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Contrats et insolvabilité

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Contrats et insolvabilité

MARCHAND, Sylvain

MARCHAND, Sylvain. Contrats et insolvabilité. In: Braun, Martina. Actualités du droit des contrats : le contrat à la croisée des chemins . Lausanne : CEDIDAC, 2008. p. 15-44

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:10768

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CONTRA TS ET INSOLVABILITÉ

par

SYL VAIN MARCHAND

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève, Professeur associé

à

la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel

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Contrats et insolvabilité

1. Introduction: la double particularité du risque de l'insolvabilité

Tout contrat comporte un risque d'inexécution. Ce risque est sanctionné par le double moyen d'une action en exécution, et d'une prétention en dommages-intérêts à vocation compensatoire. Lorsque le risque d'inexécution découle de l'insolvabilité d'une partie au contrat, le réconfort de ce double moyen de droit se transforme en une double inquiétude pour le créancier:

L'insolvabilité rend vraisemblable une inexécution du contrat: si la prestation due est une prestation pécuniaire, l'insolvabilité du débiteur la frappe directement. Si la prestation due est une prestation matérielle ou de service, l'insolvabilité du débiteur l'empêchera d'obtenir les fournitures ou de payer la main d'œuvre nécessaire à l'exécution de la prestation.

L'insolvabilité rend également vraisemblable l'incapacité de cette partie de payer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution du contrat.

Cette double inquiétude distingue le cas de l'insolvabilité du cocontractant des autres cas de contravention anticipée, ou de contravention prévisible: non seulement le créancier pressent-il que l'obligation ne sera vraisemblablement pas exécutée correctement, mais encore devine-t-il que cette inexécution prévisible ne pourra faire l'objet d'une prétention en dommages-intérêts à vocation compensatoire. '

Une seconde particularité du risque de l'insolvabilité n'est guère rassurante pour le créancier: lorsque cette insolvabilité se solde par une faillite du débiteur, le créancier doit faire face au monde étrange du droit de la faillite et des procédures collectives. L'art. 83 CO, règle contractuelle, n'est en fait que le triste couloir qui permet au créancier de passer du monde confortable du droit contractuel aux paysages lugubres de la poursuite pour dettes et de la faillite.

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Sylvain Marchand

II. Règles applicables au risque de l'insolvabilité

A. Règles générales

1.

L'art.

83 CO

Le risque spécifique de l'insolvabilité d'un cocontractant est réglé en droit suisse par l'art. 83

co.

Cette disposition confère des droits à une partie à un contrat bilatéral parfait, lorsque son cocontractant devient insolvable après la conclusion du contrat, et lorsque cette insolvabilité est susceptible de compromettre l'exécution du contrat.

2. Contrat bilatéral parfait

L'art. 83 CO suppose un contrat bilatéral parfait, c'est-à-dire un contrat prévoyant une prestation et une contre-prestation dans un rapport de causalité. C'est ce rapport de causalité qui justifie que l'inexécution probable d'une prestation puisse avoir des effets sur l'exécution de la contre-prestation '. Ce rapport de causalité entre la prestation et la contre- prestation exclut qu'une partie au contrat se prévale de l'art. 83 CO dans le cadre d'un contrat au seul motif que le débiteur est en retard dans le cadre d'un autre contrat entre les mêmes parties, sauf si cette situation révèle une insolvabilité générale de ce cocontractant.

3. Insolvabilité d'une partie au contrat

L'insolvabilité a été définie par les tribunaux comme l'incapacité prolongée du débiteur de satisfaire ses créanciers'. Cette insolvabilité est notamment attestée par le fait que le débiteur fait l'objet d'actes de défaut de biens définitifs, est déclaré en faillite, ou fait l'objet d'un sursis concordataire. Une déclaration d'insolvabilité au juge) est également une preuve de la situation d'insolvabilité du débiteur.

HOHL, N. 6 ad art. 83 CO.

, ATF 68 II 177.

Art. 725 CO.

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Contrats et insolvabilité

Ces constatations officielles de l'insolvabilité du débiteur ne sont cependant pas une condition del'insolvabilité4 : le but de l'art. 83 CO est de conférer au créancier des moyens de droit anticipés pour le prémunir contre le risque d'une faillite ou d'une poursuite infructueuse, pas de régler les conséquences de la faillite ou de la poursuite infructueuse sur le contrat.

Les critères de la cessation de paiement de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP sont notamment à notre avis constitutifs d'insolvabilité au sens de l'art. 83 CO.

Cette notion, bien qu'imprécise', se définit comme le défaut de paiement de créances admises ou au moins liquides, c'est-à-dire de créances indiscutables et exigibles6 La cessation de paiement, et donc l'insolvabilité du débiteur, peut ainsi être déduite du fait que le débiteur forme systématiquement opposition aux poursuites, y compris pour des créances fondées sur une décision administrative exécutoire'.

En revanche, le simple fait que le cocontractant soit poursuivi par un tiers, ou en retard dans le paiement de ses dettes, ne suffit pas encore à prouver son insolvabilité au sens de l'art. 83 CO. Le fait qne, dans le cadre d'un autre rapport de droit entre les mêmes contractants, une pàrtie est en demeure d'exécution n'est pas en soi une preuve suffisante de son insolvabilité, son retard pouvant être lié à d'autres causes que son insolvabilité'.

4

,

6 8

BOVET, N. 5 ad art 316 CO.

TF, in: S1 1994, p. 434: le concept de cessation de paiement relève du pouvoir d'appréciation du juge et doit être apprécié de cas en cas.

TF, in : SI 2000 J, p. 250.

COMETTA, N. 10 ad art. 190 LP.

Voir cependant BELGIUM Rechtbank (District Court) van koophandel Hasselt, I~ mars 1995, A.R. 3641/94, http://cisgw3.1aw.pace.edu/cases/95030Ibl.html,et BELGIUM Tribunal (District Court) commercial de Bruxelles, 13 novembre 1992, A.R. 2700/90, http://www.cisg.law.pace.edu/cisg/waisldb/cases2/921113bl.html, selon lesquels, dans le cadre de l'art. 71 CVIM, un vendeur a été autorisé à suspendre l'exécution d'une vente compte tenu du fait que l'acheteur était en retard de six mois dans le paiement du prix relatif à un contrat antérieur avec l~ même vendeur.

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Sylvain Marchand

4. Insolvabilité subséquente à la conclusion du contrat

L'art. 83 CO est une règle relevant de la théorie de l'imprévision. Il implique donc une évolution des circonstances entre la conclusion du contrat et son exécution. Lorsque l'insolvabilité d'une partie existait déjà au moment de la conclusion du contrat, les auteurs considèrent que l'art. 83 CO doit céder le pas aux règles sur l'invalidation pour erreur ou pour dol9

Cette condition ne nous semble cependant pas convaincantelO Elle n'est pas reprise en matière de prêt de consommation" ni dans la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandise qui met l'accent sur le moment où l'insolvabilité apparaît à l'autre partie, pas sur le moment où cette situation d'insolvabilité a commencé". En terme d'opportunité, l'art. 83 CO, qui permet le maintien du contrat et son exécution si le débiteur insolvable donne des garanties d'exécution, nous paraît plus adapté que la lapidaire invalidation du contrat, qui ne laisse pas cette possibilité au débiteur.

5. Insolvabilité susceptible de compromettre les droits du cocontractant

L'art. 83 CO a pour but de prévenir une partie au contrat contre le risque que ses droits présents ou futurs soient mis en péril par la situation financière de l'autre partie". Lorsque la prestation due est indépendante de la situation financière de son débiteur, l'art. 83 CO n'est donc pas applicable.

Cette condition n'implique cependant pas que la prestation due soit de nature pécuniaire: l'insolvabilité peut compromettre l'exécution d'une prestation matérielle ou de service, en ce sens que son débiteur ne peut s'approvisionner en vue de l'exécution du contrat, ou faire face aux frais généraux nécessaires à l'exécution du service. Comme l'ont relevé àjuste

9 ATF 1051128; HOHL, N. 7 ad art. 83 CO.

10 Egalement dubitatif: SCHRANER, N. 15 ad art. 83 CO.

11 Art. 316 al. 2 CO.

12 Art. 71 al. 1 let. a CVIM ; NEUMA YER 1 MING, N. 3 ad art. 71 CVIM.

13 ATF 1051128.

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Contrats el insolvabililé

titre les auteurs en rapport avec l'art. 7l CVIM, la règle de l'insolvabilité s'applique « not only to the buyer who is obligated to pay the price of the goods, but also to the seller who may find himself incapable of financing manufacture of the so/d goods »14.

Lorsqu'une partie est en faillite ou risque de l'être, les droits de son cocontractant sont mis en péril quelle que soit la nature de la prestation due, en raison du mécanisme de conversion de l'art. 211 Lpl'.

6. Moyens de

droit

Lorsque ces conditions sont réalisées, le cocontractant de la partie insolvable bénéficie de l'exception d'insolvabilité que lui confère l'art. 83 CO. La partie qui se prévaut de cette exception supporte la charge de la preuve de l'insolvabilitél'. L'exception d'insolvabilité permet au

cocontractant de la partie insolvable: \

1.

15

16 17 18 19

De refuser d'exécuter sa contre-prestation tant que la prestation due par le cocontractant insolvable n'a pas été garantie. Cette exception dilatoire peut être opposée au cocontractant insolvable même lorsque sa prestation n'est pas encore exigible l'. C'est cet élément qui différencie l'exception d'insolvabilité de l'exceptio non adimpleti contractus de l'art. 82 CO. Alors que l'art. 82 CO s'applique lorsque la prestation et la contre-prestation sont toutes deux exigibles l8, une partie au contrat qui devait s'exécuter la première peut refuser de s'exécuter s'il apparaît que son cocontractant ne sera pas en mesure d'exécuter la contre- prestation dont l'exigibilité est ultérieure\9.

De résoudre le contrat lorsqu'une garantie ne lui est pas fournie dans un délai convenable. La garantie admissible peut être une garantie réelle fournie par le débiteur ou par un tiers, ou une garantie personnelle fournie par un tiers qui lui-même n'est pas

CHENGWEI, § 9.2.

Infra Ill.

ATF 68 II 177.

ATF 105 li 28.

ATF 127111199.

ENGEL, p. 659.

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20

Sylvain Marchand

dans une situation d'insolvabilité. En cas de garantie réelle, la valeur de la chose mise en gage doit au moins correspondre à la valeur de la prestation due par le débiteur. En cas de garantie personnelle, le créancier n'a pas droit à une garantie abstraite, et doit se contenter d'une garantie dépendante (un cautionnement) selon laquelle le garant répond aux mêmes conditions, exceptions et objections que le débiteur principal: le créancier ne peut en effet prétendre être mis dans une situation meilleure que celle qui serait la sienne si son cocontractant n'était pas insolvable. Une lettre de confort (ou lettre de patronage) ne vaut garantie suffisante que si elle comprend un engagement juridique de son auteur20Un cautionnement doit être un cautionnement solidaire, qui permet à son bénéficiaire de faire appel à la caution sans avoir à poursuivre le débiteur principal, ce que tend justement à lui épargner l'exception de l'art. 83 CO. Le délai convenable doit être fixé par le bénéficiaire de l'exception, selon les critères et la procédure de fixation d'un délai supplémentaire de l'art. J07 C021. Lorsque le contrat est un contrat de durée qui a déjà été partiellement exécuté, seule sa résiliation (sans effet rétroactif) est possible, conformément à la solution applicable aux contrats de durée ·en matière de demeure". Selon la jurisprudence, le cocontractant insolvable ne répond pas du dommage causé par la résolution du contrat". Cette jurisprudence ne nous paraît pas justifiée: lorsque les conditions d'application de l'art. 83 CO sont réalisées, la partie qui résout le contrat ne fait qu'exercer de façon anticipée les droits découlant de la demeure du débiteur. Il n'y a pas de raison qu'elle soit privée d'une indemnisation à laquelle elle aurait droit si elle attendait que son cocontractant soit effectivement en demeure, conformément à l'art. 109 al. 2 CO.

Sur la nature juridique de tels documents, voir AL TENBURGER; GAueH 1 SCHLUEP 1 SCHMID 1 REy, N. 4 Jl2 ; SCHNYDER, pp. 57 à 66; LOMBARDiNI, p. 620; TF, in:

SJ 1996,p. 634.

21 ATF 105 II 28.

22 Voir, THÉVENOZ, N. 36 ad art. 107 CO.

23 ATF 6411 264: l'an. 109 CO n'est pas applicable par analogie.

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Contrats et insolvabilité

7. Autres règles applicables de façon générale à tous les contrats

Les Principes du droit européen des contrats (version 1998) ne comprennent pas de règle spécifiquement consacrée à l'insolvabilité, mais une règle plus générale applicable lorsque une partie «croit raisonnablement qu'il y aura inexécution essentielle de la part du cocontractant

>?'.

De la même façon, les Principes Unidroit 2004 traitent du cas général où « avant l'échéance, il est manifeste qu'il y aura inexécution essentielle de la part de l'autre partie »25.

Par leur généralité, ces dispositions sont plus flexibles que l'art. 83 CO, qui suppose l'insolvabilité du cocontractant. Comme les auteurs le font remarquer à propos de l'art. 71 CVIM: « There muy be a deficiency in the ability of a party ta perform a contract even if the party 's financial situation is excellent »26 Des situations qui compromettent manifestement la capacité d'une partie au contrat à s'exécuter sans que celle-ci ne soit insolvable (des grèves à répétition, une nouvelle législation ayant un impact sur l'exécution du contrat, l'expiration d'une licence, la résiliation du contrat par lequel cette partie se fournissait en produits), ou qui laissent douter de sa volonté de le faire (la violation répétée d'autres contrats) ne sont pas appréhendées de façon satisfaisante en droit suisse".

B. Règles applicables à des contrats spécifiques

1.

Insolvabilité et faillite

La partie spéciale du Code des obligations et d'autres textes applicables à des contrats spécifiques confirment ou complètent la solution générale de l'art. 83 CO. De nombreuses dispositions traitent spécifiquement de la faillite d'un cocontractant. Elles traitent non pas du

24 Art. 8: l 05 des Principes européens.

25 Art. 7.3.3 des Principes Unidroit.

26 ENDERLEIN 1 MASKOW, pp. 285 à 287.

27 ENGEL, p. 659, qui note que le risque d'insolvabilité n'est pas le seul qui puisse compromettre les imérêts d'un cocontractant, et qui mentionne à titre d'exemple le recours à la théorie de "imprévision, et à l'art. 119 CO.

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Sylvain Marchand

risque lié à l'insolvabilité d'une partie, mais de l'effet de la faillite sur les contrats. Nous y reviendrons dans la partie de cet exposé consacrée aux effets de la faillite sur le contrat".

2. Prêt de consommation

L'art. 316 CO autorise le prêteur à refuser la délivrance de la chose en cas d'insolvabilité de l'emprunteur. Cette disposition confirme utilement que l'exception d'insolvabilité du prêteur existe également si l'insolvabilité précédait la conclusion du contrat, dès lors que le prêteur l'ignorait'9 Ce principe devrait à notre avis être étendu à la règle générale de l'art. 83 CO. L'art. 316 CO s'applique même si le contrat bilatéral est imparfait, en ce sens que l'emprunteur n'est pas tenu de payer des intérêts.

La disposition vise en effet également à protéger le droit du prêteur au remboursement du prêt'O

3. Résiliation pour justes motifs

Les règles de la partie spéciale du Code des obligations relatives à la résiliation pour justes motifs3l ne permettent pas une résiliation immédiate en cas d'insolvabilité ou de diminution importante des ressources d'une partie au contrat. La procédure en deux étapes prévues par l'art. 83 CO (suspension de l'exécution et demande de garanties, résolution en cas d'absence de garantie) ne peut être court-circuitée par l'argument selon lequel les difficultés financières d'une partie seraient déjà un juste motif permettant la résiliation immédiate du contrat.

«La faillite ou l'insolvabilité du locataire constituent des menaces plus graves, pour le bailleur, qu'une diminution même importante des ressources de son cocontractant. On Ile comprendrait donc pas que le bailleur puisse résilier abruptement dans ce cas-ci alors que dans les éventualités prévues aux art. 83 ou 266h CO, il ne peut le faire qu'après avoir vainement réclamé une garantie. En conséquence, dans le cas du

2.

Infra Ill.

29 Art. 316a1.2CO.

30 BOVET, N. 2 ad art. 316 CO.

II Art. 266g CO et art. 297 CO (bail), art. 337 CO (travail), art. 418r CO (agence), art. 527 CO (entretien viager), art. 545 al. 1 ch. 7 CO (société simple). Le principe a été étendu à tous les contrats de durée par la jurisprudence: ATF 122111262.

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Comrats et insolvabilité

locataire de locaux commerciaux, des pertes ou une activité déficitaire ne sauraient justifier à elles seules un congé extraordinaire selon l'art, 266g CO »32.

4. Contrat de travail

L'art. 337a CO autorise le travailleur à mettre fin au rapport de travail si l'employeur est insolvable et ne garantit pas le paiement du salaire. Le paiement des salaires avec retard de façon répétée, ou l'omission de l'employeur de verser les cotisations dues aux institutions de sécurité sociale permettent aux employés de présumer l'insolvabilité de l'employeur33 Cet assouplissement des conditions de preuve de l'insolvabilité se justifie par le but de protection de l'art. 337a CO. Il ne se justifie pas dans des contrats de nature plus commerciale.

5. Vente internationale de marchandises

L'art. 71 al. 1 let. a infine CVlM permet à chacune des deux parties de suspendre l'exécution de ses obligations lorsqu'il apparaît que l'autre partie n'exécutera pas une partie essentielle de ses obligations du fait d'une insuffisance dans sa solvabilité. La disposition apporte deux pistes de réflexion intéressantes par rapport à l'art. 83 CO :

32

33 34

L'insolvabilité n'est qu'un cas parmi d'autres circonstances de nature à rendre prévisible l'inexécution d'une partie essentielle des obligations de l'autre partie. La disposition met en évidence l'étroitesse excessive du champ d'application de l'art. 83 CO. Sa précision relative offre à l'inverse une sécurité juridique que ne garantissent pas les règles trop générales des Principes Unidroit ou des Principes européen du droit des contrats3'. Peut-être faut-il voir dans l'art. 71 CVIM la synthèse idéale entre un art. 83 CO étriqué et des principes du commerce international imprécis.

4C.280/2006, arrêt du TF du 16 novembre 2006, in; Si 2007 l, pp. 373 à 375. Compte

tenu de cette jurisprudence, c'est à tort à notre avis que DREYER voit dans l'insolvabilité dans la faillite de l'agent un juste motif de résiliation du contrat d'agence; DREYER, N. \ ad an. 4 \ 8, CO.

AUBERT, N. 2 ad art. 337a CO.

Supra II, A, 7.

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I l

Sylvain Marchand

L'exception d'insolvabilité pennet à son bénéficiaire non seulement de refuser d"exécuter sa contre-prestation, mais également de suspendre les actes préparatoires nécessaires à l'exécution du contrat: « What are required are not only aets in performance of the eonlract, but also those in preparation of performance which, therefore, carl also be suspended ,,35 Cette question des actes préparatoires n'est pas réglée par l'art. 83 CO, qui fait courir au bénéficiaire de l'exception le risque d'être lui- même en demeure s'il suspend la préparation de sa prestation et si la partie adverse fournit finalement des garanties suffisantes d'exécution. Or, les actes préparatoires peuvent être coûteux, et il est justifié d'en dispenser leur débiteur tant qu'il n'est pas assuré d'en recevoir la juste rémunération,

III. Cas particulier de la faillite d'une partie au contrat

A. Effets généraux de la faillite sur les contrats

1. Particularités de la situation

L'insolvabilité fait courir un risque d'inexécution au cocontractant de l'insolvable. La faillite le confronte au dessaisissement du débiteur et à son remplacement par l'administration de la faillite. L'heure n'est plus aux doutes et aux suspicions, mais à la constatation de la catastrophe et à la mesure de l'étendue des dégâts.

En soi, l'art, 83 CO et les autres dispositions applicables en cas d'insolvabilité restent applicables en cas de faillite. Leur mise en œuvre n'est cependant plus autonome, mais doit être conjuguée avec celle des règles spécifiques du droit de la faillite, soit en particulier l'art, 211 LP.

Au moment de la déclaration de faillite, plusieurs situations distinctes peuvent se présenter, suivant que les prestations réciproques prévues par le contrat ont déjà été exécutées ou non,

3S ENDERLEIN 1 MAsKOW, p. 284.

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Contrats et insolvabilité

2. Le contrat a déjà été exécuté par les deux parties

Si le contrat a déjà été exécuté par les deux parties, le cocontractant du failli n'a plus à se faire de soucis quant aux risques d'inexécution par son partenaire contractuel. Le contrat appartient au passé,l'affaire est réglée.

Il serait pourtant dangereux de l'archiver trop rapidement:

l'administration de la faillite dispose de ['anne redoutable parce que rétroactive de l'action révocatoire. Elle peut ainsi remettre en cause des contrats conclus et exécutés dans l'année qui précédait la déclaration de faillite, si le contrat correspond à l'un des actes mentionnés aux art. 286 et 287 LP, ou dans les cinq ans si ce contrat procédait de la volonté délibérée du failli de nuire à ses créanciers, et si cette volonté était reconnaissable par son cocontractant au sens de l'art. 288 LP.

Le but de l'action révocatoire tend à la réintégration dans le patrimoine du débiteur d'un actif qui en est sorti avant la déclaration de faillite. Le cocontractant peut être condamné à restituer à la masse en faillite l'objet de la prestation du débiteur failli. Il a droit en contrepartie au retour de la prestation qu'il avait lui-même foumie36, ou, le cas échéant, à la renaissance de la créance que la prestation du débiteur tendait à éteindre37. Cette créance ne peut être que produite dans la masse en faillite, avec les piètres résultats auxquels sont habitués les malheureux usagers du droit de la faillite.

3. Le contrat a déjà été exécuté par le failli, mais pas encore par le cocontractant du failli

Dans cette situation, le failli avait, au moment de la déclaration de faillite, une créance tendant à l'exécution du contrat par son cocontractant.

Cette créance tombe dans la masse active de la faillite. La masse en faillite, représentée par l'administration de la faillite, peut agir en exécution contre le cocontractant du failli3'. Elle peut également céder cette créance à un créancier39. La faillite du débiteur a donc pour effet une

36 An. 291 al. 1 LP.

37 Art. 291 al. 2 LP.

38 An. 243 al. 1 LP.

39 Art. 260 LP.

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11\

1

Sylvain Marchand

substitution de parties, en ce sens que le cocontractant du failli doit faire face à un nouveau partenaire contractuel, qui est soit la masse en faillite soit un créancier cessionnaire. Cette substitution de parties appelle deux remarques:

La nature de la créance n'est pas modifiée. Lorsque la créance du failli contre son cocontractant était une créance pécuniaire, l'administration de la faillite ou le créancier cessionnaire peut procéder à son recouvrement, au besoin par voie de poursuite4o Lorsque la créance du failli contre son cocontractant était une créance d'une autre nature (créance en livraison d'une chose ou en prestation d'un service), cette créance n'est pas convertie en créance pécuniaire, et l'administration de la faillite ou le créancier cessionnaire ne peuvent exiger l'exécution d'une autre prestation que la prestation convenue. L'art. 211 LP, qui prévoit la conversion automatique des créances non pécuniaires contre le failli en créances pécuniaires, ne s'applique pas en sens inverse:

une créance non pécuniaire du failli contre un tiers n'est pas convertie en créance pécuniaire du fait de la faillite.

« Selon l'article 211 al. 1 LP, qui traite des effets de la faillite quant aux droits des créanciers, la réclamation dont l'objet n'est pas une somme d'argent se transforme en une créance de valeur équivalente. La demanderesse prétend que cette disposition doit s'appliquer par analogie, s'agissant des droits du failli. C'est à tort qu'elle lefait. Il s'agit là d'un silence qualifié et non pas d'une lacune de la loi »41.

L'administration de la faillite ou le créancier cessionnaire doivent donc accepter l'offre de la prestation convenue par le contrat, sans pouvoir exiger que cette prestation soit convertie en prestation pécuniaire. Cette conversion peut néanmoins intervenir selon les

40 Art. 243 LP.

41 Arrêt du TClNE du 28 janvier 2002, in: RJN 2002, p. 354. Le même arrêt exclut également que la faillite d'une partie soit un cas d'imprévision permettant à la masse en faillite de se prévaloir de la clausu/a rebus sic srantibus.

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Contrais et insolvabilité

règles ordinaires de la demeure, lorsque le cocontractant du failli est en demeure d'exécution''.

Le créancier cessionnaire peut conclure avec le cocontractant du débiteur une transaction". Cette transaction lie l'administration de la faillite. Lorsque le créancier cessionnaire a produit dans la faillite du débiteur une créance moins importante que la valeur de la prestation découlant du contrat conclu entre le fai 11 i et son cocontractant, un arrang~ment entre ce créancier cessionnaire et ce cocontractant du failli s'impose aux deux parties: l'intérêt bien compris du créancier cessionnaire et du cocontractant du failli est en effet de conclure une transaction par laquelle le cocontractant du failli paie au cessionnaire non pas le montant prévu par le contrat avec le débiteur en faillite, mais le montant de la créance produite dans la faillite par le créancier cessionnaire. Ce dernier, qui bénéficie du privilège de l'art. 260 al. 2 LP, est intégralement désintéressé. Le cocontractant du failli se débarrasse de son obligation découlant du contrat par le paiement d'un montant de valeur inférieure. Le dindon de la farce est la masse en faillite, qui n'aurait pas dû accepter une cession de la créance à un créancier dans de telles conditions.

4. Le contrat était déjà exécuté par le cocontractant du failli, mais pas encore par le failli

Dans une telle situation, le cocontractant du failli a une créance contre le failli, tendant à l'exécution du contraI. Celte créance peut être une créance pécuniaire, ou une créance d'une autre nature.

42

43

Si cette créance était une créance pécuniaire, le cocontractant du failli en est réduit à la produire dans la faillite et à partager le sort commun, et souvent malheureux, des créanciers du failli. La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite prévoit néanmoins une

Auquel cas le créancier peut renoncer à l'exécution et convertir sa prétention en prétention en dommages-intérêts: art. 107 CO.

4C.170/2oo2, arrêt du TF du 12 novembre 2002, in: SI 2003 l, pp. 333 ss; ATF 121 III 488 ; ATF 102 III 29, spée. p. 31 ; ATF 93 III 59, spéc. p. 63 ; AMONN / WALTHER,

§ 47, N. 59.

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Sylvain Marchand

exception pour le vendeur qui a livré une marchandise au failli sans avoir déjà été payé par ce dernier: si la marchandise est reçue par le failli après sa déclaration de faillite, le vendeur peut demander à l'administration de la faillite de lui restituer cette marchandise, ou de lui en payer le prix intégral".

Si cette créance était une créance d'une autre nature, la créance est automatiquement convertie en créance pécuniaire d'une valeur équivalente à la valeur de la prestation à la date de la déclaration de faillite4s. Le cocontractant du failli se voit ainsi imposer une double modification de sa situation juridique: la conversion de sa créance, et la réduction de sa créance au dividende versé par la faillite.

Le principe de la conversion automatique des créances non pécuniaires contre le failli en créances pécuniaires s'impose au cocontractant du failli, mais pas à la masse en faillite: celle-ci peut en effet choisir de reprendre le contrat, et d'exécuter l'obligation du failli en nature, plutôt que de laisser son cocontractant produire dans la faillite une créance d'une valeur équivalente4" Cette option de l'administration de la faillite est peu intéressante dans la situation où le contrat a déjà été exécuté par le cocontractant du failli, et où l'administration de la faillite n'est donc pas motivée par son souci de recevoir cette contre-prestation. En aucun cas l'administration de la faillite n'est tenue de reprendre le contrat47Elle a donc tout intérêt dans une telle situation à laisser s'opérer la conversion automatique de la créance contre le failli: la contre-prestation reçue par le failli reste dans la masse active, et le cocontractant du failli ne touche que le dividende afférant à sa créance convertie, comme n'importe quel autre créancier de la masse passive.

44 Art. 203 LP,

4S Art. 211 al. 1 LP; sur le moment de la conversion, voir JEANNERET, N. 7 ad art. 211 LP.

46 Art. 211 al. 2 LP. Sur cette hypothèse, voir infra 3.

47 4C.239/2oo6, arrêt du TF du 5 octobre 2006, consid. 2.2 ; 4C.252/2005, arrèt du TF du

6 février 2006, consid. 5.2.

(18)

Contrats et insolvabilité

5. Le contrat n'a été exécuté par aucune des deux parties

Lorsqu'à la date de la déclaration de faillite, un contrat avait été conclu par le failli avec un tiers mais pas encore exécuté, les principes du droit de la faillite (conversion de l'art. 211 al. 1 LP) et du droit matériel (droit de demander des sûretés de l'art. 83 CO) se combinent en un curieux mariage où chaque époux a ses atouts et ses faiblesses.

L'intérêt de la masse en faillite est souvent de reprendre le contrat, pour obtenir la contre·prestation due par le cocontractant du failli. La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite lui en laisse en principe l'option", avec cependant deux réserves:

48

49

Le retour de l'art. 83 CO. Puisque le contrat est repris par la masse, le cocontractant du failli garde son droit à la prestation prévue par le failli. Il peul exiger des sûretés conformément à l'art. 83 al. 2 CO, pour sécuriser sa propre créance. L'art. 211 al. 2 in fine LP réserve expressément celte exception du cocontractant du failli.

L'interdiction de la spéculation rétrospective. Le pouvoir de l'administration de la faillite de choisir de maintenir le contrat si elle le souhaite serait inéquitable dans le cas où le contrat était par nature spéculatif. La reprise du contrat par la masse en faillite est exclue lorsque le contrat relève d'une des opérations mentionnées à l'art. 211 al. 2b" LP, c'est-à-dire d'une opération de nature spéculative". Le contrat doit être liquidé à la date de la déclaration de faillite. Si l'évolution des cours bénéficie au failli, la masse en faillite peut demander au cocontractant du failli le paiement de ce bénéfice. Dans le cas contraire, le bénéfice du

Cette option peut être exercée librement par l'administration de la masse et sa décision à cet égard ne peut faire l'objet d'une plainte: ATF 110 III 84 ; ATF 105111 11.

Cette ex.ception à l'exception a été fort utilement apportée à la LP lors de la révision de 1997. Voir à ce sujet le rapport de l'Office fédéral de la justice à l'intention de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats relatif à la nouvelle réglementation prévue à l'art. 211 LP, FF 1994 l, pp. 1302 ss, qui explique en détail les motifs de cette règle.

(19)

Sylvain Marchand

contrat revenant au cocontractant du failli peut être produit par ce dernier dans la faillite.

Si l'administration de la faillite ne reprend pas le contrat (ce dont elle n'a jamais l'obligation50), ou ne fournit pas les sûretés requises par le cocontractant du failli, celui-ci peut résoudre le contrat conformément à l'art. 83 al. 2 CO.

B. Les contrats de duréeS!

1. Faillite et résiliation pour justes motifs

Lorsque le contrat conclu par le failli avec un cocontractant est un contrat de durée, la survenance de la faillite conduit à la question de la fin du contrat. La jurisprudence a posé le principe général selon lequel la faillite d'un cocontractant n'est pas un juste motif de résiliation du contrat". Le principe de la résiliation pour justes motifs, posé par la jurisprudence comme un principe général applicable à tous les contrats de durée, ne saurait en effet paralyser le droit de l'administration de la faillite de reprendre le contrat conformément à l'art. 211 LP, et le cas échéant de donner des sûretés quant à l'exécution de la prestation du failli.

Si la faillite d'un cocontractant ne peut être considérée de façon générale comme un juste motif de résiliation du contrat, il n'en reste pas moins que la partie Spéciale du Code des obligations prévoit expressément quels sont les effets de la faillite pour certains contrats de durée.

2. Résiliation ou droit de résilier en cas de faillite d'une partie

Les règles de la partie Spéciale du Code des obligations ou d'autres sources du droit des contrats réglementent les effets de la faillite sur certains contrats. Ces règles peuvent être classées en deux catégories:

50 4C.23912006, arrêt du TF du 5 octobre 2006, consid. 2.2.

51 Pour une bibliographie complète des contrats de durée dans la faillite et le concordat, voir la bibliographie établie par MEIER / EXNER, pp. 85 ss ; et JEANDIN, pp. 71 à 97.

52 4C.280/2006, arrêt du TF du 16 novembre 2006. in: SJ 2007 l, pp. 373 à 375; voir supra II, B, 3.

(20)

Contrats et insolvabilité

Résiliation automatique. Pour une première catégorie de contrats, la faillite a un effet de résiliation automatique du contrat. Le contrat prend fin ipso jure du fait de la faillite. La résiliation, qui intervient indépendamment des conditions contractuelles de résiliation, découle de la loi et ne donne par conséquent pas droit au cocontractant du failli à des dommages, intérêts comme dans le cas de la résiliation anticipée injustifiée d'un contrat de durée. Les contrats soumis à ce régime sont les contrats suivants:

Le contrat d'assurance, en cas de faillite de l'assureur53.

La promesse de donner, en cas de faillite du donateur54.

Le contrat de bail à ferme, en cas de faillite du fermier".

Le contrat de mandat, en cas de faillite d'une des deux parties'6. La règle s'applique également aux contrats apparentés au contrat de mandat, c'est-à-dire aux contrats de courtage, de commission, et de transport.

Le contrat d'agence, en cas de faillite du mandantS?

Le contrat d'assignation en cas de faillite de l'assignant, et pour autant que l'assignation n'ait pas encore été acceptée par l'assigné58. Par son acceptation, l'assigné assume une obligation directement à l'égard de l'assignataire, et cette obligation n'est pas affectée par la faillite de l'assignant.

Le contrat de société simple, en cas de faillite d'un associé59.

Les indivisions, en cas de faillite d'un indivis60.

Droit de résiliation du cocontractant du failli. Pour une seconde catégorie de contrats, le cocontractant du failli a le droit de résilier

53 Art. 37 al. 1 LCA.

54 Art. 250 al. 2 CO.

55 Art. 297a al. 1 CO.

56 Art. 405 CO ; voir cependant art. 405 al. 2 CO.

57 Art. 418s al. 1 CO.

58 Art.470aI.3CO.

59 Art. 545 al. 1 ch. 3 CO.

60 Art. 343 ch. 4 CC.

(21)

Sylvain Marchand

le contrat avec effet immédiat si la masse en faillite ne fournit pas des sûretés dans un délai convenable. Il s'agit cependant d'un droit et non d'une obligation. Si le cocontractant du failli choisit de ne pas résilier le contrat, il appartient à l'administration de la faillite de mettre fin à ces contrats de durée, selon les modalités contractuelles ou légales de résiliation de ces contrats, et avec les conséquences qu'une telle résiliation peut avoir en termes d'indemnisation des cocontractants du failli. Les contrats soumis à ce régime juridique sont les suivants:

Le contrat de bail à loyer, en cas de faillite du locataire".

Le contrat de prêt, en cas de faillite de l'emprunteur".

Le contrat de travail, en cas de faillite de l'employeur 63 En matière de contrat de travail, le droit de résiliation de l'employé doit être exercé en tenant compte des prestations d'indenmité en cas d'insolvabilité de la LACr : l'obligation de diminuer le dommage incombant à l'employé implique qu'il résilie immédiatement le contrat de travail''.

Le contrat d'édition, en cas de faillite de l'éditeur65.

3. Créances dont la cause est antérieure

à

la déclaration de faillite

Les créances découlant des contrats du failli avec des tiers ont un statut différent suivant que leur cause est antérieure ou postérieure à la déclaration de faillite. En effet, la question se pose de savoir si ces créances sont des dettes dans la masse (créances devant être inscrites à l'état de collocation) ou des dettes de la masse (dettes découlant de la gestion de la faillite et qui doivent être payées en priorité, avec les frais de procédure au sens de l'art. 262 LP)66

6\ Art. 266h CO; voir JEANNERET 1 HAR!, pp. 21 à 54; JEANDlN, p. 80.

62 Art. 316 al. 1 CO.

63 Art. 337a CO ; voir JEANDIN, p. 83.

64 RDTAC 2007, p. 52.

65 Art. 392 al. 3 CO.

66 JEANDlN, p. 74.

(22)

Contrats et insolvabilité

Les créances découlant du contrat et dont la cause est antérieure à la déclaration de faillite correspondent à des dettes qui doivent être produites dans la masse (dettes dans la masse), et non des dettes de la masse67 Le cas échéant, elle font l'objet de la conversion de l'art. 211 al. 1 LP.

Le cocontractant du failli est donc un créancier comme un autre réduit à produire sa créance dans la masse et à attendre le versement d'un hypothétique dividende dans la faillite.

4. Créances dont la cause est postérieure à la déclaration de faillite

Plus complexe est le statut des créances qui naissent d'un contrat de durée, après la déclaration de faillite d'une des parties à ce contrat. Ces créances ont un statut différent suivant que la masse a repris le contrat ou non68 . La possibilité de la masse de reprendre le contrat n'existe que si le contrat ne prend pas fin automatiquement de par la faillite, ou si le cocontractant du failli n'a pas fait usage de son droit de résilier le contrat6" La reprise du contrat par la masse est prévue expressément par l'art. 211 al. 2 LP lorsque l'obligation du failli est une obligation non pécuniaire, mais elle est également admise, de jurisprudence constante, lorsque cette obligation est une obligation pécuniaire70.

Si la masse a repris le contrat, les créances découlant de cette reprise correspondent à des dettes de la masse 71 Ce principe connaît une exception en cas de bail commercial: la créance de loyers du bailleur de locaux commerciaux contre le locataire pour une période de six mois après la déclaration de faillite du locataire est une créance qui doit être produite dans la masse en faillite du locataire (dette dans la masse)". Cette période de six mois

67 Pour le contrat de bail: 4C.280/2006, arrêt du TF du 16 novembre 2006.

68 Art.211a1.2LP.

69 Supra 2.

70 ATF 104 III 84; 4C.252/2005, arrêt du TF du 6 février 2006; 4C.239/2006, arrèt du TF du 5 octobre 2006.

71 Pour le contrat de travail: 4C.239/2006, arrêt du TF du 5 octobre 2006; pour le contrat de bail: ATF 104 III 84 ; 4C.280/2006, arrêt du TF du 16 novembre 2006.

72 ATF 12411141 ;ATF 104 III 84.

(23)

III

1.

l',

Sylvain Marchand

correspond à la période protégée par le droit de rétention du bailleur73.

Si la masse n 'a pas repris le contrat, les créances dont la cause est postérieure à la déclaration de faillite ne sont ni des dettes de la masse (puisque le contrat n'a pas été repris) ni, à notre avis, des dettes dans la masse (puisque leur cause est postérieure à la déclaration de faillite). Les créances qui découlent de la continuation du contrat après la déclaration de faillite alors que la masse n'a pas repris le contrat sont des créances contre le failli qui peuvent faire l'objet d'une poursuite contre le débiteur par voie de saisie au sens de l'art. 206 al. 2 LP. La jurisprudence en matière de contrat de travail (faillite de l'employeur)74 et de contrat de bail (faillite du locataire)" admet cependant que ces créances deviennent des dettes dans la masse, qui peuvent être colloquées. Cette solution nous semble conduire à une augmentation injustifiée de la masse passive, alors même que la masse n'a pas repris ces contrats.

Le statut de ces créances étant différent suivant que la masse a repris le contrat ou non, la question d'une reprise implicite du contrat par la masse est sensible: on ne saurait imposer à la masse des dettes de la masse non consenties. A l'inverse, il serait choquant que la masse continuât à bénéficier en toute connaissance de cause de la prestation d'un tiers (un bail en cours, des prestations de service diverses) sans en assumer les coûts. Plusieurs arrêts ont récemment été rendus par le Tribunal fédéral pour poser les critères d'une reprise implicite du contrat par la masse.

En matière de contrat de travail, le simple fait que le travailleur continue une activité après la déclaration de faillite, sans l'annoncer à l'administration de la faillite, n'implique pas que le contrat ait été implicitement repris par la masse au sens de l'art. 211 al. 2 LP :

73 Art. 268 CO.

74 4C 239/2006, arrêt du TF du 5 octobre 2006, consid. 2.2.

75 4C.252/2005, arrêt du TF du 6 février 2006, con,id. 5.3.

(24)

r

76

77

78

Contrats el insolvabilité

«La continuation des rapports d'obligation ne nécessite aucune déclaration au sens de l'art. 21 J al. 2 LP et elle peut découler d'actes concluants (arrêt 4C.252/2005 du 6 février 2006, consid. 5.2 [. . .]). En matière de contrat de travail, lorsque l'administration de la faillite reprend le contrat à son compte, les créances de salaires nées postérieurement à la faillite sont des dettes de la masse (art. 262 LP; [. . .]). A titre d'exemple, le fait pour la masse de fournir des sûretés vaut reprise du contrat par elle-même { .. .}. (Il] n'en ressort en particulier pas que le demandeur aurait requis et obtenu de celle-ci la fourniture de sûretés, ni que la masse aurait sollicité ou toléré du demandeur qu'il effectue une prestation de travail. Au contraire, le demandeur n'avait jamais offert ses services après la faillite et ne s'était même jamais manifesté, ne serait-ce que pour se renseigner. )} 76

En matière de contrat de bail, le versement de sûretés par la masse77, le fait de continuer à payer les loyers78, ou encore le fait de ne pas évacuer les locaux, constituent des critères de reprise implicite du contrat par la masse:

«En l'espèce, la masse ne pouvait pas ignorer l'existence du bail et la nécessité de se déterminer à son sujet, puisqu'elle avait été expressément interpellée par le bailleur. Elle n'a certes pas répondu, mais elle n'a pas non plus évacué les locaux. Dans le contexte de la sommation, le fait de laisser les meubles en place ne peut s'interpréter que comme l'expression d'une volonté de garder, au moins pour quelques temps encore, l'appartement, parce qu'il était dans l'intérêt de la masse, pour faciliter la

4C.239/2oo6, arrêt du TF du 5 octobre 2006, consid. 2.2 et 2.3; RDTAC 2007, pp. 20 à22.

4C.252/2005, arrêt du TF du 6 février 2006, in: MRA 2006, pp. 151 à 161;

4C.236/l995, arrêt du TF du 4 décembre 1995, in : Mietrechtpraxis 1996, p. 207.

HIGI, N. 40 ad art. 266h CO.

(25)

Il Sylvain Marchand

liquidation. de disposer de locaux pour abriter les objets appartenant au failli. ,,'9 -

C. Réglementation contractuelle de la faillite d'un cocontractant

Confronté à cette avalanche de bases légales issues soit du Code des obligations, soit de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, le praticien peut être tenté de régler par le contrat les conséquences de la faillite d'un cocontractant. Des dispositions relativement standardisées se retrouvent dans de nombreux contrats, et prévoient la fin du contrat en cas de faillite d'une partie. Le texte qui suit n'est qu'un exemple:

If

the Buyer becomes bankmpt. then \Vi/haut prgudice ta any other right or remedy available ta the Seller, the Seller shall be entitled ta cancel the Contract or suspend any further deliveries under the Contmet \Vi/haut liability ta the Buyer.

and

if

the Goods have been de/ivered but not paid for the priee shall beeome immediately due and payable notwilhstanding any previous agreement or arrangement to the eontrary.

Une telle disposition est valable en droit suisse, en ce sens que les parties sont libres de choisir les causes objectives de résiliation du contrat80Le caractère immédiatement exécutoire des obligations du failli n'est qu'une confirmation de l'art. 208 LP. La liberté des patties de règlementer contractuellement la faillite de l'une d'entre elles trouve cependant ses limites:

79

80 81

Dans le respect du droit impératif. La clause résolutoire ne doit pas s'inscrire en contradiction avec une disposition impérative du droit des contrats. Pour le contrat de bail, par exemple, l'art. 261 CO (transfert du bail à l'acquéreur) est impératif". Les parties ne peuvent donc prévoir la résiliation automatique du bail en cas de

4C.252/2005. arrêt du TF du 6 février 2006, consid. 5.2, in : MRA 2006. pp. 151 à 161.

Sur ces clauses, voir JEANDIN, p. 92.

Obergen"cht Basel/and, arrêt du 7 novembre 2000, in : mp 200 l, p. 23.

(26)

82

ContraIs et insolvabilité

faillite du bailleur. Pour le contrat de travail, une clause selon laquelle la faillite de l'employé implique la résiliation automatique du contrat viole les dispositions impératives sur la résiliation du contrat de travail: la faillite de l'employé ne peut justifier une résiliation immédiate du contrat que si elle constitue un juste motifau sens de l'art. 337 al. 1 COS2.

Dans le caractère impératif des règles de constitution de la masse active de la faillite. Tous les biens appartenant au débiteur lors de la déclaration de faillite sont intégrés dans la masse active". Un cocontractant du failli ne peut se prévaloir d'une clause résolutoire avec effet rétroactif" pour rechercher dans la masse active de la faillite des actifs dont il n'est plus propriétaire. De telles prétentions porteraient une atteinte inadmissible aux droits des autres créanciers. Dans le cas d'un contrat de vente, l'art. 212 LP confirme cette interdiction du caractère rétroactif d'une clause résolutoire en cas de faillite. Les droits de distraction prévus par la lois5 sont exhaustifs.

Dans le principe d'égalité de traitement entre créanciers. Les règles contractuelles réglementant les conséquences de la résiliation ne doivent pas avoir pour effet de conférer au cocontractant du failli une prétention supplémentaire dans la masse en faillites6: un tel effet serait contraire au principe de l'égalité de traitement entre les créanciers, qui doivent tous supporter sur un pied d'égalité le dommage résultant de la faillite du débiteur. Une clause pénale liée uniquement à l'hypothèse de la faillite d'une partie ne serait pas admissible. En revanche, une clause pénale couvrant tous les cas d'inexécution, y compris l'inexécution due à la faillite doit à notre avis être admise, étant entendu que l'administration de la masse peut choisir de reprendre

JEANDrN, p. 94.

83 Art. 197 al. 1 LP.

84 Art. 54 al. 2 CO.

8S Art. 201, 202, 203 LP; art. 401 al. 3 CO.

86 ATF411ll136.

(27)

1!1

,:

Sylva in Marchand

le contrat au sens de l'art. 211 al. 2 LP pour éviter la production

~ . 87

du montant de la clause pénale .

D. Application analogique des règles de la faillite en cas de concordat

La procédure concordataire est un mode d'exécution générale alternatif à la faillite qui se déroule en deux étapes: la première étape est la période du sursis concordataire qui va de l'octroi du sursis jusqu'à l'homologation, la seconde étape est celle de l'exécution du concordat, dont les modalités dépendent du type de concordat homologué.

87

Sursis concorda/aire. La déclaration de sursis a pour effet que t.otltes les poursuites contre le bénéficiaire du sursis sont suspendues'"' Si le concordat est homologué, il s'applique à toutes les créances dont la cause est antérieure à la publication du sursis89. C'est donc à juste titre que la doctrine et la jurisprudence considèrent que l'octroi du sursis est déjà une preuve d'insolvabilité justifiant l'application de l'ar!. 83 C090. Cette protection du cocontractant du débiteur en sursis concordataire n'est cependant utile que pour les contrats conclus avant la publication du sursis, et qui n'ont pas encore été exécutés par le cocontractant du débiteur en sursis. 11 est légitime dans un tel cas que le cocontractant du débiteur en sursis demande des garanties d'exécution de la contre-prestation due par le débiteur en sursis, et soit autorisé à se départir s'il n'obtient pas de telles garanties pour ne pas prendre le risque de ne recevoir qu'une prestation réduite au dividende concordataire. En revanche, l'art. 83 CO ne doit plus

s'appliquer pour les contrats conclus durant le sursis. Au régime

juridique de l'art. 83 CO se substitue le régime juridique de l'art. 3) 0 LP, selon lequel les créances nées durant le sursis avec

La question est controversée: voir STAEHELlN, pp. 363 et 378; JEANniN, p. 94;

HUNKELER, pp. 55 55 ; SPÜHLER, pp. 673 55.

88 Art. 297 LP.

'9 Art.210LP.

90 Supra Il, A, 3.

(28)

ContraIS et insolvabilite

l'accord du commissaire bénéficient d'une garantie de paiement intégral.

Exécution du concordat. Si le concordat homologué est un concordat dividende, l'exécution du concordat passe par le paiement du di vidende convenu aux créanciers soumis au concordat. Les créanciers sont réputés être totalement désintéressés par le paiement de ce dividende, et n'ont plus de prétention contre le débiteur pour le solde de leur créance. Le débiteur ne doit donc plus être considéré comme insolvable au sens de ['art. 83 CO. Si le concordat homologué est un concordat par abandon d'actifs, l'exécution du concordat passe par [a réalisation des actifs du débiteur. Cette procédure s'apparente à une faillite du débiteur, et i[ est admis que le régime conjugué des art. 211 LP et 83 CO, applicab[e en matière de faillit~, s'applique également dans le contexte de l'exécution du concordat par abandon d'actifs91

IV. Conclusion

C'est peu de dire que ['insolvabilité d'un cocontractant a des effets sur la relation contractuelle: c'est à un véritable bouleversement de cette relation que conduisent les situations d'insolvabilité, qui peuvent impliquer:

91

Une modification des termes d'exigibilité des prestations contractuelles.

Un droit de résolution ou de résiliation du contrat.

Une substitution de partie, avec la reprise implicite ou explicite du contrat par la masse.

La conversion des prétentions découlant du contrat en prétentions pécuniaires.

A Tf 107 III 106 ; LORANDI, pp. 1209 ss.

(29)

Sylvain Marchand

La qualification des créances découlant du contrat en dettes de la masse ou en dettes dans là masse suivant la décision de la masse de reprendre ou non le contrat.

Une restriction de la liberté contractuelle déduite de la nécessité de tenir compte des intérêts des autres créanciers de l'insolvable.

C'est un couple étrange qui préside à la destinée du contrat dont une partie est insolvable: celui du droit des contrats, emprunt de libéralisme, et du droit de l'exécution forcée, qui relève de la contrainte. L'art. 83 CO ne permet pas d'appréhender à lui seul le risque de l'insolvabilité.

L'art.211 LP intègre la logique de l'art. 83 CO. C'est de ce curieux mariage que naît le régime juridique complexe des contrats dont une partie est insolvable.

(30)

Contrats el insolvabilité

Bibliographie

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