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Le recouvrement international des créances alimentaires

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Le recouvrement international des créances alimentaires

ROMANO, Gian Paolo

ROMANO, Gian Paolo. Le recouvrement international des créances alimentaires. In: Cycle de conférences "Jeudi de l'Institut suisse de droit comparé", Institut suisse de droit

comparé, Lausanne, 4 décembre 2007, 2007, p. 1-14

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135078

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« Le recouvrement international des créances alimentaires »

Gian Paolo Romano

Collaborateur scientifique à l’Institut suisse de droit comparé Responsable du droit international privé

Conférence prononcée dans le cadre des

« Jeudis de l’Institut suisse de droit comparé »

[Cycle de conférences organisées à l’ISDC le premier jeudi de chaque mois]

Lausanne, 4 décembre 2007

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie d’être venus si nombreux à la rencontre de ce soir.

Permettez-moi avant toute chose de saluer la présence parmi nous du Professeur Alfred von Overbeck, présence qui nous honore au plus haut point – et peut-être m’intimide un peu aussi…

Mais je vais essayer de ne pas, comme on dit, perdre mes moyens.

Le thème dont je souhaiterais vous entretenir aujourd’hui est d’une importance pratique et d’une actualité considérables.

C’est en fait toute une série d’affaires à la faveur desquelles l’ISDC a été appelé à consulter qui m’ont inspiré ce choix et aussi et peut-être surtout l’adoption il y a peine quelques jours, le 23 novembre, de deux instruments de La Haye qui sont promis à un bel avenir : la Convention d’entraide et de reconnaissance, d’une part, et un « protocole » sur le droit applicable, d’autre part.

Brûlante actualité donc !

Mais avant de vous parler des aspects du droit international privé (III), je sou- haiterais vous dire un mot de l’importance et de l’internationalisation de l’obli- gation alimentaire (I) puis vous fournir un aperçu de droit comparé en ce do- maine (II).

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[I. L’obligation alimentaire contemporaine et son internationalisation]

1. Importance grandissante de la matière. L’importance du droit international privé en matière d’obligations alimentaires ne cesse de croître. Ce n’est pas le seul rapport interindividuel, relevant du droit privé, entre le débiteur et le créan- cier d’aliments, qui est en cause. L’exécution ou la non-exécution de ce rapport a des retombées importantes – des « externalités », comme on dit aujourd’hui – sur les équilibres sociaux et politiques au sein de la collectivité toute entière.

Il suffit de penser que les créanciers d’aliments qui ne reçoivent pas leur dû sont le plus souvent à la charge de la société. Il en est ainsi notamment lorsqu’il s’agit d’enfants, notamment mineurs.

C’est le cas que j’aurai surtout à l’esprit ce soir. Mais je tâcherai d’évoquer éga- lement, ici et là, le rapport alimentaire entre époux ou ex-époux.

Les raisons de l’importance qu’ont pris ces questions au niveau international sont nombreuses.

1) Il faut citer d’abord l’essor sans précédents des couples mixtes et des couples non-sédentarisés.

2) Il faut mentionner ensuite l’égalisation poussée des responsabilités paren- tales.

3) Il faut évoquer encore la facilité accrue des déplacements à travers les fron- tières ; cette facilité confère à l’individu une quasi-ubiquité lui permettant de plus facilement se soustraire à ses obligations.

C’est là l’exploitation, par le débiteur d’aliments, du phénomène de la frontière, du cloisonnement des ordres juridiques ; la recherche de ces « rechtsschutzfrei Oasen », pour citer un auteur, qui peuvent se créer dans les interstices entre les ordres juridiques que laissent subsister les imperfections, sinon les défaillances, de leur coordination : « oasis » dans lesquelles le débiteur checherait à s’in- staller confortablement en se mettant à l’abri du droit.

4) Il faut enfin citer la promotion du droit de l’enfant à l’entretien, à l’éducation et au développement. Ce droit est de plus en plus perçu comme essentiel.

Il suffit d’évoquer les articles 3 et 27 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 : manifestation d’une mutation plus profonde, amorcée depuis longtemps déjà, dans la conception même de l’obligation ali- mentaire.

Je m’autoriserai à cet égard une incursion rapide dans l’histoire récente de cette institution.

2. Mutation dans la conception de l’obligation alimentaire. Le dix-neuvième siècle, avec un grand sens de l’économie bourgeoise et un souci aigü de la « paix

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des familles », avait adopté un principe clair : celui de la subordination du devoir alimentaire à l’existence d’un rapport familial, juridiquement établi, entre créan- cier et débiteur.

Le père naturel qui n’avait pas reconnu volontairement son enfant, n’était pas tenu de pourvoir à son entretien pas plus qu’à son établissement professionnel.

Le Code civil d’Allemagne de 1900 déjà a dissocié en certains cas le devoir alimentaire et le rapport de famille. L’ancien article 1708 du BGB consacrait une paternité naturelle non génératrice d’un lien d’état, à portée purement alimen- taire. L’adage selon lequel « qui fait l’enfant doit le nourrir » permettait de fon- der l’obligation alimentaire sur la constatation du fait biologique.

Au fil des décennies, on a pu aller encore plus loin dans ce processus d’écla- tement.

Le Code civil français – l’article 342 de la grande loi du 3 janvier 1972 – admet, à certaines conditions, une action à fin de subsides : celle-ci s’appuie sur une

« simple possibilité de paternité de celui ou de ceux qui ont eu des relations intimes avec la mère pendant la période légale de la conception ». Le droit belge et le droit grec connaissent une règle semblable.

Un changement quant à la source de l’obligation alimentaire se laisse constater : de la famille juridiquement constituée à la famille virtuelle puis à la famille sim- plement potentielle. Ainsi parvient-on à élargir le cercle des débiteurs éventuels.

La fragilisation, la précarité et aussi le désordre des structures familiales con- temporaines, sont contrebalancés par le renforcement, au moins formel, de la protection du mineur.

On évoquera aussi, parmi les signes d’une transformation de l’obligation ali- mentaire, la « monétarisation » de son objet. L’obligation alimentaire est aujour- d’hui essentiellement une obligation monétaire. Elle ne s’exécute que rarement en nature, par l’accueil du créancier d’aliments dans la « maisonnée » (comme on disait autrefois) du débiteur.

Les textes législatifs autoriseraient pourtant cette forme alternative d’exécution.

Je rappellerai, à titre d’exemple, l’article 442 du Code civil italien : « celui qui est tenu à l’obligation alimentaire à le choix de s’en acquitter soit en versant une pension alimentaire – ce qu’on appelle un « chèque alimentaire » : « asse- gno alimenare » – ou bien en acceuillant chez lui l’ayant droit et en lui prêtant l’entretien ».

Il faudrait, pour que ce mode alternatif d’exécution soit viable, que le créancier puisse compter sur une cellule familiale robuste, ouverte et généreuse. Pesant sur le patrimoine, la dette en argent engage beaucoup moins profondément la personne même du débiteur.

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Surtout, la nature monétaire de la prestation s’accomode de l’exécution à dis- tance. Des dizaines de miliers de personnes en Europe sont à la charge de d’une autre personne qui est installée et génère son revenu dans un pays autre que celui où elles habitent. Autant dire que la dimension « transfrontière » de l’obligation alimentaire est devenue banale. La nature monétaire de l’obligation n’est pas sans influence sur la sélection des chefs de compétence exploitables en la matière, sur lesquels je reviendrai dans un instant.

Autre fait digne d’être rappelé – et là on quitte pour un instant les mineurs – l’évolution de la société a créé de nouvelles solidarités alimentaires. De plus en plus de couples vivent dans des unions stables en dehors du mariage. De nom- breux pays ont pris conscience de cette réalité et ont créé des régimes organisant certains aspects de la vie juridique des partenaires, au sens large. Si les obliga- tions morales, telle le devoir de fidélité, sont négligées par de tels régimes, ceux- ci règlent en revanche certains aspects en tout cas des relations patrimoniales.

Les partenaires ont souvent un devoir mutuel d’assistance financière compa- rable à celui qui incombe aux époux.

Toujours est-il que des différences se rencontre d’un pays à l’autre : en Bel- gique, l’obligation alimentaire n’existe qu’au cours de la vie commune ; aux Pays-Bas, elle subsiste après la séparation.

3. Difficultés posées par l’internationalisation du rapport alimentaire. Le rap- port alimentaire implique une partie communément qualifiée de faible, le créan- cier d’aliments.

Souvent dans le besoin, celui-ci n’est pas en position d’entreprendre des voies judiciaires coûteuses pour faire valoir ses droits. Il a besoin d’aide pour ré- clamer et obtenir l’aide qui lui est due. Il est donc n quelque sorte doublement dans le besoin.

Cela contraste avec le caractère urgent que revêt souvent l’exigence alimentaire.

« La faim n’attend pas », s’était écrié un délégué français à Conférence de La Haye en 1956. Déjà les Romains l’observaient : « venter non patitur dilatio- nem ».

Les difficultés pour faire valoir le droit à l’entretien, déjà redoutables sur le plan interne, ne font que s’exacerber quand on se hisse au niveau international. Le créancier d’aliments s’y trouve le plus souvent face à une alternative.

1) Première voie : il peut entreprendre de réclamer les aliments à l’étranger, no- tamment dans le pays de la résidence du débiteur. Cela comporte pour lui des démarches onéreuses et éprouvantes qu’il n’est souvent pas à même d’assumer.

Que l’on songe aux déplacements, à la prise de contact avec les avocats sur pla- ce, aux difficultés linguistiques, etc.

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2) Deuxième voie : il peut ouvrir une procédure dans le pays de sa propre rési- dence ou de son propre domicile. Les affres et les aléas d’une démarche dans un autre pays ne disparaissent pas pour autant. Ils se retrouvent au bout du chemin.

Le jugement une fois obtenu, il faut, bien sûr, non pas l’encadrer, mais bien es- sayer de le faire exécuter.

Ainsi qu’un internationaliste allemand le disait : « même le jugement le plus parfait qui résout de la façon la plus brillante les questions de droit matériel, mais dont l’ayant droit n’est pas à même d’en obtenir l’exécution [et aussi longtemps qu’il n’en obtient pas l’exécution] ne parvient pas à épancher sa faim ».

On comprend donc que le montant des obligations alimentaires impayées dues aux enfants – ou à d’autres membres de la famille – se chiffre en milliards d’eu- ros à l’échelle mondiale.

Cela donne une idée de la mesure que peut prendre l’inefficacité du droit. Inef- ficacité qui diminue la confiance des justiciables dans le droit et dans les Etats qui l’édicte.

4. Mouvement de codification internationale. C’est dans l’espoir de simplifier, et rendre plus effectif, le recouvrement des aliments que les organisations inter- nationales se sont, depuis plusieurs décennies, intéressées à ce domaine.

Un premier jalon a été posé par la Convention de New York du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l’étranger. Ce traité a été conclue sous l’égide des Nations Unies. Elle a pour but de venir en aide aux personnes dans le besoin dont le « soutien légal » se trouve à l’étranger.

Il s’agit d’une aide de nature administrative qui a été semble-t-il pendant plu- sieurs décennies d’un grand secours aux créanciers d’aliments – « semble-t-il » car les études sur ce vénérable instrument, et sur son efficacité, sont rares. Pour les mener, il faudrait dépouiller les archives des autorités centrales des Etats contractants…

Il faut ensuite citer les textes conventionnels dans les trois domaines tradition- nels du droit international privé : 1) compétence des autorités ; 2) droit appli- cable ; 3) reconnaissance des décisions. On rappellera à cet égard la Convention de Lugano de 1988 : la révision vient d’être signée – le 31 octobre 2007, mais peu changera en matière des obligations alimentaires. Il faut citer ensuite la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires et la Convention de La Haye, de la même date, concernant la recon- naissance et l’exécution.

Il convient également de signaler une panoplie de Conventions bilatérales sur la reconnaissance, toujours en vigueur. Ces nombreux instruments peuvent d’ail-

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leurs parfois se superposer. Leur superposition provoque ce que l’on appelle un

« conflit de conventions ».

Une affaire soumise récemment à l’ISDC nous a montré qu’une telle éventualité n’est point une vue de l’esprit. Il y allait de la reconnaissance en Espagne d’une décision alimentaire suisse. Eh bien, on a découvert que pas moins de trois instruments prétendent régir la question : la Convention de Lugano, la Conven- tion de La Haye sur la reconnaissance, et un vieux Traité hispano-suisse de 1898 !

La quantité d’instruments n’est évidemment pas garant de leur « qualité ». Elle l’est encore moins de leur « efficacité ». C’est la Conférence de La Haye elle- même qui a dû reconnaître que (je cite) « à l’heure actuelle, les procédures internationales sont généralement lentes, compliquées, coûteuses et sous- utilisées ».

C’est pourquoi la Conférence de La Haye a, en 1999 déjà, mis à l’étude un projet de refonte générale des instruments existants. Le but principal est celui d’inclure la coopération entre autorités administratives.

Une nouvelle « Convention sur le recouvrement international des aliments envers les enfants et d’autres membres de la famille » a été adoptée le 23 no- vembre 2007. Le nombre élevé de délégations étatiques ayant participé aux négociations et le consensus qui a pu être atteint, autorisent l’espoir d’un nom- bre important de ratifications.

Cet instrument se compose en réalité et plus précisément de deux textes.

1) Le premier est la Convention proprement dite : il porte à la fois sur la reconnaissance et l’exécution des décisions et sur un système de coopération entre Autorités centrales visant à faciliter le traitement des demandes inter- nationales.

2) Le deuxième texte comporte le « Protocole sur la loi applicable ».

La dissociation et l’autonomisation des deux volets devrait entre autres permet- tre aux Etats d’adhérer à l’un de ces instruments sans devoir adhérer à l’autre.

Pour la petite histoire, on rappellera que la Faculté de droit de l’Université de Lausanne a été associée à cet effort de codification. Le Professeur Andrea Bo- nomi a participé activement aux négociations : président du groupe de travail sur la loi applicable, il est également chargé de rédiger le rapport explicatif du Pro- tocole (quel honneur), qui m’a-t-il dit, est en cours de rédaction !

[II. Quelques aspects de droit comparé en matière alimentaire]

Comme annoncé, je souhaiterais à présent vous quelques illustrations des diffé- rences qui séparent les ordres juridiques en matière d’obligation alimentaire. El-

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les tiennent tout autant au droit matériel qu’au droit procédural. L’expression

« droit procédural » doit être entendue au sens large, comme englobant aussi les procédures de type administratif. J’aurais, faute de temps, surtout, mais non ex- clusivement, à l’esprit les ordres juridiques européens.

5. Sujets du rapport alimentaire. La presque-totalité des Etats dont j’ai consulté la législation imposent aux parents une obligation alimentaire envers les enfants.

Il est aujourd’hui rare – et heureusement ! – qu’il y ait une différence de traite- ment entre enfants légitimes et naturels, qu’ils soient adultérins ou non. Point d’importance : certains pays ne reconnaissent une obligation complète d’entre- tien qu’avant un certain âge, le plus souvent 18 ans. Après cet âge, l’obligation se transforme en une simple participation aux frais d’études. D’autres légis- lations ont tendance à estimer que le droit subjectif à l’entretien ne s’éteint que lorsque l’enfant titulaire est devenu économiquement indépendant – même s’il faudrait apporter un certain nombre de nuances. C’est le cas du droit italien.

Moins homogène est la détermination du cercle des bénéficiaires autres que les enfants. Les Pays scandinaves – Suède, Finlande et Danemark notamment – s’en tiennent à une vision assez étroite de la « famille alimentaire ». L’obligation existe seulement entre conjoints et entre parents et enfants dans le seul sens descendant – des parents envers les enfants. Les enfants ne sont pas tenus aux aliments envers leurs parents. Ce rétrécissement de la solidarité familiale est ren- due possible par l’efficacité, à bien d’égards exemplaire, de l’« Etat-providen- ce » dans ces pays, par l’efficacité de la solidarité sociale.

En revanche, la France, l’Italie et la Belgique, mais aussi l’Allemagne et les Pays-Bas, placent une obligation alimentaire à la charge des descendants et ascendants en ligne directe, quel que soit leur degré. La Belgique et l’Italie vont même jusqu’à prévoir une telle obligation entre collatéraux – frères et sœurs – et parfois aussi envers la belle-famille. Ça va loin, ça va loin…

6. Montant de l’obligation. Dans l’ensemble, les formules de calcul des ali- ments visent à trouver un juste milieu entre deux critères : d’une part, les be- soins de l’enfant ; d’autre part, la capacité financière du parent débiteur. Mais les modes de calcul précis – et par conséquent le résultat d’un tel calcul, le quantum de la dette alimentaire dans un cas donné – peuvent différer d’un pays à l’autre, d’une législation à l’autre.

Pour certains, la méthode personnalisée et discrétionnaire de fixation du montant de l’entretien a été remplacée par des barèmes, complétées par des critères d’in- dexation automatique en fonction de l’âge de l’enfant et de la progression du coût de la vie. De telles solutions ont pour but d’accroître la prévisibilité et la certitude des prestations d’entretien en réduisant la durée et le coût des procé- dures.

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Quelques exemples : pour un seul enfant, le débiteur doit, en Australie, verser le 18 % de son salaire ; en Angleterre, le 15 % ; en Norvège le 11 %. Si le débiteur a quatre enfants ou plus, en Australie le 35 % du salaire du doit être versé, en Norvège le 28 % et en Angleterre le 25 %.

7. Nature de l’autorité. Dans certains pays, la détermination du montant des ali- ments, du moins en première instance, relève aujourd’hui des autorités administratives et non plus des autorités judiciaires. La procédure n’y est pas forcément contradictoire.

On peut citer le cas du Danemark, où le « bureau du gouverneur du comté » as- sure la fixation et le recouvrement des pensions alimentaires. La Suède et l’An- gleterre ont institué une agence spécialisée : en Angleterre, la Child Support Agency.

Le coût des procédures administratives est presque nul. Ainsi, par exemple, l’autorité municipale finlandaise chargée du recouvrement n’exige pas d’ho- noraires.

Les procédures judiciaires sont évidemment plus onéreuses. Le recours à un avocat est rarement obligatoire. Mais il est en pratique difficile de s’en passer, notamment en cas de manœuvres dilatoires de la part du débiteur, qui accrois- sent les coûts. Le remboursement des frais d’avocats est possible dans une pro- portion variable selon les pays. Rares ceux qui, tels l’Allemagne, accordent un remboursement à 100 %.

8. Renseignements. Les bases de données établies et gérées par des organismes publics (fisc, sécurité sociale, etc.) sont aujourd’hui solicitées fréquemment pour fournir des renseignements : quant au domicile du débiteur, la localisation et le montant de ses biens, etc. Seulement, de telles données sont parfois sensibles si bien que le créancier ne peut le plus souvent pas y avoir un accès direct. En Italie et en Grèce, par exemple, l’administration fiscale est interrogée non par le créancier mais par le tribunal compétent.

D’autres données sont moins sensibles : en Allemagne, le créancier peut deman- der à consulter le bureau de l’enregistrement (Einwohnermeldeamt) pour con- naître le domicile du débiteur. En Autriche, un tel pouvoir est réservé à l’avocat.

La nouvelle législation fédérale canadienne prévoit que certaines banques de données fédérales, notamment celles établies par « Revenue Canada » en ma- tière d’imposition des revenus, peuvent être consultées pour la détermination de la pension d’entretien.

9. Sanctions pour l’inexécution. Restons alors au Canada, pour signaler que, dans le but de faciliter l’exécution d’une décision au niveau fédéral, il est pos- sible d’obtenir la suspension du passeport ou d’un permis délivré au niveau fé- déral : permis de pêche par exemple, et même le permis de conduire ! Au Da-

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nemark, le débiteur récalcitrant peut même être frappé d’interdiction d’exercer des activités commerciales.

Il n’est pas rare que le manquement aux obligations alimentaires soit sanctionné par des peines d’emprisonnement. Accordons-nous donc une petite incursion sur le terrain du droit pénal. En Angleterre, le débiteur peut être convoqué par la justice pour s’expliquer sur sa situation financière et les raisons de son défaut de paiement. Si le tribunal n’est pas satisfait des explications ou en cas de non- comparution, elle peut ordonner l’emprisonnement du débiteur (« committal to prison »).

De nombreux Etats ont incriminé le non-paiement des pensions alimentaires. On parle, en France, en Belgique et au Luxembourg, d’« abandon de la famille ».

D’autres dispositions pénales visent à décourager la soustraction des biens ou la violation de certaines obligations d’information. En Finlande, par exemple, le débiteur qui ne fournit pas sa nouvelle adresse commet un crime ; le refus de communiquer des informations sur son patrimoine représente en revanche une infraction, sanctionnée moins sévèrement.

Signalons cependant que dans nombreux pays les actions pénales ont peu d’effi- cacité. En Espagne, seul le 5 % – semble-t-il – des poursuites aboutissent à des sanctions. C’est qu’il est le plus souvent impossible de prouver l’intention, pourtant exigée par les dispositions pertinentes. En France, la répression est moins compliquée puisque l’élément subjectif est présumé.

L’utilité d’une répression pénale dans ce domaine est souvent remise en ques- tion. L’amende prélève une somme qui aurait pu profiter au créancier. La prison suspend l’activité professionnelle du débiteur et souvent la perception d’un salaire. Elle peut parfois entraîner la perte de l’emploi.

En somme, les sanctions pénales sont parfois susceptibles d’aggraver la situa- tion du créancier en appauvrissant les débiteurs solvables.

10. Versement d’avances. Autre domaine au sujet duquel les systèmes peuvent différer : certains Etats ont organisé un système tel qu’un organisme public verse au créancier des acomptes sur les paiement dus et exerce ensuite une action ré- cursoire à l’encontre du débiteur.

Ce régime est inconnu dans d’autres pays, l’Italie par exemple. On y affirme que c’est la nature privée de l’obligation qui empêcherait l’Etat de s’en acquitter au lieu du débiteur.

Le système des avances, lorsqu’il est organisé, est parfois – ainsi au Portugal et en Finlande – limité aux pensions dues aux mineurs ou connaît d’autres restric- tions. En France, ce qu’on appelle l’« ASF » (« allocation de soutien familial ») ne peut être versée que pendant une période de quatre mois après un défaut de deux mois. En Autriche, le versement d’avances sur les aliments en faveur des

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enfants a été introduit en 1976 déjà. En 1996, l’Etat autrichien a consenti des paiements à titre d’avances totalisant 935.4 million de schilling (80 million de CHF) dont 44 % ont été remboursés par les débiteurs d’aliments. En Belgique, l’action récursoire fonctionne mal et moins d’env. 500.000 Euro sur les 8.000.000 Euro environ avancés sont recouvrés par les organismes publics qui versent de tels sommes.

La Suède est à cet égard probablement le pays le plus performant. Une Loi relative aux avances sur prestations alimentaires existe depuis 1964. Depuis 1996, le droit subjectif de l’enfant à les recevoir n’est pas assujetti à une dé- cision constatant une obligation alimentaire relevant du droit civil. Le Bureau de la sécurité sociale verse d’abord la pension : après l’avoir versée, il décide du montant de la contribution due par le débiteur, qui représente un certain pour- centage de son revenu annuel.

[III. Questions choisies de droit international privé]

J’en viens au troisième volet de mon exposé, qui a pour objet quelques questions choisies de droit international privé.

Je suivrai la répartition traditionnelle : compétence des autorités (A), droit appli- cable (B) et reconnaissance des décisions (C).

[A. Compétence des autorités]

Pour ce qui est de la compétence directe, je me bornerai ici à considérer la Con- vention de Lugano : seul instrument instrument, avec le Règlement Bruxelles I sur lequel elle est largement calquée, qui pose des règles de compétence directe.

11. Trois fors. Outre le for – dit « général » – du domicile du défendeur inscrit à l’art. 2, l’art. 5 ch. 2 de la Convention prévoit un for spécialement consacré aux obligations alimentaires, dit justement « for spécial », ou « for alternatif ».

L’art. 5 ch. 2 ouvre en réalité trois fors alternatifs : 1) le for du domicile du créancier d’aliments ; 2) le for de la résidence habituelle du créancier ; 3) le for de l’action relative à l’état des personnes. Il est connu que la question de l’obli- gation alimentaire se pose souvent devant le for du divorce ou le for saisi d’une action de paternité.

Le but de l’art. 5 ch. 2 de la Convention en ce qui concerne les fors du créancier d’aliments est clair : il s’agit d’épargner à celui-ci, partie réputée faible, la né- cessité d’actionner le débiteur à l’étranger, dans un pays qui peut être lointain ou dont l’accès aux tribunaux peut être, pour le créancier, inconfortable pour toute autre raison. C’est ce qui justifie le recours, dans ce domaine, au forum actoris, pourtant banni dans la plupart des autres domaines. Le juge de la résidence est – dit-on – le mieux positionné pour évaluer les besoins d’entretien du créancier et à en fixer le montant.

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12. For de l’action d’état. L’ajout du for de l’action d’état – il s’agit le plus sou- vent du for du divorce – a été inséré dans la Convention de Bruxelles en 1978. Il est motivé par le désir de favoriser « la concentration des procédures judiciai- res ». C’est un souci d’économie procédurale qui l’anime.

Trois conditions doivent être réunies pour que ce chef de compétence soit utilisable :

- première condition : le tribunal saisi de l’action d’état, par exemple du di- vorce, doit être « compétent » pour en connaître, en vertu des règles inter- nes de compétence internationale du for saisi – en Suisse, pour le divorce, il s’agit des art. 59 et 60 LDIP ;

- deuxième condition : les règles internes de cet Etat en matière de con- nexité d’actions permettent au for du divorce de connaître également de l’action alimentaire ; tel est le cas de la Suisse où l’art. 63 al. 2 LDIP enre- gistre l’absorption dans la compétence du for du divorce de la matière ali- mentaire en tant qu’« effet accessoire » ;

- troisième condition : la compétence du tribunal du divorce ne doit pas être fondée sur la seule nationalité d’une des parties. Le « for suisse d’ori- gine » d’un seul époux, admis en tant que for subsidiaire par l’art. 60 LDIP, est donc incompétent pour connaître de l’action alimentaire qui tombe sous le coup de la Convention de Lugano.

13. Bénéficiare des fors alternatifs. Une question dont l’importance pratique est croissante, est celle de savoir qui peut bénéficier de ces fors alternatifs. S’agit-il du seul créancier d’aliments ou également du débiteur ?

La question n’est pas oiseuse. Car les actions intentées par le débiteur sont en constante augmentation, y compris dans la matière alimentaire. Il s’agit d’ac- tions déclaratoires ou constatatoires, notamment en constatation négative :

« negative Feststellungsklage » ; « azioni di accertamento negativo » ; « nega- tive declaratory proceedings ».

Dans son arrêt Tatry, la CJCE a confirmé que le système de Bruxelles ne fait pas obstacle à l’admissibilité de ces actions. On peut sûrement en dire autant du système « jumeau » de Lugano.

En prenant le créancier d’aliments de court, le débiteur peut stériliser l’option de fors accordée au créancier. Si on admet que le choix de for profite également au débiteur dès lors qu’il est demandeur, on finit par lui donner la possibilité de re- tarder le paiement : en sélectionnant à dessein un for où la procédure de recou- vrement des aliments est particulièrement lente.

Dans le contentieux en matière de propriété intellectuelle où elle est souvent exploitée, cette manœuvre prend le nom de « torpille » (torpedo en anglais). On

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parle d’« Italian torpedo » ou de « Belgian torpedo » en faisant allusion aux len- teurs procédurales qui caractérisent ces pays.

Eh bien, force est de constater que, si l’on reconnaît au demandeur l’option de for indépendamment de son statut de créancier ou de débiteur d’aliments, le débiteur peut « torpiller » l’action du créancier en ouvrant une procédure dans un for, notamment le for du divorce, lointain ou défavorable pour celui-ci.

Il n’est alors pas étonnant que certains auteurs estiment que seul le créancier d’aliments peut se prévaloir des fors alternatifs ; cependant, de l’avis d’autres auteurs – dont le nombre et l’autorité sont me semble-t-il à peu près équivalents –, ces fors alternatifs peuvent être également exploités par le prétendu débiteur.

Constatons que la question n’est à l’heure actuelle pas vraiment tranchée. Et passons au droit applicable.

[B. Droit applicable]

Le droit applicable est actuellement déterminé en Suisse par application de la Convention de La Haye de 1973. Il s’agit d’un instrument applicable erga om- nes, c’est-à-dire alors même que la loi désignée est celle d’un Etat non contrac- tant.

Gageons que la Convention de La Haye de 1973 sera progressivement supplan- tée par le « Protocole » sur la loi applicable dont est assortie la nouvelle Con- vention « mondiale », qui – je l’ai annoncé en débutant – vient d’être adoptée à La Haye.

J’évoquerai d’abord ce qu’on appelle le domaine du droit applicable – c’est-à- dire l’ensemble des questions qui tombent sous le coup du droit régissant l’obli- gation alimentaire : « Unterhaltsstatut » en allemand – ensuite les rattachements retenus.

14. Domaine de la loi applicable. D’après la Convention de La Haye de 1973, la loi applicable détermine (article 10 ch. 1) « si et dans quelle mesure et à qui le créancier peut réclamer des aliments ».

Une décision du Tribunal cantonal de Vaud a considéré à cet égard que « la mê- me loi (c’est-à-dire : la loi applicable à l’obligation alimentaire) détermine la majorité lorsque celle-ci est une condition de l’extinction ou de la modification de l’obligation alimentaire ».

Le Protocole est un peu plus détaillé s’agissant du relevé des questions qui com- posent le « Unterhaltsstatut ». Il y englobe aussi expressément, par exemple – à l’article 11, lit b) – « la mesure dans laquelle le créancier peut demander des aliments rétroactivement » ; l’article 10 ch. 2 de la Convention de La Haye de 1973 évoque pour sa part « les délais pour intenter » l’action alimentaire.

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La question des « arriérages » est ou peut être réglée différemment d’un pays à l’autre. C’est une question pratiquement importante. En Suisse, l’entretien peut être réclamé par l’enfant contre ses père et mère « pour l’avenir et pour l’année qui précède l’ouverture de l’action » (art. 279 CCS al. 1). D’autres Etats fixent une limite moins rigoureuse (deux ans) ou bien n’imposent que le respect du délai de prescription ordinaire, c’est-à-dire, par exemple, en Italie, dix ans.

La base de calcul du montant des aliments et l’indexation est aussi fixé par la loi applicable. Il en va de même de la question de savoir qui est admis à intenter l’action alimentaire, sous réserve des questions relatives à la capacité pro- cédurale et à la représentation en justice.

Enfin l’étendue de l’obligation du débiteur lorsque l’organisme public lui sol- licite le remboursement de la prestation fournie au créancier en son lieu et place.

En revanche, l’existence ou non du droit d’un organisme public de demander le remboursement de la prestation fournie au créancier est soumis à la loi qui régit cet organisme. Ces dispositions figurent déjà dans la Convention de 1973 (res- pectivement, article 10 ch. 3 et 9) et se retrouvent dans le Protocole (respecti- vement, 11 lit f) et 10).

La question de savoir si, par exemple, le Fonds National de Solidarité du Lu- xembourg (« FNS » luxembourgeois, qui n’est pas le FNS suisse…) qui a versé des sommes à un enfant résident en Suisse à titre d’avances sur les montants que devrait lui verser son père, résident au Luxembourg, a titre pour en solliciter la restitution est régi par le droit luxembourgeois. Alors que, dans ce même exem- ple, l’étendue du remboursement est fixée par le droit suisse de la résidence ha- bituelle du créancier.

C’est ce qui nous conduit à dire un mot des rattachements retenus pour désigner le droit applicable.

15. Rattachements retenus. La Convention de La Haye de 1973 énonce que la loi interne de la résidence habituelle du créancier d’aliments régit en principe les obligations alimentaires. Si le créancier ne peut obtenir des aliments en vertu de cette loi, c’est la nationale commune – s’il en a une – qui s’applique et, si le créancier ne peut obtenir d’aliments en vertu d’aucune de ces deux lois, la loi du for.

Je vous signale une décision quelque peu curieuse du le Tribunal cantonal de Soleure : la Convention conduisait à l’application du droit turc à l’entretien de l’épouse et du droit suisse à l’entretien de l’enfant mais, pour le Tribunal can- tonal, il se justifiait d’appliquer uniquement… le droit suisse !

Le Protocole innove sur quelques points.

Première nouveauté : dans la « Kaskadenanknüpfung », il intervertir la position de la loi nationale commune et de la loi du for : celle-ci primera désormais celle-

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là. C’est là une solution de compromis entre les négociateurs des Etats euro- péens et des Etats-Unis.

Deuxième nouveauté, plus importante : la loi de l’Etat de la résidence habituelle du débiteur s’applique si le créancier a saisi l’autorité compétente de cet Etat.

Application en ce cas de la loi du for. Mais – exception de l’exception, qui ra- mène à la règle – si la loi du for de la résidence du débiteur n’accorde pas le droit aux aliments et que la loi de la résidence du créancier l’accorde, on revient à l’application de celle-ci.

Trosième nouveauté : possibilité pour les parties de désigner la loi applicable.

Nous avons été, à l’ISDC, confrontés à quelques cas de désignation de la loi ap- plicable par les époux à l’égard spécifiquement de l’obligation alimentaire. Je pense par exemple à un couple de ressortissants allemands qui s’étaient mariés en Allemagne et, par un Ehe- und Erbvertrag conclu devant un notaire alle- mand, ils avaient désigné le droit allemand pour régir entre autres l’Unterhalt, y compris post-divorce.

La validité d’une telle élection de droit est difficile à admettre en vertu du ré- gime actuel. Elle le sera en revanche en vertu du régime à venir.

Il faut cependant préciser qu’une telle optio iuris « bilatérale » n’est pas admise lorsque le créancier est une personne de moins de 18 ans ou un adulte qui n’est pas en mesure de pourvoir à ses intérêts.

16. Quelques difficultés d’application.D’après une disposition inscrite dans les deux textes conventionnels, même si la loi applicable en dispose autrement, il doit être tenu compte des besoins du créancier et des ressources du débiteur. Il s’agit d’une disposition de droit matériel. Elle rend le recours à l’ordre public techniquement inutile.

Le TF a interprété cette disposition en ce sens que le respect du minimum vital du débiteur d’aliments doit toujours être assurée. Dans un important arrêt rendu le 31 mars 2001, notre suprême juridiction a considéré que le débiteur ne saurait invoquer la situation économique difficile dans le pays étranger de son domicile lorsqu’il est raisonnablement possible d’exiger de lui qu’il s’établisse en Suisse ou dans un autre pays où il pourrait bénéficier d’un revenu suffisant pour faire subvenir aux besoins de l’enfant (arrêt du TF, 23 mars 2001).

Il se peut qu’à l’inverse, l’enfant créancier ait sa résidence habituelle dans un pays étranger où le coût de la vie est moins élevé qu’en Suisse.

Cela réduit certes à proportion ses besoins. Mais l’enfant doit-il être privé de la possibilité de « participer » à la prospérité économique du parent débiteur vivant en Suisse ? La jurisprudence autrichienne, notamment du Oberste Gerichtsshof, semble fixé dans un sens négatif. On parle à cet égard de « Mischunterhalt » : si le « Bedarf im Aufenthaltsland zu berücksichtigen ist », l’enfant « soll an der

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(besseren) Einkommenssituation des Vaters auch im Ausland partizipieren ». Il s’agissait d’un enfant vivant en Hongrie alors que son père résidait en Autriche.

Je rappellerai encore que le créancier d’aliments peut changer de résidence d’un pays dans l’autre. Il est dans inhérent au bien-fondé du rattachement à la loi du

« milieu social » que la loi de la nouvelle résidence habituelle s’applique. Le moment décisif est celui où le changement est intervenu.

Le jugement étranger fixant les aliments et reconnu en Suisse peut être modifié comme peut l’être un jugement suisse. Une telle modification peut s’imposer lors de l’arrivée en Suisse d’un enfant au bénéfice d’aliments ordonnés à l’étran- ger en fonction de la situation économique locale ou dans une monnaie ayant subi une dévaluation importante par rapport au franc suisse.

[C. Reconnaissance des décisions]

17. Chefs de reconnaissance indirecte. Faute de temps, je me bornerai à vous signaler – dans une optique tournée vers ce qui sera le droit de demain – quel- ques nouveautés importantes apportées par la Convention de La Haye de 2007.

L’article 20 énumère une liste de chefs de compétence indirecte : c’est-à-dire permettant la reconnaissance de la décision qui émane de ces fors.

1) Le résidence habituelle du défendeur dans l’Etat d’origine lors de l’intro- duction de l’instance est le premier critère. Il ne pose pas de problème.

2) On retrouve en second lieu un critère fondé sur la volonté du défendeur, qui

« s’est soumis à la compétence de l’autorité, soit expressément, soit en se défen- dant sur le fond de l’affaire sans contester la compétence ». Là encore, il s’agit d’un chef assez largement admis en droit comparé.

3) Le troisième est la résidence habituelle du créancier d’aliments dans l’Etat d’origine.

C’est au sujet de l’admissibilité d’un tel for que s’est, au cours des travaux me- nés à La Haye, manifesté le désaccord le plus difficile à résorber entre notam- ment les pays d’Europe, d’une part, et les Etats-Unis, d’autre part. L’impasse a été surmontée en autorisant tout Etat contractant à formuler une réserve.

Selon toute vraisemblance, les Etats-Unis – premier pays à avoir signé la Con- vention – profiteront d’une telle facilité.

On peut en effet penser que c’est ce qu’exige l’arrêt Kulko v. California (436 U.S. 84 1978). La Cour suprême des Etats-Unis a décidé dans cette landmark decision, qui date d’il y vingt-cinq ans, qu’en matière alimentaire, s’agissant d’une obligation monétaire, la Constitution américaine impose d’adopter la mê- me approche que celle ayant cours en matière contractuelle ou délictuelle : il

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A la suite de cet arrêt, an « Uniform Interstate Family Support Act » (« UI- FSA ») a été adopté. Le but est d’assouplir l’exigence de ces « contacts », exi- gence posée par la Cour suprême. On y trouve une liste des cas où le juge de la résidence de l’enfant peut affirmer sa compétence alors même que le débiteur réside à l’étranger au moment de la demande.

Cela est possible dans les circonstances suivantes : a) si le débiteur a résidé avec l’enfant dans cet Etat ;

b) si le débiteur a résidé dans cet Etat avant la naissance et a contribué aux prenatal expenses ou il fourni les aliments à l’enfant ;

c) s’il a eu – et là on constate sur le vif le caractère « casuistique » des disposi- tions statutaires (au sens de « statutory law ») – rapports sexuels dans ce pays et il s’avère que l’enfant pourrait bien avoir été conçu dans ce pays (!) ; drôle de chef de compétence, il faut bien l’admettre, mais sûrement pas illogique ;

d) si le débiteur a demandé l’inscription de sa paternité dans le registre des pères putatifs de cet Etat.

Si je me suis arrêté sur ces « contacts » qui satisfont aux Etats-Unis, à la condi- tion des « minimum contacts » entre le for et le débiteur d’aliments, ce n’est pas par simple curiosité comparative.

C’est plutôt qu’on en trouve un écho dans le quatrième chef de compétence in- direct consacré par l’article 20 de la Convention de 2007, chef que le Professeur Bonomi a réussi à faire admettre : la décision doit être reconnue si l’enfant rési- dait habituellement dans l’Etat d’origine et que le défendeur a vécu avec l’enfant dans cet Etat ou lui a fourni des prestations d’entretien.

Et aucune réserve ne peut être formulée à l’endroit de ce chef de compétence.

Voilà qui est un bel exemple de compromis législatif, un louable effort de rap- prochement entre deux conceptions au départ aussi différentes quant à la ques- tion cruciale de la compétence.

C’est là, au fond, le but peut-être le plus honorable du droit comparé : non pas de collectionner des curiosités voire des anecdotes juridiques ; mais bien de comprendre, et faire comprendre, les différences et, au besoin, les mitiger, en

« arrondissant les angles » comme on dit, afin de faciliter la vie internationale des individus.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m’avoir écouté.

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