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Être pris·e dans la toile des relations d’enquête

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Academic year: 2022

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AJPB - VS

Journée d’étude doctorale interdisciplinaire

23 Juin 2016 – Université de Bordeaux

Appel à communication

Être pris.e dans la toile des relations d’enquête : modalités d’implication sur le(s) terrain(s) et leurs enjeux

Argumentaire

« Sauf de rares exceptions, rien n’était dit de la personne du chercheur et pas davantage de ses liens avec les membres du milieu étudié, il fallait imaginer un individu passe-partout, sans âge, ni homme ni femme, de

couleur indéterminée, apte à se faire accepter de quiconque » (Bizeul, 2007, p. 70).

Cette citation de D. Bizeul met en exergue un enjeu central au cœur de la scientificité de tout travail d’enquête. Le rapport entre enquêteur/enquêtrice et enquêté.e est-il un rapport ordinaire, quelconque, ou une « relation à part » (Fournier, 2006) ? Que disent les pratiques d’enquêtes ? Comment

« construire de l’objectivité » sur la somme des stratégies mises en place sur les terrains (Jacq et Guespin-Michel, 2015) ? Quel(s) statut(s) des connaissances au regard des « points de vue situés » (Haraway, 1988) des enquêteur(s)/enquêtrice(s) – notamment selon les rapports de genre, de sexe, d’âge, de classe et d’ethnicité ? Mais également, comment parvenir à une objectivation des connaissances a priori spécifiques à l’expérience des groupes étudiés, c’est à dire à produire et transmettre un savoir transversal aux sciences sociales et adaptable par d’autres ? Dans le cadre d’enquêtes compréhensives où s’impose comme « essentielle l’approche des pratiques concrètes des individus et des sens que ces derniers accordent à eux-mêmes à leurs actions » (Ion, 2005), le processus de réflexivité, que l’on pourrait définir comme l’élaboration par un individu du « sens de ses pratiques au moment même où elles se déploient » (Monjaret et Pugeault, 2014), semble incontournable.

Si les premières réflexions et théorisations par les chercheur.e.s sur « les ‘pourquoi’ et ‘d’où’

de leurs propres productions » (Ghasarian, 2002, p.39) ont été grandement nourries par l’anthropologie comme discipline et comme méthode d’enquête (cf. la grounded theory), ces préoccupations sillonnent aujourd’hui les sciences sociales dans leur ensemble. Depuis les postulats perspectivistes de Kant et avec le développement pluriel d’écoles de pensée soucieuses d’interroger l’influence de l’enquêteur/enquêtrice dans sa production de connaissances (de Habermas à Gouldner, en passant par Giddens, la sociologie des sciences fortiste de Bloor et les épistémologies féministes), une critique de la neutralité axiologique dans le process scientifique émerge. Certain.e.s vont jusqu’à prôner un usage systématique des biais subjectifs comme éléments constitutifs du statut scientifique des démarches en sciences sociales (voir par exemple Devereux, 1980). L’état actuel de la littérature à ambition transdisciplinaire témoigne du renouvellement des questionnements autour de la production, de la conduite et du déroulement des enquêtes en sciences sociales. Au-delà d’une réflexion sur la manière de conduire ou de rendre compte d’un terrain, il convient dès lors d’interroger la notion même de « terrain

», dont l'élasticité sémantique croissante risque d’en faire un terme-ascenseur, tout juste bon à « soulever les passions » des chercheur.e.s (Hacking, 1999) dès lors qu’il peut se faire le reflet des différentes écoles méthodologiques scandant les sciences sociales (Abbott, 2004). D’autres aspects du rapport au(x)

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terrain(s), et notamment les modalités de sa restitution à l’écrit, restent néanmoins peu abordés (Noiriel, 1990). L’ensemble de ces questionnements appellent à revenir sur les démarcations entre objectif et subjectif, et à reformuler les catégories objectivantes pour mieux s’en distancier (Bourdieu, 1987). La subjectivité dans l’enquête semble aujourd’hui indissociable de l’engagement de l’enquêteur/enquêtrice, conduisant à (re)penser les sciences comme fondamentalement impliquées (Coutellec, 2015).

Il apparaît essentiel de multiplier les forums de discussions sur les terrains en sciences sociales, en tant que rapport (parmi d’autres) à la fois politique et social, investi – politiquement, intellectuellement, émotionnellement – tant par les chercheur.e.s que par les enquêté.e.s. Par-là, il s’agit de mener une réflexion sur les processus et conditions de productions tant en amont, que pendant et en aval des enquêtes : choix épistémologiques, implications des méthodes d’enquête, négociations des terrains, rapports de pouvoirs transverses structurant les relations entre enquêteur/enquêtrice et enquêté.e, gestion des émotions, implications des trajectoires biographiques des chercheur.e.s, restitutions de l’enquête au sein de mondes sociaux pluriels, etc. Ces dimensions du terrain, rencontrées et éprouvées selon des temporalités et des modalités différentes ouvrent et produisent non seulement des orientations dans la recherche et les usages théoriques qui la rythment, mais sont également susceptibles de modifier la manière de concevoir le métier même de chercheu.r.e.

L’objectif de cette journée d’étude est ainsi de (re)poser la question des subjectivités face aux terrains, en revenant sur – et en explicitant – les relations et stratégies d’enquêtes, les choix épistémologiques, les dimensions éthiques et déontologiques des terrains en sciences sociales, ainsi qu’en explorant ce qu’il peut en être fait dans la construction de discours scientifiques et dans la valorisation de son travail de recherche. L’enjeu est de rendre possible une discussion de ces diverses dimensions dans un espace de réflexions collectives interdisciplinaires.

Propositions d’axes de communication

1. Accéder, recueillir et produire : du matériel aux données, retour sur les conditions de négociations et de production de l’enquête.

Aux fondements du travail empirique et ses réorientations : les raisons des choix méthodologiques, l’état de littérature dans la construction de représentations vis-à-vis de l’objet de recherche et négociation des premiers pas sur le terrain.

(In)accessibilités des terrains (des acteurs/actrices, des espaces, des matériaux) : stratégies de contournement pour l’accès aux données et la crédibilité de l’enquête.

Délier les langues des terrains : apprentissage, traduction et transposition (recours à un.e traducteur/traductrice, enjeux des mots, relations de pouvoir et accès aux informations par les langues utilisées, circulation des concepts…).

Recourir à des matériaux dont la légitimité est instable dans le champ académique : comment s’y prendre, quels mécanismes d’objectivation mettre en œuvre, quelles justifications de leur usage ?

Produire du savoir et/ou nourrir l’ambition de contribuer à une transformation sociale : rôles et fonctions du social scientist.

2.

L’enquête comme rapport politique et social : catégorisations réciproques et interactions avec les enquêté.e.s.

Comment établir la confiance et la maintenir ?

Stratégies de présentation de soi : engagement et exposition de soi dans des enquêtes in situ, présentation de sa recherche, mise en avant des objets de l’enquête ou construction d’un discours spécifique, etc.

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Rapports de genre, de sexe, de classe, d’âge et d’ethnicité dans les relations d’enquête : comment leurs significations (intériorisées, acquises, “bricolées”) se déploient-elles et influencent-elles le rapport d’enquête, l’accès aux terrains et aux données, libèrent ou censurent la parole... ?

Partager, adhérer ou rejeter les causes défendues/attaquées par la population étudiée.

Que faire des catégorisations et représentations dont on fait l'objet de la part de ses enquêté.e.s : comment les (re)connaître, les intégrer aux données, les dire, les taire, etc. ?

“Faire avec” la position sociale des interlocuteurs/interlocutrices : interagir avec une élite professionnelle ou des dominant.e.s et gérer les contraintes logistiques qui en résultent (censure, temps réduit des échanges, cadre d’interaction imposé, gestion des relations instaurées par les hexis, etc.).

3. Le terrain comme espace vécu, à vivre, investi et d’investissement : écrire, dire et faire dire les émotions du/par le terrain.

Comment gérer son implication émotionnelle face au terrain, l’exprimer ou la réprimer ?

Comment accueillir et utiliser la parole de ses enquêtés (qu'il s'agisse de souffrances, de discours convenus, de récits héroïques...)

Utiliser l’empathie ou la méfiance comme condition d'enquête ?

Comment partager une intimité avec les enquêté.e.s ou s’en distancier ?

Comment accueillir et gérer le(s) secret(s) sur le terrain ? Comment protéger ses enquêtés et se protéger soi-même ?

4. Le travail de réflexivité : vers une archéologie des subjectivités ?

Des terrains engagés aux engagements par le terrain : enjeux et implications des positionnements de l’enquêteur/enquêtrice dans la production des données et des connaissances, fonction de l’engagement dans l’élaboration de “critères objectifs” (Ruphy, 2015) dans le travail scientifique.

Les temps des terrains : modalités, stratégies et impacts des enquêtes courtes et/ou longues, de l’alternance de terrains de longue durée et de courte durée, des recherches ethnographiques multi-sites et de leur concordance, du retour sur un ancien terrain, etc.

Changer de méthodes en cours d’enquête : processus et implications.

Impacts des expériences politiques/civiques des chercheur.e.s dans le choix de l’objet de recherche, de la formulation d’hypothèses, de l’élaboration de problématiques, etc.

Usages de données de seconde main et leurs conséquences méthodologiques, voire épistémologiques : reprendre des enquêtes précédemment réalisées, les compléter, les critiquer, etc.

5. Des voies sinueuses de la restitution : assumer son rapport au terrain face aux pairs, écriture, sélection du transcrit et techniques employées

Rendre compte d’un travail de réflexivité qui déborde les cadres de l’exercice tels qu’admis dans sa discipline.

Comment justifier un travail réflexif sur un terrain labellisé “neutre” ou “non problématique” ?

(Ne pas) tout dire de son enquête : de la sélection des éléments à citer dans l’analyse et de leur justification.

Comment rester fidèle à la parole des enquêté.e.s ?

Techniques auxiliaires de restitution de l’analyse : usages de photographies, de films, d’enregistrements audio, etc.

Diffusion et réception dans/en dehors du monde académique : quelle(s) voie(s) pour la diffusion de tout ou partie des données recueillies ?

Comment présenter à ses collègues/à son jury une posture à la fois engagée et scientifique ?

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Indications aux contributeurs/contributrices : Normes d’écriture :

Références bibliographiques en style Harvard avec bibliographie en fin de document.

Calendrier :

Avant le 11 avril 2016 : envoi des propositions de communications (3000 signes maximum, espaces et références comprises) par les doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s.

25 avril 2016 : confirmation d’acceptation des communications.

15 juin 2016 : envoi des communications (prévoir 15-20 minutes de parole).

23 juin 2016 : journée d’étude dans les locaux de l’IEP de Bordeaux.

Propositions et questions à adresser à : contact.ajpb@gmail.com ET vocationsociologue@gmail.com.

Avec le soutien de :

Références bibliographiques citées

ABBOTT Andrew Delano (2004), Methods of discovery. Heuristics for the Social Sciences, University of Chicago Press, Chicago.

BIZEUL Daniel (2007), “Que faire des expériences d’enquête ? Apports et fragilités de l’observation directe”, Revue française de science politique, vol. 57, n. 1, pp. 69-89.

BOURDIEU Pierre (1987), Choses dites, Editions de Minuit, Paris.

COUTELLEC Léo (2015), La science au pluriel : Essai d'épistémologie pour des sciences impliquées, Quae, Versailles.

DEVEREUX George (1980), De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Flammarion, Paris.

FOURNIER, Pierre (2006), « Le sexe et l’âge de l’ethnographe : éclairants pour l’enquêté, contraignants pour l’enquêteur », ethnographiques.org, n.11, En ligne.

GHASARIAN Christiand (dir.) (2002), De l’ethnographie à l’anthropologie réflexive. Nouveaux terrains, nouvelles pratiques, nouveaux enjeux, Armand Colin, Paris.

HACKING Ian (1999), The social construction of what?, Harvard University Press, Harvard.

HARAWAY Donna (1988), « Situated knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, vol. 14, n. 3, pp. 575-599.

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ION Jacques (2005), « Brève généalogie de la “question individualiste”», dans CORCUFF Philippe, ION Jacques, de SINGLY François (dir.), Politiques de l’individualisme. Entre sociologie et philosophie, Textuel, Paris.

JACQ Annick, GUESPIN-MICHEL Janine (2015), « Science et démocratie : une articulation difficile mais nécessaire », Ecologie & Politique, vol. 51, n. 2, pp. 107-120.

MONTARJET Anne, PUGEAULT Catherine (dir.) (2014), Le Sexe de l’Enquête. Approches sociologiques et anthropologiques, ENS Éditions, coll. « Sociétés, Espaces, Temps », Lyon.

NOIRIEL Gérard (1990), “Journal de terrain, journal de recherche et auto-analyse. Entretien avec Florence Weber”, Genèses, vol. 2, n. 1, pp. 138-147.

RUPHY Stéphanie (2015), « Rôle des valeurs en sciences : contributions de la philosophie féministe des sciences », Ecologie & Politique, vol. 51, n. 2, pp. 41-54.

Références

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