sur l'au-delà et sur la mort dans le monde judéo-israélite ancien. Bulletin du Centre Protestant d'Etudes , 2010, vol. 62, no. 1-2, p. 5-30

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6745

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Perspectives sur l'au-delà et sur la mort dans le monde judéo-israélite ancien.

Jean-Daniel Macchi, Université de Genève

Un psalmiste semble chercher à convaincre Yahwé, le Dieu d'Israël, de la garder en vie par ces mots : «Que gagnes-tu à mon sang, à me faire descendre vers la fosse ? Est-ce que la poussière te loue et raconte ta fidélité ?» (Ps 30,10). Ce passage laisse entendre que les morts n'ont rien à faire avec le Dieu d'Israël et n'ont pas de place dans son culte, comme si Yahwé, comme Dieu de la vie, ne se préoccupait pas du domaine de la mort1. Par ailleurs, plusieurs textes bibliques laissent penser que des pratiques liées au contact avec les morts, comme leur consultation oraculaire, le culte des ancêtres et certains rites de deuil, sont proscrites aux israélites. C'est ainsi que l'abandon de différents usages liés aux ancêtres et aux morts figure en bonne place dans la description biblique de l'action réformatrice du roi Josias visant à rétablir, en Judée, la conformité à la Loi : «Josias fit également disparaître ceux qui évoquent les pères ('obot), ceux qui connaissent, les idoles familiales (teraphim), les idoles et toutes les abominations qu'on voyait en terre de Juda et à Jérusalem, afin d'appliquer les paroles de la Loi (…)» (2 R 23,24). Dès lors, en se basant sur une lecture superficielle de la Bible hébraïque telle que nous la connaissons, on pourrait penser que la religion de l'Israël ancien posait une barrière infranchissable entre les morts et les vivants et que la mort y était comprise comme une séparation définitive et radicale.

D'un point de vue historique, cette impression est partiellement trompeuse. En effet, la Bible hébraïque reflète en majeure partie le point de vue sur la mort du milieu particulier des prêtres et des scribes jérusalémites de la période perse (539-333 av. J-C) qui – tout en ayant utilisé des sources plus anciennes – sont responsables de son édition. Or, comme en témoignent les interdits et les polémiques développées dans le corpus biblique mais aussi la présence en son sein d'indications divergentes, il est probable que des croyances et des pratiques bien différentes de celles promues par les éditeurs des textes aient été présentes dans de larges franges de la société judéo-israélite tant à l'époque perse qu'aux époques antérieures des monarchies judéo-israélites (du IXe s. au VIIe av. J-C) et de la domination babylonienne (VIe s. av. J-C) qu'aux époques ultérieures, hellénistique et romaine (dès le milieu de IV e s. av. J-C). Dès lors, pour mieux connaître les croyances et les pratiques judéo-israélites à propos de la mort aux époques allant de la monarchie à la période perse, le texte biblique devra être analysé de manière critique. Il s'agira, en outre, de tenir compte des données extrabibliques fournies par l'archéologie des tombes, les inscriptions judéo-israélites, ainsi que la documentation sémitique ancienne en particulier celle issue de Mésopotamie et du site nord-syrien d'Ougarit (1200 av. J-C)2.

1 Dans le même sens Ps 6,6; 88,6.11-13; 115,17; Es 38,18.

2 A propos de la mort dans l'Israël ancien voir : H. Nutkowicz, L'homme face à la mort au royaume de Juda. Rites, pratiques et représentations, Paris, Cerf, 2006 (la première partie de notre présentation du thème de la mort dans l'Israël ancien doit beaucoup à cet ouvrage); R. S. Hallote, Death, Burial, and Afterlife in the Biblical World. Chicago, Ivan R. Dee, 2001 ; R.

Martin-Achard, La mort en face selon la Bible hébraïque, Genève, Labor et Fides, 1988 ; C.A. Kennedy, «Dead, Cult of the», in Anchor Bible Dictionary, New York et al., Doubleday, 1992 , vol. 2, p. 105-108; J. Blenkinsopp, «Post-Mortem Existence

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1. Perceptions traditionnelles de la mort dans le monde judéo-israélite.

Bien loin des croyances en un destin post mortem paradisiaque qui apparaissent progressivement à partir du IVe siècle av. J-C et qui finissent par s'imposer dans le judaïsme, le christianisme et la religion samaritaine, entre la fin du 1er siècle av. notre ère et le IVe s. après, la religion israélite ancienne n'idéalise pas le sort post mortem de l'homme. La mort y est perçue avant tout comme le destin inéluctable de chacun et la limite de la vie. En ce sens, les anciens israélites, comme leurs contemporains mésopotamiens, acceptent pleinement que la mortalité distingue les hommes de ou des dieu(x).

Dans un des plus célèbres textes de Mésopotamie ancienne, l'épopée de Gilgamesh, la tenancière d'un cabaret rappelle au héros qui, après la mort de son ami, entreprend une quête d'immortalité, que «quand les dieux ont créé l'humanité, c'est la mort qu'ils ont réservé à l'humanité ; la vie, ils l'ont retenue pour eux entre leurs mains»3. De fait, dans le récit de création du premier homme, le texte biblique témoigne d'un regard assez similaire sur l'inéluctable mortalité liée à la condition humaine. Dans le jardin d'Eden, le discours trompeur adressé par le serpent à la femme montre bien ce qui se cache derrière l'interdit de manger du fruit de l'arbre de la connaissance : «Le serpent dit à la femme, vous ne mourrez certainement pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal» (Gn 3,4-5).

L'enjeu porte sur deux caractéristiques fondamentales du divin : la connaissance et l'immortalité. Or, après que l'homme et la femme originels ont violé l'ordre de Dieu, le récit de la Genèse institue la condition humaine en rupture avec la condition divine immortelle. Si l'homme obtient la connaissance, il est par contre expulsé du jardin, il n'a donc plus accès à l'arbre de vie et doit survivre dans un environnement hostile. La vie humaine marquée par la finitude, l'est aussi par la souffrance : «Il (Dieu) dit à la femme: j’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur (…)» (Gn 3,16) et par la peine : «Il dit à l'homme : le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie (…) C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière» (Gn 3,17-19). Ce récit fondateur traduit bien la perception de la condition humaine d'un groupe d'hommes et de femmes confronté à la réalité de l'existence sur la terre aride de Juda. Bien que la mort n'y soit pas présentée comme désirable, elle y est perçue comme fondamentalement nécessaire et constitue même, d'une certaine manière, la limite aux souffrances d'une existence qui se joue désormais hors de l'environnement protégé du jardin d'Eden.

1.1. Les pratiques funéraires.

Dans le monde biblique, la mort d'un homme âgé n'est pas considérée comme dramatique si tant est que les rites d'enterrement soient accomplis. À l'image de celle des grandes figures fondatrices comme Abraham, Isaaq, Job ou David, une «bonne mort» advient, au terme d'une vieillesse heureuse suivie par l'accomplissement des rites de in the Old Testament», in Lebendige Hoffnung - ewiger Tod?!, M. Labahn et M. Lang (éds), Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2007, p. 33-51.

3 Gilgamesh, tab. 10, col. III l. 3-5 (Meisner). Traduction R. J. Tournay et A. Schaffer, L'épopée de Gilgamesh, Paris, Cerf, 1994, p.203.

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deuil.

«Abraham expira et mourut, après une heureuse vieillesse, âgé et rempli de jours. Il fut rassemblé à son peuple.

Isaaq et Ismaël ses fils l'enterrèrent dans la caverne de Macpéla» (Gn 25,8-9).

Comme le souligne cette notice, qui présente un tableau idéalisé de la mort du Patriarche en réunissant lors de son enterrement ses deux fils, l'existence d'une descendance est essentielle. En effet, c'est cette descendance qui permet d'assurer la pérennité du nom, de la mémoire et la transmission de l'héritage. En outre, c'est elle qui se charge des rites familiaux d'enterrement ainsi que de ceux liés aux cultes des ancêtres.

Dès lors on comprend aisément que, dans la Bible hébraïque, l'absence de descendance soit perçue comme une terrible malédiction. C'est ainsi que, le cycle d'Abraham (Gn 12-25) montre que la stérilité est perçue comme un drame majeur. En outre, le droit biblique du Lévirat vise à palier cette terrible absence de postérité en obligeant le frère d'un homme décédé sans enfant à assurer sa descendance en honorant sa veuve (Gn 38; Dt 25,5-10).

Finalement, plusieurs épisodes de conflits témoignent du fait que le massacre des enfants d'un ennemi défunt constitue une des pires vengeances qui soit. Ainsi, le roi Saül redoute par-dessus tout d'être frappé de cette sanction lorsqu'il demande à David, qu'il sait vainqueur : «maintenant donc, jure-moi par Yahwé que tu ne couperas pas ma descendance après moi et que tu n'excluras pas mon nom de la maison de mon père» (1 S 24,22; voir aussi Esther 9,7-10).

Plusieurs textes bibliques montrent que l'absence de sépulture et de rites de deuil constitue la forme ultime du malheur humain. Le droit du Deutéronome rappelle la gravité d'une mort sans sépulture puisque même après une condamnation à mort, le corps du défunt ne doit être laissé à l'abandon afin de le préserver de la destruction par les bêtes sauvages et permettre son inhumation (Dt 21,22-23). Quant à la longue liste des malédictions qui menacent ceux qui ne respectent pas la Loi, figurant à la fin du Deutéronome, elle mentionne ce terrible malheur post mortem : «Ton cadavre sera la nourriture de tous les oiseaux du ciel et des bêtes de la terre et personne ne les effrayera» (Dt 28,26, voir aussi 1 S 17,44-46). De fait, quelqu'un dont le cadavre est laissé à l'abandon partage le destin des animaux sauvages et perd ainsi sa dignité d'homme. En outre, en l'absence de rites funèbres, ses ultimes liens sociaux sont niés.

L'importance de l'inhumation dans le monde sémitique est encore soulignée par plusieurs récits mettant en scène l'extrême détermination des proches à donner une sépulture. C'est ainsi que les hommes de la ville de Javésh de Galaad, qui avaient été sauvés par Saül en 1 Samuel 11, organisèrent une opération militaire risquée pour récupérer le cadavre de ce roi pendu aux murailles de Beth Shéan (1 S 31,8-13) afin de lui donner une première sépulture avant que David ne vienne récupérer ses ossements pour les déposer dans son tombeau familial (2 S 21). Au cours de ce dernier épisode, David suit l'exemple de Ritspa qui avait protégé les cadavres de ses enfants des oiseaux et des bêtes sauvages afin qu'un enterrement reste possible (2 S 21,10).

1.1.1. Funérailles et attitudes de deuil.

Les pratiques de deuil de l'Israël ancien sont bien documentées. On y retrouve le fait de pleurer le mort – de manière individuelle ou collective – et de prononcer, à son propos, une lamentation funèbre. L'endeuillé revêt, après avoir déchiré ses vêtements, un habit de deuil, le fameux sac, et se recouvre de cendres. La mort entre ainsi symboliquement dans la vie et, au travers du rite, l'endeuillé est conduit à partager très concrètement le destin du

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mort (Gn 37,34; Jr 6,26 etc.).

Des pratiques d'incisions, de rasage, peut-être aussi de tatouage, visent peut-être à créer des échanges de substance vitale avec le mort. Si elles sont parfois mentionnées sans connotations péjoratives (Jr 16,6), de telles pratiques sont interdites par la loi du Deutéronome et du Lévitique : «Vous ne vous ferez point d’incisions et vous ne vous raserez pas entre les yeux pour un mort» (Dt 14,1, cf. aussi Lv 19,28). Finalement, des rites alimentaires destinés aux endeuillés semblent avoir été assez courants comme en témoigne par exemple 2 Samuel 3,35, Jérémie 16, 5-7 et Ezékiel 24,17.

1.1.2. Enterrement et tombe.

L'inhumation constitue le traitement habituel des défunts en contexte judéo-israélite. Un nombre considérable de tombes ont été retrouvées. Contrairement à Ougarit où des chambres funéraires se trouvent dans les caves des maisons, les tombes judéennes sont généralement situées à l'extérieur des villes et des villages, dans des sortes de nécropoles telles que celles qui entourent Jérusalem4.

La tombe judéenne classique (Xe - VIe siècle av. J-C) est le plus souvent formée d'un ensemble creusé dans le rocher qui se compose d'une pièce principale (atrium) donnant accès à une ou plusieurs chambres funéraires.

Dans ces chambres, on trouve des bancs de pierre qui accueillaient les corps qui y étaient déposés habillés et sur le dos. La présence dans ces sépultures d'un reposoir – qu'il s'agisse d'une fosse creusée dans l'atrium, d'une niche ou même d'une véritable pièce – témoigne de la pratique de l'inhumation secondaire. Après le décharnement, les ossements et le mobilier du défunt étaient retirés du banc pour être déposés, sans doute à l'occasion d'une cérémonie, dans le reposoir. Cette deuxième inhumation permettait la réutilisation du caveau de famille générations après générations. Notons que la pratique de l'inhumation secondaire se poursuit durant la période hellénistique et romaine et débouche sur l'usage d'ossuaires destinés à accueillir les ossements d'une personne en particulier. En outre, dans le judaïsme de diaspora à la période hellénistique, l'inhumation secondaire en terre sainte va devenir une pratique relativement courante dont le rapatriement en Israël des ossements de Joseph et de Jacob (Gn 50, 7-13.26; Ex 13,19; Jos 24,32) représente le modèle.

L'agencement des sépultures judéennes conçues un peu comme des demeures souterraines, et rassemblées en villes-nécropoles, montre que la tombe constitue en quelque sorte le prolongement de la demeure familiale.

Comme le rapporte à plusieurs reprises le texte biblique, le défunt y rejoint son peuple ou selon une formule plus classique, ses pères (Gn 25,8-9 etc…). Dans ce contexte, on comprend aisément que la pleine possession familiale du caveau funéraire ait été essentielle pour les anciens israélites, ce que rappelle l'épisode au cours duquel Abraham refuse l'hospitalité funéraire des fils de Heth et insiste pour acheter le caveau où il enterrera sa femme et sera lui-même enseveli (Gn 23).

Les fouilles menées dans les tombes, ont livré de nombreux d'objets. On y a trouvé des ornements, des pendentifs, des seaux, des armes et énormément d'objets utilitaires comme des vases, bols ou lampes qui laissent penser que la nourriture a joué un rôle important dans les rites et les cultes liés aux morts. En outre, de

4 Le dossier archéologique des tombes judéennes a été analysé de manière détaillée par Nutkowicz (note 2).

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nombreuses figurines religieuses apparaissent dans les tombes. Aux plusieurs centaines de figurines piliers de femmes se tenant les seins, représentant peut-être la déesse Ashéra, s'ajoutent des figurines égyptisantes de Bes ou d'Isis ainsi que des chevaux à symbolique probablement solaire5. Les défunts judéens et israélites partaient donc, vers l'au-delà, équipés d'objets utilitaires divers ainsi que de divinités personnelles.

1.2 L'au-delà, le She’ol et ses habitants.

Les Israélites partageaient avec le monde sémitique ancien une conception de l'au-delà comme un univers sombre et triste dans lequel les défunts étaient sensés mener une «existence» assez pitoyable.

1.2.1. Le She’ol, le domaine des morts.

Dans la Bible hébraïque, le lieu qu'occupent les défunts est le plus souvent appelé She’ol (60 occurrences). Ce terme n'apparaît que dans le monde biblique et n'a de parallèle ni à Ougarit ni en Mésopotamie. Les exégètes ont beaucoup réfléchi à son étymologie qui, au regard de la diversité des hypothèses proposées, reste spéculative.

C'est ainsi que le terme She’ol a été rapproché d'une racine sémitique signifiant «lieu désert» (sh’h), ce qui correspondrait bien à l'ambiance qui est sensé y régner, et d'une autre signifiant «ouest» (bab. shilan) puisque les cultures proches orientales situent souvent le séjour des morts là où le soleil se couche. Le terme a également été rapproché du nom d'une divinité chtonienne ainsi que d'une racine signifiant «interroger» (sh’l), pouvant évoquer la consultation des morts. Quoi qu'il en soit, signalons que le monde biblique des morts est parfois aussi appelé

«la fosse» ou «la terre des profondeurs» (Ez 26,20; 31,14).

Même si aucune géographie du She’ol n'est attestée dans la Bible, il est évident qu'il s'agit d'un lieu souterrain, dans lequel les défunts sont réunis et dont on ne revient pas : «voilà celui qui descend aux She’ol ne remontera pas, il ne reviendra plus dans sa maison» (Job 7,9b-10a voir aussi 16,22). En outre, ce lieu est décrit par Esaïe 5,14 comme un être insatiable qui avale les hommes : «et ainsi She’ol élargi sa gorge (hébreu : nèphèsh), elle ouvre sa bouche sans mesure» ce qui n'est pas sans rappeller la façon dont Mot, le dieu de la mort, se décrit face à Anat dans le cycle de Baal d'Ougarit : «ma gorge (ougaritique : napshi) est affamée des fils des hommes, ma gorge de la multitude de la terre»6.

L'ambiance souterraine qui règne au She’ol est plutôt triste. L'expression biblique «le pays de ténèbres et d'ombre de la mort» (Job 10,21-22) caractérise bien ce lieu où il fait sombre et où les morts végètent, dépourvus de force, dans la poussière et le silence. En Esaïe 14,9-11, l'oracle de malheur contre le tyran qui dominait le monde constitue une des rares descriptions bibliques relativement détaillée du monde des morts.

«Le She’ol tremble intérieurement pour toi, à l'annonce de ta venue. Pour toi, on réveille les Rephaim, tous les grands de la terre, on fait lever de leurs trônes tous les rois des nations. Tous, ils parlent et te disent: "Toi aussi, te voilà désormais sans force, comme nous, tu es devenu semblable à nous. Ta Majesté a dû descendre au She’ol au son

5 Nous disposons en langue française du volume de O. Keel et C. Uehlinger, Dieux, déesses et figures divines, Paris, Cerf, 2001 qui recense, présente et analyse l'iconographie liée à la religion israélite ancienne. Le lecteur y retrouvera des paragraphes concernant ces différentes trouvailles (§190-192 pour les figurines à pilier).

6 KTU 1.6 col 2, l. 17-19. voir A. Caquot, M. Sznycer et A. Herdner, Textes ougaritiques I, Paris, Cerf, p. 258-259.

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de tes harpes. Sous toi, un matelas de vermines et les vers sont ta couverture"».

Ce texte, qui ironise sur l'arrivée au She’ol d'un tyran raillé par les rois défunts des nations qu'il avait dominés de son vivant, illustre bien comment le monde des morts était perçu. Ces habitants sont faibles et doivent être réveillés pour accueillir le tyran. Même si tous ceux qui «vivent» au She’ol partagent un sort similaire, ils ne sont cependant pas dépourvus de statut social. Les rois sont qualifiés de Rephaim – un terme, qui désigne ici, comme dans les textes d'Ougarit7, une sorte d'aristocratie du She’ol – et sont assis sur leurs trônes.

Même si la perspective inéluctable de finir au She’ol n'est guère réjouissante, cet endroit n'est pas le théâtre de tourments éternels, mais est plutôt un lieu de repos assez paisible dont Samuel n'est guère heureux d'être temporairement extirpé par Saül (1 S 28) et où Job envisage même de trouver refuge pour laisser passer la colère de Dieu «Si seulement tu me cachais dans le She’ol, tu m'y abritais jusqu'au retournement de ta colère» (Jb 14,13a). Quoi qu'il en soit, dans la littérature vétérotestamentaire, l'accès au She’ol n'est en aucun cas la conséquence d'un jugement post mortem des individus ce qui explique pourquoi, lorsque se développera l'idée d'un paradis et d'un enfer, les mentions bibliques du She’ol seront comprises comme des références au lieu intermédiaire qu'est le purgatoire plutôt qu'à l'enfer.

1.2.2. Les habitants du She’ol.

L'anthropologie véhiculée par la plus grande partie des textes de la Bible hébraïque témoigne d'une conception de l'homme où, si la mort est inéluctable et sans retour possible, elle ne constitue pas un anéantissement absolu.

La notion de nèphèsh – un terme souvent traduit un peu maladroitement par «âme» – joue un rôle important dans la conception israélite d'une survie post mortem. Cette notion désigne au sens premier la gorge, mais définit par extension la vie de la personne dans sa globalité (Gn 12,5; 46,26-27). En outre elle est fortement liée aux sentiments de l'homme : «la nèphèsh de Jonathan s'attacha à la nèphèsh de David et Jonathan l'aima comme sa propre nèphèsh» (1 S 18,1). Dès lors, même si la nèphèsh constitue ce qui fait qu'un être est vivant (Gn 2,7), il ne s'agit pas d'une notion impersonnelle puisqu'elle représente l'individu. Pour les anciens israélites, la nèphèsh quitte le corps du défunt au moment de la mort – d'où l'expression «demander la nèphèsh de quelqu'un»

lorsqu'on demande sa mort (Ex 4,19; 1 S 20,1; 22,23; 1 R 19,10). Cependant, elle ne disparaît pas totalement et plusieurs Psaumes laissent entendre que la nèphèsh se rend alors au She’ol. Ainsi, lorsque le Psaume 16,10 parle de la mort à laquelle le psalmiste échappe, il déclare :

«Tu (Dieu) n'abandonneras pas ma nèphèsh au She’ol et tu ne livreras pas ton fidèle pour voir la fosse» (aussi Ps 30,4; 49,16; 86,13; 94,17).

Les évidences bibliques ne permettent pas de déterminer avec précision la façon dont les israélites se représentaient la nature des morts installés au She’ol, on peut cependant imaginer quelque chose comme le reflet du corps, une sorte d'ombre ou de spectre comparable à ce qu'en Mésopotamie on appelle etemmu et en Egypte ka. En tout cas, lorsqu'à la demande du roi Saül, la nécromancienne d'En Dor fait monter Samuel du She’ol, il est

7 Lire en particulier KTU 1,161; voir A. Caquot, J.-M. de Tarragon et J.-L. Cunchillos, Textes ougaritiques II, Paris, Cerf, 1989, p. 103-110.

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reconnaissable à son aspect extérieur et à son vêtement. Après la réaction de terreur de la nécromancienne face à l'apparition du défunt le texte rapporte que :

«Le roi lui dit : "N'aie pas peur. Mais qu'as-tu vu ?". La femme dit à Saül : "j'ai vu un élohim (dieu) qui montait de la terre". Il lui dit : "Quelle est sa forme ?" Elle dit : "C'est un homme âgé qui monte, il est enveloppé d'un manteau".

Saül sut alors que c'était Samuel. Il s'inclina face contre terre et se prosterna» (1 S 28, 13-14).

Si, dans ce passage, ce n'est pas le terme de nèphèsh qui désigne le défunt mais celui d'élohim, la «réalité»

désignée est analogue puisque ce dernier vocable constitue aussi une façon classique de désigner la substance immatérielle des défunts importants (cf. aussi Es 8,19; Ps 8,6).

En tout état de causes, dans l'Israël ancien, on croyait à une certaine forme de survie personnelle des morts dans un état, il est vrai, très différent de celui du vivant.

1.3. Le contact avec les morts et l'au-delà dans la vie religieuse israélite.

Les anciens israélites ne considérant pas la mort comme une fin absolue, on comprend aisément qu'ils n'aient pas estimé que le contact entre les morts et les vivants soit nécessairement impossible. Plusieurs indices suggèrent qu'ils ont cherché à maintenir des contacts avec leurs défunts par différents rites et pratiques.

1.3.1. La nécromancie.

La consultation oraculaire des morts, la nécromancie, est, sans nul doute, la pratique associée aux morts qui est la plus vivement rejetée et interdite par la forme canonique de la Bible hébraïque (Lv 19,31; 20,6; Dt 18,9-12; 2 R 23,24). Cependant, ce vif rejet prouve a contrario que la nécromancie était couramment pratiquée en Israël, au moins jusqu'à la fin de la période monarchique.

La narration de la consultation de la nécromancienne d'En Dor par Saül permet de mieux comprendre le fonctionnement et les croyances associées à la nécromancie. Le texte raconte que le roi Saül, menacé par les Philistins, ne reçoit plus de réponse de la part de Yahwé son dieu dont il a perdu le soutien. Comme Samuel, son prophète et conseiller, est mort, il consulte la nécromancienne d'En Dor pour prendre contact avec lui. Le texte affirme d'emblée que cette pratique est mal vue et ajoute même de manière assez ironique que Saül l'avait lui- même interdite. Dès lors, lorsque la nécromancienne voit arriver Saül, qu'elle reconnaît malgré son déguisement et qu'il lui demande de contacter Samuel, un petit dialogue montre qu'elle croit à un piège :

«Il (Saül) dit : "pratique la divination pour moi par l'esprit d'un père (’ob) et fais monter pour moi celui que je te dirai". La femme lui dit : "Voici, toi tu sais ce qu'a fait Saül, qu'il a coupé d'avec les esprits des pères (’obot) et avec ceux qui connaissent dans la terre. Pourquoi tends-tu un piège à ma nèphèsh pour me faire mourir ?» (1 S 28, 8b-9).

Le récit se poursuit par l'épisode de l'apparition de l'esprit de Samuel que nous avons lu précédemment (1 S 28,13-14) et est suivi d'un dialogue au cours duquel, après que Samuel a demandé à Saül la raison pour laquelle il a troublé son repos «Pourquoi m’as-tu troublé, en me faisant monter ?» (v. 15) il lui demande conseil. Samuel réitère alors les oracles, à propos de la chute de Saül (16-18), qu'il avait prononcé de son vivant et termine, au verset 19, par prononcer un oracle de la part de Yahwé, annonçant, la défaite et la mort prochaine du roi.

«Yahwé livrera Israël avec toi entre les mains des Philistins. Demain, toi et tes fils, vous serez avec moi, et Yahwé

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livrera le camp d’Israël entre les mains des Philistins» (1 S 28,19).

Le vocabulaire utilisé aux versets 8 et 9 éclaire les conceptions israélites de la nécromancie. Un terme dérivant du vocable «père(s)»8 désigne l'esprit de la ou des personnes décédées montant de la terre pour être consulté(s).

Les esprits y sont parallèlement appelés «ceux qui connaissent», une expression qui revient souvent dans la Bible soit pour les désigner soit pour parler des nécromanciens. Cette double désignation montre que les pères défunts, habitants le séjour des morts, sont perçus comme capable d'une lucidité particulière et pertinente. Au- delà même du rejet «officiel» de la nécromancie dont il témoigne, ce passage éclaire les présupposés de la consultation oraculaire des défunts en Israël. En outre, le fait que, même mort, Samuel soit en mesure de prononcer un oracle de la part de Yahwé témoigne, sans doute, du fait que pour beaucoup d'Israélites le lien entre le Dieu d'Israël et les défunts n'était pas totalement rompu.

1.3.2. Le culte familial et le culte des ancêtres.

Au-delà de la consultation nécromancienne, l'attachement aux ancêtres défunts et la volonté d'entretenir des liens avec eux fut largement ritualisée dans la piété familiale judéo-israélite.

1.3.2.1. Les idoles domestiques et les figures d'ancêtres.

Des objets qualifiés de teraphim apparaissent à, pas moins, de 15 reprises dans le texte de la Bible hébraïque9. La nature exacte de ces objets sacrés, n'est pas évidente à préciser, car les auteurs des textes qui les mentionnent n'en explicitent guère la nature, présupposant sans doute que les lecteurs judéo-israélites auxquels ils s'adressaient savaient précisément de quoi il s'agissait. Quoi qu'il en soit, on pense généralement qu'il s'agit d'idoles domestiques, associées aux ancêtres de la famille. Outre, le fait que les teraphim sont rapprochés d'autres rites liés aux morts par certains textes comme 2 R 23,24, ceux-ci sont souvent liés à la piété familiale par les récits bibliques. Lorsque Léa et Rachel emportent les teraphim de Laban, leur père, le récit biblique souligne la gravité d'un tel vol qui affecte «l'essence» même de la famille puisque ces teraphim sont supposés être les élohim – c'est-à-dire les dieux ou les défunts – de Laban (Gn 31,19.30-35). Le caractère anthropomorphe de ces objets apparaît dans le récit où Mical utilise une telle idole – dont la présence dans sa maison de famille n'a pas besoin d'être expliquée – afin de cacher l'absence de David son mari qu'elle prétend malade et qu'elle remplace dans son lit par un teraphim (1 S 19). Les fonctions qu'occupaient ces teraphim étaient probablement multiples.

Ces idoles domestiques étaient certainement utilisés dans le cadre de rites familiaux visant à assurer l'harmonie avec les ancêtres. En outre, ils pouvaient avoir des fonctions liées à la divination (2 R 23,24; Ez 21,26; Za 10,2), à la vitalité, à la procréation (Gn 31) et à la médecine (1 S 19 cf. aussi l'étymologie du terme teraphim : rph = soigner).

Une lecture attentive des textes mentionnant les teraphim, laisse apparaître des appréciations différentes de ce type de pratiques. Les textes narratifs auxquels nous avons fait allusions ci-dessus (Gn 31 ; 1 S 19,10-17 mais

8 Le vocable ’ob et son pluriel ’obot, dérivent sans doute du terme ’ab «père». La vocalisation différente marque néanmoins une distinction entre le père vivant et l'«esprits d'un mort».

9 Voir Gn 31 ; Jg. 17-18; 1 S 19,10-17 1 S 15,23; 2 R 23,24 ; Ez. 21,26; ; Os. 3,4 ; Za. 10,2.

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aussi peut-être Jg. 17-18 et Os. 3,4) semblent, certes, prendre une certaine distance par rapport à cette piété – voire ironiser sur elle – mais ne lui n'attribuent pas de connotation franchement péjorative. D'autres passages, datant d'époques plus tardives, rapprochent, au contraire, les teraphim des pratiques idolâtres (1 S 15,23a ; 2 R 23,24; Ez 21,26; Za 10,2).

Outre les teraphim, d'autres indications bibliques de l'existence de cultes des ancêtres familiaux apparaissent.

Deux textes suggèrent notamment, qu'un petit sanctuaire ancestral a pu exister près des portes des maisons familiales israélites. Le premier figure dans l'ancien droit israélite de l'esclave du Code de l'Alliance (Exode 21 – 23). Selon ce texte, si un esclave souhaite rester définitivement attaché à la maison de son maître en devenant serviteur à vie de la famille, il est prévu que :

«Si l'esclave dit j'aime mon maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas sortir libre, son maître le fera approcher de l'élohim, il le fera approcher de la porte ou du montant de la porte, son maître percera son oreille au poinçon, il sera son esclave pour toujours» (Ex 21,5-6).

C'est vers l'élohim familial qui, comme le suppose la tournure hébraïque, est situé à la porte de la maison que se déroule le rituel d'admission de l'esclave au sein de sa nouvelle famille. On peut supposer que l'élohim en question est une figure ancestrale10, ce qui est d'ailleurs corroboré par un autre texte biblique figurant cette fois dans le livre d'Esaïe et qui reproche aux israélites de disposer de tels sanctuaires domestiques dédiés à l'ancêtre familial. Esaïe 57,8 mentionne que : «Derrière tes portes et tes montants de portes tu as mis ton mémorial (…)», or, dans ce verset, le terme mémorial désigne visiblement un objet cultuel spécifiquement lié à la famille puisque le texte précise qu'il s'agit non d'un mémorial en général mais de ton mémorial. Rappelons que ce n'est que plus tard dans l'évolution du judaïsme, qu'aux portes des maisons, le mémorial ancestral sera remplacé par des paroles de la Loi, les fameuses mezouzot inscrites sur les montants de portes (Dt 6,9 et 11,20).

1.3.2.2. Les sacrifices et les offrandes aux morts.

Des pratiques de sacrifice et de nourrissage des morts en lien avec les tombes sont également attestées dans le monde biblique. Même si le caractère fragmentaire de la documentation ne permet pas d'en préciser la nature exacte, l'existence de tels rituels montre que, pour les israélites, un lien mystérieux perdure entre le corps présent dans le sépulcre et la néphèsh qui pourtant l'a quitté. Des traces archéologiques de pratiques visant à nourrir ou à hydrater les défunts ont été mises en évidence dans des tombes judéo-israélites, notamment à Tell en-Nasbeh l'ancienne Mitspah, où des restes alimentaires ont été exhumés. Quant aux attestations bibliques de telles pratiques, elles sont relativement nombreuses et témoignent, le plus souvent, d'un regard positif posé sur de tels rites. Il est probable que le sens originel du commandement «honores ton père et ta mère» (Dt 5,16 // Ex 20,12) n'est pas sans lien avec l'obligation faites aux israélites d'entretenir le culte régulier des ancêtres et d'accomplir les pratiques funéraires; dans la Bible hébraïque, le terme «honorer» (racine kbd) concerne souvent le respect religieux et les rituels (Es 24,17; 58,13; Pr 3,9 etc…). L'existence de rituels sacrificiels périodiques associés aux ancêtres apparaît aussi dans les livres de Samuel qui parlent à plusieurs reprises de «sacrifices des jours» pour

10 Lorsque le législateur deutéronomiste, reprend ce point de droit, il semble gêné par cela et gomme la référence au dieu familial, comparer Dt 15,17.

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désigner un tel sacrifice familial essentiel et incontournable (1 S 1,21; 2,19; 9,12; 20,6).

Des rituels alimentaires liés aux défunts sont attestés dans la législation sur la dîme prévue par le droit du Deutéronome.

«Lorsque tu auras fini de lever toute la dîme de tes produits la troisième année, l'année de la dîme, tu la donneras au lévite, à l'immigré, à la veuve et à l'orphelin (…) Tu diras (…) je n'en ai pas mangé pendant mon deuil, je n'en ai pas prélevé dans l'impureté, je n'en ai pas donné pour un mort (…)» (Dt 26,12-14)

Ce passage, qui insiste sur le fait qu'une année sur trois la dîme doit être dévolue exclusivement aux lévites et aux pauvres, se termine par la mention d'offrandes destinées aux morts. Ce texte ne remet pas en cause la nécessité de telles pratiques, mais s'oppose à ce que la part sacrée de la dîme destinée aux lévites soit utilisée dans le cadre des ces rites ancestraux et funéraires. Au chapitre des repas des morts, on relèvera encore le regard très positif porté sur de telles pratiques par un texte tardif comme celui de Tobit qui invite à effectuer la chose suivante : «Répands ton pain sur le tombeau des justes, mais ne le donnes pas pour les pécheurs» (Tb 4,17).

Bien que les mentions bibliques de rites alimentaires et de sacrifices liés aux défunts soient généralement plutôt positives, quelques textes les rejettent. C'est le cas du Psaume 106,28b qui, dans le cadre d'un long rappel historique, reproche précisément aux israélites d'avoir «mangé les sacrifices des morts» (voir aussi Ps 16,3-4; Es 65,4).

1.3.3. Le culte et les tombes royales.

Les pratiques cultuelles associées aux rois défunts restent mal documentées par le texte de la Bible hébraïque. La principale attestation explicite de l'existence à Jérusalem d'un culte funéraire des rois apparaît dans un texte rédigé après l'époque monarchique et qui en critique la pratique :

«La maison d'Israël ne souillera plus le nom de ma sainteté, eux et ses rois par leur prostitution et par les sacrifices funéraires de leurs roi lorsqu'ils sont morts11» (Ez 43,7).

Quoi qu'il en soit, l'existence de rites liés aux sépultures familiales dans l'ensemble du monde judéo-israélite, les attestations extra-bibliques de cultes des ancêtres royaux ainsi que la localisation des tombes royales israélites et judéennes, permettent de supposer que, durant l'époque de la monarchie en tout cas, des rituelles furent régulièrement associés aux tombeaux des souverains.

C'est ainsi que des rituels associés aux rois défunts sont bien attestés dans les civilisations levantines. Par exemple à Ougarit, un texte connu sous le nom de «sacrifice des ombres»12 rend compte d'un rituel sacrificiel de 7 jours associé à une liste de rois antiques – les Rephaim – et de rois historiques récemment défunts. Ce texte témoigne de l'existence dans cette cité levantine d'un rituel annuel lié au culte de ces ancêtres royaux ayant eu probablement pour fonction d'assurer la bénédiction du royaume.

11 La deuxième partie de ce verset est difficile à traduire, la TOB la rend : «les cadavres de ses rois dans leurs tombes».

12 KTU 1.161 cf. note 7.

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Contrairement à la plupart des tombes qui, à l'époque de la monarchie, étaient situées hors des murs, les sépultures des rois de Juda comme d'Israël semblent avoir été situées à l'intérieur des murs de la capitale sans doute pour les protéger des pillages, pour que leur présence bénisse la ville et peut-être aussi pour articuler le culte qui y était associé avec celui du Temple. Les notices mentionnant l'enterrement des souverains dans les livres des Rois rendent compte d'une telle localisation: les notices d'enterrement des rois parlent de sépultures royales judéennes «dans la ville de David son père» (1 R 2,10; 11,43; 15,8.24 etc…) et israélites «à Samarie» (1 R 16,28.37; 2 R 10,35 etc.). A partir du roi judéen Manassé, certaines notices indiquent même une localisation précise du tombeau dans un jardin du palais (2 R 21,18) dont la localisation reste malheureusement hypothétique. Finalement, certaines sépultures – dont le caractère royal reste cependant discuté – ont été retrouvées à l'intérieur de la cité de David.

1.4. Yahwé et la mort.

La multiplicité et l'importance des pratiques liées à la mort et aux morts dans le monde judéo-israélite invitent à s'interroger sur la place qu'a pu occuper le Dieu d'Israël dans ce cadre. On a vu que la Bible hébraïque n'associe que très rarement Yahwé aux esprits des morts et au destin post mortem. Or, cette représentation biblique d'une distanciation entre le Dieu d'Israël et les morts doit être nuancée, au regard de ce que nous savons de la représentation du monde ainsi que des pratiques judéo-israélites à l'époque de la monarchie. En effet, Yahwé apparaît à plusieurs reprises sur les inscriptions funéraires d'époque royale – pourtant peu nombreuses – retrouvées par les archéologues en Judée.

Le cas le plus intéressant est probablement celui de deux amulettes similaires retrouvées dans une tombe de Ketef Hinnom près de Jérusalem, et datées d'avant la chute de la ville (fin VIIe début VIe s. av. J-C)13. On y trouve, parmi d'autres bénédictions et en dépit de quelques lacunes, une formule de bénédiction similaire à celle que le texte de Nombres 6,24-26 utilise lors de l'institution des prêtres : «Que Yahwé te bénisse et qu'il te garde, que Yahwé fasse briller sa face [sur] toi et mette sur toi la paix». En outre, le nom théophore en Yahwé du possesseur de l'amulette, Benayahu, figure sur l'une d'entre elles. La présence dans les tombes de Ketef Hinnom de ces deux amulettes rend vraisemblable le fait que l'invocation de la bénédiction de Yahwé en lien avec la mort existait dans l'Israël ancien. L'expression «que Yahwé fasse briller sa face [sur] toi» appuie le lien originel de cette bénédiction avec les pratiques funéraires. En effet, ce passage applique au Dieu Yahwé une symbolique solaire (la face brille) qui, comme en témoigne l'iconographie14, fut assez courante à Jérusalem, dès le VIIIe siècle. Or, au Proche-orient ancien, le lien du soleil avec la mort constituait un topos classique puisqu'on pensait alors que l'astre du jour traversait, durant la nuit, le monde souterrain - donc le royaume des morts - d'Ouest en Est avant de réapparaître au matin.

Le lien de Yahwé avec la mort est, en outre, corroboré par une inscription funéraire gravée dans une tombe du désert de Judée à Hirbet el-Qom. Sur cette inscription du VIIIe s. figure la mention «Pour le riche Uriyahu il est

13 R. Martin-Achard, «Remarques sur la bénédiction sacerdotale Nb 6/22-27», ETR 70/1, 1995, pp. 75-84; Keel et Uehlinger, (note 5), p.353-356.

14 Keel et Uehlinger, (note 5), p.260 ss. et 353 ss.

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écrit : béni soit Uriyahu par Yahwé, de ses ennemis – par son Ashéra – il l'a sauvé ...». Yahwé, associé ici à une parèdre nommée Ashéra, est clairement invoqué pour bénir le défunt reposant dans la tombe en question.

Relevons que la présence d'Ashéra dans cette inscription funéraire n'a guère de quoi surprendre. Non seulement de nombreuses figurines piliers, représentant peut-être cette déesse, ont été retrouvées dans les tombes israélites, mais son association avec Yahwé à l'époque monarchique est attestée par d'autres inscriptions15.

La présence de formules de bénédictions par Yahwé dans des inscriptions retrouvées en contexte funéraire indique qu'une présence bienfaitrice de Yahwé jusque dans la mort était attendue et espérée au moins dans certains milieux judéens de la période monarchique (VIIIe - VIe siècle).

2. La mort rejetée hors du domaine de Yahwé par la Bible hébraïque.

Si on fait le bilan de ce que l'on sait des pratiques et des croyances liées à la mort dans l'Israël de l'époque classique, on constate que le regard posé sur la mort est très proche de ce que l'on trouve dans les civilisations de Mésopotamie et du Levant. Un royaume des morts habités d'ombres, que l'on pouvait consulter et à qui l'on se devait d'offrir un culte, faisait partie de cette conception de la mort. En outre, certaines divinités – dont Yahwé semble avoir fait partie – pouvaient avoir un lien avec le destin post mortem des hommes.

Dans ce contexte, la théologie de la mort qui se dégage des textes la Bible hébraïque a de quoi surprendre puisqu'elle suggère qu'après avoir pratiqué les rites funéraires, les vivants devaient renoncer à tout contact avec les morts désormais coupés du Dieu d'Israël. Ainsi, s'il est évident que les textes bibliques encouragent à pratiquer les rites de deuil et d'enterrement et parfois même les offrandes aux défunts, les pratiques liées aux contacts avec les esprits des morts comme la nécromancie, le repas des morts et les idoles familiales d'ancêtres sont le plus souvent rejetées. Certains passages développent même l'idée qu'une distance radicale sépare Yahwé du monde du She’ol.

Les différences significatives entre, d'une part, l'attitude face à la mort qu'ont dû avoir la plupart des israélites à l'époque royale et sans doute aussi d'une partie de ceux des époques qui suivirent, et d'autre part le point de vue des textes bibliques les plus réticents au contact avec les défunts, s'explique par une évolution globale des conceptions relatives à la mort dans la Judée de l'époque perse (Ve et IVe siècle av. J-C) ainsi que par les particularités théologiques des milieux prophétiques et sacerdotaux ayant rédigé alors une grande partie des textes bibliques. Une analyse des textes les plus violemment polémiques à l'égard des rites liés aux défunts montre qu'ils émanent, pour la plupart, d'un stade rédactionnel tardif du texte biblique. On les trouve surtout dans des textes prophétiques tardifs comme Esaïe 56-66 et Ezékiel, dans le Psautier et dans des sections des textes deutéronomistes et sacerdotaux issus de retouches secondaires.

Plusieurs facteurs ont été évoqués pour expliquer l'apparition des réticences de la religion judéenne post exilique

15 A propos de Hirbet el-Qom, cf. Keel et Uehlinger, (note 5), p.236-237. Pour les inscriptions de Kuntillet Ajrud et d'Eléphantine ainsi que les mentions bibliques de la présence d'Ashéra dans le Temple de Jérusalem (2 R 18,4; 21,3ss.), cf. T.

Römer, Dieu obscur, Genève, Labor et Fides, 2009, p. 36-44.

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vis-à-vis des pratiques liées à la mort16. La théorie la plus souvent avancée, rappelle que dès la dernière partie de l'époque de la monarchie judéenne puis durant l'exil et l'époque perse, une théologie invitant les israélites à la vénération exclusive de Yahwé s'est progressivement imposée et a débouché sur une forme de monothéisme.

Selon ce modèle, le rejet des pratiques liées aux contacts avec les ancêtres pourrait se situer dans ce contexte où les pratiques religieuses antérieures non-yahwistes furent considérées comme illégitimes.

Cette explication n'est certainement pas sans fondement, au moins au plan du discours théologique mis en place dans les passages thématisant la rupture entre Yahwé et le domaine des morts. Elle n'en demeure pas moins simplificatrice et réductrice. En effet, le rejet biblique des pratiques liées à la mort concerne des phénomènes très hétérogènes comme la nécromancie, la piété familiale des teraphim, ou les rites associés aux tombeaux. Il n'est en outre ni formulé dans les mêmes textes ni de manière univoque. Dès lors, on peut penser que le rejet des diverses pratiques concernées n'est apparu ni pour les mêmes raisons ni à la même période.

Fortement ancré au sein de la Bible hébraïque, le refus de la nécromancie est probablement apparu relativement tôt au cours de l'histoire d'Israël. La nécromancie est critiquée dans les grands codes législatifs du Lévitique et du Deutéronome (Lv 19,31; 20,6.27; Dt 18,9-12), ainsi que dans certains textes prophétiques (Es 8,19). Dans les récits décrivant l'histoire de la monarchie, la promotion de la nécromancie est attribuée au mauvais roi Manassé (2 R 21,6) et sa suppression au bon roi Josias (2 R 23,24). Ce refus massif de la nécromancie s'explique le mieux comme l'expression d'une volonté de rejeter toute révélation et instruction – yahwiste ou non – qui n'émanerait pas des canaux officiels des groupes prophétiques ou scribaux. Le récit de la nécromancienne d'En Dor est à cet égard significatif puisque Saül, ayant perdu l'accès aux oracles «officiels» de Yahwé, a recours à la nécromancie pour obtenir une parole émanant de lui. Le rejet de la nécromancie en raison de la concurrence qu'elle constitue, est en outre explicitement thématisé au chapitre 18 du Deutéronome qui, près avoir interdit la nécromancie et d'autres formes de divination (v. 9-12) précise où chercher une révélation légitime : «Yahwé ton Dieu fera se lever un prophète comme moi [Moïse] du milieu de toi et de tes frères, c'est lui que vous écouterez» (Dt 18,15).

Ce faisant, ce passage légitime le prophétisme classique, et au-delà les groupes de scribes qui tiennent la Loi de Moïse pour l'expression ultime de la parole prophétique, contre toutes les autres formes de divination. Ces différentes indications permettent de supposer que les groupes prophétiques, très actifs durant la fin de la période monarchique et dont on sait la grande l'influence sur la pensée biblique, ont pu être à l'origine des violentes polémiques contre la forme concurrente de révélation que constituait la nécromancie.

On peut penser que la mise en question de la piété familiale associée aux teraphim et aux sanctuaires domestiques dédiés aux ancêtres s'explique différemment. Les critiques directes de ces pratiques familiales sont absentes des textes antérieurs à la fin de la monarchie pour n'apparaître que dans des textes prophétiques du retour de l'exil, comme Ezékiel 21,26, Zacharie 10,2 Esaïe 57,8, et dans de brefs développements insérés tardivement au sein de l'historiographie biblique (1 S 15,23a et 2 R 23,2417). La mise en question des pratiques

16 Voir à propos de la discussion ci-dessous : H. Niehr, «The Changed Status of the Dead in Yehud», in Yahwism After the Exile., R. Albertz et B. Becking (éd.), Assen, 2003, pp. 136-155 ; T. Römer, «La mort et les morts dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible hébraïque», ETR 80/3, 2005, pp. 347-358.

17 Ainsi, la polémique contre les teraphim en 1 S 15,23a, constitue un bref commentaire qui interrompt l'explicitation de la

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de piété familiale par l'orthodoxie des éditeurs bibliques tardifs s'explique bien dans le contexte des tensions qui se développèrent entre des groupes de populations issues des élites qui après avoir été déportées à la fin de la monarchie, revinrent en Judée durant l'époque perse, et les populations locales non-exilées. En effet, en polémiquant contre les teraphim et les cultes des ancêtres, les élites judéennes issues du retour d'exil ont pu vouloir mettre en question la légitimité des pratiques de piété familiale – liées aux ancêtres défunts – qu'avaient préservées et sur lesquelles s'appuyaient les populations non exilées, après la destruction du premier Temple de Jérusalem. Le livre d'Ezékiel polémique d'ailleurs directement contre des revendications territoriales légitimées, au sein des populations non exilées, par l'ancêtre Abraham. Ainsi après avoir mentionné que : «les habitants de ces ruines sur la terre d'Israël disent "Abraham était seul et il a hérité du pays, à nous qui sommes nombreux le pays est donné en héritage"» (Ez 33,24) le passage enchaîne en mettant en questions (33,25-26) les pratiques non conformes aux lois yahwistes et mosaïques de ces populations.

Dans la Bible hébraïque, le refus général de rites liés aux tombeaux, en particulier les sacrifices aux morts et les rites de nourrissage des défunts – auxquels on peut même ajouter celui de certaines pratiques de deuil – reste marginal. Ce rejet n'apparaît explicitement que dans quelques textes (Es 65,4; Ps 16,3-4; 106,28; Ez 43,7-9) et marque une rupture importante d'avec les traditions israélites de respect des parents et des ancêtres. Cette évolution plutôt surprenante pourrait s'expliquer par le souci méticuleux de certains milieux sacerdotaux du deuxième Temple de Jérusalem, de préserver la communauté d'Israël de l'impureté que représentent les morts.

Certains textes bibliques issus de la tradition sacerdotale, comme Lévitique 21,1-4 et 11 ou Ezékiel 44,25-26, invitent à penser que c'est précisément à partir de la période du deuxième Temple que les défunts humains – qu'ils soient régulièrement enterrés ou non – vont être perçus comme des sources d'impuretés. Les raisons de l'apparition dans les milieux sacerdotaux judéens du concept d'impureté des morts restent incertaines, on peut penser à l'influence de la religion zoroastrienne, très soucieuse de pureté, ou à un raisonnement associant, d'une part, le principe selon lequel les maladies de peau constitueraient une forme d'impureté et, d'autre part, l'observation du dépérissement des cadavres. Quoi qu'il en soit, l'interdit de s'approcher des défunts, ou la nécessité de se purifier après coup, ne va d'abord concerner que les prêtres avant d'être généralisée à tous les israélites par certains passages secondaires du livre des Nombres (Nb 5,2; 19,11-22). En tout état de cause il paraît logique que, s'ils supposent que tous les morts sont impurs, les cercles de prêtres de la Jérusalem perse aient été tentés de mettre en question le culte des morts, certaines pratiques funéraires voire de refuser tout contact avec un défunt, afin de protéger la pureté d'Israël.

Finalement, la réflexion sur la condition humaine et la nécessité d'en accepter la limite ultime que représente l'anéantissement du décès constitue un grand thème de la littérature de sagesse qui tend également à écarter les morts du domaine des vivants. Cette thématique, qui était déjà magnifiquement abordée dans l'ancienne épopée de Gilgamesh où le héros finissait par échouer dans sa quête d'immortalité, se prolonge à la fin de l'époque perse et à l'époque hellénistique dans une partie de la littérature biblique de sagesse. Les poèmes que Job prononce en réponse à ses amis, font de l'anéantissement de la mort le refuge ultime face à l'injustice et aux malheurs de ce gravité de la faute de Saül (v. 22) et la conséquence qu'il s'agit d'en tirer; quant à 2 R 23,24 il s'agit également d'une incise généralisante résumant l'action de Josias.

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monde que ni le sage ni même Dieu ne semblent pouvoir expliquer : «Où est donc mon espérance ? Qui voit mon espérance ? Elle descendra aux confins du She’ol lorsque ensemble nous reposerons dans la poussière.»

(Jb 17,15-16). En outre, les réflexions sapientiales sur la distance entre les vivants et les résidants du She’ol aboutissent chez un auteur comme Qohéleth à des formulations qui semblent faire de la mort un néant radical et ainsi à rendre totalement illusoire toute tentative de communiquer avec les défunts. Lorsque Qohéleth affirme qu'«un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort, car les vivants connaissent qu'ils vont mourir mais les morts eux ne connaissent absolument rien» (Qo 9,4b-5a) il conteste de manière fondamentale le présupposé selon lequel les morts bénéficieraient d'une clairvoyance particulière, sous jacent aux pratiques de nécromancie.

3. Conclusions et ouvertures.

Les représentations et les attentes liées à l'au-delà et les pratiques rituelles associées à la mort et aux morts ont toujours joué un rôle central dans la façon dont les hommes et les femmes ont conçu et géré les relations avec leur environnement, leurs proches et finalement avec eux-mêmes. Même au sein de sociétés relativement

«cohérentes» au plan socio-culturel, des systèmes de convictions et de pratiques aussi fondamentaux que ceux liés à la mort peuvent varier tant au cours du temps qu'entre les différents milieux qui composent ces sociétés.

Dès lors, il n'est guère surprenant qu'une certaine diversité ainsi qu'une série d'évolution aient marqué les pratiques et les conceptions liées à la mort dans l'Israël ancien.

Les Judéens et Israélites de l'époque monarchique, et sans doute aussi dans une large mesure ceux des époques qui suivirent, partageaient avec leurs voisins proches orientaux des convictions et des pratiques assez similaires par rapport à la mort. Les rites d'enterrement et l'entretien des sépultures étaient perçus comme essentiels dans la mesure où ils étaient sensé assurer, d'une part, un passage harmonieux de la nèphèsh du défunt dans le She’ol, le royaume des ombres, et d'autre part, la préservation des relations familiales par delà la mort. La perspective inéluctable du She’ol n'était pas comprise comme un anéantissement radical et si l'accès au monde des morts ne semblait guère réjouissant, il ne s'agissait en rien d'une punition infernale. L'existence de pratiques comme la nécromancie, le culte des ancêtres et de différents rituels associées aux tombeaux, témoigne de la volonté des anciens judéo-israélites de faire perdurer les contacts avec leurs défunts perçus comme des sources de connaissances et de bénédictions.

Plusieurs facteurs vont aboutir à d'importantes transformations du rapport à la mort dans les milieux judéens, d'époque perse, responsables de la rédaction et de la transmission d'une grande partie des textes de la Bible hébraïque. Alors que le rejet de la nécromancie était déjà bien établi, des voix importantes vont mettre en question les pratiques liées aux ancêtres et même marginaliser les tombeaux devenus lieux d'impuretés. Bien qu'héritière des conceptions proches orientales sur la mort, la société judéenne organisée alors en grande partie autour des institutions du deuxième Temple de Yahwé, tend alors à marginaliser les pratiques traditionnelles liées aux défunts et à couper les ponts avec les ombres du She'ol.

Durant la dernière partie de l'époque perse puis tout au long de l'époque hellénistique et romaine, de profonds défis identitaires et religieux, liés notamment à l'influence de plus en plus grande du monde hellénistique sur le Levant, vont affecter les conceptions de la mort et des morts des différents groupes judéo-israélites. Pour certains, le respect et la mémoire des ancêtres passera essentiellement par le truchement du respect de la Loi, des

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pratiques comme les rituels alimentaires liés aux tombeaux perdureront (Tobit 4,17) et de nouvelles croyances comme celles de la résurrection des morts (1 Hénoch; Daniel 12,2; 2 Maccabées 7,23; Actes 24,15) ou la vie des saints défunts auprès de Dieu (4 Maccabées et Josèphe) émergeront.

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