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Stimulation vestibulaire et visuelle : perception simultanée ou pas ?

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Stimulation vestibulaire et visuelle : perception simultanée ou pas ?

TODIC, Jelena, et al.

Abstract

The human brain is able to consider that two sensory stimuli are synchronous while they activate the cortex with some delay because they follow different neurological pathways. This process is only possible if the time interval between the two stimuli does not exceed a certain limit, called "Temporal Binding Window" (TBW). Studies of this parameter, involving the vestibular perception, are difficult because subjects must be moved, which generates parasitic proprioceptive information. By cons, in patients equipped with a vestibular implant, it is possible to generate a vestibular perception selectively by electrical stimulation of the vestibular nerve. These patients are therefore an unique model to study the TBW between visual and vestibular perception.

TODIC, Jelena, et al . Stimulation vestibulaire et visuelle : perception simultanée ou pas ? Revue médicale suisse , 2016, vol. 12, no. 533, p. 1650-1652

PMID : 28686375

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:99484

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 5 octobre 2016

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Stimulation vestibulaire et visuelle : perception simultanée ou pas ?

Le cerveau humain est capable de considérer que deux stimuli sensoriels sont synchrones alors qu’ils activent le cortex avec un décalage temporel dû au fait qu’ils suivent des voies neurolo- giques différentes. Ce processus n’est possible que si l’intervalle de temps entre les deux stimuli ne dépasse pas un certain délai, qu’on appelle « Temporal Binding Window » (TBW). Etudier ce paramètre en mettant en jeu la perception vestibulaire est diffi- cile puisqu’il faut bouger le sujet et donc générer aussi des infor- mations proprioceptives. Par contre, chez les patients porteurs d’un implant vestibulaire, il est possible de délivrer une percep- tion vestibulaire de façon sélective par stimulation électrique du nerf vestibulaire. Ces patients représentent donc un modèle unique pour étudier le TBW entre les perceptions visuelle et ves- tibulaire.

Vestibular and visual stimulation : simultaneous perception or not ?

The human brain is able to consider that two sensory stimuli are synchronous while they activate the cortex with some delay be- cause they follow different neurological pathways. This process is only possible if the time interval between the two stimuli does not exceed a certain limit, called “Temporal Binding Window” (TBW).

Studies of this parameter, involving the vestibular perception, are difficult because subjects must be moved, which generates parasi- tic proprioceptive information. By cons, in patients equipped with a vestibular implant, it is possible to generate a vestibular perception selectively by electrical stimulation of the vestibular nerve. These patients are therefore an unique model to study the TBW between visual and vestibular perception.

IntroductIon

Le plus souvent, nos 6 sens1 sont étudiés séparément les uns des autres. Or, dans la vie de tous les jours, notre cerveau reçoit perpétuellement des informations multi-sensorielles : vous voyez et vous entendez la voiture qui passe à côté de vous et vous sentez les gaz d’échappement… et si elle vous roule sur les pieds, vous ressentez une douleur ! Depuis les années cin- quante, les neurophysiologistes s’intéressent à la façon dont le cerveau intègre ces informations sur le plan temporel.2,3 Déterminer si deux stimuli sensoriels différents sont simulta- nés ou non implique des processus corticaux très subtiles. En

effet, deux stimuli délivrés simultanément sont perçus comme tels alors qu’ils activent le cortex avec un décalage temporel. Par exemple, lorsque nous observons et écoutons une personne parler, les signaux auditif et visuel cheminant par des circuits différents, la perception auditive devrait pré- céder la perception visuelle d’environ 30 à 50 millisecondes.4 Or, le cerveau réussit à pallier à ce décalage et les deux stimu- li sont perçus comme simultanés !

Pour que le cerveau puisse réaliser cette performance, il faut toutefois que l’intervalle entre les 2 stimuli n’excède pas un certain délai. On appelle « Temporal Binding Window » (TBW) le délai maximal entre deux stimuli sensoriels pour qu’ils restent perçus comme simultanés. Il a une valeur dif- férente pour chaque combinaison de stimuli. Un moyen simple pour mesurer la simultanéité entre deux sens est de demander au sujet de juger si deux stimuli (par exemple, un son et un flash lumineux) sont simultanés ou non, tâche appelée « Simultaneity Judgment Task » (SJT). L’autre moyen est de demander quel stimulus apparaît en premier : il s’agit du « Temporal OrderJudgment Task » (TOJT). Le point de simultanéité subjective représente l’intervalle de temps auquel les deux stimuli sont perçus comme maximalement simultanés.5

Il apparaît assez facile d’étudier le TBW entre un stimulus auditif et un visuel, par exemple. Par contre, étudier le TBW entre un stimulus visuel ou auditif et un vestibulaire est diffi- cile, puisque, pour stimuler la fonction vestibulaire d’un sujet, il faut faire bouger son corps ou du moins sa tête… ce qui im- plique une stimulation « parasite » de la proprioception ! C’est pourquoi, nos patients porteurs d’un implant vestibulaire représentent un modèle idéal pour une telle étude. D’une ma- nière similaire à l’implant cochléaire qui restitue l’audition chez les sourds profonds,6,7 l’implant vestibulaire rétablit la fonction vestibulaire. Cette neuroprothèse permet de déli- vrer sélectivement une stimulation vestibulaire sans faire bouger le sujet et ce, par stimulation électrique directe du nerf vestibulaire.

L’intérêt d’étudier le TBW entre les perceptions visuelle et vestibulaire est triple. Le premier est d’acquérir de nouvelles informations sur les processus centraux d’intégration. Le deu- xième concerne notre développement de l’implant vestibulaire qui devra délivrer une perception vestibulaire du mouvement temporellement cohérente avec la perception visuelle du mou- vement. Un délai excessif entre ces deux perceptions pourrait générer un malaise. Le troisième intérêt rejoint le précédent en cela que certaines affections, comme le mal des transports, pourraient être l’expression d’un trouble d’intégration tempo- relle entre perceptions vestibulaire et visuelle.8,9

Dr JELENA TODIC a, Pr JEAN-PHILIPPE GUYOT a, Dr ANGELICA PEREZ FORNOS a, SAMUEL CAVUSCENS a, MAURIZIO RANIERI a, Prs DANIEL MERFELD b, RICHARD LEWIS b et Dr NILS GUINAND a

Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 1650-2

a Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, Département des neurosciences cliniques, HUG, 1211 Genève 14, b Jenks vestibular physiology laboratory, Service of otolaryngology, Massachusetts eye and ear infirmary, Harvard medical school, Charles Street 243, Boston MA 02114

jelena.todic@hcuge.ch

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ORL

www.revmed.ch

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Nous présentons ici quelques résultats très partiels d’une étude qui débute, à titre d’information d’une part, et aussi pour illustrer que le développement de l’implant vestibulaire destiné en premier lieu à aider les patients souffrant d’un dé- ficit vestibulaire bilatéral offre de nouvelles voies d’explora- tion de processus centraux complexes.

MÉthodes

Les mesures ont été réalisées chez un patient souffrant d’une surdité totale à droite et d’un déficit vestibulaire bilatéral sé- vère, porteur d’un implant cochléaire modifié (fourni par Med El) avec 3  électrodes au contact des branches du nerf vestibulaire innervant chacun des 3 canaux semi-circulaires de l’oreille droite.

L’expérience se déroule dans une pièce obscure. Les stimu- lations vestibulaires étaient des stimuli électriques bipha- siques, équivalents en charges, de 75  µs par phase, à une fréquence de 1000 stimuli / s et une intensité de 500 µA, déli- vrés pendant 10 ms (figure 1). Le signal optique était un point lumineux LED de couleur verte présenté à 50  cm du sujet pendant 10 ms.

La mesure psychophysique a été faite selon la « méthode des constantes ». Les stimuli vestibulaires et visuels sont délivrés avec des intervalles prédéfinis (400, 350, 300, 250, 200, 150, 100, 50, 0 ms) répétés 200 fois de manière aléatoire avec, en premier, parfois le stimulus vestibulaire, parfois le visuel. Le patient doit indiquer quel stimulus est perçu en premier. Le résultat est exprimé en termes de pourcentage de réponses correctes pour chaque intervalle. L’intervalle de temps entre les stimuli résultant en 50 % de réponses correctes correspond au

« point de simultanéité subjective ». C’est pour cet intervalle de temps que la perception de simultanéité est maximale. Une façon classique de définir le TBW est de considérer l’intervalle de temps correspondant à ± 1 déviation standard de 50 % de réponses correctes, c’est-à-dire environ 32 et 68 % (figure 2).

rÉsultats

Chez ce patient, le TBW entre les perceptions vestibulaire et visuelle est de 100 ms.

dIscussIon

Chez des sujets normaux, pour lesquels la stimulation vesti- bulaire consiste en de réels mouvements de la tête ou du corps entier, les valeurs de TBW varient considérablement, allant de 208 à 498 ms, avec une moyenne de 330 ± 22 ms.10 Cette variance est certainement l’expression des difficultés à obtenir des stimulations vestibulaires pures et des différentes méthodes utilisées pour éliminer les composants parasites, principalement les proprioceptifs, qui sont naturellement sti- mulés lors de tout mouvement.

Chez ce patient porteur d’un implant vestibulaire, le TBW entre perceptions vestibulaire et visuelle est plus court, de 100 ms seulement. Ce résultat est à interpréter avec pru- dence. En effet, étudier le TBW des perceptions vestibulaire et visuelle en utilisant des stimulations électriques directes du nerf vestibulaire permet certes de générer une sensation vestibulaire chez un sujet pourtant immobile et donc d’élimi- ner toutes stimulations proprioceptives « parasites ». Par contre, l’utilisation d’une neuroprothèse pour stimuler le système vestibulaire implique un biais par rapport à une sti- mulation naturelle du système. En effet, la prothèse stimule le nerf vestibulaire directement, en court-circuitant les phé- nomènes de transduction mécano-électrique que réalisent les cellules sensorielles dans une stimulation naturelle. En d’autres termes, la neuroprothèse stimule la fonction vestibu- laire plus rapidement que ne le fait l’appareil vestibulaire périphérique naturel. Les résultats que nous obtiendrons chez d’autres patients nous seront donc utiles pour les ré-

fig 1 Représentation graphique du stimulus électrique

Le stimulus est composé de 2 phases, équivalentes en charge, de 75 µs par phase. Il est délivré à une fréquence de 1000 stimuli / s, à une intensité de 500 µA pendant 10 ms.

t

(s)

A

(ma)

fig 2 Pourcentage d’erreurs en fonction du délai entre les stimuli vestibulaire et visuel Dans la partie gauche du graphique, le stimulus vestibulaire apparaît avant le stimulus visuel ; c’est l’inverse dans la partie de droite. Classiquement, le TBW est défini comme l’intervalle de temps correspondant à ± 1 déviation standard de 50 % de réponses correctes, entre 32 et 68 % de réponses correctes.

TBW : temporal binding window.

Réponses justes (%)

0,8 0,6 0,6 0,8 1,0

1,0 0,5 0,7 0,9

0,7

0,9

400 300 200 100 0 100 200 300 400

Vestibulaire en 1er Visuel en 1er Intervalle entre stimuli (ms) 68 %

50 % 32 %

TBW

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glages de l’implant vestibulaire mais devront être affinés pour mieux comprendre les processus centraux d’intégration des stimuli visuels et vestibulaires dans une situation naturelle.

conclusIon

L’implant vestibulaire a été développé en premier lieu pour restituer une fonction d’équilibre aux patients l’ayant perdue.

« Accessoirement », comme il permet des stimulations sélec- tives des divers organes vestibulaires périphériques sans faire bouger le sujet, il offre de nouvelles possibilités d’études portant sur des systèmes neurologiques complexes, par exemple

1 * Guyot JPh, Guinand n. la fonction vestibulaire: le sixième sens… ignoré. rev Med suisse 2015;11:1782-6.

2 sumby Wh, Pollack I. Visual contribu- tion to speech intelligibility in noise. J acoust soc am 1954;25:212-5.

3 summerfield Q. speech perception in normal and impaired hearing. Br Med Bull 1987;43:909-25.

4 * Fujisaki W, shimojo s, Kashino M,

nishida s. recalibration of audiovisual simultaneity. nature neurosci 2004;7:

773-7.

5 *Vroomen J, Keetels M. Perception of intersensory synchrony: a tutorial review.

atten Percept Psychophys 2010;72:871-4.

6 *Guyot JP, Perez-Fornos a, Guinand n, et al. Vestibular assistance systems, promises and challenges. J neurol 2016;263:30-5.

7 Pelizzone M, Perez Fornos a, Guinand n, et al. First functional rehabilitation via vestibular implants. cochlear Implants Int 2014;15(suppl. 1):s62-4.

8 chang nY, uchanski rM, hullar te.

temporal integration of auditory and vestibular stimuli. laryngoscope 2012;122:1379-84.

9 Powers ar, hillock ar, Wallace Mt.

Perceptual training narrows the tempo-

ral window of multisensory binding.

J neurosci 2009;29:12265-74.

10 sanders Mc, chang nY, hiss MM, uchanski rM, hullar te. temporal binding of auditory and rotational stimuli. exp Brain res 2011;210:539-47.

* à lire

** à lire absolument Une meilleure connaissance de l’intégration temporelle de divers stimuli sensoriels pourrait permettre de mieux comprendre certaines affections, comme le mal des transports impliquant les perceptions vestibulaire et visuelle

implication pratique

sur l’intégration des processus vestibulaires au niveau céré- bral, comme l’illustre ce travail.

Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclarés aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

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