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NATURE L'HOMME

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

DE L'ACTION

HUMAINE SUR

LA

GEOGRAPHIE

PHYSIQUE.

L'HOMME ET LA NATURE

(1).

Comme

le vieil

Adam

pétrid'argile, et

comme

lespremiers Égyptiens nés

du

limon,nous

sommes

lesfilsdelaterre. C'estd'elleque noustirons notre substance; ellenous entretient de ses sucs nourriciers et fournit l'airànos

poumons;

au point de vuematériel,ellenous

donne

«lavie, le

mouvement

et l'être. » Quelle que soitla liberté relative conquise par notre intelligence etnotre volontépropres, nous n'en restonspas

moins

des produits de laplanète:attachés à sa surface

comme

d'imperceptibles animalcules, nous

sommes

emportés dans tous ses

mouvemens

et nous dépendons detoutes seslois. Et ce n'est point seulementen qualité d'in- dividus isolés que nous appartenons à laterre,les sociétés, prisesdans leurensemble, ont

nécessairementse

mouler

àleur origine sur lesol quiles portait; ellesontdûrefléterdansleurorganisation intime lesin- nombrables

phénomènes du

reliefcontinental,deseauxfluvialesetmari- times,de l'atmosphère ambiante. Tous les faits del'histoire s'expliquent engrandepartie parladisposition

du

théâtregéographique surlequelils se sont produits: on peut

même

dire que le développement de l'huma- nité était inscritd'avance en caractères grandiosessurles plateaux,les vallées etlesrivagesde noscontinens.Cesvéritéssont d'ailleursdevenues presque banales depuis que les

Humboldt,

lesRitter, lesGuyot, ontétabli parleurstravaux lasolidarité delaterre etde l'homme. L'idée-mèrequi inspirait l'illustre auteur de V

Erdkmide

lorsqu'ilrédigeait àlui seul sa grande encyclopédie, le plus beau

monument

géographique des siècles, c'estque laterre estlecorpsde l'humanité, etque l'homme, àson tour, estl'âmedelaterre.

A mesure

quelespeuplessesontdéveloppésenintelligence etenliberté, ilsontappris à réagirsurcettenatureextérieuredontilssubissaient pas- sivement l'influence;devenus, parla forcede l'association,devéritables agensgéologiques,ilsonttransformé dediverses manières lasurfacedes continens,changé l'économie des eaux courantes, modifiélesclimatseux-

mêmes.

Parmiles

œuvres

que des

animaux

d'unordreinférieuront

accom-

pliessurlaterre,les îlotsdes

madrépores

etdescoraux peuvent,ilestvrai, se

comparer

aux travaux de

l'homme

parleurétendue;maiscesconstruc- tionsgigantesquesn'ajoutentpas

un

trait

nouveau

àlaphysionomie géné- rale

du

globeetsepoursuivent d'une manière uniforme,fatalepourainsi dire,

comme

siellesétaientproduites parlesforces inconscientesdelanu-

(1)

Man

and Nature, or Physical geography as modified by Innnanaction, ))y GeorgeP.Marsh. London,SampsonLow,1804.

(2)

REVUE. — CHRONIQUE. 763

ture. L'actionde

l'homme donne

aucontrairelaplusgrandediversité d'as- pectàlasurface terrestre.D'uncôtéelledétruit,de'l'autreelleaméliore;

suivantl'étatsocialet lesprogrès dechaquepeuple,ellecontribuetantôt à dégraderlanature, tantôt à l'embellir.

Campé comme un

voyageur depas- sage,lebarbarepille laterre;ill'exploiteavecviolence sanslui rendre en culture etensoins intelligenslesrichessesqu'il lui ravit;ilfinit

même

par dévasterla contréequiluisertde

demeure

et par la rendreinhabitable.

L'homme

vraimentcivilisé,

comprenant

que sonintérêtpropreseconfond avecl'intérêtdetousetceluidelanatureelle-même,agittoutautrement.

Ilréparelesdégâts

commis

parsesprédécesseurs,aidelaterre aulieude s'acharnerbrutalement contreelle,travailleàl'embellissement aussibien qu'à l'améliorationde son domaine. Non-seulement ilsait,en qualité d'a- griculteur et d'industriel,utiliserdeplusenpluslesproduits etlesforces

du

globe;il apprend aussi,

comme

artiste, à donner aux paysagesqui l'entourent plusde charme, de grâce

ou

de majesté.

Devenu

« la con- sciencedelaterre,»

l'homme

dignedesamission

assume

parcela

même

unepartderesponsabilitédans l'harmonieetlabeauté delanature envi- ronnante.

C'est àcepointdevuetrès élevé queseplace M.

Marsh

dans sonlivre important, consacré à l'étudedes modifications diversesque l'actionhu-

maine

afaitsubir àlaterre.Préparéàson

œuvre

par depatientesrecher- chesscientifiques etpar delongsvoyages en Amérique, en

Europe

etdans lescontréesclassiquesdel'Orient,l'auteur adepluslemérite de procéder aveclaconsciencelaplusscrupuleuse;jamaisilnehasarde de conclusions sans avoircitéà l'appuide sondire

un

grand

nombre

de témoignagesau- thentiquesetdefaitsincontestés.LelivredeM.

Marsh

estunesorte d'en- quêtedétaillée, mais trop dépourvue de méthode, surla manière dont

l'homme

arempli sesdevoirs de conservation et d'amélioration à l'égard delaterrequ'ilhabite.Ilressortdecetteenquêteque sur

un

grand

nom-

bre depointslestravaux

humains

ontencore

malheureusement

pour ré- sultatfatald'appauvrirlesol,d'enlaidir la nature, de gâter lesclimats.

Considérée dans son ensemble, l'humanitén'est

donc

point, relativementà laterre,

émergée

desabarbarieprimitive.

Lasurfacedelaterreoffre de

nombreux

exemples dedévastations

com-

plètes.

En

maintsendroits,

l'homme

atransformésapatrieen

un

désert, et

«l'herbenecroîtplusoùilaposéses pas.»

Une

grandepartiedelaPerse, la Mésopotamie, l'Idumée, diverses contrées de l'Asie

-Mineure

etde l'Arabie,qui «découlaient de lait etde

miel»

et qui nourrissaient jadis une populationtrèsconsidérable,sontdevenues presque entièrementsté- riles,et sont habitéesparde misérables tribusvivantde pillage etd'une agriculturerudimentaire.Lorsquelapuissancede

Rome

céda souslapres- siondes Barbares,l'Italieetlesprovincesvoisines, épuiséesparletravail inintelligentdes esclaves,étaient partiellementchangées ensolitudes, et de nos jours encore, après deuxmille ansde jachère, de vastes espaces

(3)

que

lesÉtrusquesetlesSiculesavaientmis enculture sontdeslandes in- utiles

ou

d'insalubres

maremmes.

Par des causes semblablesà celles qui onteu pourrésultatl'appauvrissement etlaruinedel'empireromain, le

Nouveau-Monde

lui-même a perdu de notables parties de son territoire agricole:tellesplantations des Carolineset de l'Alabamaqui furentcon- quises sur laforêtvierge ilya

moins

d'un demi-siècle ont cessé totale-

ment

de produireetsontaujourd'huile

domaine

des bêtes fauves.

Sigrandequesoit ladésolation croissantedecescontréesd'Amériqueet detant d'autres où

l'homme,

arrivéd'un jourà peine,abuse de son pou- voirpour épuiserlaterrequilenourrit,iln'estprobablement pas de pays au

monde

où ladévastation s'accomplissed'unemanièreplus rapideque danslesAlpesfrançaises.Là,leseaux depluie et de neige enlèventgra- duellementla

mince couche

deterrevégétale quirecouvraitlespenteset laportent dans la

mer

sousforme de limonsinutiles; lesrochesse

mon-

trentà nu;destalusdedébris,devastes

champs

depierresremplacentles prairies etlescultures des vallées.

De

profonds ravins se creusentpeuà peu danslesescarpemensetfinissentpar découperlacrêtedela

montagne

en cimesdistinctesqui s'effondrent et s'abaissentrapidement.

En

certains endroits,on nevoitpas

une

seule broussailleverdoyante dans

un

espace de plusieurs lieuesd'étendue;àpeine

un

pâturage grisâtre se montre-t-il rà etlàsurlespentes; des maisons en ruine seconfondent aveclesrochers croulans qui lesentourent.

Chaque

année, la zone dévastée s'accroîten largeur, et la population disparaîten

même

temps

du

sol appauvri:ac- tuellement, sur

un

espacede10,000 kilomètres carrés comprisentre le massif

du Mont-Tabor

etlesAlpes deNice,on ne

compte

pas

un

seulgroupe d'habitans dépassantle

nombre

de deuxmille individus. Et ce désert qui sépare lesvalléestributaires

du Rhône

desplaines si populeuses

du

Pié-

mont,

cesontles

montagnards eux-mêmes

quil'ont faitetquicherchent encoreà l'étendre.Despropriétaires trop avidesont abattu presquetoutes lesforêtsquirecouvraientlesflancsdesmontagnes,etparsuitel'eau,que retenaient -autrefoislesracinesetqui pénétraitlentementlaterre,acessé son

œuvre

de fertilisation pour ne plus servirqu'à dévaster. Siquelque nouvelAttilatraversantlesAlpes eûtpris àtâched'endésoler àjamaisles vallées,il n'eûtpoint

manqué

d'encouragerlesindigènesdansleur

œuvre

insenséededestruction.

Telssont les

changemens

qui s'opèrent dans lagéographie physiqueet dansl'aspectgénéral des contréesmontagneusesàlasuite

du

déboisement despentes. Lorsque lesplaines sont dépouilléesde leurs bois,lesconsé- quencessont

moins

désastreusesetsefontpluslongtempsattendre;mais ellesn'en sontpas

moins

inévitables.Lasurface terrestre,dépourvue des arbresquienfaisaientlabeauté, estnon-seulementenlaidie,elledoit aussi nécessairement s'appauvrir. D'après le témoignage presque

unanime

des géographes,ilsembletrèsprobablequelespluiesannuellesdiminuent dans les paysdévastésparlesbûcheronset s'accroissenten revanche dansles

(4)

REVUE. — CHRONIQUE. 765

territoires nouvellement boisés; toutefois nos registres météorologiques ne sont pas encore tenus depuis

un

assez grand

nombre

d'années pour qu'ilsoit possible d'établir ce fait d'une manièreindubitable.Ce qui est certain, c'est que les déboisemens troublent l'harmonie de lanature en rendant l'écoulementdeseauxplus inégal.

La

pluie,queles branches en- tremêlées desarbres laissaient

tomber

goutteàgoutteet qui suintaitlen- tementàtraversles feuillesmortesetlechevelu des racines, s'écoule dé- sormais avecrapidité surlesol pour formerdes ruisselets temporaires;au lieude descendre souterrainementverslesbas-fondset desurgiren fon- tainesfertilisantes, elle glisseaussitôt àlasurfaceetvaseperdre dansles rivières etdansles fleuves.Tandisquela terre sedessèche en amont,le volumedeseaux courantes

augmente

enaval, lescruessechangent en inon- dationset dévastentles

campagnes

riveraines, d'immensesdésastress'ac- complissent, pareils àceux que causèrentlaLoire et le

Rhône

en1856.La responsabilitédirectede

l'homme

estgrande dansces catastrophes, et l'on peutaffirmer qu'ellesseraientprévenuesou

du

moins atténuées en grande partieparle maintien desforêtsexistantes et par lereboisement.D'au- trescauses,dontlestravauxde

l'homme

sontégalementresponsables,con- tribuentau gonflement

démesuré

descrues annuelles. Ainsi lesdiguesla- térales, que les ingénieurs construisentafin de protéger les

campagnes

riveraines,sont tropsouventdisposéesdemanièreà contrarierle

mouve- ment

deseaux, et laplupart deces levées nelaissent auxflots de crue qu'un espaceinsuffisant.

En

certains endroits, laLoire,dontlesdéborde-

mens

sontsiterribles, n'offreplusentre sesdiguesqueledixième de son anciennelargeur.Les opérations dedrainage, excellentespourentretenirla fertilitédeschamps, ontaussilerésultatfâcheuxd'augmenterlahauteur annuelledes crues. Entreprissur

une

grandeéchelle, cestravaux produi- sentdeseffetscomparablesàceux

du

déboisement, carle solest ainsidé- barrassé rapidement jusque danssesprofondeursdetoute l'eau qu'ilre- çoit,etlesrivièressont déjà gonfléesquelques minutes aprèsla chute des averses.

En

Angleterre et enEcosse,

un

grand

nombre

de coursd'eau qui ne débordaientpoint autrefois sontdevenus redoutables parleursinonda- tionsdepuisqueles

champs

des bassins tributaires ontété systématique-

ment

drainés.

L'homme,

qui par ses travaux peut ainsi troubler l'économie des ri- vières, dérange également l'harmonie des climats.Sans mentionner l'in- fluencetoute locale que les villesexercenten élevant latempératureet

malheureusement

aussienviciantl'atmosphère,il est certainquelades- tructiondesforêts etlamise enculturedevastesétendues ont pour con- séquence des modifications appréciablesdanslesdiverses saisons. Par ce faitseulquelepionnierdéfriche

un

solvierge,il changeleréseau desli-

gnesde température,isothère,isochimène,isotherme, quipassentàtravers lacontrée. Dans plusieursdistricts de laSuède dont les forêts ont été

récemment

coupées,lesprintemps delapériodeactuellecommenceraient,

(5)

d'aprèsAbsjornsen,environ quinzejours plus tardque ceux

du

siècleder- nier.

Aux

États-Unis,lesdéfrichemensconsidéralDles des versansallégha- niens semblentavoireu pourrésultatde rendrelatempératureplusincon- stante etdefaire empiéter l'automne surl'hiveret cette dernièresaison surleprintemps.

On

peutdired'unemanière générale queles forêts,

com-

parables àla

mer

sous ce rapport, atténuentlesdifférencesnaturellesde température entrelesdiverses saisons, tandisque ledéboisementécarte lesextrêmes defroidure etde chaleuret

donne une

plusgrandeviolence aux courans atmosphériques. Si l'onen croitquelquesauteurs, lemistral lui-même,ceventterriblequidescend des Cévennes pourdésolerlaPro- vence, serait

un

fléaudecréationhumaine,etsouffleraitseulement depuis que lesforêts des

montagnes

voisines ont disparu.

De même

lesfièvres paludéennes et d'autres maladies enaéraiques ont souventfait irruption dans

un

districtlorsque des bois

ou

de simples rideaux d'arbresprotec- teurs sonttombés souslahache.Cesontlàdesfaitsque M.

Marsh

discute très

longuement

etavecune grandeérudition.

C'est encore par une rupture de l'haraionie première que l'actionde

l'homme

s'est fait sentirdans la flore de notreplanète. Lescolosses de nos forêtsdeviennent de plus en plus rares, et

quand

ils tombent,ils

nesont pointremplacés.

Aux

États-Unis et au Canada, lesgrandsarbres quifirent l'étonnement des premiers colons ontété abattus pourlaplu- part, et

récemment

encorelespionniers californiensont renversé, pour lesdébiterenplanches, cesgigantesquesséquioas qui se dressaient àl'20, 130 etIZiOmètres dehauteur. C'estlàuneperte irréparable peut-être, car lanatureabesoindecentaines etdemilliersd'annéespourfournirlasève nécessaire à ces plantesénormes,et l'humanité,tropimpatientedejouir, trop indifférenteausortdes générationsfutures, n'a pasencoreassezlesen- timent desadurée

pour

qu'ellesongeàconserver précieusementlabeauté de laterre.L'extension

du domaine

agricole, lesbesoins de la navigation etdel'industrie,ontpour conséquence de réduireaussile

nombre

desar- bresde

moyenne

grandeur. Actuellement, c'est par millions qu'ils dimi- nuent chaque année(1).

En

revanche,lesplantesherbacéesse multiplient et couvrent des espaces de plus en plus vastes dans tous les pays

du monde. On

diraitque l'homme, jaloux dela nature,chercheà rapetisser lesproduits

du

soletneleurpermet pas de dépasser sonniveau.

L'histoirede l'humanité danssesrapportsaveclafaune offre

une

série defaitsanalogues.Ilestprobable queladisparition

du mammouth

deSi- (1)Sansparlericide l'énorme consommation deboisquefont touslesansleschar- pentiersde maisons,lesconstructeursdenavireset lesingénieurs deschemins defer, ilsuffiradeciterles petites industries. Desforôtsentières, s'étendantsur plusieurs centaines d'hectares, ontétéabattuespourêtre transformées en allumettes. D'après Rentzsch,lapetitevilledeSonnebergexporte touslesans3,000tonnes dejoujouxen boisde sapin. Enfin,durantlesdeux prcmliVcs années delaguerre d'Amérique,une seulemanufacture européenneafaitcouper 28,000 noyers pourlafabricationdesba- guettesdefusil.

(6)

REVUE. — CHRONIQUE. 767

bérie,

du

schelkd'Allemagne,

du

grand cerf d'Irlande, etdeplusieursau- tresgrands animaux, estdueàl'acharnementdes chasseurs.

De

nosjours, le buflle, le lion, le rhinocéros, l'éléphant, reculent incessamment devant l'homme,et tôtoutardilsdisparaîtront à leur tour. Les

énormes

bœufs marins de Steller,qu'ontrouvait,ilya

un

siècle,ensigrande abondance surlesrivages

du

détroitde Behring, ontétéexterminés jusqu'audernier;

lesbaleines franches, qui jouissentactuellement d'unfaible répit,grâceà laguerred'Amériqueet à l'exploitation des sourcesdepétrole,vontêtre avant longtemps pourchassées de

nouveau

avec fureur, et ne trouveront plusune

mer

oùseréfugier;lesphoquessontchaque année massacrés par milliers; lesrequins

eux-mêmes

diminuent en

nombre

avec lespoissons qu'ils poursuivaient, et quideviennentla proie des pêcheurs. Parmiles races d'oiseauxdont

l'homme

doitsansdoute se reprocheraussi l'extinc- tion,ilfaut citer Valcaimpennis desîlesFeroë,le

dodo

de Maurice,leso- litairede laRéunion, l'cepyornisde Madagascar,les dinornis dela Nou- velle-Zélande.

En

outreon connaît lesrésultats déplorablesquelatuerie annuelle des oiseaux a produits dans tousles pays dechasse. Délivrés, grâceà l'intervention insenséede l'homme, desoiseaux qui leur faisaient la guerre, les tribus des insectes, fourmis, termites, sauterelles, s'ac- croissenten

nombre

de manière àdevenir,ellesaussi,devéritablesagens géographiques.

De même

lescétacés et lespoissons quiont disparusont remplacés par des myriades de

méduses

et d'infusoires.

A

ce sujet,M.

Marsh émet

une opinionqui ne peut

manquer

d'étonner au premierabord,maisquidoit, ce

me

semble,être priseentrès sérieuse considération.D'aprèslui, ce

phénomène

siremarquable dela phospho- rescence des eaux marinesseraitde nosjours plusfréquentetplus beau qu'ilnel'étaitpendantl'époque grecqueetromaine.

Autrement

neserait- ilpasincompréhensible eneffet quelesanciens n'eussentpascru dignes d'une mention ces nappes de lumière jaune ou verdâtrequi, durantles nuits, frémissent surlamer,cesfusées d'éclairsqui jaillissentdelacrête desvagues, ces tourbillons d'étincellesqueletaille-merdesvaisseauxsou- lèveenplongeant, cesondes flamboyantesqui glissentdes

deux

côtés

du

navirepours'uniren longs

remous

derrière legouvernail et transformer lesillageen

un

fleuve defeu? C'est là certainementl'un desplusbeaux spectaclesdelagrande mer,etCependantlesGrecsnedisent pointl'avoir contemplésurlesvagues deleur magnifiquearchipel.

Homère,

qui parle souvent des «millevoix» de la

mer

Egée, n'en signale point les mille lueurs.

De même

lespoètes quifirentnaître

Vénus

de l'écume desflots,et peuplèrent«les

demeures humides

»de tant de

nymphes

et de divinités, n'ont point décritles nappesd'or fluide surlesquelles se laissent bercer pendant lesnuits lesdéesses resplendissantes. L'amourdes poètes grecs pourlegrand jour et lalumière

du

soleilpourraitexpliquerenpartiece silenceétonnant;mais pourquoilessavans

eux-mêmes

n'ont-ilspointdé- critle

phénomène,

en apparencesiextraordinaire,de l'éclatphosphores-

(7)

cent des eaux? Dansl'ensemble des ouvrages légués au

monde moderne

parTantiquité, on ne trouve que deux phrases se rapportant d'une

ma-

nière indirecte à cetordre defaitsmerveilleux. Élienlecompilateurparle delalueur émise par desalguesdes plages, et Pline l'encyclopédistenous apprend quelecorpsd'uneespècede

méduse

jette uncertain éclat lors- qu'onlefrottecontre

un morceau

de bois.C'est làqu'enétait lascience avantlesobservationsd'Améric Vespuce surlaphosphorescence des

mers

tropicales.Depuiscetteépoque,iln'estprobablement pas

un

seulvoyageur quin'ait

remarqué

lesgerbesde lumièrejaillissant lanuitautour de son navire,non-seulement dans la

mer

desAntilles, mais également dans la Méditerranée, sur lescôtes atlantiquesdel'Europe etprès desbanquises del'Océan polaire. Ainsique l'ontétabli lesrecherches de Boyie, de For- ster,deTilesius,d'Ehrenberg,cettelumière provient d'innombrables ani- malcules,lesunsvivans,lesautresen décomposition.

Or

ladestruction des cétacés,des grands poissons etdes autresmonstres dela

mer

ayant

pour

résultat nécessaire d'accroîtreen proportionlepullulementdesorganismes microscopiques, ils'ensuivraitque laphosphorescence des eaux marines s'estaccrue en

même

temps quele

nombre

desinfusoires. Si l'hypothèse ingénieusedeM. Marshest

une

vérité,ceuxd'entrenousqui se

promènent

surles plagesouquivoguent sur les

mers

pendant certaines nuits oùla vagueesten feujouissentd'unspectaclequ'iln'ajamaisété

donné

ànos pèresde contempler. Ceseraitlàunefaiblecompensationaux ravagesac- complisparlespêcheurs.

Quoiqu'ilensoitde cet accroissement

présumé

dans lasplendeur des mers,

l'homme

n'a point ledroit des'en vanter, car s'il est, grâceà la pêche,lacause indirectedece

phénomène,

c'estbiensansqu'ilenait eu la

moindre

conscience.

A

lasurface deseaux de

même

que surles conti- nens,iln'agissait jadisqu'envue desesintérêtsimmédiats ets'abandon- naitau hasard

pour

tousles résultats lointains. Parmisesentreprises,les unes avaientdessuitesheureuses etcontribuaientau bien-être général;

d'autresaucontraire,telles queledéboisement desmontagnes, devaient entraînerdes conséquencesfatales;maissans sepréoccuper del'aveniril

continuaitdetravaillerau jourlejour.Actuellementl'humanité,représentée parses initiateurs scientifiques,

commence

à serendre

compte

deses

œu-

vres.Instruite par l'expérience

du

passé, elleentreprendlalutte contre les forces de la naturequ'elle adéchaînées elle-même, etsurplusieurs pointslesdésastres survenus parlafautede nosancêtres sont déjàrépa- rés.En outre des groupes d'individus et

même

des peuplesentiers,

non

contons de rétablirl'ancien équilibresur la surface terrestre, travaillent aussiavecsuccèsàlatransformationutileet à l'embellissementdevastes étenduesquisemblaient autrefoissans valeur.

Pendantles derniers siècles, d'heureux

changemens

apportés àlagéo- graphie physique deplusieurscontrées ont témoigné deceque peutfaire lavolonté persévérante de l'homme.

En

premièreligne, on doit citerles

(8)

REVUE. CHRONIQUE. 769 immenses

travauxquelesHollandais ontaccomplis pourassurer leur ter- ritoirecontre les irruptions de la

mer

et desfleuves.

Au moyen

âge, les habitans dulittoral reculaientchaque année devantles flotsdela

Mer du Nord

et la chaîne des dunes;

comme

s'ilseussent voulu hâterleur ruine, ilscoupaientlesforêts qui leur servaientde rempart contre lessables, et parune imprudente exploitation transformaientlestourbières en

mares

etenétangs. Aussi, lors desgrandes tempêtes,des

campagnes

deplusieurs milliersd'hectares disparaissaienten

un

seuljour sousleseaux avecleurs villages et leurs cultures. Enfin les Hollandais, sentant lesol s'enfoncer graduellement sous leurs pas,tremblant devoirles flotss'abîmer sureux en déluge, prirent des mesures de défense pourrésister aux envahisse-

mens

delamer.Pendantles derniers siècles, l'histoire agricoledesPays- Bas estlerécitd'un

combat

sans trêveentre

l'homme

et l'océan, etdans ce

combat

c'est

l'homme

qui aremportélavictoire.Exerçant surlapres- siondesflotsunesurveillancedetouslesinstans, ila consolidé le littoral au

moyen

delevées,demurailles etdeplantations;puisils'est

emparé

des laissesde

mer

parune sériede jetées et dedigues, etde progrès enpro- grèsilafini parreprendreune partie considérable

du

sol jadisenlevéà sesancêtres.Sa dernière grande conquêtea étéde pomper, pourledéver- serdanslamer,lelacde

Harlem

tout entier, qui necontenaitpas moins de 11k millionsde mètres cubesd'eau, etmaintenant il rêve d'assécher leZuyderzee,

un

golfede500,000 hectares,quelestempêtes dela

Mer du

Nord ont misdixsièclesàcreuser.

Danstouslespaysdu

monde

civilisé,ilexiste déjà,

comme

enHollande, de magnifiques travaux par lesquels

l'homme

a su modifier àson avan- tage quelques-uns des traits géographiques de la terre.

En

France,.les walteringues delaFlandre,lesbaiesdelaMarquenterre ont étéconquises surl'océan, etl'onasufixer par desplantationsla chaînede dunes

mo-

bilesqui,surune longueur deplusde 200kilomètres,marchaitàl'assaut des landes de Gascogne(1).

En

Angleterre, ona transformé encultures

une

grandepartie

du

golfede

Wash,

etlabaiede Portlandtout entière est devenue

un

portaux eauxtranquilles.

H

n'estpas jusqu'àlasurface

du

dé- sertoù

l'homme

n'ait

récemment

tenté avec succès decompenser, parle creusement depuits artésiens et la créationde nouvelles oasis, les

nom-

breusesdévastations dontils'estrendu coupable sur tant d'autres points

du

globe.Ces

œuvres

utiles,qui constituentdevéritables révolutions géo-

(1)Danssonlivre,M. Marshétablitunedistinction qui ne

me

semble point fondée entrelesdunes del'intérieuretcellesdu littoral.D'aprèslui,ces dernières auraient engénéralune formeconique, bien différentedeladispositionencroissantaffectéepar lesmonticules mobiles éloignésde la mer. C'estune erreur, du moins pourles dunes de Gascogne. Lescollinesdesablequi n'ont pasétéréunies parleventen un longrempart recourbentleursextrémités libres vers l'intérieur desterres, etleur crête décrittoujoursune demi-circonférencesemblable àcelled'un cratère éboulé.Quel- ques-unsdes cirquescomprisentrelesbrancheslatéralesducroissantn'ontpasmoins d'unkilomètredelarge.

(9)

graphiques et qui changent l'aspect de la terre sur des espaces d'une grande étendue, ont en outre pour la plupart l'avantage considérable de modifier heureusement les climats locaux. Mais

l'homme

ne se contente pointaujourd'huid'exercer

une

influence indirectesurlasalubritédeson domaine,etdans

un

grand

nombre

de contrées ilsepropose,

comme

but immédiat à son travail,l'assainissement

du

territoire. C'est ainsi qu'en Toscane,lavalléejadispresqueinhabitablede laChiana, oùl'hirondelle

même

n'osaits'aventurer, a été

complètement

délivréedes

miasmes

palu- déens parlarectificationd'une penteindécise, couverte de maresetde lagunes.

De même

les

maremmes

de l'ancienne Étrurie sont devenues

beaucoup

moins dangereusesàlasanté deshabitansdepuis queles ingé- nieurs toscansontcomblé les marécages

du

littoralet pris soind'empê- cherlemélange des eaux douces et deseauxsalées qui s'opérait à l'em-

bouchure

desrivières. Maître d'améliorerpar des

moyens

decettenature la qualité de l'air qu'il respire,

l'homme

a peut-être aussi lapuissance d'augmenteràla longue l'humidité de l'atmosphère et l'abondance des pluies.Pendantlesièclequis'estécouléde 1764à J863,lachute annuelle d'eaudepluies'estélevéeà l'observatoirede Milan de90 à106 millimètres.

Ilestprobablequecetaccroissement graduel despluiesestdû auxirriga- tionspratiquéessurunesigrandeéchelleen

Lombardie

etàl'évaporation très activequienestlaconséquence.

A

tous ces grands travaux, ayant pour but de modifieraubénéfice de

l'homme

lasurface de notreterre, selieintimement une

œuvre

quipeut sembler chimériqueà plusieurs,mais qui n'en estpas

moins

de la plus hauteimportance.Ils'agitdeconserver, d'accroître

même

labeautéexté- rieuredelanature,delà luirendre

quand

uneexploitation brutalel'adéjà faitdisparaître.

En

diverses parties del'Europe et

notamment

en France, on pourrait parcourir pendant des heures certains plateaux sanstrouver

un

siteoùleregard del'artisteserepose avecsatisfaction.Des populations entièressemblentavoir prisàtâched'enlaidirleterritoire qu'elles occu- pent;ellesmutilentoutorturentlesarbresisolésquileur restentencore, transforment la

campagne

en

un

labyrinthe de ruelles bordées de

mu-

railles,élèventau hasard des constructionssans goût. Etpourtantilestsi facilede mettrelesolenculture toutenlaissantau paysagesabeauté na- turelle!

En

Angleterre,ce paysoùlesagriculteurssaventfaireproduireà leurs

champs

des récoltessiabondantes, mais oùlepeupleatoujourseu

pour

lesarbres plusderespectquen'enontlesnations latines,il estpeu desitesqui n'aientunecertaine grâce,ou

même

unevéritablebeauté,soit àcause des grands chênesisolésétalantleursbranches au-dessus desprai- ries, soitàcause desmassifs d'essences diversesparsemés avecartautour desvillages etdes châteaux.

En

Irlande eten Ecosse, c'estpar centaines demillionsd'arbres que s'est opéré lereboisement des hauteurs,etces contrées, déjà fort pittoresques,ont été singulièrementembellies parla verdure qui lescouvre aujourd'hui.

Un

district du

comté

de

Mayo

dans

(10)

REVUE. — CHRONIQUE. 771

lequel, suivantlatradition,lesguerresintestines et l'invasiondes conqué- rans anglais n'avaient pas laissé

un

seularbredebout,offreactuellement, grâceà ses plantations variées, des sites beaucoup plus beauxqu'ils ne l'étaientsansdoute avantledéboisement.C'estquel'artde l'homme, quoi que puissenten pensercertains espritsmoroses,alepouvoird'embellir jusqu'àlanaturelibre,enluidonnantle

charme

delaperspectiveetdela variété, etsurtout enla mettanten harmonie avecles sentimens intimes de ceuxqui l'habitent.

En

Suisse, au bord des grandslacs, en face des

montagnes

bleues etdesglaciers étincelans,

combien

n'est-ilpas de cha- letsetdevillasqui,parleurs pelouses, leurs massifsdefleurs,leurs allées ombreuses, rendent lanature encore plus belle et

charment comme un doux

rêvede

bonheur

levoyageurquipasse!

Toutefois, ilfaut ledire, lespeuples qui sont aujourd'hui à l'avant- garde de l'humanité sepréoccupent en général fort

peu

de l'embellisse-

ment

de lanature.

Beaucoup

plus industriels qu'artistes,ils préfèrentla force àla beauté.Ce que

l'homme

veut aujourd'hui, c'est d'adapterla terreà ses besoins et d'enprendrepossessioncomplète pour enexploiter lesrichessesimmenses. Illacouvre d'un réseau deroutes,dechemins de fer etdefilstélégraphiques;iltentedefertiliser lesdéserts etde prévenir lesinondations desfleuves;ilpropose detriturerlescollinespourleséten- dre enalluvionssurlesplaines,percelesAlpeset lesAndes,unitlaMer-

Rouge

àla Méditerranée, s'apprête àmêler les eaux

du

Pacifique avec celles de la

Mer

des Antilles.

On comprend

que les peuples, acteurs et témoins de toutes cesgrandesentreprises, se laissentemporter parl'eni-

vrement

dutravail etne songentplusqu'à pétrirlaterre à leurimage.Et sil'industrieaccomplitdéjàdetellesmerveilles,que nepourra-t-ellefaire lorsquela science lui fournira d'autres

moyens

d'action sur lanature!

C'estlà cequefait

remarquer

M.

Marsh

en quelques paroles éloquentes.

«Plusieurs physiciens,dit-il,ontsuggérél'idée qu'ilseraitpossibledere- cueilliretd'emmagasiner pour l'usage de

l'homme

quelques-unes de ces grandes forces naturelles que lesélémens déploient avec

une

étonnante énergie. Si.nous pouvions saisiret lier, pour lafaire travailler ànotre service, la puissance que le souffle continu d'un ouragan des Antilles exercedans

un

espace restreint, si nous pouvions nous

emparer

de la force d'impulsion développée par les vagues qui se brisentpendant

un

hiverorageuxsurladiguede Cherbourg,

ou

bien encore des flotsde

ma-

rée quirecouvrentchaque mois les plagesde labaiede Fundy, si nous savions utiliser lapressiond'un millecarré d'eaude

mer

àlaprofondeur decinq mille brasses, lessecousses destremblemens deterre etles

mou-

vemens

volcaniques, quelles

œuvres

colossalesnetenteraitpas notresiècle detravailet d'audace, auquella seulevertu dela foinesuffitpluspour transporterlesmontagnesetlesjeterdansla

mer?

» éliséereclus.

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