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La présence étrangère en Suisse. Enjeux et réalités territoriales

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La présence étrangère en Suisse. Enjeux et réalités territoriales

HUSSY, Charles, et al.

Abstract

Résumé: cette contribution voudrait fixer quelques idées sur les aspects territoriaux de l'expression xénophobe au plan national, régional et local. Les données statistiques relatives aux structures de la population depuis 1950, mais aussi les scrutins populaires les plus récents sur le thème de la politique suisse des étrangers, apportent un éclairage géographique au débat actuel et contribuent à mieux cerner les thèmes sous-jacents de l'identité, de l'immigration, de l'intégration voire, plus largement encore, des sociétés multiculturelles d'aujourd'hui et de demain. L'éloge de la statistique ne doit cependant pas faire oublier les risques d'interprétation et de schématisation, toujours réels. Au moment où les premiers chiffres du recensement décennal en Suisse sont publiés, on doit rappeler que la maîtrise du nombre est à la clé des politiques de population et peut, par ailleurs, contribuer à clarifier le débat politique et social.

HUSSY, Charles, et al. La présence étrangère en Suisse. Enjeux et réalités territoriales. Revue de géographie alpine, 2002, vol. 90, no. 3, p. 81-98

DOI : 10.3406/rga.2002.3093

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:87885

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La présence étrangère en Suisse. Enjeux et réalités territoriales

M. Charles Hussy

,

M. Ruggero Crivelli

,

M. Stéphane Joost

,

M. Grégoire Métral

Résumé

Résumé: cette contribution voudrait fixer quelques idées sur les aspects territoriaux de l'expression xénophobe au plan national, régional et local. Les données statistiques relatives aux structures de la population depuis 1950, mais aussi les scrutins populaires les plus récents sur le thème de la politique suisse des étrangers, apportent un éclairage géographique au débat actuel et contribuent à mieux cerner les thèmes sous-jacents de l'identité, de l'immigration, de l'intégration voire, plus largement encore, des sociétés multiculturelles d'aujourd'hui et de demain. L'éloge de la statistique ne doit cependant pas faire oublier les risques d'interprétation et de schématisation, toujours réels. Au moment où les premiers chiffres du recensement décennal en Suisse sont publiés, on doit rappeler que la maîtrise du nombre est à la clé des politiques de population et peut, par ailleurs, contribuer à clarifier le débat politique et social.

Abstract

Abstract: Foreigners in Switzerland: Issues and territorial realities. The article aims to clarify certain ideas on the territorial aspects of xenophobia in Switzerland, at the national, regional and local levels. Statistical data on the structure of the Swiss population since 1950, together with the most recent of the popular polls on Swiss policy towards immigrants, provide valuable geographical insights into the current debate and help identify more clearly the underlying themes of identity, immigration, integration and, more generally, the multicultural societies of today and tomorrow. The statistical tool should not be used, however, without careful consideration being given to the ever-present risks of interpretation and over- simplified schématisation. At a moment when the first data from the ten-year Swiss census are available, it is well to remember that the control of numbers is the key to population policies and may, in addition, contribute to a clarification of the social and political debate.

Citer ce document / Cite this document :

Hussy Charles, Crivelli Ruggero, Joost Stéphane, Métral Grégoire. La présence étrangère en Suisse. Enjeux et réalités territoriales. In: Revue de géographie alpine, tome 90, n°3, 2002. pp. 81-98.

doi : 10.3406/rga.2002.3093

http://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_2002_num_90_3_3093

Document généré le 19/10/2015

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Charles Hussy*, Ruggero Crivelli*, Stéphane Joost**, Grégoire Métrai***

•Département de géographie. Université de Genève: http://www.geo.unige.ch/

**l_aboratoire de Systèmes d'Information Géographique, École Polytechnique Fédérale de Lausanne

*** Collaborateur scientifique du SIDOS, « Service suisse d'information et d'archivage de données pour les sciences sociales»: http://www.sidos.ch/

La politique des étrangers en Suisse : un débat permanent

La question de la xénophobie1 est très discutée aujourd'hui dans beaucoup de pays européens, et cela même dans ceux qui, comme l'Italie, n'avaient pas connu auparavant des manifestations de rejet aussi évidentes envers les étrangers. La dérive populiste en Europe a dépassé l'Italie pour gagner l'Autriche, les Pays-Bas, la France... ; dans presque tous les pays européens, on retrouve des régions où la xénophobie est à la base d'un discours politique, qui est de moins en moins marginalisé.

En Suisse, ces comportements n'ont jamais été absents, mais ils ont souvent trouvé des voies de régulation (pas nécessairement moins dramatiques pour ceux qui les

subissaient) dans les dédales de la complication politique helvétique (niveaux de compétence institutionnelle, subdivisions multiples du statut des étrangers, politique économique, etc.). Cependant, périodiquement, surtout depuis la Seconde guerre mondiale,

certaines forces politiques nationales, représentant une droite radicale, ont appelé l'ensemble des électeurs à se prononcer sur la présence étrangère. Sous le vocable

« Uberfremdung - surpeuplement étranger», un discours a été forgé très tôt en Suisse alémanique, dont la consonance linguistique en langue allemande évoque un

engloutissement (« Uberschwemmung ») ; depuis tantôt un siècle, la Suisse vit, non pas tant sous la menace, que dans la crainte diffuse et entretenue du danger de l'emprise étrangère2.

Entretenue par qui ? La question relève largement d'une appréciation subjective, mais certains militants anti-xénophobes n'hésitent pas à attribuer cette stratégie consciente aux dirigeants politiques, avec comme objectif de renforcer le pouvoir économique dans la gestion des flux de population. Car depuis lors, le discours autour du slogan

«Uberfremdung» lancé par un notable zurichois, Cari Alfred Schmidt, revient

périodiquement; il prétend défendre une identité nationale mais consiste, pour l'essentiel, à

1. Nous employons le terme de «xénophobie » dans cet article au sens de réalité vécue et exprimée par le vote.

2. Selon l'Enquête VOX des votations fédérales du 24 septembre 2000, une majorité de votants pensent réellement qu'il y a trop d'étrangers en Suisse et fustigent l'attitude des autorités qui ne prennent pas les mesures adéquates. Enquête auprès de 1026 citoyens suisses de plus de 18 ans. Université de Genève, Département de science politique. Distribué par le SIDOS, Service suisse d'information et d'archivage de données pour les sciences sociales, Neuchâtel.

REVUE DE GÉOGRAPHIE ALPINE 2002 №3

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justifier un contrôle strict de la population étrangère ainsi qu'une restriction du droit des étrangers au séjour.

De l'avis de Karl Griinberg (responsable de l'Association romande contre le racisme) la xénophobie en tant que mouvement populaire, est un mythe : « Une vision patinée par trente ans d'initiatives xénophobes a posé un miroir déformant devant la réalité de ce pays qui lui renvoie une fausse image de son identité : il comporterait une base

populaire xénophobe avec laquelle le gouvernement et les partenaires sociaux seraient contraints de composer »3. C'est l'inverse qui est vrai, déclare Griinberg. Avatar du nationalisme dans un État neutre «où l'ennemi était théorique», la crainte d'une

submersion étrangère a, selon lui, été entretenue par un Office central de police des étrangers

«créé dès 1917 contre le mouvement ouvrier international qui surgissait des charniers de la Première Guerre mondiale». La première Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers date, quant à elle, de 1931, période de marasme économique.

Qu'une thèse de ce genre puisse être défendue ou non4, la Suisse est confrontée aux exigences que pose son rapprochement de l'Europe par la récente signature des accords bilatéraux. Dans le même temps, au cours des dernières années précédant la conclusion de ces accords au printemps 2000, la politique d'immigration traditionnelle est en train de vivre ses derniers sursauts, visant à attirer «d'un côté, les étrangers intéressants pour leur profession ou leur fortune et d'un autre, ceux dont on accepte la force de travail pour autant qu'on leur donne le moins de droits possible: saisonniers, titulaires de contrats de courte durée (renouvelables et permettant le regroupement familial) et clandestins »5. Le statut de saisonnier, longtemps décrié, est remplacé pour les ressortissants de l'UE par des contrats de courte durée : « amélioration » mal ressentie par des secteurs fortement basés sur l'emploi précaire, toujours disposés à prêter main forte aux poussées xénophobes. Ces poussées s'exprimant par des initiatives populaires, ont à chaque fois échoué devant le peuple, tout comme la dernière en date, soumise à l'automne 2000 et qui proposait de limiter la proportion de population étrangère à 1 8 % de la population résidante. S'appuyant sur des faits statistiques, l'initiative invoquait l'accélération de l'immigration au cours de la dernière décennie : un million de permis de séjour, dont 4l3'000 à des travailleurs, soit une augmentation de 30 % de la population étrangère (mais de 16 % seulement de leur part dans la population totale, laquelle atteignait 19,3 % en 1999). Pour rassurer l'opinion, elle mentionnait 657'000 départs volontaires et 150'000 naturalisations, ces dernières étant en nombre supérieur de 2,5 fois à celles des décennies précédentes. On voit que les considérants de l'initiative, tout comme son

3. « Initiative 18 % : la campagne bat son plein »., Quotidien Le Courrier 5.09.2000 p. 5.

4. A l'appui, on constate par sondage que plus des deux tiers des votants pensent qu'une acceptation de l'initiative dite des 18 % (v. plus bas) nuirait à l'économie suisse, autour des trois quarts, que l'objet était contraire aux négociations bilatérales et que les étrangers contribuent à la richesse du pays. Cf. Enquête VOX citée dans la Note 5.

5. Voir « Initiative xénophobe 18 % : Blocher est aussi un patron ». Mensuel Sitlnfo, Syndicat interprofessionnel des travailleurs, juin 2000, p. LChristoph Blocher anime l'UDC (Union Démocratique du Centre) parti situé très à droite et qui est

à l'origine aujourd'hui de la plupart des consultations populaires à tendance xénophobe: ainsi, l'initiative de 1996 sur l'immigration clandestine.

Consulter le site http://www.votations.ch/ch/etrangerhisto.htmW6-1 .

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objectif avoué, sont de nature essentiellement quantitative, ce qui a sans doute heurté bien des consciences et motivé son rejet.

Le débat en Suisse autour du « droit des étrangers » tend encore à se durcir par

l'affirmation d'une politique discriminatoire en matière d'immigration (politique dite des trois cercles et appliquée depuis fin 1994) en flagrante contradiction avec la

Convention internationale de l'ONU de 1965, sur l'élimination de toutes les formes de

discrimination raciale. Or, l'approbation à une majorité populaire de 54,6 % de la norme pénale contre le racisme6, le 25 septembre 1994, donnait mandat au Conseil fédéral de ratifier cette Convention. Donc, si le gouvernement du pays nourrissait effectivement une intention machiavélique, instillée à partir de milieux dirigeants, d'entretenir la peur afin d'asseoir sa politique de discrimination, il serait alors obligé de justifier son projet d'une nouvelle loi devant l'opinion publique internationale. Mais ce projet se trouve, au plan intérieur, sous haute surveillance de la part des milieux progressistes dans ce domaine. C'est ainsi que la Commission fédérale des étrangers, Commission de milice créée en 1970, vient de traverser une crise dans ses relations avec l'Office

gouvernemental, parvenant toutefois, jusqu'ici, à affirmer son indépendance.

La xénophobie récurrente est une réalité vécue par les Suisses; depuis 1964, une dizaine d'initiatives populaires ont été lancées, dont la première fut retirée, tandis que cinq autres échouèrent en votation7 et trois d'entre elles n'ont pas abouti, faute d'avoir réuni un nombre suffisant de signatures pour pouvoir être soumises au peuple suisse. La dernière initiative, dite des 18 %, a connu le 24 septembre 2000 le même sort que les précédentes, refusée par 60 % des suffrages. Son rejet peut être attribué en partie à la préparation d'une «révision globale» de la loi sur les étrangers, présentée par certains conseillers fédéraux comme un contre-projet «de fait» et qui pourrait relancer la polémique. Cet appel au peuple est intéressant du point de vue de l'étude politique, car il permet de mesurer, à chaque fois, le degré du rejet exprimé vis-à-vis d'une population dont l'importance relative au sein de la population résidante dépasse globalement celle des autres pays européens. La Suisse vit ainsi un paradoxe : elle dispose en permanence d'un contingent d'étrangers important qui lui vaut de ressentir un certain malaise orchestré par une mouvance nationaliste, mais elle refuse, à chaque fois qu'on le lui propose, de fixer une limite précise, voire même de se doter d'une politique restrictive en matière d'immigration. Paradoxe plus apparent que réel, car cette main-d'œuvre

représente, avant toute chose, un volant de sécurité économique. Tout en reconnaissant que la prospérité du pays doit beaucoup à la présence étrangère, on néglige parfois d'admettre à quel point elle a permis de gérer l'importante crise des années 1 970 en évitant le chômage et ses conséquences : pauvreté urbaine, délinquance, etc.

Ce graphique8 compare les taux annuels d'étrangers — au bénéfice d'un permis annuel (type B) ou d'un permis d'établissement de longue durée (type C) - à celui de la

6. Modification du code pénal. Participation: 46 % des électeurs.

7. Initiative des 10 % intitulée « Contre l'emprise étrangère » lancée par un autre notable zurichois, James Schwarzenbach, en 1970

8. Source : Office fédéral de la Statistique, Berne, 2000.

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1975 1980 1985 1990 Années

■Total étrangers % -- Permis В % — —Permis С % Figure 1 : Suisse, Étrangers en %, 1965-99

population résidante totale. On observe qu'en 1974 les courbes de la population étrangère fléchissent jusque vers les années 1990. Autour de 1990, la présence étrangère en Suisse reprend sa croissance au point que l'obtention de permis С (de longue durée) entre 1989 et 1991 dénote une situation de rupture. C'est aussi à cette période que se remarque une autre « rupture » sur le plan politique, avec l'utilisation des urnes comme moyen de régulation de la population étrangère. Cette tendance vise autant à aller plus loin, qu'à enrayer une politique de stabilisation apparue avec l'augmentation des permis С par rapport aux permis В annuels. Stabilisation d'ailleurs relative, car immédiatement contrée (cf. Figure 2) par une flambée de permis annuels au détriment des permis de résidence. En somme, 1990 semble être une année-charnière qui voit les autorités aux prises avec un afflux sans précédent d'étrangers ; face à la crise apparue au cours de cette décennie, celles-ci doivent s'efforcer de pourvoir aux besoins de l'économie9.

Comment cerner maintenant la dimension territoriale ? L'approche géographique de ces problèmes, que nous proposons dans la partie suivante et qui, certes, ne sont pas propres à la Suisse, mais particuliers en raison de son isolement politique en Europe, repose sur la confrontation de scrutins populaires avec les structures de population et le mouvement de la présence étrangère. En superposant la dynamique du peuplement suisse et étranger à la trame des expressions politiques, on peut espérer apporter un éclairage utile à la sérénité du débat entre l'Europe et la Suisse, dans ce coin de pays où

9. L'examen des chiffres de population étrangère (Figure 1) montre l'effet combiné du pouvoir politique et économique. A partir de 1972, la Suisse cherche à stabiliser la population étrangère, car on voit que les permis de résidence durable (type C) sont en plus grand nombre que les permis annuels (type B). Cependant, la complémentarité entre ces deux statuts (et donc, leur rôle d'instruments conjoncturels) est assez lisible entre 1985 et 1995. C'est encore plus net si l'on trace

des courbes de situation par rapport à l'année précédente (Figure 2), qui révèlent une fluctuation très mouvementée, à base de correction de tendance selon la conjoncture.

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1995 V.-* 2000

Années

-Total, évolution annuelle 65-99 - - • Permis B, évolution annuelle 65-99 — - Permis C, évolution annuelle 65-99

Figure 2: Évolution des étrangers (% année précédente), 1965-99

se construit une forme de territorialité qui sera sans doute celle de la future Europe, celle de la diversité.

Territoires xénophiles et territoires xénophobes ?

L'initiative du 24 septembre 2000 dite des « Dix-huit pour cent » est la dixième du genre depuis 1964 après celle «Contre la pénétration étrangère», celle «Contre l'emprise étrangère» et celle notamment «Contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse » qui entendait limiter le nombre de naturalisations à 4000 par an et le nombre d'étrangers à 500000, refusée en octobre 1974. Ensuite, deux initiatives ont été refusées le 13 mars 1977: l'une «Pour la protection de la Suisse» (un quota de 12,5 %

d'étrangers) et l'autre « Pour une limitation du nombre annuel des naturalisations » (4 000 par an). Refusée aussi le 4 décembre 1988 l'initiative «Pour la limitation de l'immigration»

(les nouveaux étrangers ne doivent pas excéder les sorties enregistrées l'année

précédente). Dans la catégorie des initiatives avortées, trois initiatives n'ont pas abouti en 1986, 1990 et 1995. Elles préconisaient une augmentation de la durée du séjour donnant droit à une autorisation d'établissement.

La cartographie des résultats des votations à composante xénophobe ayant eu lieu depuis juin 1970 révèle, comme on pouvait s'y attendre, des comportements différents selon les régions linguistiques. Lors des votations successives de 1970, 1974, 1977 et 1988, l'hostilité des latins envers les initiatives contre la «surpopulation étrangère»

s'exprime de façon plus marquée que celle des alémaniques (nous verrons cependant un peu plus loin que le Tessin va progressivement changer de comportement). C'est évident en 1970, quand la Suisse romande et le Tessin sont dans le camp qui repousse l'initiative Schwarzenbach « Contre l'emprise étrangère». Seuls les Fribourgeois, à cheval sur la frontière linguistique, sont divisés (50-50 %).

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Dans les cantons, les districts latins favorables à l'initiative sont des exceptions : la Ve- veyse, la Glane et le district du Lac à Fribourg, Moudon et Payerne dans le canton de Vaud, Hérens en Valais, Blenio au Tessin. Soit des régions rurales ou alpines, périphériques au sein de leur canton. L'initiative récolte ses meilleurs scores en Suisse alémanique. Mais le «Triangle d'or10» rejette en bloc les mesures anti-étrangers, sans doute au nom de la prospérité à laquelle ceux-ci contribuent largement. Les Grisons

(canton touristique et frontalier) se placent dès 1970 parmi les cantons les plus récalcitrants aux mesures anti-étrangers.

Dans l'ensemble, les cantons sont le plus souvent tous d'accord pour repousser les initiatives introduisant des quotas d'étrangers (1974, 1977, 1988) mais aussi celles trop généreuses avec les étrangers, comme en témoigne le sévère revers subi par l'initiative

«Être solidaires» en 1981, voulant octroyer le droit de vote aux étrangers au plan local (84 % de non).

Certaines consultations se soldent par des résultats inhabituels. Ainsi en 1988, lors de la dernière votation sur l'introduction d'une régulation restrictive de l'immigration, Obwald et Appenzell Rhodes Intérieures figurent parmi les plus hostiles à l'initiative alors qu'elle obtient son meilleur score au Tessin. Le Tessin, dont le cas est remarquable d'ailleurs, puisqu'il figure parmi les cantons rejetant d'abord le plus nettement les premiers objets anti-étrangers11, et dont la tendance xénophobe a dès lors progressivement augmenté pour atteindre son apogée lors de ce scrutin de 1988. Puis en 1994, il a encore rejeté la naturalisation facilitée des jeunes étrangers, et en 1996 approuvé

l'initiative contre l'immigration clandestine. Cette dérive xénophobe du Tessin, à l'opposé géographique et comportemental de Bâle-ville qui s'ouvre toujours davantage pendant la même période, peut s'expliquer par l'isolement géographique - le complexe (ou réflexe?) de la région périphérique -, la présence des frontaliers, et un pourcentage moyen de population étrangère beaucoup plus élevé que la moyenne suisse dans les districts tessinois (25.6 %). Dès 1991, cette tendance a été récupérée par la Lega dei Tici- nesi qui a entrepris alors un travail de sape pour l'exacerber.

Parallèlement aux disparités linguistiques semble apparaître une constante plus intéressante : les régions à fort pourcentage d'étrangers seraient les moins favorables aux initiatives xénophobes, et vice-versa. Ce paradoxe est bien mis en évidence lors la votation sur la restriction de l'immigration en Suisse, le 7 juin 1970. L'initiative de James Schwarzenbach « Contre l'emprise étrangère » est rejetée par 54 % des Suisses. Les cantons sont divisés. Six d'entre eux et deux demi-cantons votent pour l'initiative; or, à Uri, Schwyz, Soleure, Lucerne, Berne, Fribourg, Obwald et Nidwald, tous favorables, le pourcentage d'étrangers enregistré est inférieur à la moyenne nationale qui est alors de 17,2 %12. Pouvons-nous retrouver trente ans après le même paradoxe? Pour vérifier cette hypothèse, il est intéressant d'effectuer l'analyse des résultats des votations

concernant deux initiatives à composante xénophobes dans l'intervalle (1970 et 2000), et ceci 10. Triangle ayant pour sommets Berne, Zurich et Bâle.

11. Voir http://www.votations.ch/ch/etrangerhisto.html

12. Taux calculé au 31.12.1970 par l'Office Fédéral de la Statistique (OFS)

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Vérification de l'hypothèse selon laquelle la population des districts comptant un pourcentage de population étrangère plus élevé que la moyenne suisse vote en général contre les initiatives xénophobes, et vice-versa.

au niveau des districts afin de découvrir les comportements territoriaux cachés derrière ceux des cantons. Les districts sont des instances administratives intermédiaires entre l'État et les communes, mais qui ne jouissent d'aucune autonomie. Leurs autorités sont intégrées dans la hiérarchie de l'appareil d'État. Aux Grisons, en Thurgovie, au Tessin et dans le canton de Vaud, les districts se subdivisent à leur tour en Cercles. Les cantons peu étendus d'Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Zoug, Bâle- Ville et Genève ne

connaissent pas cet échelon administratif. Dans le demi-canton d'Appenzell Rhodes- Intérieures, les districts (Bezirke) correspondent à des communes et les deux

subdivisions dites « Landesteile » ne sont pas comparables aux districts des autres cantons. A Schwytz en revanche, les districts sont en même temps des corporations de droit public ayant la personnalité juridique. Malgré toutes ces différences, les districts sont une maille territoriale relativement homogène. Les deux premières cartes (Fig. 3 : initiative populaire «Contre l'emprise étrangère» du 7 juin 1970 et Fig. 4: initiative populaire

« Pour une réglementation de l'immigration » du 24 septembre 2000) illustrent la classification des 1 84 districts helvétiques dans quatre catégories issues de la combinaison de leur comportement lors de ces votations (xénophile ou xénophobe) et de la structure de leur population (pourcentage d'étrangers inférieur ou supérieur à la moyenne suisse).

Les tableaux situés au-dessous des cartes font office de légende et précisent les

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Figure 4: 24 SEPTEMBRE 2000. INITIATIVE POPULAIRE «POUR UNE REGLEMENTATION DE L'IMMIGRATION»

Vérification de l'hypothèse selon laquelle la population des districts comptant un pourcentage de population étrangère plus élevé que la moyenne suisse vote en général contre les initiatives xénophobes, et vice-versa.

catégories. On peut y découvrir les cas pour lesquels notre hypothèse de départ est vérifiée et ceux pour lesquels elle ne l'est pas.

En 1970, 123 districts sur 184 votent conformément à la prévision, soit 40 dont le taux d'étrangers est inférieur à la moyenne et qui désirent limiter leur nombre, et 83 qui comptent une population étrangère au-dessus de la moyenne et qui décident de

repousser l'initiative xénophobe. L'hypothèse est donc vérifiée dans 67 % des cas. La carte de la xénophobie de 1970 fait nettement ressortir un noyau dur au cœur du pays: du centre du canton de Berne aux portes des Grisons apparaît un territoire continu et compact, résolument hostile aux étrangers. Ce territoire xénophobe est prolongé vers le sud par la Broyé vaudoise et fribourgeoise. A ces zones de campagne (Emmenthal, Broyé) il faut ajouter des districts de montagne anti-étrangers comme Hérens et Loèche (Valais), Blenio (Tessin) et la Bernina (Grisons). Qu'en est- il 30 ans plus tard? L'attitude des districts bernois (comme Interlaken) modifie considérablement la donne dans la lutte, par urnes interposées, qui opposent les districts xénophiles aux districts xénophobes. Tous rejettent l'initiative des 1 8 % en septembre 2000, ce qui fait que notre hypothèse n'est plus validée que dans 49 % des cas. Avec les districts bernois, ce sont aussi beaucoup de districts de montagne qui changent de comportement et qui refusent désormais de reje-

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ter les étrangers : Hérens, Loèche, Blenio, Bernina, et, peut-être de manière plus

surprenante, Uri. En effet, malgré sa situation géographique encore plus isolée, ce canton se distingue de ses voisins schwytzois résolument ou de plus en plus xénophobes

(respectivement Schwytz et Einsiedeln). De toute manière, la composante campagne-montagne disparaît totalement et ne permet plus de fournir une clé de lecture de la xénophobie en Suisse.

La troisième carte (Figure 5) propose une typologie de l'évolution du comportement des districts entre 1970 et 2000. Pour des raisons techniques (niveaux de gris imposés), nous n'avons malheureusement pu répartir les unités géographiques qu'en 5 classes pour que le résultat reste lisible. On a déjà évoqué le cas des districts à tendance xéno- phile, mais trois suivent quant à eux une évolution inverse : Gaii dans le canton de So- leure, Einsiedeln (Schwyz) et Diessenhofen (Schaffhouse) ont voté en faveur des 1 8 % alors qu'ils étaient contre l'initiative Schwarzenbach. Les deux premiers peuvent subir l'influence de leurs voisins xénophobes (respectivement Thaï et Schwyz) et le seraient devenus par contamination, mais ce n'est pas le cas de Diessenhofen placé dans un contexte géographique plutôt favorable aux étrangers. C'est la situation frontalière de ce canton (frontière avec l'Allemagne) qui serait susceptible de fournir une explication.

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Figure 5: ÉVOLUTION DU COMPORTEMENT DES DISTRICTS

Cette carte propose une typologie de l'évolution du comportement des districts helvétiques entre 1970 et 2000 Se rapporter aux deux cartes précédentes

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Finalement, cette carte met en évidence le fait que la majorité des districts (106) n'ont pas observé d'inversion de tendance concernant la structure de sa population et qu'elle se comporte comme il y a 30 ans vis-à-vis des étrangers.

Partition du territoire de la xénophobie

Le refus des initiatives xénophobes ne doit pas masquer l'importance d'autres objets soumis à votation qui concernent la politique à l'égard des étrangers : droit de la

naturalisation, abolition de statuts particuliers, octroi du droit de vote aux étrangers, etc. Les attitudes collectives sont très différentes suivant la nature précise de la consultation et suivant l'échelle politico-administrative à laquelle on l'observe. Car la réalité politique suisse est très complexe et laisse une large autonomie au niveau local; ainsi, dans la Commune d'Emmen (Canton de Lucerne), l'Assemblée communale qui en est l'organe législatif avait décidé de refuser la naturalisation à certains candidats issus de Г ex- Yougoslavie, ce qui ne pouvait guère se produire dans des communes où la compétence est du ressort du pouvoir exécutif. Or, quelques mois plus tard, l'initiative refusée le 24 septembre 2000 montre à l'évidence (y compris dans le Canton de Lucerne) que ces positions de rejet ne se manifestent pas systématiquement à toutes les échelles : les enjeux ont changé, mais aussi la « proximité » de l'objet. Ici, il s'agissait de se prononcer à l'échelle nationale, sur un taux-plafond (18 %) et non pas sur des cas individuels. Au demeurant, cette notion de proximité n'est pas non plus une explication satisfaisante de la xénophobie car, en même temps que les électeurs suisses refusaient l'initiative dite des 18 % (avec tout de même un bon tiers d'acceptants), les électeurs du Canton de Neu- châtel accordaient le droit de vote aux étrangers résidant sur ce territoire, comme l'avait fait le Canton du Jura depuis sa création. D'où l'intérêt d'une étude plus détaillée des composantes du comportement xénophobe, tenant compte des structures du territoire.

On le voit, la question des étrangers en Suisse entre difficilement dans des schémas précis : les votations ayant pour objet des principes de politique d'immigration ont lieu à des moments différents, n'ont pas toutes les mêmes enjeux, ni les mêmes

conséquences territoriales, car la réalité confédérale permet l'émergence de situations différentes. Malgré cette remarque qui incite à la prudence quant à l'interprétation des résultats des votations, surtout si elles portent sur une période de 30 ans, il est possible de cartographier une tendance actuelle de la position des Suisses vis-à-vis des immigrés.

La carte suivante (Figure 6)13 a pris en considération plusieurs votations et classé les cantons selon leur position plus ou moins ouverte face à l'intégration des étrangers.

Apparaissent alors trois catégories principales : les cantons xénophiles (en classe 1 : ayant tendance à accepter les objets favorables aux étrangers), les cantons xénophobes (en classes 2 et 3 : ayant tendance à refuser les objets favorables aux étrangers) et une troisième catégorie (les deux classes à vote partagé), difficilement qualifiable sinon comme

«relativement xénophobe». Le bloc de cantons cerclé en gras regroupe la seconde et la troisième catégorie ; cet ensemble en forme de Y illustre, au moins dans sa partie supé- 13. Analyse triangulaire de trois votes, par cantons: Referendum UDC sur l'immigration clandestine (1996, 53.6 % de NON). Referendum sur la naturalisation facilitée des jeunes étrangers (1994, 52.6 % de OUI). Initiative populaire «pour une réglementation de l'immigration » (2000, 63,7 % de NON).

(13)

*Les 13 cantons les plus denses en population étrangère

jmÊi

4P [ 1 1 . Pour la naturalisation

^^j 2. Contre l'immigration clandestine Ц NON â 1 et NON à 2

W

^ MB 3. Immi. cland. et 1 8% | | Avis partagés (1.2.3.)

h

_ Figure 6: Attitudes face à la présence étrangère: Faveur à l'intégration ou aux mesures restrictives et coercitives rieure en U, la Suisse des « Neinsager » disposée autour de Zurich et qui se manifeste le plus souvent par une sensibilité individualiste et conservatrice14. Ces cantons

préconisent des mesures contre l'immigration clandestine ainsi qu'un plafonnement de la présence étrangère à 1 8 %, deux scrutins qui corrèlent fortement dans l'analyse triangulaire proposée et aboutissent à la constitution du groupe 3. Il est assez frappant de constater que la présence étrangère, symbolisée ici par une étoile (signifiant une densité supérieure à la médiane) n'a pas vraiment d'incidence sur la classification des comportements lors des votations. C'est nouveau, car les cartes sur les votations précédentes montraient que la présence étrangère jouait un rôle positif en contribuant, au contraire, au refus de la xénophobie15. Ici, on découvre un axe nord-sud (qu'on pourrait qualifier de « gothardien ») coupant la Suisse en son cœur historique, avec un débordement vers le nord-est, surtout si on y ajoute les cantons qui manifestent des avis partagés. Il faut cependant remarquer que l'axe devient particulièrement visible à cause du récent virage politique à droite du Canton du Tessin, lié à la montée de la Ligue des Tessinois et qui accompagne aussi, sur le plan intérieur du Canton, une 14. Cette ceinture de cantons « Neinsager: Obstinés du Non » autour de Zurich vient de ressortir une nouvelle fois dans son opposition à des initiatives telles que celle en faveur d'une réduction des dépenses militaires ou d'une retraite à la carte à partir de 62 ans. Cf. journal Le Courrier du 27 novembre, p. 7. 15. Consulter http://www.votations.ch/ch/1970.html

(14)

situation de crise du monde judiciaire et politique. Pour mieux voir si l'hypothèse peut s'inverser (la présence étrangère aurait-elle une part dans la montée de la xénophobie), il devient alors intéressant d'observer ce qui se passe sur cet axe que l'on désigne ici comme l'axe de la xénophobie ou du rejet.

L'axe nord-sud xénophobe ou axe du « rejet »

Ce que nous appellerons l'«axe du rejet» enserre — sans le contenir — le Canton très urbanisé de Zurich, lui-même non xénophobe16 (tout comme Bâle) et favorable à l'intégration des jeunes étrangers ; il comprend les cantons de la Suisse primitive mais plus encore, le quart nord-oriental du pays ; c'est ici que s'exprime le plus fortement un malaise comme, par exemple, un soutien à des mesures d'urgence dans le domaine de l'asile et des étrangers (en juin 1999). Or, les cantons qui ont connu un afflux de

population étrangère plus récent et plus important sont au nombre de neuf sur quatorze constitutifs de cet axe. On pourrait presque dire que les réactions de fermeture s'y expliquent par des bouleversements démographiques connus ou renforcés pendant la dernière décennie. A signaler toutefois que les paradoxes ne manquent pas, comme la position du Canton du Tessin, qui certes figure au second rang pour la présence

étrangère (avec 26 %, derrière Genève, devant Vaud), mais qui connaît un accroissement de population étrangère toujours inférieur à celui de la Suisse depuis vingt ans. Le Tableau suivant17 présente les données de population étrangère des cantons de l'axe ; II présente une logique en quatre groupes selon deux échelles de temps: 1979-90, période pour ainsi dire « creuse » ; 1990-99, période de « reprise » de l'immigration :

Suisse 883837

1100262 1368670 24 24 55

Cantons:

Année 1979 1990 1999 Evolution en% 1979-90 1990-99 1979-99

AppRI 829 1133 1529 37 35 84

Thurgovi 26503 34291 42724 29 25 61

e S Gall 47588 64506 86173 36 34 81

Lucerne 23893 35423 50560 48 43 112

Nidwald 1443 1981 3493 37 76 142

Obwald 1495 2048 3429 37 67

129 Un 1886 2271 2913 20 28 54

Argov.e 63929 76309 99978 31 19 56

Soleure 24789 29948 39323 31 21 59

Glans 5574 6886 7611 24 11 37

AppRE 5050 6449 7524 28 17 49

Tessin 65326 68573 79103

5 15 21

Zunch 180836 209505 254993 16 22 41 Tableau 1 : Effectif des étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour à l'année ou d'un permis d'établissement, par canton de résidence de l'axe, entre 1979 et 1990.

En gras: taux supérieurs au taux moyen Suisse.

Immigration vers : la Suisse entière, vers Zurich et vers les groupes de cantons suivants :

1. Cantons ayant connu un accroissement de population étrangère toujours supérieur à l'accroissement national;

2. Cantons ayant connu un accroissement supérieur à l'accroissement suisse entre 1990 et 1999, mais inférieur pendant la période précédente;

3. Cantons ayant connu un accroissement supérieur à celui de la Suisse avant 1990;

4. Cantons n'ayant jamais eu d'accroissement supérieur à l'ensemble du pays, du moins entre 1970 et 1999: Tessin, auquel il faut ajouter Schaffhouse (Zurich étant hors de l'axe).

16. L'échelle cantonale simplifie à outrance les comportements régionaux. Une analyse plus fine sera menée par la suite.

Voira ce sujet la Note 19.

17. Source : Office fédéral de la Statistique, Berne, 2000.

(15)

Ce malaise, qui semble expliquer une position de rejet, finit par se confirmer quand on regarde d'autres paramètres statistiques. L'Atlas électronique de la Suisse fournit des images sur d'autres caractéristiques liées à la population, comme la langue et la religion.

Si nous prenons la langue, en 1990 (date du dernier recensement de la population) les cantons qui ont une présence turque supérieure à la moyenne nationale coïncident largement avec la position de rejet. Plus de la moitié d'entre eux ont, par ailleurs, une population de religion musulmane supérieure à la moyenne suisse. Sont-ce pourtant les cantons qui subissent le plus fortement des pressions démographiques de cultures étrangères ? C'est difficile à dire, quand on regarde de plus près les chiffres : la moyenne nationale de la population recensée comme parlant le turc est de 0,89 % (!) par rapport aux autres langues parlées (et recensées) dans le pays ; la religion musulmane atteint un niveau moyen national de 2,21 %. Des valeurs peu incisives, certes, et qui prêteraient à sourire, si derrière les votes ne commençaient pas à apparaître des comportements de rejet parfois violent (et pas seulement sur cet axe, celui-ci nous paraît être un simple révélateur). Ce sont là somme toute des valeurs relativement négligeables, si la géographie ne nous avait pas appris que les représentations sociales ont plus de prise, en politique, que l'analyse scientifique. Essayons néanmoins d'élargir l'angle d'approche de ce phénomène xénophobe, en le comparant aux structures territoriales et à d'autres prises de position en votation populaire.

Essai de synthèse territoriale

II s'impose ici d'abandonner l'échelle cantonale et d'adopter un autre maillage que celui des limites administratives: maillage synthétique18, en partie fondé sur les critères de l'OFS19 pour les agglomérations et sur un découpage régional des soldes cantonaux, maillage jugé significatif de la territorialité en 1990. L'expérience montre l'importance essentielle d'un modèle d'agrégation territoriale livrant une partition géographique représentative, qui est formée sur un modèle centre-périphérie et se compose de 99 régions de peuplement.

Si, donc, on intègre à l'analyse de l'expression politique quelques consultations significatives de l'ouverture de la Suisse vers l'extérieur au cours de ces dernières années, un partage apparaît, exprimé en composantes principales et qui réduit à cinq facteurs les scores de sept votations, accompagnés de neuf variables de structure (de 1990). La position politique de la Suisse s'exprime en effet non seulement en termes d'adhésion à des

18. «Sans insister sur le découpage, indiquons qu'il comporte 57 régions-centres dont une dizaine de villes isolées et 42 marges constituées de soldes cantonaux; autrement dit, un système en léger excès d'agglomérations eu égard à la morphologie très urbanisée de l'Avant-pays. » Cf. Hussy C, Territorialité, maillages et comportements politiques en Suisse, face à l'Union Européenne., Cahiers de Géographie du Québec, Vol. 39 No 107, sept. 1995, pp. 275-286.

19. L'Office Fédéral de la Statistique définit comme agglomération un ensemble d'au moins 20'000 habitants formé de communes adjacentes, pourvu d'un noyau central et obéissant à au moins trois parmi une dizaine de critères d'urbanité.

Voir Schuler M. 1980, Délimitation des agglomérations en Suisse. Lausanne, Institut de recherche sur l'environnement construit. Berne, Office Fédéral de la Statistique, 1984, 84 p. Nous avons adopté un découpage empirique respectant ces critères, cf. Note précédente.

(16)

Analyse factorielle (explication à 82 % de la variance totale) Saturation des variables :

1. GROUPE DES CENTRES URBAINS

Proportion de population suisse 1990 (%, saturation négative) Proportion d'emplois dans le Tertiaire supérieur 1991 (%) Taille des établissements (en emplois)

Emplois par habitant (nombre)

Proportion d'étrangers de 0 à 19 ans (% des étrangers) Ratio de vieillissement de la population suisse (ratio)

2. GROUPE ROMAND «OUVERTURE EUROPÉENNE»

Proportion de francophones (% de la population résidante 1980) Approbation de l'Arrêté EEE (Référendum obligatoire 6.12.1992, %)

Naturalisation des jeunes étrangers facilitée (Réf. fac. 12.06.1994, %)

3. GROUPE DES AGGLOMERATIONS URBAINES Accroissement de la population 1960-1990 (%)

Revenu moyen pondéré 1989 (francs par an) Oui à Suppression du droit de timbre bancaire (Loi féd. 27.09.1992, %)

4. GROUPE «OUVERTURE POLITIQUE ET PROGRES»

Adhésion de la Suisse à l'ONU (Référend. obligatoire 16.03.1986, %) Rail2000 : concept sur les chemins de fer

(Référ. facult. 6.12.1987%)

Oui à la 10e Révision de l'AVS (25.06.1995, %) 5. GROUPE «OUVERTURE ETHIQUE»

Norme pénale contre le racisme (25.09.1994, %)

CP.l 36%

-0,71 0,66 0,82 0,70 0,70 0,72 -0,1 0,1 0,2

0 0,3 0,2 0,3 0,1 0,1 0,2

CP.2 16%

-0,39 0 -0,2 -0,1 0,4 0,3 0,93 0,91 0,72 0 0 0,3 0,2 -0,1 0,3 0,2

CP.3 13%

-0,3 0,3 0,1 0,1 0,3 -0,41 0 0,1 0,1 0,87 0,77 0,74 0 0,3 -0,1 0,1

CP.4 9%

-0,3 0 0 0,2 0,2 0,2 0,1 0,1 0,1 0,1 -0,1 0,1 0,71 0,83 0,83 0,2

CP.5 7%

0,2 0,3 0,2 0,2 -0,3 0,1 0 0,2 0,60 -0,1 0,3 0

0,48 0,1 0,1 0,89 Tableau 2. Composantes principales sur 99 régions de peuplement.

organismes supranationaux (que ce soit à l'Espace Économique Européen, refusée en 1992 ou à l'ONU, celle-ci refusée en 1986 puis acceptée en 2002) mais également en termes de politique sociale (10e révision de l'AVS, Assurance Vieillesse et Survivants,

1994), de modernisation de son réseau ferroviaire (1987), de dérégulation de son appareil bancaire (1992) de même aussi qu'en termes éthiques, si l'on prend dans ce dernier cas l'adoption d'une norme pénale contre le racisme (1994). Comme variable

discriminante de la politique des étrangers, on ajoutera l'initiative xénophile de 1994 sur la « naturalisation facilitée de jeunes étrangers» qui a obtenu un taux d'acceptation de 52,6 % des votants mais a été refusée par une majorité de cantons : projet en faveur de

l'intégration qui refait surface suite au rejet de l'initiative des 18 %. Les données de base à prendre en compte sont évidemment les proportions de suisses et d'étrangers, mais aussi la proportion de francophones pour tenir compte d'un clivage socio-linguistique non négligeable. Les critères de vieillissement démographique (assortis du critère de la présence de jeunes étrangers), d'évolution du peuplement depuis I960, du revenu, de l'emploi tertiaire supérieur, de la taille des entreprises ou du ratio

d'emplois-par-habitant permettent enfin d'intégrer des dimensions structurelles. On obtient le résultat du Tableau 2 et la carte des poids locaux de la Figure 7.

Le premier groupe recèle l'ensemble des fonctions de direction économique, dont le poids factoriel se porte exclusivement sur la partie Nord, très urbanisée du pays, sous le

(17)

commandement du Grand Zurich et du triangle d'or ; cette zone matérialise une nébuleuse de centralités secondaires fortement pénétrées de population étrangère et, hormis leur centre, selon ce qui précède, relativement xénophobes. Le second groupe, suisse romand, est ouvert tant à l'Europe qu'à une intégration facilitée par naturalisation des jeunes étrangers ; totalement francophone, il figure parmi les plus fortes proportions de population étrangère dans sa partie urbaine (littoraux lémanique et neuchâtelois).

Ainsi, plus de 50 % de la variance peut déjà être résumé par un clivage majeur entre le cœur industriel du pays et une Suisse Romande, clivage que chaque scrutin populaire d'importance fait ressurgir. On découvre des parties complémentaires de ce binôme dans la suite de l'analyse ; ainsi, le groupe 3 est une zone de diffusion de la centralité (par remplissage) et, en même temps, de forte croissance de la population suisse ; à moitié xénophobe (dans sa partie septentrionale) et à moitié xénophile (en Suisse Romande et dans le Canton de Zurich), ce glacis urbain est plus préoccupé de mesures en faveur des affaires. Le quatrième groupe est, lui, intéressé avant tout à la modernisation

matérielle et institutionnelle du pays. C'est aussi le cas du dernier groupe, marge progressiste qui contient tout de même la capitale politique et qui forme, avec le groupe 4, un large glacis ou auréole externe à l'anneau enserrant le centre économique de la Suisse,

autrement dit à la partie nord de notre « axe du rejet». La Suisse reproduit certes, avant tout, un clivage linguistique, mais sa partie orientale (alémanique) s'organise fortement autour de Zurich.

Ce genre de synthèse comporte évidemment une large part d'ajustement subjectif des variables mais impose une stricte sanction de la réalité des chiffres. Dans ce cas, où il s'agit d'illustrer une diversité territoriale, la xénophobie identifiée dans un «axe du rejet» semble n'être plus, en définitive, qu'un épiphénomène certes récurrent et localisé, mais fixé sur des espaces fort différents, les uns dits «de diffusion urbaine» dans l'Avant-Pays, les autres marginaux au cœur du massif alpin. On a essentiellement un Grand Zurich qui prodigue son rayonnement économique sur toute la Suisse du Nord, puis un cœur historique accroché aux Alpes, mais qui ne ressort clairement sur aucune dimension latente de cette analyse20 et enfin, une Suisse cisalpine ou haut-valaisanne traversée de tendances opposées, progressistes et conservatrices. S'il fallait tenter de qualifier l'ancrage territorial de la xénophobie, on le ferait en termes de périphérie du grand foyer d'activité, subissant une attraction conséquente de main d'œuvre qui ne fait que s'amplifier. La position axiale de cette attitude collective traduit, elle, une liaison alpine entre un Tessin fortement touché par la présence étrangère et le pôle zurichois. Dans ce

«vide» intercalaire du glacis alpin s'exprime la Suisse «profonde».

20. Les agrégats territoriaux situés à gauche de la médiane des poids locaux ne sont pas qualifiés dans notre synthèse et y figurent comme «indifférenciés»; ils vont former l'ensemble des marges moins significatives en termes de structure et/ou peu adhérentes aux objets de votations, sorte de foyer du refus et de la défense de la neutralité helvétique. Ce fait a été déjà observé dans une analyse précédente: « tes Neinsager ("refusants") qu'il représente escomptent un appui de toutes les composantes régionales et linguistiques, pour faire triompher la "voie solitaire" (Alleingang), mais ils comptent surtout sur les scrutins de la Suisse Alémanique profonde et obtiennent celui, considérable, des électeurs âgés de plus de 60 ans.» Voir la Note 10. Voir aussi le Tableau 2 (op. cit.) qui propose une partition de la Suisse en quatre régions culturelles.

(18)

С (Axe du "rejet")

Analyse des structures tt votti I le composant* principale (36J"/i) I 2e composant* (16 1 •/•) 3e composante (13 й Щ 4e composante (9 3 %) composante (7.3 V» de saturation)

Première Composante : Tissu urbain très actif, forte présence étrangère (jeune), Suisses vieillissants 2e Composante : Région francophone, ouverture européenne et faveur à l'intégration des jeunes étrangers 3e Composante : Espace de diffusion urbaine, attractif (depuis 1960), favorable à la liberté économique 4e Composante : Espace périphérique d'expression progressiste au plan intérieur et face à l'ONU

5e Composante : Espace en faveur de la norme antiraciste, de l'intégration des étrangers et de l'adhésion à ONU Figure 7: Urbanisation, culture et attitude politique

Population totale en 1990 (carré blanc), territorialité et expression politique

Conclusion : que signifie le « nombre d'étrangers en Suisse » ? Le débat sur la présence étrangère en Suisse fait couler beaucoup d'encre. Non

seulement on touche là des questions fondamentales en termes de démocratie, mais la question est au cœur des représentations et des identités individuelles ou collectives. Or jamais les clivages ne se sont fait sentir aussi fortement que depuis une dizaine d'années.

Dans ces débats passionnés - et souvent passionnels - la problématique du nombre surgit au premier plan. Le nombre est souvent synonyme d'objectivité, en ce qu'il donne une grandeur mesurable, commune à plusieurs phénomènes. Même si la

quantification ne fait pas abstraction des difficultés liées au relevé, le chercheur ou le politicien posent le nombre comme valeur incontestable. Notre propre synthèse du territoire suisse (Figure 7) promeut au rang de méthode le calcul linéaire.

Il faut comprendre que le nombre véhicule souvent des images fortes, empreintes d'émotions. Selon le moment auquel il est utilisé, le milieu dans lequel il est cité, il changera de signification. Il dépend du discours en vigueur dans la société et résonne de plusieurs manières, selon le contexte et les personnes. Partant des considérations énoncées ci-dessus, il resterait à savoir quels éléments permettent de situer le nombre dans son cadre problématique. Le nombre est porteur de plusieurs dimensions, il peut être utilisé en tant que seuil, que signe ou symbole et, enfin, en tant qu'argument. L'énoncé

(19)

même du chiffre porte en lui une grande part d'imaginaire : il n'y a pas de « nombre absolu», permettant à chacun de se faire une image commune d'une réalité, mais des nombres relatifs à chacun des arguments traités.

Les exemples de « nombres-seuils » sont nombreux, des valeurs d'émissions polluantes à la charge humaine de la planète, en passant par l'âge de la retraite. Ils cherchent généralement à faire prendre conscience d'un danger, de ruptures d'équilibre. Bien que n'étant que de simples repères, ils doivent susciter la peur pour entraîner

d'hypothétiques changements comportementaux. Ainsi en va-t-il des seuils d'immigration

étrangère. Le chiffre de 1 8 % d'étrangers, réclamé par une initiative, ne correspond en fait à aucune réalité tangible par rapport à une population. Mais dans le contexte

socio-politique de la Suisse actuelle, il a focalisé le débat sur une valeur, reléguant les questions de fond — la tolérance, l'intégration, le racisme — au second plan. Si ce chiffre avait été de 10 % ou de 40 %, les discours n'auraient probablement pas beaucoup varié: c'est le contexte suisse d'aujourd'hui qui a entraîné la fixation d'un tel seuil lors de la dernière votation.

Il conviendrait de dépasser cette logique du seuil, et ses inévitables pièges - dont l'enfermement du discours n'est pas le moindre — pour se concentrer sur le « nombre- relation » : celui qui permet d'atteindre des valeurs sociétales, par son intégration dans une réflexion plus large sur ses composantes et son utilisation. Il deviendrait alors un outil de communication plutôt qu'un signal de danger, une invitation à la réflexion plutôt qu'un catalyseur de passions. En intégrant une vision territoriale à plusieurs

composantes de la problématique des étrangers en Suisse, nous avons cherché à nous éloigner des effectifs eux-mêmes pour montrer des enjeux et leurs résonances dans la société.

Dans le contexte de la politique suisse d'immigration, le nombre est fortement valorisé dans le discours, tour à tour illustration, démonstration, preuve. Son maniement peut être parfois délicat, mais son utilisation rebute rarement les personnages politiques ou les scientifiques. En agrémentant le discours de nombres, on montre qu'on connaît une réalité — la situation d'un Etat, d'une population. . . — parce qu'on l'a « mesurée ».

Et c'est en partie l'un des enjeux des recensements, qui donnent certes l'image d'une population à un moment donné, mais permettent surtout de construire un

argumentaire ciblé.

Le recensement, c'est « la maîtrise [de la population] par le nombre, la possession par les signes.»21. Mais une fois produit, le nombre a une fâcheuse tendance à se détacher de la réalité qu'il représente pour devenir lui-même représentation, c'est-à-dire «

phénomène » que l'on peut observer, commenter et utiliser dans une démonstration. Les débats sur la population étrangère en Suisse tournent rapidement aux comparaisons:

1 9,3 % ici, ce n'est que la moitié des 40 % qu'on a là. Le nombre-signe se retrouve extrait du contexte. Dès lors, il faudrait pouvoir «réincarner» le nombre, remettre sa capacité évocatrice en regard des phénomènes qu'il décrit. La présence étrangère, par exemple, est avant tout la conséquence d'un besoin économique et social.

21 . Raff estin C, Pour une géographie du pouvoir, Litec, Paris, p. 61 .

(20)

Enfin, le nombre pose une question fondamentale dans les sciences sociales : celle de la transparence. Alors que l'intégration de données quantitatives dans un discours fait généralement penser à une forme d'ouverture des sources - on n'ose plus dire « il y a trop d'étrangers» mais «il y en a 19,3 % en Suisse contre quelque 5 % en moyenne en Europe» —, celle-ci ne peut être complète que si le processus qui a mené à

l'établissement du chiffre et la portée de celui-ci sont dûment précisés. Le risque est bien sûr grand de voir les arguments noyés dans une foule de «méta-informations». A contrario, une absence d'indications sur les conditions de récolte des données et leur traitement décrédibilisera les propos tenus. On comprend mieux alors les batailles à coups de chiffres que se livrent les protagonistes d'un débat, qu'ils soient les candidats à l'élection présidentielle américaine ou les historiens de la seconde guerre mondiale. Lorsque la méthode est mise à nu, quand est dénoncée l'utilisation abusive du nombre, on peut se concentrer sur les valeurs et les identités que cherche à véhiculer d'elle-même une société. Et dans ce cadre, le nombre n'est souvent plus pertinent ; il perd de son pouvoir heuristique au profit de visions d'ensemble.

Tel est bien le cas au terme de ce propos : parti d'une analyse de l'initiative des « dix- huit pour cent», on a pu cerner un axe du rejet de l'étranger issu de résultats

numériques, pour le relativiser finalement et considérer la xénophobie comme une des facettes, symptomatique et épiphénoménale, de la territorialité et de l'identité.

Résumé: cette contribution voudrait fixer quelques idées sur les aspects territoriaux de l'expression xénophobe au plan national, régional et local. Les données statistiques relatives aux structures de la population depuis

1950, mais aussi les scrutins populaires les plus récents sur le thème de la politique suisse des étrangers, apportent un éclairage

géographique au débat actuel et contribuent à mieux cerner les thèmes sous-jacents de l'identité, de l'immigration, de l'intégration voire, plus largement encore, des sociétés multiculturelles d'aujourd'hui et de demain.

L'éloge de la statistique ne doit cependant pas faire oublier les risques d'interprétation et de schématisation, toujours réels. Au moment où les premiers chiffres du recensement décennal en Suisse sont publiés, on doit

rappeler que la maîtrise du nombre est à la clé des politiques de population et peut, par ailleurs, contribuer à clarifier le débat politique et social.

Mots-clés: Suisse, immigration, xénophobie, population, territoire

Abstract: Foreigners in Switzerland: Issues and territorial realities. The article aims to clarify certain ideas on the territorial aspects of xenophobia in Switzerland, at the national, regional and local levels. Statistical data on the structure of the Swiss population since 1950, together with the most recent of the popular polls on Swiss policy towards immigrants, provide valuable geographical insights into the current debate and help identify more clearly the underlying themes of identity, immigration, integration and, more generally, the multicultural societies of today and tomorrow. The statistical tool should not be used, however, without careful

consideration being given to the ever-present risks of interpretation and over-simplified

schématisation. At a moment when the first data from the ten-year Swiss census are available, it is well to remember that the control of numbers is the key to population policies and may, in addition, contribute to a clarification of the social and political debate.

Keywords: Switzerland, immigration, xenophobia, population, territory.

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