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Rituel bœuf sur l&#039;<i>oppidum</i> du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse)

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Rituel bœuf sur l' oppidum du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse)

KAENEL, Gilbert, CURDY, Philippe

Abstract

La mâchoire inférieure complète d'un bovin a été mise au jour au cours des fouilles de l'oppidum du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse). Les deux mandibules avaient été déposées intentionnellement dans la fosse d'implantation d'un des poteaux de la fortification celtique édifiée vers 120 av. J.-C., disposées verticalement l'une à côté de l'autre. Cette disposition particulière, en plus avec une inversion gauche-droite, alliée à l'emplacement stratégique de la découverte, au pied d'une tour qui flanquait la porte principale de l'oppidum, est rapportée à un rituel en relation avec la construction du rempart. A Yverdon-les-Bains (canton de Vaud, à environ 40 km à l'ouest du Vully), ce sont les mandibules et omoplates d'environ 35 bovidés qui ont été retrouvées dans le fossé défensif précédant un rempart du même type érigé vers 80 av. J.-C., déposées peu de temps avant le démantèlement de la fortification, une trentaine d'années plus tard. Ces deux pratiques, au cœur du territoire helvète, concernent des cérémonies qui lient la consommation de la tête (traces de découpe), [...]

KAENEL, Gilbert, CURDY, Philippe. Rituel bœuf sur l' oppidum du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse). Revue de Paléobiologie , 2005, vol. Spécial, no. 10, p. 237-242

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:116692

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Rituel bœuf sur l'oppidum du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse)

Gilbert KAENEL* & Philippe CURDY**

Résumé

La mâchoire inférieure complète d'un bovin a été mise au jour au cours des fouilles de!' oppidum du Mont Vully (canton de Fribourg, Suisse). Les deux mandibules avaient été déposées intentionnellement dans la fosse d'implantation d'un des poteaux de la fortification celtique édifiée vers 120 av. J.-C., disposées verticalement l'une à côté de l'autre. Cette disposition particulière, en plus avec une inversion gauche-droite, alliée à l'emplacement stratégique de la découverte, au pied d'une tour qui flanquait la porte principale de

!'oppidum, est rapportée à un rituel en relation avec la construction du rempart. A Yverdon-les-Bains (canton de Vaud, à environ 40 km à l'ouest du Vully), ce sont les mandibules et omoplates d'environ 35 bovidés qui ont été retrouvées dans le fossé défensif précédant un rempart du même type érigé vers 80 av. J.-C., déposées peu de temps avant le démantèlement de la fortification, une trentaine d'années plus tard. Ces deux pratiques, au cœur du territoire helvète, concernent des cérémonies qui lient la consommation de la tête (traces de découpe), l'exposition, la sélection de parties spécifiques et leur déposition devant un ouvrage défensif; elles pourraient illustrer des rites de« consécration» du remparl lors de sa construction dans le cas du Mont Vully, ou, à Yverdon, de« désacralisation» de l'ouvrage au moment de son arasement.

Mots-clés

Bovidés, mandibules, remparts, Helvètes, La Tène finale, banquets rituels.

Abstract

Ox sacrifice at the oppidum of Mont Vully (Canton of Fribourg, Switzerland).-The complete lower jaw of an ox was discovered during archaeological excavations of the oppidum of Mont Vully (Canton of Fribourg, Switzerland). The lwo mandibles were intentionally placed vertically, side by side and inverted left-right (i.e. not anatomically connected) in a post-hole of the Celtic fortification built around 120 BC. The distinctive arrangement of the bones in addition to their strategic location at the foot of a tower f!anking the main gate, suggests rituals relating to the construction of the rampart. At the site of Yverdon-les-Bains (Canton of Vaud), about 40 km to the west, the mandibles and scapulae of approximately 35 oxen were unearthed in a defensive trench, that pre-dates a rampart built around 80 BC, of the same type as that at Mont Vully. The deposit of these bones dates to around 50 BC, shortly before the levelling of the fortification. These two rituals in the heart of the Helvetii territory relate to a sequence of ceremonies starting with the consumption of the head (attested to by eut marks), the exposure of the animal, the selection of specific anatomical parts and their final deposition in front of a defensive construction. They possibly illustrate the consecration of the Mont Vully rampart during its edification and the deconsecration of the Yverdon-les-Bains rampart during its destruction.

Keywords

Ox, mandible, rampart, Helvetii, Late La Tène, banquet ritual.

«Lundi 24.08.81: [. .. ] a) secteur A:[. .. ]

partie S: 2 TP (na 2 et 6)

Contre le na 2, sous les pjerres d'étayC1.r:e [les pierres de la berme aménagée au pied du rempart] (contre le front du mur mais au-dessous du niveau des ]ères

dnllP.s), unP. mandihulP. dP. hnvidP., jnuxtant le poteau 2; dune pruhablement dans la fosse [. .. ] de ce poteau.»

C'est en ces termes, quelque peu hermétiques, que l'on trouve la mention de la découverte, durant la campagne

de l'été 19811, d'une mandibule de bovin (suivie d'une seconde) au cours des fouilles d'exploration conduites sur le rempart de l'oppidum du Mont Vully. Cette observation, effectuée lors du dégagement des vestiges de l'une des tours de la fortification, est consignée dans le Journal de fouilles, accompagnée d'une esquisse et d'une photo «Polaroïd»2 Nous illustrons ici un extrait du

1 II s'agissait d'un programme d'exploration du Mont Vully dans le cadre d'un projet du Fonds national suisse de la recherche scientifique (KAENEL et al., 2004).

1 Rappelons que la fouille a eu lieu avant l'introduction des micro-ordinateurs et autres appareils numériques ...

*

Musée cantonal d'archéologie et d'histoire, Palais de Rumine, CH-1005 Lausanne, Suisse.

E-mail: gilbert.kaenel@unil.ch

**

Musée cantonal d'archéologie, Rue des Châteaux 12, CH-l'J5() Sion, Suisse. é'-mail: philippe.curdy@admin.vs.ch

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plan du secteur d'où provient la trouvaille (secteur S32/

T4) (Fig. la) (KAENEL et al., 2004: fig. 114) complété par le plan schématique de la fortification et la photo d'une maquette de la reconstitution proposée de la porte flanquée de ses deux tours (Fig. 1 b-c) (KAENEL et al., 2004: fig. 212 et 213, complétées).

Les deux mandibules en question ont été transmises pour étude à Louis CHAIX avec l'ensemble des restes fauniques mis au jour dans les fouilles du Mont Vully, mais sans l'information relative à l'aspect assez singulier de ce dépôt, dont ! 'intérêt se dégagera plus tard au cours de l'élaboration de la documentation ...

LA FAUNE DE L'OPPIDUM DU MONT VULLY Lorsque Louis CHAIX étudie ces restes osseux, il y a une quinzaine d'année, nos deux mandibules (dûment inventoriées et marquées) figurent donc dans le «lot»

des 2387 fragments issus des fouilles, en règle générale dans un médiocre état de conservation. Sur 735 restes déterminables seulement, 179 sont attribuables au bœuf:

il s'agit «d'animaux de petite taille, entre 100 et 135 cm au garrot, d'une morphologie relativement gracile»

définissant un nombre minimum de six individus, soit la «deuxième espèce en pourcentage» sur le site, mais

«prédominant du point de vue alimentaire» (CHAIX, 2004: 243, 245).

Suite à l'étude archéologique publiée récemment, nous sommes en mesure de compléter ces informations: des six bœufs recensés, un individu a subi un traitement particulier, manifesté par un mode de dépôt singulier allié à des traces de découpe, observées d'ailleurs par Louis CHAIX dans son étude archéozoologique3.

LE CONTEXTE DE LA DÉCOUVERTE: UN REMPART CELTIQUE

Au plan de l'archéologie, nous avons affaire à une fortification de la fin de ! 'âge du Fer, un rempart à poteaux frontaux (Pfostenschlitzmauer) de la période de La Tène finale; construit vers 120 av. J.-C., il barre sur environ 600 m l'extrémité orientale du sommet du Mont Vully; la zone protégée par la fortification englobe une superficie d'environ 50 hectares. Si l'étude architect11rnle du rempart a apporté son lot d'informations précieuses sur l'art militaire de ses constructeurs, les Helvètes, le type d'occupation des lieux, entre la fin du

ne

et le milieu du 1er s. av. J.-C., est difficile à cerner. Selon les dernières interprétations, il faut renoncer à y voir un oppidum

3 «plusieurs prémaxillaires et fragments de maxillaire, ainsi qu'une branche horizontale de mandibule montrent de fines traces que nous attribuons à l'enlèvement de la peau» (CHAIX

2004: 245).

au sens restreint du terme, soit un site « proto-urbain » plus ou moins densément occupé (une «ville» en un mot); on estime plutôt être en présence d'un forteresse construite et entretenue pendant quelques générations par les occupants du territoire environnant. En plus d'un rôle défensif, le Mont Vully a donc pu jouer celui d'un centre de rassemblement dans le cadre de réunions politiques ou religieuses. En tout état rle cm1se, l<1 v<1leur de prestige de la fortification ne fait aucun doute et la dimension politique de ce lieu est renforcée par la découverte d'un coin monétaire sur le plateau, dans la zone protégée

(KAENEL et al. 2004: 227-229).

Revenons à notre bœuf. L'enfouissement des deux mandibules, suivant les observations effectuées sur le terrain, est donc contemporain de la construction du rem part dans sa phase la pl us ancienne (soit l'aménagement du parement externe 1), avec un front aligné sur différents poteaux, dont le poteau P2 concerné par le dépôt (voir Fig. la); sur le plan apparaît, légèrement en aval, une seconde ligne de poteaux (P4, P5 et P6), qui correspond à une réfection systématique du front (parement externe 2).

Contre ce premier parement, vers l'extérieur, une berme de plus d'un mètre de largeur et constituée de gros boulets morainiques servait à étayer le pied du rempart; c'est justement sous les pierres de cet aménagement qu'ont été découverts les restes osseux en question (Fig. 2). Au plan stratigraphique et chronologique, on peut donc affirmer au sujet de ce dépôt:

qu'il est postérieur à l'implantation du poteau P2 du front du rempart, un poteau en chêne de 70 cm de diamètre, mais aussi postérieur au comblement de la fosse d'implantation de ce poteau;

- qu'il est antérieur à l'installation de la berme aménagée contre le front du rempart et qui le recouvre;

- qu'il est donc strictement contemporain de la construction du rempart et correspond probablement à une étape avancée du chantier, alors que les poteaux sont déjà en place et calés, mais antérieure au montage du parement de pierres sèches, dans le secteur du poteau P2 du moins4

UN DÉPÔT VOTIF?

Tl est clair que ces deux mandibules, qui corrèspondent à une mâchoire inférieure complète de bovin, ne peuvent être considérées comme un simple rejet domestique dans une fosse à détritus; si l'on prend en compte le fait qu'aucun des autres poteaux analysés sur l'ensemble du rempart n'a livré d'os, fragmentaire ou complet, on ne peut douter de l'aspect «ritualisé» de ce dépôt.

Pensons également au contexte local très particulier: à la

• Selon les observations consignées dans le Journal de fouilles, citées en exergue.

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o.

226 228 230 232

.,_parement ext. 2...,.

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Fig. 1: a. Plan archéologique des structures du rempart à l'emplacement d'une «Casemate» interprétée comme la base d'une \our;

localisation du dépôt devant k poteau P2 du parement de la phase 1 du front (flèche) (d'après KAENEL et al., 2004, fig. 114. Ech. 1: 100).

J

Fossé

20m

r_-_-_:-_:-j

Limites de fouille Poteaux observés 0 Poteaux supposés

Fig. 1 : b. Plan général de la zone de la porte flanquée de ses 2 tours -«casemates»; localisation du dépôt à l'extérieur, au centre de la tour sud (flèche) (d'après KAENEL et al., 2004, fig. 214).

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'"-· ••

Fig. 1: c. La zone de la porte: fossé, rempart et localisation du dépôt (flèche) (Maquette H. LIENHARD, 1: 50; d'après KAENEL et al., 2004, fig. 213).

Fig. 2: Les deux mandibules de bovin in situ (d'après KAENEL et al., 2004, fig. 222).

construction d'un rempart comme celui du Mont Vully, une œuvre de prestige s'il en est, s'ajoute le fait que nous nous situons au cœur d'un dispositif architectural à valeur éminemment stratégique, soit à l'aplomb d'une tour qui jouxte une porte considérée comme l'accès principal au site. Toutes ces observations vont donc dans le sens d'un acte· volontaire, non aléatoire. Dernier indice, ces mandibules ont été disposées verticalement, donc calées dans le terrain (elles ne tiendraient pas sans appui dans cette position), mais surtout elles ont été interverties, la mandibule droite à gauche, la gauche à droite: geste intentionnel, méconnaissance anatomique ou simple distraction?

UN RITUEL LIÉ AU BŒUF

Au plan ostéologique, il s'agit d'un bœuf d'environ 5 ans (Fig. 3), dont les processus coronoïdes manquent5.

Les incisives font également défaut. On peut dès lors envisager que le crâne (ou la mâchoire) du bœuf en question a été au préalable exposé ailleurs, le temps du pourrissement des ligaments; le prélèvement des mandibules doit toutefois être intervenu alors que les os étaient encore en connexion anatomique, entraînant la perte ou l'enlèvement des incisives; en tout état de cause, ces dernières se sont séparées de la mâchoire avant la mise en place des mandibules au sommet de la fosse du poteau P2. Malgré l'aspect vermiculé de la surface del 'os, ùes lraces d'écorchage sont reconnaissables, impliquant la consommation des joues ou d'autres manipulations difficile à restituer, comme d'ailleurs, en dernier lieu, l'inversion gauche-droite ...

MONT VULLY - YVERDON-LES-BAINS

Cettedécouverteénigmatiqueestrestée ((oubliée'' jusqu'à la publication, en 2001(BRUNEITI,2001), d'unensemble de plusieurs dizaines de mandibules de bovins mises au jour dix ans auparavant à Yverdon-les-Bains. Ces dernières ont été découvertes dans le remplissage d'un fossé aménagé devant le front du rempart celtique; comme au Mont

Nous tenons à remercier Patrice MÉNJEL et Jacqueline STUDER pour ces informations.

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b

Fig. 3: Les deux mandibules du dépôt a. Vue médiale

b. Vue latérale

c et d. Vue ventrale. Traces de découpe à la base du corps des mandibules gauche (c) et droite (d). (Photo FIBBl-AEPPLI, Grandson).

Vully, il s'agit d'un «Pfostenschlitzmauer», précisément daté par la dendrochronologie de 82-81 av. J.-C., soit plus jeune d'une quarantaine d'années. Ici, le dépôt compte 38 mandibules, 18 droites et 20 gauches, ainsi que des omoplates (scapula), fragmentées contrairement aux premières; l'étude de Claude OuvE (OuvE, in BRUNETTI, 2001: 31) précise en outre qu'une seule mandibule par animal a été sélectionnée, au contraire de ce que l'on observe au Mont Vully; de plus, certains bœufs sont issus d'un même élevage, à deux exceptions près semble-t-il.

Les traces de découpe indiquent que les joues et la langue ont été consommées. Relevons enfin que la masse carnée représentée par ces quelques 35 individus atteint près de 3 tonnes!

A Yverdon-les-Bains, on associe en outre au dépôt une statue èn chêne, datée d'après 68 avant J.-C. (dernier cerne mesuré, non loin de l'aubier): il s'agit d'un buste masculin, de 70 cm de hauteur, vêtu d'une tunique et

portant au cou un torque, un s.econd dans la main droite.

Sans reprendre ici l'interprétation de ces statues en bois que l'on propose, en particulier dans le cas de Genève ou Villeneuve, d'assimiler à des divinités topiques ou des héros divinisés (WYSS, 1979; HALDIMANN, 2001), il faut reconnaitre que le _simple fait de retrouver celle d'Yverdon «jetée» dans Un fossé avr.\. œs restes de bovins, renforce le caractère rituel de la déposition. Ces événements se sont déroulés aux environs du milieu du 1•r s. av. J.-C., probablement peu de temps avant l'arasement du rempart.

Mutatis mutandis, même si ces deux dépôts ne procèdent pas de rites strictement identiques, on peut noter plusieurs points communs:

- tous deux sont associés aux éléments d'une fortification celtique: fosse d'un poteau devant le front du rempart au Mont Vully, fossé «défensif» devant le rempart à Yverdon-les-Bains;

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- tous deux sont situés hors les murs: sous la berme au Mont Vully, dans un fossé à Yverdon;

- tous deux se trouvent à proximité d'une porte d'accès à l'oppidum, qui plus est devant le poteau central d'une tour bordant la porte principale du Mont Vully;

- les deux dépôts impliquent un animal domestique de prestige, le bœuf;

- tous deux s'intègrent enfin à des cérémonies liant la consommation de la tête (traces de découpes, prélèvement des joues, de la langue), 1 'exposition et la sélection de parties spécifiques, soit les mandibules dans les deux cas; ajoutons pour Yverdon la consommation et la dépose d'épaules de bœuf également.

Des différences notables doivent cependant être signalées:

- si, au Mont Vully, on est en présence d'une manifestation modeste, où un seul individu a été consommé, à Yverdon-les-Bains en revanche, les restes de quelque 35 bovidés correspondent probablement à plusieurs cérémonies de type banquet collectif dont les reliefs, laissés dans un premier temps à l'air libre (traces de morsures de chien), auraient été finalement regroupés et déposés dans un tronçon choisi du fossé;

au Mont Vully enfin, on songe à un rituel de

«consécration», organisé de manière ponctuelle au moment de l'érection d'un rempart, alors qu'à Yverdon-les-Bains on pourrait plutôt envisager une série de pratiques intervenant au moment de la

't. désacralisatiom} de la fortification et précédant de peu son démantèlement.

EN RÉSUMÉ, AU-DELÀ DES FAITS RECONNUS

Un des six bœufs au moins représentés dans la faune du Mont Vully a subi un traitement particulier, manifesté notamment par les traces de découpe observées par Louis CHAIX (2004: 243, 245) et un mode de dépôt particulier dans la fosse d'un poteau du rempart; de ce traitement on ne perçoit que l'aboutissement. Tentons malgré tout de restituer certaines étapes d'un rituel que l'on pourrait interpréter comme un sacrifice de consécration lié à la construction d'un ouvrage de prestige: en premier lieu intervient la mise à mort de l'animal sélectionné, suivi d'un festin au cours duquel sont consommés des morceaux choisis de viande; puis a lieu l'exposition du crâne et/ou de lu mâchoire encore en connexion, à l'air libre et pour une durée de quelques semaines ou quelques mois; le dernier acte, le prélèvement des mandibules et leur déposition devant la tour en construction, se µlace entre le moment où est mise en place la ligne de poteau verticaux et le début du montage du parement de pierres sèches. Nous n'osons guère poursuivre la réflexion sur des bases si fragiles. Au sujet de l'espèce représentée, on peut simplement se demander si l'on se situe dans le cadre de rituels commensaux liés au bœuf ou dans

celui de pratiques sacrificielles et plus spécifiquement chthoniennes, pour reprendre la distinction retenue notamment à propos du célèbre sanctuaire de Gournay- sur-Aronde et d'autres espaces à vocation cultuelle (BRUNAUX, 2000: 132 SS.; MÉNIEL, 2001; ARCELIN &

BRUNAUX, 2003). Mais n'oublions pas non plus la variété des goûts alimentaires et la force des traditions r~gionales

qui peuvent intervenir dans ces choix; nous sommes en territoire helvète et non chez les Bellovaques de la Gaule Belgique6 ••.

RÉFÉRENCES

ARCELIN, P. & J.-L. BRUNAUX (dir.)(2003) - Cultes et sanctuaires en France à l'âge du Fer. Ga/lia, 60: 1-268.

BRUNAUX, J.-L (2000) -Les religions gauloises (V-1" siècles av.

1.-C.); nouvelles approches sur les rituels celtiques de la Gaule indépendante. Ed. Errance, Paris.

BRUNETTI, C. (2001) - Statue et mandibules, un dépôt votif de l'âge du Fer à Yverdon-les-Bains? Archéologie suisse 24 (4): 24-33.

CHAIX, L. (2004) - La faune du Mont Vully. ln: KAENEL, G, P. CuRDY & F. CARRARD (Eds). L'oppidum du Mont Vully, un bilan des recherches 1978-2003. Archéologie fribourgeoise, 20: 243-249.

HALDIMANN, M.-A. (2001) - La statue monumentale du port celtique de Genève. In: FLUTSCH, L. (dir.). Vrac, l'archéologie en 83 trouvailles, hommage collectif à Daniel Paunier. L'lusanne: 90-91.

KAENEL, G., PH. CuRDY & F. CARRARD (2004) - L'oppidum du Mont Vully, un bilan des recherches 1978-2003.

Archéologie fribourgeoise, 20.

MËNIEL, P. (2001) -Les Gaulois et les Animaux. Élevage, repas et sacrifice. Ed. Errance, Paris.

Wvss, R. (1979) - La statue de Villeneuve. Helvetia Archaeologica, 10 (38): 58-67.

6 Nous n'avons pas poursuivi une recherche de parallèles dans d'autres régions; signalons simplement les ossements, dont des mâchoires de bovidés, disposés dans une petite fosse en bordure de voie sur le site du Petit Chauvort à Verdun-sur- le-Doubs (Saône-et-Loire), en territoire éduen (BARRAL, in:

ARCELIN & BRUNAUX, 2003, 163-164, fig.83).

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